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Imperial Oil Resources Ltd. c. Canada ( Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien )

T-151-97

juge Rothstein

16-12-97

27 p.

Contrôle judiciaire de la décision du ministre prise en vertu du Règlement sur le pétrole et le gaz des terres indiennes-Entre le 1er août 1979 et le 31 décembre 1985, le prédécesseur en titre de la requérante, TCRL, louait et exploitait une usine de production de gaz à Bonnie Glen (Alberta) dans la réserve de Pigeon Lake-TCRL vendait à la sortie de l'usine des dérivés du gaz à une de ses sociétés affiliées TCI-TCI s'engageait à faire la mise en marché des dérivés du gaz et à payer à TCRL 95 % du prix de vente en aval, net à la sortie de l'usine de Bonnie Glen (c'est-à-dire après déduction des frais de transport et autres engagés au-delà de ce point)-Le paiement de 95 % du prix de vente net de TCI tenait compte d'une réduction de 5 % faite par TCI, au titre des frais de commercialisation, sur le prix de vente final-Les redevances étaient calculées sur le prix à la sortie de l'usine, c'est-à-dire sur 95 % du prix de vente de TCI net à la sortie de l'usine-De l'avis du directeur exécutif de Pétrole et Gaz des Indiens du Canada (PGIC), les frais de commercialisation de 5 % n'auraient pas dû être déduits avant le calcul des redevances-Il a effectué une vérification officielle des prix des dérivés du gaz avant le 1er janvier 1986-Après une révision effectuée en vertu de l'art. 57(2) du Règlement, le ministre a conclu que le directeur exécutif de PGIC avait le droit d'examiner les dossiers de TCRL et de TCI antérieurs à 1986, et il aussi statué que les frais de commercialisation de 5 % avaient été déduits à tort-Il semble que, d'après l'entente, TCI devait vendre les produits «en aval» à un «prix concurrentiel» ou à des prix qui pouvaient être obtenus «dans une vente sans lien de dépendance»-Les déductions devaient être faites sur ces prix correspondant à la juste valeur marchande pour établir le prix que devait toucher TCRL au «point de livraison» (à la sortie de l'usine)-Ces déductions comprenaient les frais de transport engagés par TCI et les taxes (autres que l'impôt sur le revenu) qui étaient imposées sur les produits après la sortie de l'usine-Le prix de vente réel de TCRL devait donc correspondre à 95 % du prix de vente réalisé par TCI, net au point de livraison, afin de permettre à TCI de couvrir ses frais de commercialisation de 5 %, ainsi que les frais de transport, les taxes et autres dépenses engagées après la sortie de l'usine-Le directeur exécutif et le ministre ont traité TCRL et TCI comme une seule entité-S'appuyant sur l'art. 2(2) et (4) de l'annexe I du Règlement, ils ont donc traité le prix de vente en aval de TCI comme s'il s'agissait du prix de vente réel de TCRL et les frais de commercialisation de 5 % comme s'il s'agissait d'une dépense de TCRL-Comme il ne s'agissait manifestement pas de frais de traitement, ces frais de commercialisation ne pouvaient être déduits aux fins du calcul des redevances en vertu de l'art. 2(4)-D'après leur interprétation des mots «sans aucune déduction, sauf pour ce qui figure au paragraphe (4)», se trouvant à l'art. 2(2), ils ont conclu que les frais de commercialisation ne pouvaient être déduits aux fins du calcul des redevances-Le ministre n'a pas donné d'autres raisons de fond qui l'ont amené à conclure que les frais de commercialisation de 5 % devaient être éliminés, à l'exception de son affirmation selon laquelle le dossier indique clairement que le prédécesseur de la Pétrolière Impériale a déduit à tort des frais de commercialisation de 5 %-Il semble que le directeur et le ministre ont jugé que la méthode utilisée par la Couronne de l'Alberta (qui ne reconnaît pas les frais de commercialisation de 5 % aux fins du calcul des redevances dans des opérations oú elle agissait comme locateur de terres utilisées pour l'extraction du gaz naturel) était un précédent qui devait être suivi dans les cas oú la Couronne fédérale louait les terres-Il est difficile d'accepter cette explication fondée sur le précédent étant donné qu'elle ne tient pas compte du fait que la Couronne de l'Alberta a négocié et conclu une entente contractuelle, ni du fait que TCRL a accepté, contre valeur, d'éliminer du calcul des redevances la déduction de 5 % au titre des frais de commercialisation-PGIC n'a pas le droit de refuser après le fait la déduction des frais de commercialisation de 5 %-La Couronne albertaine a accepté certains risques que PGIC n'assumait pas à l'époque-La Couronne fédérale cherche à profiter d'un avantage au niveau du prix que la Couronne albertaine a obtenu, sans toutefois accepter les risques que l'Alberta a pris, simplement parce que la Couronne albertaine a négocié ce que la Couronne fédérale juge maintenant comme une entente plus favorable que les arrangements prévus au Règlement-Il n'y a rien dans le Règlement qui autorise PGIC à bénéficier des avantages dont profite la Couronne de l'Alberta-Le précédent établi par la Couronne de l'Alberta ne peut justifier l'élimination des frais de commercialisation de 5 %-Même si elle reconnaît que l'exploitant n'était pas autorisé par le Règlement à déduire des frais de commercialisation et que le calcul des redevances a été fixé à 95 % du prix de vente net à la sortie de l'usine, la requérante ne reconnaît pas que la déduction des frais de commercialisation de 5 % est inappropriée-Le Règlement ne peut