Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Hoffmann-LaRoche c. Canada ( Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social )

T-2309-98

juge Evans

21-4-99

16 p.

Demande de suspension d'une ordonnance portant qu'un avis de conformité délivré à Apotex à l'égard de comprimés de 750 mg de naproxen à libération prolongée est nul et sans effet-Le critère en trois volets établi dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, régit l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'accorder un sursis en attendant l'issue d'un appel-Les parties conviennent que l'appel envisagé par Apotex soulève une question sérieuse-La désorganisation, les retards et les autres inconvénients susceptibles d'être causés à Apotex ainsi qu'aux médecins et pharmaciens par la radiation du produit d'Apotex constitueront un préjudice important, pour lequel Apotex n'a aucun droit d'être indemnisé-Au sujet des risques de dommage à la réputation, même si les médecins, les pharmaciens et les autres clients pourraient sans doute considérer étonnant et troublant que ce produit ait été lancé sur le marché, retiré de ce dernier et ensuite remis en circulation, les médecins et les pharmaciens savent que les litiges sont monnaie courante au sein de l'industrie pharmaceutique et qu'à l'occasion cette situation mène à une certaine incertitude au sujet du statut juridique d'un médicament déterminé, ce qui n'a rien à voir avec leur innocuité ou leur efficacité-Apotex est en mesure d'expliquer la situation qui s'est produite en l'espèce d'une manière qui n'endommagera pas à long terme sa réputation générale de fournisseur fiable de produits pharmaceutiques-Apotex a établi le préjudice irréparable que causerait la désorganisation de la distribution du naproxen et la probabilité qu'elle perde des ventes importantes, particulièrement en Ontario, entre la date des présentes et l'issue de l'appel-Il est dans l'intérêt public de s'assurer que les participants au régime réglementaire créé respectent ce régime, qu'il y ait une administration ordonnée du régime dans l'ensemble, y compris ses dispositions visant à équilibrer au moyen des droits de propriété intellectuelle des valeurs concurrentes, savoir l'accroissement de la recherche et la baisse du prix des produits pharmaceutiques-Accorder à Apotex un sursis la récompenserait en réalité pour avoir entrepris de commercialiser le naproxen alors qu'elle savait, ou aurait dû savoir, qu'aucun avis de conformité valable ne lui avait été délivré-Apotex a agi en fonction de son opinion sur sa position juridique, sachant pleinement qu'elle pourrait avoir tort-Il se peut que le fait de prendre un risque calculé de cette nature ne soit pas la façon la plus flagrante de «faire fi de la loi», mais elle est néanmoins susceptible de miner la bonne administration du régime réglementaire et son intégrité, et elle constitue une certaine façon de se faire justice soi-même que la Cour ne saurait encourager-Comme il a été souligné dans l'arrêt Attorney-General v. Harris, [1961] 1 Q.B. 74 (C.A.), approuvé dans Ontario (Attorney-General) v. Grabarchuk, 11 O.R. (2d) 607 (C. Div. Ont.), la violation en toute impunité par un citoyen mène à la violation par d'autres citoyens, ou à un sentiment général que la loi est injustement favorable à ceux qui persistent à en faire fi-La prépondérance des inconvénients favorise le statu quo en attendant l'issue de l'appel-C'est en violation de son obligation légale d'aviser le ministre qu'Apotex commercialisait le naproxen-Rien ne permettait raisonnablement à Apotex de croire que le ministre avait accepté qu'elle continue à commercialiser et à vendre le naproxen, sans encourir de sanction, jusqu'à l'issue de la demande de contrôle judiciaire présentée par Hoffman-La Roche-L'ordonnance du juge Reed en date du 19 avril 1999 déclarant que la préparation des comprimés de naproxen à libération prolongée d'Apotex ne contrefait pas le brevet d'Hoffmann et que le brevet est invalide, ne tranche pas la requête en sursis parce qu'elle n'aborde pas la question de l'importance de s'assurer, dans l'intérêt public, que les personnes qui ne se conforment pas à la loi n'en profitent pas-L'ordonnance du juge Reed peut faire l'objet d'un appel et être infirmée-Même si Apotex s'est acquittée du fardeau de preuve relatif au préjudice irréparable, tout préjudice qu'elle peut subir résulterait largement de la décision qu'elle a prise consciemment de commercialiser le naproxen, malgré le statut juridique incertain de l'avis de conformité-L'intérêt public qu'il y a de promouvoir le respect du régime réglementaire fait pencher la balance de l'autre côté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.