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ENVIRONNEMENT

Société pour la protection des parcs et sites naturels du Canada c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien)

T-1066-01

2001 CFPI 1123, juge Gibson

16-10-01

57 p.

Contrôle judiciaire d'une décision du ministre du Patrimoine canadien d'autoriser la construction et l'exploitation d'une route d'hiver dans le parc national Wood Buffalo, le plus grand parc national au Canada, qui chevauche la frontière de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest--Le parc protège un écosystème de plaines boréales nordiques presque intactes: paysage, végétation, faune (y compris plusieurs espèces menacées de disparition comme la grue blanche d'Amérique, le bison et le faucon pèlerin) et culture-- Wood Buffalo a été désigné site du patrimoine mondial pour consacrer la valeur universelle exceptionnelle d'un bien culturel ou naturel afin qu'il soit protégé au bénéfice de toute l'humanité--Le parc Wood Buffalo est inaccessible par la route dans presque toute son étendue--La route proposée suivrait grosso modo l'emprise d'une ancienne route, maintenant envahie par la végétation, qui était utilisée durant l'hiver entre 1958 et 1960--Les habitants circulent sur cette emprise en motoneige l'hiver et en véhicule tout terrain dans certaines autres saisons--La route d'hiver serait conçue pour les camions légers, les automobiles et les fourgonnettes seulement; les camions gros porteurs seraient interdits d'accès--La route d'hiver proposée entraînerait la perte de la végétation le long de l'emprise, l'érosion potentielle ou réelle du sol sablonneux fragile à un certain degré, l'augmentation du braconnage et de la mortalité par collision avec des véhicules dans le cas de certaines espèces sauvages et l'accroissement du risque d'endomma-gement des karsts fragiles se trouvant sur l'emprise ou en bordure de celle-ci--La nouvelle route d'hiver favoriserait l'apparition d'espèces végétales envahissantes étrangères à l'environnement du parc à cause des résidus de sol et de semence laissés par les véhicules l'empruntant-- L'idée de rouvrir la route d'hiver n'est pas nouvelle--Une route praticable en toute saison est depuis longtemps un objectif poursuivi par les groupes de la région--Malgré un communiqué précisant que Parcs Canada n'est pas disposé à considérer la proposition d'une route praticable en tout temps, la SPPSNC demeure préoccupée non seulement par l'approbation de la route d'hiver, mais également par la réalisation en deux étapes d'une route toute saison, sous réserve d'une étude environnementale approfondie-- L'autorisation de la route d'hiver est assujettie à la mise en oeuvre de mesures d'atténua tion, notamment des stratégies de gestion adaptative et de gestion de l'environnement--La Loi sur les parcs nationaux du Canada est entrée en vigueur le 19 février 2001--Elle est précédée d'un sommaire précisant que la nouvelle Loi est promulguée en vue notamment d'assurer une «protection accrue de la faune et des autres ressources dans les parcs»--Les sommaires sont fort utiles et ils n'ont pas été ajoutés sans raison par le Parlement ou le gouvernement; il est possible de prétendre qu'ils ont pour but, au moins en partie, de fournir une aide à l'interprétation un tant soit peu apparentée au «contexte législatif»--Aux termes de l'art. 12(1) du Règlement général sur les parcs nationaux, le directeur du parc peut délivrer un permis autorisant l'enlèvement, la mutilation, l'endommagement ou la destruction de la flore et de matières naturelles «aux fins de la gestion du parc»--Le permis délivré en vertu de l'art. 12(1) du Règlement est assujetti à une évaluation environnementale--1) La Cour se demande si le ministre possède implicitement le pouvoir d'autoriser la construction d'une route dans un parc national, compte tenu que ce pouvoir ne lui est pas conféré par la nouvelle Loi et que la route doit être construite pour répondre à d'autres besoins que ceux d'un parc-- L'énoncé qui prévoit dans la nouvelle Loi que les parcs nationaux du Canada sont dédiés au peuple canadien reprend essentiellement les mêmes termes que l'ancienne Loi-- L'équilibre délicat entre les activités humaines et les questions environnementales auquel le juge Teitelbaum fait allusion dans Young c. Canada (Procureur général du Canada) (1999), 174 F.T.R. 100 est bien