justifier qu'on ait traité TCRL et TCI comme une seule entité de façon que les frais de commercialisation de TCI soient considérés comme une dépense de TCRL-La règle ordinaire est qu'une société est une entité juridique distincte de ses actionnaires-Il n'y a pas de preuve qu'on a utilisé deux entités juridiques distinctes, soit TCRL et TCI, pour échapper à l'intention et au but du Règlement ou pour projeter une fausse image d'indépendance entre TCRL et TCI-Il ne s'agit pas d'un cas oú les circonstances sont si convaincantes qu'elles justifient d'écarter la règle ordinaire-Quand le législateur a l'intention de traiter des sociétés affiliés comme une seule entité, il le dit expressément-Il n'y a rien dans le Règlement qui autorise le ministre ou PGIC à traiter des entités juridiques distinctes comme s'il s'agissait d'une seule personne morale-La tentative de considérer TCRL et TCI comme une seule entité entraîne une incohérence dans le traitement des charges engagées après la sortie de l'usine-Dans la modification apportée en 1994 au Règlement, on traitait pour la première fois de la question des frais après la sortie de l'usine-L'existence d'une obligation fiduciaire entre la Couronne fédérale et les premières nations ne donne pas à PGIC, au ministre ou à la Cour le pouvoir d'inclure des mots dans le Règlement-L'art. 21(7) du Règlement traite expressément des opérations entre parties liées et y apporte une solution-Si le directeur exécutif est d'avis que le prix de vente sera inférieur à la juste valeur marchande, il est autorisé à préciser la valeur monétaire réalisable si la vente s'effectuait de façon sérieuse au moment et à l'endroit de la production au cours d'une opération sans lien de dépendance, et le locataire devrait alors payer la différence entre la juste valeur marchande et le prix de vente-Si le directeur exécutif était d'avis que la déduction des frais de commercialisation de 5 % du prix de vente en aval réduisait le prix de vente à la sortie de l'usine à un niveau inférieur à la juste valeur marchande, il devait avoir recours à l'art. 21(7)-Pour une raison qui n'a pas été expliquée, le directeur exécutif et le ministre ont délibérément évité d'invoquer le recours dont ils pouvaient se prévaloir pour traiter des opérations entre parties liées, en optant plutôt pour une stratégie qui n'est pas autorisée par le Règlement-La vérification soulève deux questions: (1) PGIC avait-elle le droit de faire cette vérification?; (2) la vérification effectuée englobe-t-elle les sociétés affiliées d'un exploitant?-Pour les mêmes raisons qui empêchent de considérer les sociétés affiliées et les exploitants comme une seule entité dans le but de traiter le prix de vente d'une société affiliée comme le prix de vente de l'exploitant et les charges de la société affiliée comme celles de l'exploitant, le directeur exécutif de PGIC ne peut vérifier les dossiers des sociétés affiliées d'un exploitant-Il n'y a pas de disposition expresse dans le Règlement lui permettant d'agir ainsi et celui-ci est plutôt à l'effet contraire-L'art. 42(1)b) autorise l'examen des dossiers d'un exploitant, soit au chantier ou au bureau de ce dernier-Le pouvoir conféré au directeur exécutif en vertu de l'art. 21(7) a pour but d'établir ce qui constitue la juste valeur marchande au regard du prix de vente réel de l'exploitant-La juste valeur marchande est une donnée que l'on obtient en consultant les prix du marché-Le prix de vente réel de l'exploitant peut être obtenu de l'exploitant lui-même-Aucune de ces opérations n'exige la consultation de dossiers d'une partie liée-L'absence, à l'art. 21(7), d'une référence à l'accès aux dossiers de personnes autres que l'exploitant appuie cette position-Il existe dans le Règlement un plan détaillé de tenue des dossiers-Le gouverneur en conseil a été explicite en déléguant au directeur exécutif le pouvoir d'exiger et d'examiner les dossiers-Si le législateur avait eu l'intention d'autoriser une vérification, il l'aurait dit expressément-Le verbe «examiner» n'inclut pas le verbe «vérifier»-Il est d'une certaine importance de noter que la période pertinente en l'espèce remonte à quelque 12 à 18 ans-Le Règlement n'envisage pas de vérification formelle des anciens dossiers-La pratique antérieure n'aide pas à interpréter la portée du Règlement-L'obligation fiduciaire ne peut justifier la modification du sens d'un texte législatif relativement clair, particulièrement quand une telle modification introduirait un élément d'incertitude dans les ententes commerciales mettant en cause les Indiens ou les terres indiennes-Le gouverneur en conseil a le pouvoir de modifier le Règlement à n'importe quel moment pour conférer un pouvoir de vérification au directeur exécutif et imposer à l'exploitant l'obligation de tenir des dossiers pour une période précise-Le Règlement confère au directeur exécutif le droit d'inspecter les dossiers existants, mais non pas le droit d'effectuer une vérification-Le droit d'inspection suppose qu'un exploitant doit tenir des dossiers pendant une période raisonnable-Il aurait été plus pratique pour le directeur exécutif d'effectuer d'abord un examen et ensuite de demander d'autres renseignements-Règlement de 1995 sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, DORS/94-753, art. 57(2)-Règlement sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, C.R.C., ch. 963, art. 2, 21, 42, annexe I, art. 2.

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