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Francoeur c. Canada

T-2153-87

juge Wetston

16-5-94

54 p.

Action en dommages-intérêts généraux et punitifs par suite des agissements de la défenderesse dans le cadre de l'administration et de l'application de la Loi sur les douanes-Les demandeurs louaient des vidéocassettes d'une société américaine pour les louer à des franchisés-De février 1983 à avril 1984, les demandeurs ont importé des vidéocassettes en se fondant sur la valeur résiduelle déclarée plutôt que sur la juste valeur marchande (JVM) à la suite de ce qui serait des renseignements erronés de la part des fonctionnaires des douanes-8 160 cassettes ont été saisies des franchisés-Les demandeurs ont été accusés d'importation illégale et de falsification de documents des douanes-Ils ont été libérés à la suite de l'enquête préliminaire-Ils font valoir que leur entreprise a été détruite par les agissements de la défenderesse et que le demandeur qui est une personne physique a été forcé de déclarer une faillite personnelle-L'art. 134(2) prévoit que lorsqu'il est entré, l'agent des douanes peut saisir tous les effets «qu'il a raisonnablement lieu de croire sujets à confiscation»-L'art. 160 dit que l'agent des douanes «doit immédiatement faire rapport sur les circonstances des cas au sous-ministre» lorsque des effets sont saisis-L'art. 192 prévoit que si quelqu'un tente de frauder le revenu en évitant de payer les droits sur les marchandises, celles-ci seront saisies et confisquées-(1) L'agent des douanes avait-il le pouvoir discrétionnaire de saisir les vidéocassettes et, dans l'affirmative, a-t-il exercé ce pouvoir de façon fautive?-(2) A-t-il abusé du pouvoir conféré par la loi dans l'exécution de ses fonctions aux termes de l'art. 160?-(3) Les saisies effectuées sans mandat sont-elles incompatibles avec l'art. 8 de la Charte (le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives)?-L'action est rejetée-(1) La mens rea constitue un élément essentiel de l'infraction prévue à l'art. 192-Les demandeurs font valoir qu'en l'absence d'intention de frauder les Douanes, il ne peut y avoir de mens rea-L'art. 134(2) impose une norme objective applicable au caractère raisonnable-Comme les demandeurs n'ont pas établi l'existence de fausses déclarations, orales ou écrites, relativement à la valeur en douane de la part du fonctionnaire des douanes, l'agent des douanes avait suffisamment de renseignements objectifs, après une rencontre de 4 heures avec le demandeur qui est une personne physique, pour conclure qu'il était nécessaire de poursuivre l'enquête-Bien que l'art. 192 impose la saisie, les politiques gouvernementales en matière d'exécution incitent à en assouplir l'application-L'agent des douanes n'a saisi les cassettes que lorsqu'il a craint de perdre le contrôle des intérêts de la Couronne-Il en est arrivé à bon droit à la conclusion que des sous-évaluations délibérées avaient été commises aux termes de l'art. 192-Il n'a pas agi illégalement lorsqu'il a saisi les vidéocassettes dans l'exercice de ses fonctions-Les dispositions législatives comportent un vice de procédure important car l'enquêteur a le pouvoir d'imposer la pénalité qu'il estime appropriée-L'agent des douanes avait des motifs raisonnables de croire que les vidéocassettes pouvaient faire l'objet d'une confiscation et les saisies ne sont pas illégales-Les saisies étant légales, l'agent des douanes n'a pas commis de délit dans l'exercice de ses fonctions lors de ces saisies-(2) Dans l'action relative à l'exercice abusif du pouvoir, le demandeur doit démontrer que le défendeur a agi avec malveillance ou avec l'intention de nuire ou sans être autorisé à prendre la mesure qu'il a prise-L'abus d'autorité comporte l'intention délibérée de causer un préjudice-M. Pearson était conscient que les saisies pourraient nuire aux demandeurs, mais il n'avait pas l'intention de les acculer à la faillite et il n'était animé d'aucun motif inapproprié-Il n'a pas agi avec malveillance ni dépassé les limites de son pouvoir légal-Il n'y a pas eu abus d'autorité à l'égard des saisies-L'agent des douanes doit «immédiatement faire rapport sur les circonstances du cas au sous-ministre» à compter du 7 mai 1984, date de l'ordre de retenue K-5, qui constituait