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[2016] 2 R.C.F. F-6

Brevets

Pratique

Appels de jugements de la Cour fédérale (2014 CF 501, 2014 CF 502) accueillant les demandes de contrôle judiciaire présentées par les intimées Sandoz Canada Inc. (Sandoz) et ratiopharm inc. (ratiopharm) visant les décisions du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil) (PMPRB-10-D2-SANDOZ, PMPRB-08-D3-ratio-Salbutamol HFA, PMPRB-08-D3-ratiopharm) — Il s’agissait principalement de savoir, dans les deux appels, si la Cour fédérale a eu raison de statuer que les intimées ne relevaient pas de la compétence du Conseil, car elles n’étaient pas des « brevetés » ou des « titulaires d’un brevet » au sens de l’art. 79(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 — Ratiopharm vend un comprimé antiasthmatique appelé ratio-salbutamol HFA (ratio HFA), un équivalent générique du médicament de marque déposée breveté, fabriqué et vendu au Canada par un laboratoire pharmaceutique — Le laboratoire pharmaceutique qui vend le ratio HFA à ratiopharm lui a délivré une licence exclusive lui permettant de fixer un prix et de vendre le médicament au Canada, mais a conservé la propriété du brevet — Sandoz est une filiale à cent pour cent d’un laboratoire pharmaceutique au Canada qui vend des médicaments visés par des brevets détenus par le laboratoire ou par l’une de ses filiales à cent pour cent — Il n’existe aucun contrat de licence entre Sandoz et les titulaires des brevets en question — Le personnel du Conseil a déposé une demande en vue d’obtenir une ordonnance obligeant ratiopharm à fournir des renseignements sur les ventes et les prix de certains médicaments qu’elle vendait, alléguant que ratiopharm avait vendu du ratio HFA au Canada à un prix excessif en contravention des art. 83 et 85 de la Loi — Des procédures similaires ont été intentées contre Sandoz concernant certains médicaments que celle-ci vend — Le Conseil a accueilli les demandes et a jugé, entre autres, que les art. 79 et 103 de la Loi étaient valides sur le plan constitutionnel, qu’il n’était pas obligatoire que la personne détienne un brevet pour un médicament particulier pour être considérée comme un « breveté » ou un « titulaire d’un brevet » au sens de l’art. 79(1) de la Loi, que les deux intimées étaient des « brevetés » au sens de l’art. 79(1) de la Loi à l’égard des médicaments en cause même si elles ne détenaient pas de brevet, et que Sandoz vendait les médicaments en cause en vertu des licences implicites délivrées par les titulaires de brevet en question — Le Conseil a également rejeté l’argument visant la validité constitutionnelle et voulant que les dispositions habilitantes du Conseil, y compris la définition de « breveté » ou « titulaire d’un brevet » à l’art. 79(1) de la Loi, ne relèvent pas de la compétence du Parlement — La Cour fédérale a conclu que l’interprétation que le Conseil a faite du terme « breveté » ou « titulaire d’un brevet » à l’art. 79(1) était déraisonnable parce que la définition ne peut pas viser une partie qui ne détient ni un brevet ni un monopole à l’égard du médicament en question; elle a par ailleurs déterminé que le Conseil avait commis une erreur en jugeant que les intimées étaient des « brevetés » ou des « titulaires d’un brevet » à l’égard des médicaments en cause, et a conclu que le régime de contrôle des prix établi par le Parlement était constitutionnellement valide lorsqu’il s’appliquait à un médicament générique ou à un médicament vendu par le titulaire du brevet auquel il se rattache — Il s’agissait de déterminer si la Cour fédérale a eu raison d’appliquer la norme de la décision raisonnable à l’interprétation qu’a faite le Conseil de l’art. 79(1) de la Loi; s’il appartenait à la Cour fédérale d’annuler la conclusion du Conseil selon laquelle il n’est pas obligatoire que la personne détienne un brevet ou un monopole à l’égard du médicament pour être considérée comme un « breveté » ou un « titulaire d’un brevet » au sens de l’art. 79(1) de la Loi; si le Conseil a commis une erreur en concluant que Sandoz vendait les médicaments en question en vertu de licences implicites; et si l’art. 79 de la Loi, tel qu’interprété par le Conseil, peut résister à un examen constitutionnel — La Cour fédérale a eu raison de conclure