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Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd.

T-2432-95

juge Reed

25-4-97

72 p.

Action en vue d'obtenir des injonctions pour empêcher les défenderesses d'utiliser des capsules de la même taille, de la même forme et de la même couleur que celles employées par les demanderesses pour le chlorhydrate de fluoxétine (Prozac) pour le motif qu'il s'agirait d'une imitation frauduleuse (passing-off ) interdite par l'art. 7b) de la Loi sur les marques de commerce-Le chlorhydrate de fluoxétine est utilisé dans le traitement de la dépression, des comportements obsessionnels-compulsifs, de la boulimie et de l'autisme-Lilly U.S. détenait un brevet de procédé pour la fluoxétine-Ce brevet arrivait à expiration le 20 mars 1996-Lilly Canada a été l'unique fournisseur de fluoxétine sur le marché canadien de janvier 1989 au 20 mars 1996-Un accord daté de janvier 1991 conférait à Lilly Canada le droit de fabriquer, d'utiliser, de distribuer et de vendre les produits de Lilly ainsi que celui d'utiliser, relativement à ces produits, certaines marques de commerce, noms de marque et marques maison appartenant à Lilly U.S.-Le 30 juin 1995, en prévision de l'expiration du brevet, Lilly Canada a conclu avec PMS un accord autorisant cette dernière à distribuer et à vendre des versions génériques de fluoxétine-PMS a reconnu que l'apparence du produit constituait des marques de commerce de Lilly Canada-En 1995, l'accord de 1991 a été modifié pour confirmer que Lilly Canada avait toujours été autorisée par Lilly U.S. à utiliser l'apparence du produit-Le 10 novembre 1995, l'accord du 30 juin 1995 a été modifié pour autoriser PMS à utiliser l'apparence du produit-Avant l'arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, une similarité dans l'apparence des médicaments délivrés sur ordonnance ne donnait pas lieu à une action en imitation trompeuse (passing-off ) parce qu'elle n'induisait pas en erreur les pharmaciens, les dentistes et les médecins (la clientèle de ces produits) et que ceux-ci ne choisissent pas les médicaments d'après leur apparence-Dans l'arrêt Ciba-Geigy, la Cour a statué qu'il est également pertinent de tenir compte du consommateur ultime, le patient, pour décider s'il y a ou non imitation frauduleuse (passing-off )-Les médecins ne se fient pas à l'apparence pour décider de prescrire un médicament en particulier-Normalement, les pharmaciens ne décident pas de stocker une marque de médicament en fonction de son apparence, mais PMS-Fluoxetine a fait exception-Tant que le produit PMS a été le seul médicament générique vendu en capsules ayant la même taille, la même forme et la même couleur que celles de Prozac, les pharmaciens préféraient le stocker parce qu'ils avaient ainsi moins d'explications à donner à la clientèle-Lorsque les capsules sont de couleur différente, les consommateurs se demandent si c'est le bon médicament qui leur a été prescrit-Normalement, les consommateurs ne voient la taille, la forme et la couleur des capsules qu'après les avoir achetées-Il n'y a aucune différence de qualité entre les produits génériques de fluoxétine des défenderesses et les produits Prozac ou PMS-Fluoxetine des demanderesses-L'apparence d'un médicament peut diminuer la confiance d'un patient dans son efficacité et ainsi influencer l'efficacité du médicament-Ni les capsules bicolores de Prozac, ni les couleurs choisies pour celui-ci ne sont essentiellement distinctives-Les défenderesses ont décidé de copier l'apparence des capsules de la société innovatrice parce que l'apparence était associée au genre de médicament et à la forme posologique-Elles nient avoir eu l'intention de faire passer leurs produits pour ceux des demanderesses-Les capsules des défenderesses diffèrent de celles des demanderesses par leurs extrémités, par les inscriptions qu'elles portent et, parfois, par la taille-Dans une affaire d'imitation frauduleuse, il faut prendre en considération tant les consommateurs potentiels du produit en question que les consommateurs actuels-Il n'est pas facile de déterminer qui sont les consommateurs potentiels-Les utilisateurs passés et actuels de Prozac sont les seules personnes qui ont vu l'apparence de la capsule-Les gens associent peu les couleurs de la capsule à une source, le nom Prozac aux véritables couleurs de la capsule et les couleurs vert et jaune pâle au nom Prozac-En ce qui concerne les considérations d'ordre public, d'une part, les patients ont le droit de savoir quelle marque de médicament ils reçoivent et la présentation des différentes marques dans des capsules de couleur différente leur fournirait un moyen facile de reconnaître les différentes marques et, d'autre part, le fait que les mêmes médicaments et les diverses formes posologiques de ceux-ci se présentent dans des capsules de la même taille, de la même forme et de la même couleur constitue une sécurité qui permet aux patients et aux professionnels de la santé de s'apercevoir rapidement d'une erreur possible dans le médicament délivré et grâce à laquelle les patients, plus particulièrement les personnes âgées, peuvent faire la distinction entre leurs médicaments-Action rejetée-L'acceptation d'un témoignage d'expert sous forme d'affidavit ne confère pas à ce témoignage une valeur supérieure à celle qu'il aurait eue s'il avait été présenté oralement-Il s'agit d'un simple mécanisme procédural qui permet d'abréger l'instruction-Le témoignage est quand même évalué selon les critères habituels, notamment en fonction du comportement du témoin à la barre pendant le contre-interrogatoire-L'art. 7 de la Loi sur la preuve au Canada permet seulement d'appeler cinq témoins de chaque côté pour donner un témoignage d'opinion-Cet article a été interprété comme ne s'intéressant qu'aux témoignages d'opinion d'expert et comme limitant à cinq le nombre de témoins par sujet ou par question de fait soulevés dans une cause, non à cinq témoins au total-Cet