une détention-La délivrance de la formule K-9, avis de saisie, marque le début d'un examen au sein de la Division de l'arbitrage au nom du ministre-L'arbitrage vise à atténuer les conséquences des saisies et confiscations-Un retard de cinq mois à faire rapport à la Division de l'arbitrage n'équivalait pas à faire rapport «immédiatement» au sens l'art. 160-L'examen était foncièrement inéquitable car l'agent des douanes a déposé deux rapports distincts auprès de la Division de l'arbitrage, et ni l'un ni l'autre n'a été remis aux demandeurs avant les interrogations préalables-Le rapport de l'agent des douanes était incomplet, quelque peu inexact-En l'absence de la preuve qu'il y a eu malveillance ou que les mesures ont été prises sciemment sans autorité légale, le délit de l'abus d'autorité ne peut être établi-La combinaison de mesures d'exécution pénales et d'amendes civiles par l'enquêteur indique les lacunes possibles de la fonction de production des rapports-Un recours en droit public serait peut-être plus approprié qu'un recours en droit privé fondé sur l'abus d'autorité-La Cour aurait pu exercer le pouvoir discrétionnaire prévu à l'art. 163 différemment, mais cette possibilité ne permet pas d'imputer une responsabilité-Même si la procédure comporte certaines failles, il n'y a pas eu abus d'autorité aux termes de l'art. 160-(3) La saisie sans mandat des marchandises confisquées à l'intérieur du pays en l'absence de circonstances urgentes est incompatible avec l'art. 8 de la Charte-L'art. 8 vise à protéger les attentes raisonnables en matière de vie privée contre l'ingérence de l'État-L'objet de l'art. 192 est d'assurer le respect de la Loi sur les douanes-Les confiscations ont résulté de l'application de la Loi-Il ne peut y avoir d'attente raisonnable en matière de vie privée lorsqu'il s'agit de la saisie de vidéocassettes confisquées en application d'une loi-En l'absence d'attente raisonnable en matière de vie privée, l'art. 8 ne s'applique pas-L'action en dommages-intérêts vise essentiellement la perte de revenus futurs-L'évaluation du préjudice devrait comprendre un montant représentant la valeur des biens et la perte des profits futurs-Un dédommagement raisonnable, fondé sur la perte d'une entreprise en activité qui aurait compté 28 franchisés en 1988 si la défenderesse n'avait pas agi comme elle l'a fait, est fixé à 734 000 $-La conduite de la défenderesse n'était pas suffisamment grave pour justifier l'octroi de dommages-intérêts punitifs-Dans la mesure oú les demandeurs ont obtenu une indemnité fondée sur la responsabilité délictuelle aux termes de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et du contentieux administratif, ils ont droit à des intérêts avant jugement, car le droit de recouvrer ce montant aurait existé si le présent jugement avait été rendu avant les modifications apportées aux art. 36 et 37 de la Loi sur la Cour fédérale entrées en vigueur le premier février 1992-L'art. 43c) de la Loi d'interprétation prévoit expressément que la modification ou l'abrogation d'une loi ne peut toucher des droits existants-L'adoption des art. 36 et 37 de la Loi sur la Cour fédérale ne prive pas les demandeurs de leur droit à des intérêts avant jugement en l'absence d'une disposition explicite énonçant le contraire-Le droit d'action étant né en Colombie-Britannique, les intérêts avant jugement doivent être calculés conformément à la loi applicable dans cette province-Si la Cour avait conclu à la responsabilité de la défenderesse, des intérêts avant jugement auraient été accordés à compter de la date de naissance du droit d'action en 1984-Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, ch. C-40, art. 2, 36, 134, 160, 161, 162, 163, 192-Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, n[CF4][CAD176][RC] 44], art. 8-Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 43c)-Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 336 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 9), 37 (mod., idem)-Loi sur la responsabilité civile de l'État et du contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 20), art. 3-Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1979, ch. 76, art. 1 (mod. par S.B.C. 1982, ch. 47, art. 2).

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