exprimé à l'art. 4(1) de la nouvelle Loi et à l'art. 4 correspondant de l'ancienne Loi--La SPPSNC soutient toutefois que la Loi a subi des modifications profondes--L'art. 5(1) de l'ancienne Loi plaçait les parcs nationaux «under the direction of the Minister» («sous l'autorité du ministre»)--L'art. 8(1) de la nouvelle Loi prévoit que le ministre «is responsible» des parcs, y compris les terres domaniales («sont placés sous l'autorité du ministre»)--L'art. 5(1.2) de l'ancienne Loi limitait la priorité accordée à la préservation de l'«intégrité écologique» par la protection des ressources naturelles aux situations où le zonage du parc et l'utilisation par les visiteurs étaient pris en considération--Aux termes de la nouvelle Loi, la préservation ou le rétablissement de l'intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques est considéré comme étant la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs--L'évolution de l'art. 5(1) de l'ancienne Loi à l'art. 8(1) de la nouvelle Loi correspond à un changement de forme par opposition à un changement quant au fond--Un bref examen du contexte législatif ne révèle aucune intention de changer le fond en changeant la forme--Le contexte législatif ne révèle aucune intention de restreindre le pouvoir discrétionnaire du ministre en matière d'administration et de gestion des parcs-- La décision faisant l'objet du présent contrôle judiciaire relevait du pouvoir discrétionnaire accordé au ministre en vertu de l'art. 8(1) de la nouvelle Loi--À la lecture de l'ensemble du dossier, il ressort que le ministre a accordé la première priorité, mais non la seule priorité, à l'intégrité écologique dans la décision contestée en l'espèce--L'art. 4(1) de la nouvelle Loi exige un équilibre délicat des intérêts conflictuels, dont l'agrément de ceux qui vivent dans le parc national Wood Buffalo ou à proximité de celui-ci, compte tenu tout particulièrement du fait que le parc est loin de tout--Vu que le parc national Wood Buffalo, comme les autres parcs nationaux, a été créé à l'intention du peuple canadien dans son ensemble, il n'est pas déraisonnable d'avoir une attention particulière pour un nombre restreint de citoyens du Canada qui sont de beaucoup les plus touchés par les décisions de gestion et de développement du parc--2) La Cour se demande si le ministre peut autoriser la construction d'une route dans un parc national si l'intégrité écologique n'a pas été prise en compte comme premier facteur déterminant dans cette décision et s'il n'y a aucune preuve qu'elle ait même été un tant soit peu considérée--L'art. 8(2) de la Loi n'exige pas que l'intégrité écologique soit le «facteur déterminant», mais simplement que l'intégrité écologique soit la «première» priorité du mi nistre-- L'ensemble de la preuve démontre que l'intégrité écologique était la première priorité du ministre-- Même si le dossier ne révèle pas que les mots «intégrité écologique» ont été utilisés dans le processus de décision et dans la décision comme telle, il n'en demeure pas moins que l'intégrité écologique a été prise en considération--3) La Cour se demande si Parcs Canada peut délivrer un permis, en vertu de l'art. 12 du Règlement général sur les parcs nationaux, autorisant la destruction de la végétation d'un parc sur une distance de 118 km dans un autre but que celui de la gestion--La prémisse selon laquelle la route d'hiver n'est pas nécessaire pour répondre aux besoins de gestion du parc est fausse--Même si la route d'hiver n'est pas en soi nécessaire pour répondre aux besoins de gestion du parc, une fois prise la décision d'autoriser sa construction à l'intérieur du parc, on peut conclure que les «besoins de gestion du parc» s'étendent pour englober ce qui est nécessaire à la mise en oeuvre de cette décision, avec en permanence le droit implicite de l'utiliser et l'obligation implicite de l'entretenir--La décision d'autoriser la route d'hiver fait de l'enlèvement, de la mutilation, de l'endommagement et de la destruction de la flore et des matières naturelles, dans la mesure jugée cohérente avec toutes les mesures d'atténuation raisonnables, un besoin de gestion du parc--4) La Cour se demande si Parcs Canada peut choisir de ne pas tenir compte pour déterminer la portée du projet visé du fait que Thebacha Road Society a clairement affirmé son intention de transformer la route d'hiver en route