que l’interprétation par le Conseil de l’art. 79(1) de la Loi devait être révisée selon la norme de la décision raisonnable — En invalidant l’interprétation du Conseil de l’art. 79(1) de la Loi, la Cour fédérale a substitué sa propre opinion de l’objectif législatif de l’art. 79(1) sans se demander si la caractérisation du Conseil satisfaisait au seuil des décisions acceptables et justifiables qui sépare les décisions déraisonnables des décisions raisonnables — Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas appliqué correctement la norme de la décision raisonnable — Bien que la Cour fédérale et le Conseil conviennent tous deux que le méfait visé par les dispositions en cause est l’établissement d’un prix excessif pour les médicaments brevetés, la Cour fédérale a mis l’accent sur les personnes en position de causer un méfait, perdant de vue le but ultime des dispositions en question et omettant de voir que le méfait que l’on tentait de prévenir pouvait être causé sans que le titulaire du brevet fixe lui-même des prix excessifs — La Cour fédérale a également renversé l’interprétation du Conseil de l’art. 79(1) de la Loi, craignant qu’elle puisse être inconstitutionnelle — Cependant, ce raisonnement faisait fi de la norme de la décision raisonnable qui régissait la question en l’espèce — Selon la norme de la décision raisonnable, la Cour ne doit pas établir l’ordre de priorité de toutes les réponses possibles à la question et déterminer laquelle est la meilleure, mais plutôt déterminer si la conclusion du décideur satisfait au seuil des décisions acceptables et justifiables — Dans la mesure où la Loi peut raisonnablement justifier l’interprétation du Conseil, la Cour fédérale ne peut pas substituer sa propre opinion à celle du Conseil — Il n’appartenait pas à la Cour fédérale d’interpréter l’art. 79(1) de manière étroite au motif que l’interprétation du Conseil pourrait être inconstitutionnelle puisqu’un avis de question constitutionnelle avait été déposé et qu’elle devait se prononcer sur la validité constitutionnelle de l’art. 79(1) de la Loi, tel qu’interprété par le Conseil — En interprétant l’art. 79(1) de la Loi, la Cour fédérale a tenu compte des répercussions de la version française et a jugé que le libellé français liait davantage la définition de « breveté » ou « titulaire d’un brevet » aux droits du titulaire de brevet que le libellé anglais, préférant ainsi la version française — Toutefois, le raisonnement de la Cour fédérale concernant l’interprétation de la définition n’ajoutait rien à celle qui se trouve à l’art. 2 de la Loi (« Le titulaire ayant pour le moment droit à l’avantage d’un brevet »); ce qui imposait une redondance qui allait à l’encontre de la présomption voulant que le législateur ne parle pas pour rien dire — La Cour fédérale ne s’est jamais penchée sur la question de savoir si Sandoz bénéficiait d’une licence implicite à l’égard des brevets en question puisqu’elle a fondé sa décision sur d’autres motifs — En ce qui concerne la contestation constitutionnelle, la Cour fédérale et le Conseil ont eu raison de juger que le contrôle des prix facturés pour les médicaments brevetés relevait de la compétence conférée au Parlement à l’égard des brevets en vertu de l’art. 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), annexe II, no 5] lorsqu’il était appliqué au titulaire de brevet — Cependant, il était nécessaire de déterminer si le régime de contrôle des prix demeurait valide sur le plan constitutionnel lorsqu’il est appliqué aux non-titulaires d’un brevet — Le préjudice que la Loi cherche à prévenir découle de l’existence d’un brevet visant le médicament vendu; par conséquent, rien ne repose sur le fait que la personne qui exerce le droit de vente ne détient pas de brevet elle-même — Le Conseil avait donc raison de juger que le fait d’inclure les personnes qui exercent un droit de vente en vertu d’un brevet qui tombe sous le coup de l’art. 79 de la Loi n’exclut pas la disposition du champ d’application de l’art. 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867 — Appels accueillis.

Canada (Procureur général) c. Sandoz Canada Inc. (A-302-14, A-303-14, 2015 CAF 249, juge en chef Noël, jugement en date du 6 novembre 2015, 58 p.)

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