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DROIT MARITIME

Pratique

Royal and Sun Alliance du Canada, société d'assurances c. Renegade III (Le)

T-1396-01

2001 CFPI 1050, protonotaire Hargrave

25-9-01

15 p.

Par la présente requête, les défendeurs, qui sont propriétaires du navire en cause, cherchent à obtenir une suspension totale ou partielle de l'instance engagée devant la Cour fédérale au motif qu'ils ont déposé devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique une action personnelle dans laquelle ils demandent le paiement du solde de l'indemnité qu'ils ont réclamée par suite des dommages causés à leur navire, soit un montant d'environ 12 000 $--L'affaire découle d'une réclamation réelle et personnelle de la demanderesse, l'assureur, en vue d'obtenir le remboursement d'un produit d'assurance d'environ 100 000 $ qu'elle avait versé à l'égard du Renegade III par suite des dommages que le navire a subis pendant la course Victoria-Maui de l'année 2000, la demanderesse ayant subséquemment annulé la police pour cause de non-divulgation ou de déclaration inexacte de la part des défendeurs--Afin de protéger sa réclamation, la demanderesse a fait saisir le navire Renegade III dans la présente instance, mais aucun cautionnement n'a été fourni--Le Renegade III est un yacht de course d'une longueur réglementaire de 19,2 mètres qui a été construit en 1993 à Tallinn, en Estonie--La valeur assurée du navire s'établit à 880 000 $--L'action engagée devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique est légèrement plus avancée que celle dont la Cour fédérale est saisie--Demande de suspension rejetée--Le critère applicable à une suspension a été énoncé dans l'arrêt Compulife Software Inc. c. Compuoffice Software Inc. (1997), 97 C.P.R. (3d) 451 (1re inst.): une cour de justice n'exercera son pouvoir discrétionnaire pour faire droit à une demande de suspension «que dans les cas les plus patents»--Pour prouver que ce critère est établi dans une instance donnée, la partie ayant le fardeau de la preuve doit démontrer que la poursuite de l'instance causerait un préjudice ou une injustice à la partie défenderesse, et non de simples inconvénients ou frais supplémentaires, et que la suspension ne serait pas injuste pour la partie demanderesse--Compte tenu des arrêts Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897 (jugement du juge Sopinka) et Avenue Properties Ltd. c. First City Dev. Corp. (1986), 7 B.C.L.R. (2d) 45 (C.A.) (jugement du juge McLachlin, alors juge de la Cour d'appel), la partie défenderesse doit établir clairement qu'un autre tribunal est plus approprié pour que soit écarté celui qu'a choisi la partie demanderesse--Il s'ensuit que, même si la partie qui demande une suspension établit clairement l'existence d'un tribunal plus approprié, il se peut qu'une partie demanderesse soit en mesure d'empêcher une suspension en prouvant qu'elle sera privée d'un avantage personnel ou juridique légitime qu'elle pourrait obtenir devant le tribunal qu'elle a choisi--Dans l'arrêt Avenue Properties, le juge McLachlin a résumé la règle en disant qu'il s'agit de contrebalancer les intérêts entre tout avantage que le demandeur pourrait obtenir, d'une part, et les inconvénients pouvant être occasionnés au défendeur, d'autre part--Même si les propriétaires défendeurs ont prouvé à première vue que la Cour suprême de la Colombie-Britannique est un tribunal approprié pour la poursuite de l'action, cela ne signifie pas qu'il s'agit manifestement du tribunal qui convient le mieux--Dans la présente affaire, si l'assureur devait être contraint de procéder dans l'instance introduite devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique en raison d'une suspension de la présente action, il serait tenu d'engager une action réelle devant elle, et de faire saisir le navire, une deuxième fois, afin que la Cour suprême ait compétence à l'égard du navire, ce qui donnerait lieu à une redondance--Examen de la question de savoir si la compétence de la Cour suprême de la Colombie-Britannique à l'égard des actions réelles pourrait être viciée et contestée au plan constitutionnel--La suspension de la présente action donnerait vraisemblablement lieu à une redondance, alors qu'au moins deux actions seraient engagées devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, ainsi qu'à une réunion d'actions et à un nouvel arraisonnement du navire--La possibilité que l'instruction de deux actions parallèles, soit une devant chaque Cour, donne lieu à des délais ou à des frais supplémentaires importants n'est certainement pas une certitude--Il y a peu de chances que les actions donnent lieu à des résultats incompatibles car, une fois qu'une décision sera rendue dans une instance, toute l'affaire deviendra vraisemblablement chose jugée--Les propriétaires du navire ont souligné qu'ils pourraient décider de mettre en cause leur courtier d'assurance et cité l'arrêt Intermunicipal Realty & Development Corp. c. Gore Mutual Insurance Co., [1978] 2 C.F. 691 (1re inst.), pour soutenir que la Cour n'a pas compétence à l'endroit d'un courtier en assurance maritime dans une affaire portant sur un mandat et sur une déclaration inexacte--D'abord, aucun élément de preuve n'indique qu'une réclamation pourrait être formulée contre le courtier des propriétaires du navire; en second lieu, même si l'assurance maritime fait partie, au sens strict, de la compétence des provinces en matière de propriété et de droits civils, ce domaine a néanmoins été attribué au Parlement et fait partie de la navigation et des expéditions par eau: Zavarovalna Skupnost Triglav (Insurance Community Triglav Ltd.) c. Terrasses Jewellers Inc., [1983] 1 R.C.S. 283--En conséquence, il ne s'agit pas d'un cas où il convient manifestement d'accorder une suspension--Même si le refus de la demande de suspension peut occasionner des inconvénients, voire des frais supplémentaires minimes aux propriétaires du navire, aucun préjudice ou injustice réel ne leur sera causé de ce fait--À l'inverse, compte tenu de l'ensemble des circonstances, la décision de l'assureur, comme partie demanderesse, d'exercer son recours devant la Cour fédérale est raisonnable--La suspension aurait pour effet de priver l'assureur d'un avantage juridique légitime, qui est celui de faire sceller l'issue de l'ensemble du litige par un seul tribunal, soit la Cour fédérale, notamment quant à la réalisation au moyen de la vente du navire saisi--Les propriétaires du navire pourront décider de présenter leur réclamation personnelle correspondant au reste de l'indemnité d'assurance qu'ils demandent dans la présente action--Cette façon de procéder n'occasionnera aucun préjudice apparent aux propriétaires du navire, car le litige porte sur un yacht de course luxueux de grande valeur et le montant en jeu représente une fraction de la valeur du navire.

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