Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Storry c. Canada ( Directeur, établissement William Head )

T-2381-96

juge Wetston

16-12-96

20 p.

Transfèrements-Demande de contrôle judiciaire d'une recommandation formulée par le directeur de l'établissement William Head, et de la décision du sous-commissaire, région du Pacifique, Service correctionnel du Canada, de transférer le requérant à l'établissement de Mission, les deux établissements étant situés en Colombie-Britannique, sans modification du classement de sécurité du requérant-La décision était fondée sur un renseignement informant les autorités que le requérant et un autre détenu projetaient de s'évader, et qu'il se livrait à la contrebande de bijoux et de drogue afin de financer son évasion-Alors que l'épouse du requérant quittait l'établissement, les autorités ont trouvé sur elle un bracelet en argent-Le requérant a été informé du type d'évasion dont on lui prêtait le projet, de l'identité des personnes censées l'accompagner dans sa fuite, des liens entre le trafic de drogue et de bijoux qu'on lui reprochait et le projet d'évasion-Le requérant a eu l'occasion de répondre aux allégations-La demande est accueillie-Deux grandes questions se posent: le requérant a-t-il eu une occasion effective et raisonnable de répondre aux allégations fondant la décision de transfèrement imposé?; à supposer que les exigences de l'équité procédurale aient été effectivement respectées, la décision demeure-t-elle néanmoins manifestement déraisonnable?-Le requérant n'ayant subi aucune perte de sa liberté résiduelle, il n'y a pas lieu de faire jouer l'art. 7 de la Charte-Si les tribunaux doivent hésiter à s'immiscer dans les décisions administratives prises par les autorités carcérales en vue de transférer un détenu d'un établissement à un autre, ou d'un régime de sécurité à un autre, l'équité procédurale exige qu'un détenu soit informé des raisons pour lesquelles on entend prendre telle ou telle décision, et qu'il ait l'occasion de présenter ses observations concernant ces raisons, et pose la question, plus large, de savoir si la décision en question est souhaitable ou nécessaire au maintien de l'ordre et de la discipline dans l'établissement-On ne trouve dans la Loi ou dans le Règlement aucune distinction entre un transfèrement opéré entre deux établissements de niveaux de sécurité différents et un transfèrement entre établissements de même catégorie, qui permettrait de conclure à une différence au niveau des obligations qu'impose l'équité procédurale-Étant donné qu'il s'agit d'un transfèrement imposé, l'obligation de fournir à l'intéressé l'occasion d'être entendu s'applique et doit être effectivement respectée-Il incombe toujours aux autorités d'établir qu'elles n'ont refusé de transmettre que les renseignements dont la non-communication est strictement nécessaire pour protéger l'identité d'un informateur-En dernière analyse, il s'agit de déterminer non pas s'il existe des motifs valables de refuser de communiquer ces renseignements, mais plutôt si les renseignements communiqués permettent à la personne concernée de réfuter la preuve présentée contre elle-En l'espèce, on n'a pas fourni au requérant suffisamment de renseignements pour justifier la recommandation de transfèrement-Le directeur n'a pas donné la moindre indication permettant de savoir pourquoi il avait jugé que le renseignement qui lui avait été communiqué était fiable, si ce n'est que la GRC avait, elle aussi, décidé que l'information était digne de foi-Aucun élément démontrant que cette fiabilité avait été confirmée par une enquête indépendante ou un recoupement avec des renseignements provenant de sources indépendantes-Le directeur n'a pas fourni la moindre explication sur la question de savoir pourquoi une personne qui est manifestement revenue sur ses déclarations antérieures concernant le prétendu complice du requérant, principalement parce qu'elle souhaitait se venger de lui, pourrait continuer à être considérée comme une informatrice digne de foi-Ses déclarations concernant le fait que les frères du requérant devaient aider celui-ci à s'évader en lui fournissant un bateau ont été réfutées par les informations fournies par les frères du requérant-Un des frères était en fait sous les verrous à l'époque en question-Aucun des frères n'a été interrogé par la GRC, ni par les autorités pénitentiaires-Compte tenu de tous les éléments, la décision du directeur était manifestement déraisonnable-Il n'y a pas lieu de délivrer un bref de habeas corpus, mais la décision est annulée et renvoyée pour nouvel examen.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.