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Contenu de la décision

Emerson Electric Canada Ltd. c. M.R.N.

T-2617-95

juge Noël

14-2-97

24 p.

Contrôle judiciaire de la décision du ministre confirmant l'annulation des décrets de remise des droits de douane accordés à la requérante-La requérante importe des outils à bois qu'elle vend à des compagnies comme Sears Canada sous la marque «Craftsman»-Elle ne paie pas de droits de douane lors de l'importation d'outils visés par des décrets de remise accordés par le ministre aux termes de l'art. 76 du Tarif des douanes, c'est-à-dire lorsque le ministre est d'avis que ces machines et appareils ne sont pas produits au Canada-Le 5 mai 1995, la requérante a été informée que la remise des droits de douanes à l'importation de certains outils serait annulée parce que des produits sensiblement comparables étaient fabriqués au Canada par General MFG. Co.-Le 31 juillet 1995, les décrets de remise ont été prorogés jusqu'au 31 décembre 1995-Le 11 août 1995, l'annulation des décrets de remise a été confirmée-La requérante a appris ultérieurement que la décision du ministre d'annuler les décrets avait été prise le 29 mai 1995-Demande rejetée-Pour décider que les importations de la requérante n'étaient plus admissibles à une remise de droits, le ministre a dû en arriver à la conclusion que les produits en question étaient «produits au Canada» aux termes de l'art. 76(3)-Pour parvenir à une telle conclusion, le ministre a dû tenir compte des critères énumérés à l'art. 75(3)-C'est le verbe «peut» qui est utilisé à l'art. 76(1) et (3), ce qui indique que le ministre conserve le pouvoir discrétionnaire de refuser une remise ou d'annuler un décret de remise déjà existant même s'il peut être démontré que les machines et les appareils en question ne sont pas produits au Canada-(1) Le ministre n'a pas outrepassé sa compétence-Le fait de savoir si de nouveaux renseignements ont été fournis au ministre n'est pas pertinent-La question est de savoir si le ministre disposait de renseignements à partir desquels il pouvait en arriver à la conclusion visée à l'art. 76(3)-Le ministre disposait de renseignements lui permettant d'établir une comparaison entre les produits respectifs et donc de tirer une conclusion sur leur comparabilité-Le fait que le ministre en soit venu à une conclusion différente par le passé en se basant sur les mêmes faits ne l'empêche pas d'adopter une position différente tant et aussi longtemps qu'il agit de bonne foi dans le but de réaliser le mieux possible les objectifs poursuivis par la loi-La décision ne se fonde pas sur des considérations non pertinentes-L'application uniforme d'une disposition législative s'appuyant sur des critères validement établis de façon à assurer l'égalité de traitement entre les intéressés n'est pas une considération inappropriée-(2) Le ministre n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée prise sans tenir compte des éléments dont il disposait-Les produits de General MFG s'adressent à l'utilisateur industriel, alors que les importations de la requérante visent l'ébéniste amateur-Le fait qu'un produit vise un segment donné du marché ne l'empêche pas d'en atteindre d'autres-La possibilité que les outils puissent être utilisés par des ébénistes professionnels aussi bien qu'amateurs ne peut être exclue-Même si les produits de la General MFG ne sont pas comparables, le ministre avait quand même la possibilité de conclure que les importations de la requérante étaient «produites au Canada», s'il était convaincu que General MFG était en mesure de fabriquer des produits sensiblement comparables-(3) Il n'y a pas eu manquement à l'équité procédurale-La décision du ministre se fonde sur des motifs généraux d'ordre public, ce qui n'accorde guère de protection procédurale, sinon aucune-Les décisions de politique se fondent sur des considérations beaucoup plus larges faisant intervenir des intérêts opposés savoir, d'une part, l'augmentation de l'efficacité industrielle canadienne en facilitant l'accès à des marchandises fabriquées à l'étranger et inaccessibles au Canada, et d'autre part, la protection des fabricants canadiens dès qu'ils sont en mesure de produire ces marchandises-Le texte législatif fait ressortir la nature hautement discrétionnaire du pouvoir exercé par le ministre quand il prend des décisions fondées sur la Section III du Tarif des douanes-L'intention du législateur qui ressort de ces dispositions, c'est que même si l'admissibilité des produits à la remise des droits doit être déterminée en conformité avec des critères précis prévus dans la Loi, la décision de remettre les droits est laissée à la discrétion du ministre-La décision contestée n'est pas une décision de nature judiciaire-Le pouvoir ultime de remettre ou de ne pas remettre les droits est conféré au ministre afin de lui permettre de répondre aux préoccupations industrielles, commerciales et fiscales du moment-Ces considérations vont bien au-delà des préoccupations particulières de la requérante et donnent lieu à un exercice qui est essentiellement de nature législative ou politique-Pour ce qui concerne la décision du ministre d'annuler les décrets de remise et de percevoir les droits appropriés, le seul recours que la requérante peut exercer est de nature politique et non juridique-Si l'on tient compte des facteurs énumérés dans l'arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653 pour établir l'existence et la teneur de l'obligation d'agir équitablement qui est due aux personnes visées par une décision, un argument très convaincant peut être soulevé en l'espèce selon lequel la requérante avait le droit d'exposer ses vues avant que le ministre puisse décider que ses exportations ne pouvaient plus bénéficier d'une remise des droits-La requérante a présenté ses observations bien avant que la décision prenne effet-Bien que la communication du 5 mai ait été à la fois inappropriée et inexacte et que la communication du 31 juillet ait été loin d'être franche, cela n'a pas entraîné le type de manquement qui justifierait l'annulation de la décision du ministre-La requérante a été informée de la décision qui a été prise, des motifs de celle-ci et de la date d'effet bien avant qu'elle n'entre en vigueur, et elle ne peut donc prétendre qu'elle a été empêchée de faire valoir son point de vue-Tarif des douanes, L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 41, art. 75, 76 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 9, art. 2).

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