Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[2016] 4 R.C.F. F-16

Environnement

Appel d’une décision de la Cour fédérale (2014 CF 776) rejetant la demande de l’appelante visant à faire invalider un règlement en fonction des principes de droit administratif et constitutionnel — L’appelante contestait la validité constitutionnelle de l’art. 5 du Règlement sur les carburants renouvelables, DORS/2010-189 (RCR), qui exige qu’au moins 2 p. 100 du carburant diesel contienne du carburant renouvelable, au motif que l’article ne constituait pas un exercice valide du pouvoir du Parlement de légiférer en matière de droit criminel en vertu de l’art. 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], car il était dénué d’objet de droit criminel et empiétait sur la responsabilité législative provinciale à l’égard des ressources naturelles non renouvelables — Elle alléguait également que la disposition était ultra vires du pouvoir de réglementation en vertu de l’art. 140 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33 (LCPE), parce que le gouverneur en conseil était tenu de formuler une opinion selon laquelle le règlement réduirait la pollution atmosphérique, une opinion que le gouverneur en conseil n’aurait raisonnablement pu avoir — La Cour fédérale a conclu qu’il existait un objet de droit criminel valide dans la protection de l’environnement contre la pollution, que les éléments de preuve soumis par l’appelante laissant entendre que le RCR ne permettrait pas d’atteindre les objectifs environnementaux n’étaient pas pertinents pour la caractérisation de son objet principal et que le pouvoir de légiférer en matière de droit criminel n’exigeait pas une interdiction complète ou directe de la conduite en question — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en examinant l’art. 5(2) du RCR dans le contexte du régime de la LCPE dans son ensemble avant d’examiner le paragraphe seul; si elle a omis d’examiner les éléments de preuve pertinents au-delà du Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR); et si elle a omis de conclure que le gouverneur en conseil n’a pas formulé l’opinion requise conformément à l’art. 140(2) de la LCPR selon laquelle le RCR permettrait de réduire la pollution atmosphérique — En ce qui a trait à la méthodologie, la Cour suprême du Canada a créé un cadre pour déterminer la validité d’une loi adoptée en vertu d’un pouvoir de légiférer en matière criminelle — La Cour fédérale a fait exactement ce que la Cour suprême du Canada demande en examinant l’art. 5(2) du RCR et en acceptant que lorsqu’il est lu seul ou sans renvoi à sa loi habilitante, il peut être considéré comme une question relevant de la compétence provinciale; puis en prenant en compte l’objet et l’effet de l’art. 5(2) et la façon dont il s’insère dans le régime réglementaire — Il n’y avait pas d’erreur dans le cadre analytique de la Cour fédérale — L’analyse du partage des compétences indiquait que l’art. 5(2) vise à maintenir la santé et la sécurité des Canadiens ainsi que de l’environnement naturel dont la vie dépend — Le recours au REIR a confirmé cette conclusion — Un exercice valide du pouvoir de légiférer en matière de droit criminel exige l’application d’un critère à trois volets — La protection de l’environnement est, sans équivoque, une utilisation légitime de l’objet de droit criminel, car la pollution constitue un « mal » que le Parlement peut légitimement chercher à supprimer — En ce qui concerne l’inefficacité du RCR, l’efficacité de la réglementation n’est pas pertinente aux fins de la caractérisation — En l’espèce, il n’y a aucun doute sur l’objet du règlement, la façon dont il fonctionne et son effet pratique — L’argument selon lequel il existe une meilleure façon de réduire les gaz à effet de serre plus efficacement ne modifiait en rien la conclusion — On ne peut pas contester l’objet d’une mesure législative en proposant une autre méthode, supposément meilleure, pour atteindre cet objet — La preuve démontrait entre autres qu’il fallait créer une demande et un approvisionnement du marché pour des carburants renouvelables en vue d’atteindre le but général de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre — Les changements corrélatifs en agriculture et le marché du carburant découlant de l’exigence relative au carburant renouvelable ne sont pas incompatibles avec l’objet principal de l’art. 5(2); ils le renforcent plutôt — Il n’est pas nécessaire que l’interdiction soit totale, elle peut comprendre quelques exceptions; l’argument selon lequel le règlement est invalide parce qu’il ne prévoit aucune interdiction globale n’est fondé sur aucune doctrine — L’argument de l’appelante selon lequel le RCR empiète sur la compétence provinciale à l’égard des ressources non renouvelables a également été rejeté — Le RCR est un règlement d’application générale qui ne vise pas la gestion des ressources naturelles — La création d’une demande pour les carburants renouvelables était une partie nécessaire de la stratégie globale visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais ce n’était pas l’objet principal — D’après la preuve, la réduction de la pollution atmosphérique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce aux combustibles fossiles constituait le caractère véritable du RCR — En ce qui concerne l’exigence à l’art. 140 de la LCPE voulant que le gouverneur en conseil doive être d’avis que le règlement réduira la pollution atmosphérique avant de le prendre, l’art. 140(2) n’exige aucune certitude scientifique absolue; il n’exige qu’une opinion selon laquelle le règlement pourrait réduire la pollution atmosphérique — Le REIR présenté au gouverneur en conseil contenait suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer cette opinion — Même si un fondement de preuve solide établissait une opinion scientifique différente quant à la contribution nette du RCR à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, cela n’empêcherait pas le gouverneur en conseil de formuler une opinion différente en fonction d’éléments de preuve différents — Par conséquent, l’art. 5(2) du RCR est situé dans les limites des pouvoirs conférés par la Loi constitutionnelle de 1867 et la LCPE — Appel rejeté.

Syncrude Canada Ltd. c. Canada (Procureur général) (A-383-14, 2016 CAF 160, juge Rennie, J.C.A., jugement en date du 30 mai 2016, 39 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.