article ne s'applique pas au cas oú des actions distinctes sont entendues simultanément; il n'y a aucune jurisprudence portant sur le sens à donner à «côté»; interpréter le mot «côté» comme synonyme de partie conduirait à un résultat plutôt illogique-Ce genre de question aurait dû être tranchée quand les parties ont demandé que les actions soient inscrites au rôle pour être entendues en même temps-La Cour a ordonné aux demanderesses de fournir aux défenderesses, par voie de communication préalable, plus de renseignements au sujet de ce que ces dernières devaient établir-Concernant une objection selon laquelle une ordonnance sur la gestion des cas avait refusé une telle divulgation, il y lieu de remarquer que le juge du procès peut être informé de circonstances et posséder des renseignements dont ne bénéficie pas toujours le juge de gestion des cas-Les poursuites permettent un meilleur règlement des différends lorsqu'il se produit le moins de surprises possible à l'instruction-L'art. 50 de la Loi sur les marques de commerce prévoit que si une licence est octroyée à une entité, l'emploi de la marque par cette entité a le même effet et est réputé avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de celui du propriétaire-Si Lilly Canada était un usager sous licence de l'apparence de la capsule et que l'apparence de la capsule constituait une marque de commerce, alors, l'usage de cette marque de commerce par Lilly Canada s'appliquerait au profit de Lilly U.S.-L'accord de 1991 ne donnait pas à Lilly Canada le droit d'utiliser l'apparence de la capsule comme marque de commerce, mais lui permettait d'avoir accès aux renseignements nécessaires pour fabriquer les capsules-Comme l'accord contient une disposition prévoyant qu'il s'agit de l'accord définitif des parties sur ce sujet et une autre qui interdit toute modification sauf par document écrit, l'emploi de l'apparence de la capsule comme marque de commerce ne peut avoir fait l'objet d'une convention orale, indépendamment des clauses prévues dans l'accord écrit-L'accord ne mentionne pas le droit d'utiliser l'apparence de la capsule comme marque de commerce-À l'époque de sa signature (avant l'arrêt Ciba-Geigy), il est probable que les parties estimaient qu'il était impossible de considérer l'apparence d'une capsule comme une marque de commerce-Lilly U.S. contrôlait l'emploi de l'apparence de la capsule faite par Lilly Canada-Cette situation ne signifie pas qu'elle lui avait enjoint d'utiliser l'apparence de la capsule comme marque de commerce-Les plaidoiries n'invoquaient pas l'utilisation faite sans licence par Lilly Canada pour revendiquer des droits acquis pour Lilly U.S.-Cette prétention n'a été soulevée qu'à la toute dernière minute dans le débat-L'art. 50(1) doit être interprété en fonction des dispositions sur l'usager inscrit qu'il a remplacées-Il vise à corriger la situation lorsqu'une licence existe, mais n'a pas été enregistrée-Cette disposition n'assimile pas une utilisation antérieure à l'octroi d'une licence à une utilisation qui s'applique au profit du titulaire-L'association de l'apparence d'une capsule avec deux désignations différentes de source commerciale entraîne, en soi, l'absence de tout caractère distinctif-Pour ce simple fait, l'action des demanderesses doit être rejetée-L'art. 7b) interdit d'appeler l'attention du public sur ses marchandises de manière à causer de la confusion entre elles et celles d'un autre-Pour obtenir gain de cause dans une action en imitation frauduleuse (passing-off), les demanderesses doivent établir que les défenderesses ont faussement représenté leurs produits aux clients éventuels ou aux consommateurs ultimes-L'apparence de la capsule des défenderesses n'a pas pour effet d'amener le consommateur à demander leurs produits plutôt que ceux des demanderesses-Sur le marché, l'apparence de la capsule ne sert pas d'élément identificateur en fonction duquel le consommateur choisit une marque de fluoxétine plutôt qu'une autre-Les défenderesses ont décidé d'utiliser des capsules de la même couleur que celles des demanderesses afin de permettre de reconnaître un médicament qui, au point de vue thérapeutique, est équivalent au produit des demanderesses, non pour faire passer leurs produits pour ceux des demanderesse aux yeux du grand public-Il peut y avoir tromperie sans intention de tromper, mais, en l'espèce, l'intention de tromper était absente-L'apparence de la capsule ne jouait pas ce rôle-Dans une action en imitation frauduleuse (passing-off), le demandeur doit prouver un achalandage lié à sa marque de commerce ou à sa présentation-L'achalandage est le résultat de l'association, dans l'esprit des consommateurs, de la marque de commerce ou de l'apparence aux marchandises du demandeur ou à une source ou une origine commerciale-Les demanderesses n'ont pas établi que l'apparence de la capsule a acquis, sur le marché, la réputation requise à titre de caractère distinctif de leur produit-Les demanderesses devaient encore démontrer que l'utilisation faite par les défenderesses d'une capsule dont l'apparence est similaire à la leur entraîne une possibilité de confusion-La possibilité de confusion doit s'appuyer sur une certaine preuve-Rien ne prouve l'existence d'une véritable confusion-Les demanderesses n'ont pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la vente de fluoxétine par les défenderesses dans des capsules similaires aux leurs est susceptible d'entraîner un risque important de confusion-Une distinction a été faite avec les décisions qui portent sur l'apparence des médicaments délivrés sur ordonnance et qui émanent d'autres ressorts parce que les usages en matière de prescription, de délivrance et de commercialisation y sont différents-Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, art. 7b), 50 (mod. par L.C. 1993, c. 15, art. 69)-Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 7.

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