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Mahmoud c. Canada ( Ministre de l'Emploi et de l'Immigration )

A-237-92

juge Nadon

26-10-93

17 p.

Demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a statué que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention-Le requérant est né en Érythrée, une province de l'Éthiopie-Depuis 1961, il existait une «guerre continue» entre le gouvernement éthiopien et l'Eritrean Liberation Front (l'ELF), dont le requérant était membre-En 1974, l'armée éthiopienne a saisi le pouvoir par suite de l'accroissement des activités des guérilleros érythréens-Après avoir échappé aux soldats éthiopiens en mai 1975, le requérant s'est enfui en Arabie saoudite, oú il a travaillé jusqu'en 1991, lorsque son permis de travail n'a pas été renouvelé-Le 8 février 1991, il est arrivé au Canada par Fort Erie-En juillet 1991, par suite du renversement du régime militaire, un gouvernement transitoire éthiopien a été formé sous la direction de l'Ethiopian People's Revolutionary Democratic Front (l'EPRDF)-Le but visé par l'Eritrean People's Liberation Front (l'EPLF), qui contrôle l'Érythrée, est la sécession de cette province, mais l'EPLF s'est engagé à ne pas faire sécession avant la tenue d'un référendum en 1993-Le requérant a revendiqué le statut de réfugié du fait de sa nationalité, de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social-Alors qu'il était en Arabie saoudite, il était resté actif dans l'ELF-Il a fait savoir que l'EPLF le considérait comme un ennemi-La Commission a statué que la seule question à trancher était de savoir si un changement important s'était produit dans la situation existant en Éthiopie et en Érythrée-Elle a conclu que la crainte qu'éprouvait le requérant à l'égard des forces armées éthiopiennes était atténuée par le changement de circonstances en Éthiopie et en Érythrée, à savoir la chute du régime militaire-Elle a conclu que la crainte du requérant d'être persécuté par l'EPLF n'était pas objectivement justifiée-Le requérant prétend que le changement de circonstances doit être permanent, officiel, efficace et durable-Il soutient que la Commission ne pouvait pas conclure que le changement de gouvernement était permanent, étant donné que le gouvernement transitoire avait été formé en juillet 1991 seulement et que l'audience avait eu lieu en août 1991-Il soutient également que puisque l'EPLF a établi un État de facto en Érythrée, la Commission aurait dû considérer sa nationalité érythréenne comme une question litigieuse au lieu d'examiner l'Éthiopie dans son ensemble-Demande accueillie-La Commission a commis une erreur de droit en n'appliquant pas le critère approprié dans l'examen du changement de circonstances-La conclusion selon laquelle les changements de circonstances étaient de nature durable ne pouvait certainement pas être fondée sur la preuve dont la Commission disposait-Le critère approprié, en ce qui concerne le changement de la situation existant dans un pays, est énoncé par James Hathaway dans The Law of Refugee Status (Toronto: Butterworths, 1991)-(1) Le changement doit avoir une grande importance politique, en ce sens que la structure du pouvoir dans laquelle la persécution était réputée être une possibilité réelle n'existe plus-(2) Il doit y avoir lieu de croire que le changement politique important est vraiment efficace-(3) On doit prouver que le changement de circonstances est durable-Ce critère est proposé dans le contexte de la perte du statut de réfugié au sens de la Convention, mais la nature des circonstances changeantes s'applique également dans le contexte d'une demande d'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention-L'essence du critère énoncé par Hathaway est adoptée dans Cuadra c. Canada (Solliciteur général) (1993), 157 N.R. 390 (C.A.F.) et dans Ahmed c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 156 N.R. 221 (C.A.F.)-La Cour ne souscrit pas à l'avis exprimé dans Boateng et autre c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 65 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.), dans lequel le critère proposé par Hathaway a été rejeté, et dans Tawfik c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 93-A-311, juge MacKay, jugement en date du 23-8-93, 5 p., C.F. 1re inst., encore inédit, dans lequel on a souscrit à l'avis exprimé dans Boateng-Le critère formulé par Hathaway ne s'oppose pas au raisonnement adopté par le juge Pratte, J.C.A., dans Mileva c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 398 (C.A.)-Le juge Pratte dit que la Cour doit déterminer si le changement de circonstances est tel que le requérant a, «au moment oú l'on statue sur sa revendication, des motifs sérieux de craindre d'être persécuté dans l'avenir»-On ne saurait déterminer qu'il n'existe plus de motifs de craindre d'être persécuté dans l'avenir, à moins que le changement de circonstances, évalué au moment de l'audience tenue par la Commission, ne soit important, efficace et durable-Une période raisonnable doit s'écouler pour permettre au juge des faits d'évaluer le changement de circonstances et ses conséquences-Étant donné qu'un gouvernement transitoire a été formé en Éthiopie en juillet 1991, et que la Commission a entendu le requérant en août 1991, la Commission n'a pu conclure que le changement de circonstances était de nature durable-La preuve n'étaye pas la conclusion selon laquelle les changements étaient importants et efficaces selon le point de vue du requérant-Le changement de circonstances en Éthiopie et en Érythrée ne satisfait à aucune des exigences du critère proposé par Hathaway-La Cour ne souscrit pas non plus à l'avis exprimé dans Villalta c. Canada (Solliciteur général), A-1091-92, juge Reed, jugement en date du 8-10-93, 9 p., C.F. 1re inst., encore inédit, dans lequel le critère d'Hathaway a été accepté, sauf quant à l'étendue de la preuve devant être produite-Le juge Reed a statué que le degré de preuve est nécessairement plus élevé dans un cas de perte de statut puisque l'objectif ultime est d'enlever à une personne son statut de réfugié au sens de la Convention-Il importe peu qu'il s'agisse d'un cas de perte de statut ou d'une demande d'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention-Le facteur déterminant est que la décision selon laquelle il y a eu un changement dans la situation d'un pays signifie que la personne en cause sera renvoyée dans son pays d'origine-Le demandeur de statut ne devrait pas se trouver dans une situation moins favorable que celle qui est en cause dans une audition relative à la perte du statut-Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1).

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