praticable à l'année, et ce, même au point d'effacer de la proposition de projet initiale toute référence à la route toute saison--En vertu de l'art. 15 de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, le ministre a déterminé que la route d'hiver était la «portée» du projet pour les besoins de l'évaluation environnementale--La SPPSNC a allégué que cette «détermination de la portée» du projet constituait une erreur donnant matière à révision puisque le terme «projet» défini pour l'application de la Loi sur l'évaluation comprend non seulement la réalisation et l'exploitation d'un ouvrage comme une route mais aussi toute modification proposée--La SPPSNC soutient que la décision discrétionnaire du ministre dans la détermination de la «portée» du projet qu'elle a limitée à la route d'hiver sans tenir compte du long historique de l'objectif ultime d'une route praticable en toute saison constitue une décision déraison nable--Le ministre a décidé de traiter la route d'hiver et toute proposition future de construire une route toute saison dans le même corridor traversant le parc comme deux projets distincts et non comme deux phases d'un même projet--Elle a agi entièrement dans les limites de son pouvoir discrétionnaire--Le projet visé par le ministre, peu importe l'objectif recherché par Thebacha, est celui d'une route d'hiver--La décision du ministre de limiter le projet à une route d'hiver est raisonnable--5) La Cour se demande si Parcs Canada peut fonder sa décision sur un examen préalable ou s'il a l'obligation de conduire une étude approfondie lorsqu'un projet proposé dans un parc national vient contrecarrer le plan directeur de ce parc, comme dans la présente affaire où le projet de construction de la route d'hiver modifie sensiblement le Plan directeur du parc national Wood Buffalo de 1984--Le Plan directeur de 1984 ne fait aucune allusion à la possibilité que ce parcours soit utilisé pour la construction d'une route de neige, mais il n'indique pas non plus qu'il serait interdit de l'envisager--Le Plan précise que, dans l'hypothèse d'une remise en service, la route devrait suivre «en gros» le tracé de la route construite en 1958--La route proposée suivrait l'ancienne emprise, sauf pour une portion de 2,5 km--Le projet de route d'hiver n'est pas contraire au Plan directeur du parc--Le ministre a agi dans les limites de son pouvoir discrétionnaire en décidant d'évaluer ce projet au moyen d'un examen préalable, au lieu d'une étude approfondie--6) La Cour se demande si Parcs Canada peut empêcher l'accès en temps utile au registre public des documents consignés en vertu de la Loi sur l'évaluation, en exigeant la présentation d'une demande d'accès à l'information avant la diffusion desdits documents, avec pour résultat que le public s'en voit interdire l'accès durant la période prévue pour faire ses observations sur l'évaluation--L'art. 55(1) de la Loi sur l'évaluation prévoit qu'un registre doit être tenu de manière à ce que le public y ait accès--Même s'il est admis que l'accès aux documents du registre public n'a pas initialement été accordé à la SPPSNC, conformément à l'esprit de l'art. 55 de la Loi sur l'évaluation, les documents demandés ont ultérieurement été fournis et la SPPSNC a pu bénéficier d'une plus longue période de temps pour faire ses observations--Le mot impératif «shall» est utilisé dans la version anglaise de l'art. 55(1) de la Loi sur l'évaluation--Le préjudice causé par le défaut de conformité ne semble pas très important; un simple retard dans une occasion de participer à une consultation publique--Les conséquences de l'invalidation de la décision à l'étude par la Cour seraient importantes pour ceux qui n'ont pas été directement touchés par le défaut de conformité--Le défaut des fonctionnaires du ministre de se conformer entièrement aux exigences de l'art. 55(1) de la Loi sur l'évaluation ne devrait pas, compte tenu de toutes les circonstances, avoir pour résultat de rendre nulle et sans effet la totalité du processus ayant mené à la décision à l'étude--Demande rejetée--Loi sur les parcs nationaux, L.R.C. (1985), ch. N-14, art. 4, 5--Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32, art. 4, 8--Règlement général sur les parcs nationaux, DORS/78-213, art. 12--Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 15, 55.

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