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Établissement William Head c. Canada ( Commissaire du Service correctionnel )

T-1945-97

juge en chef adjoint Richard

10/3/99

63 p.

Contrôle judiciaire de la décision de poursuivre la mise en service du système téléphonique Millennium dans la région du Pacifique du Service correctionnel du Canada (SCC)-Les demandeurs sont des détenus, chacun d'entre eux étant incarcéré dans l'un des huit pénitenciers de Colombie-Britannique-En novembre 1994, le SCC a décidé d'introduire un nouveau système téléphonique à l'échelle nationale en vue d'améliorer la sécurité des établissements pénitentiaires et celle du public-En vertu du nouveau système, les détenus ne peuvent faire que des appels à frais virés; chaque appel coûtant au destinataire de 1,75 $ à 2,75 $-Les tarifs sont fixés par BC Tel-Auparavant, les détenus pouvaient faire des appels téléphoniques locaux gratuitement-Le nouveau système a apporté certaines améliorations au service téléphonique pour les détenus et des moyens de contribuer à prévenir et à contrer les activités criminelles ou interdites auxquelles les détenus pourraient se livrer par téléphone-Après que le nouveau système eut été installé en Ontario en 1996, la Directive du commissaire no 085 a été émise; elle énonce la politique s'appliquant aux communications écrites et aux communications téléphoniques-Dans la décision Hunter c. Canada (Commissaire du Service correctionnel), [1997] 3 C.F. 936 (1re inst.), la légalité du nouveau système a été confirmée, sauf en ce qui concerne le commentaire hors champ-Demande rejetée-1) La demande est-elle hors délai, le délai de 30 jours prévu à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale ayant été dépassé et, si cela est effectivement le cas, y a-t-il lieu pour la Cour d'accorder une prorogation?-Les demandeurs prétendent que le délai prévu pour le dépôt de la demande commence le 15 août 1997, date à laquelle les défendeurs ont communiqué aux demandeurs leur décision de mettre en service le nouveau système téléphonique dans les pénitenciers de la Colombie-Britannique-La décision de mettre en service le nouveau système téléphonique dans l'ensemble du pays a créé une situation se prolongeant dans le temps-La correspondance échangée par les parties explique le retard intervenu dans le dépôt de l'avis de requête introductif d'instance-Il a été démontré que les parties avaient convenu de remettre à plus tard le dépôt de la présente demande, en attendant qu'une décision intervienne dans Hunter-Les demandeurs ont satisfait aux conditions qu'exige une prorogation des délais si tant est qu'une telle prorogation soit nécessaire-Ils ont démontré, par des griefs et des lettres, leur intention constante d'intenter des procédures contre les défendeurs-Les arguments invoqués sont défendables parce que la Cour a déjà décidé, dans le cadre de la demande d'injonction interlocutoire, que l'affaire posait effectivement une question méritant d'être tranchée-Il est dans l'intérêt de la justice d'accorder une prorogation des délais-2) Le prix de 1,75 $ à 2,75 $ qui doit être acquitté pour passer un coup de fil local dans la région du Pacifique entraîne-t-il une violation des art. 7, 10b) et 15 de la Charte et, s'il y a effectivement atteinte aux droits en question, peut-elle se justifier au regard de l'article premier?-(i) La prétention des défendeurs selon laquelle le fait de ne pas fournir un service téléphonique gratuit constitue, de la part du gouvernement, une inaction, ce qui n'est nullement prévu dans la Charte, est rejetée-Le gouvernement a mis en _uvre une politique positive fondée sur des considérations de sécurité-(ii) Les demandeurs font valoir que la décision de mettre en service le système téléphonique Millennium nuit à leur droit d'être transférés dans un établissement d'un moindre niveau de sécurité et de planifier leur libération, et que cette décision a pour effet de prolonger leur période d'incarcération sans qu'interviennent des procédures équitables, contrairement au devoir d'équité qu'impose la common law, contrairement aussi aux principes de justice naturelle ainsi qu'à l'art. 7 de la Charte-Pour eux, le fait de pouvoir moins facilement faire des appels téléphoniques locaux les gênera dans l'établissement et le maintien de liens positifs avec leurs familles et avec la collectivité et nuira à leurs efforts pour réintégrer la société en tant que citoyens respectueux des lois-Dans Operation Dismantle Inc. et autres c. La Reine et autres, [1985] 1 R.C.S. 441, la Cour suprême du Canada a décidé que la violation d'un droit protégé par la Charte ne doit pas être purement éventuelle-Les demandeurs n'ont pas démontré qu'ils risquaient réellement de voir violer les droits que leur garantit l'art. 7 de la Charte (droit à la vie, à la liberté et la sécurité de la personne et droit à ce qu'il ne soit porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale)-Les arguments développés par les demandeurs à l'appui de leur thèse sont purement hypothétiques et ne reposent pas sur des faits-En soi, la mise en service du nouveau système téléphonique n'est pas contraire à l'art. 7 de la Charte-Le principal problème est de nature économique, c'est-à-dire le coût des appels locaux faits dans le cadre du nouveau système téléphonique-Dans Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, la Cour suprême du Canada a décidé que la Charte ne confère aucune protection en matière économique-En ce qui concerne la question de savoir si l'art. 7 de la Charte garantit des droits économiques essentiels à la vie ou à la survie des êtres humains, le juge a besoin d'un mandat explicite pour intervenir dans ce domaine, ce que ne lui donne pas l'art. 7-La mise en service du nouveau système téléphonique n'entraîne aucun changement substantiel dans les conditions d'incarcération des détenus, ce qui est nécessaire, suivant l'arrêt Cunningham c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 143, pour justifier une protection constitution nelle-(iii) La décision de mettre en service le nouveau système téléphonique n'entraîne aucune atteinte à l'art. 10b) de la Charte (droits en cas d'arrestation ou de détention d'avoir recours à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit)-Les pénitenciers ont adopté des politiques précises visant à assurer que les détenus auront accès au téléphone et que leurs droits seront protégés-(iii) En matière de violation de l'art. 15, un critère à deux volets s'applique (droit à la même protection ou au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination): il faut se demander s'il y a une distinction entraînant la négation du droit à l'égalité devant la loi ou dans la loi ou la négation du droit à la même protection ou au même bénéfice de la loi et si cette négation constitue une discrimination fondée sur un motif énuméré ou sur un motif analogue-Les demandeurs ne se sont pas vu refuser la même protection et le même bénéfice de la loi-Les demandeurs reconnaissent qu'ils n'invoqueraient pas la violation des droits que leur garantit l'art. 15 si les appels téléphoniques locaux coûtaient 25 ¢ ou s'ils avaient la possibilité de les faire au moyen d'une carte de débit-Dans certains cas, les détenus peuvent utiliser les téléphones de l'administration-Il n'y a pas de discrimination fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus-Distinction liée à la situation économique des détenus-La Charte ne protège les «droits économiques» que lorsqu'il est nécessaire de le faire pour protéger la valeur et la dignité de la personne-Le droit économique en l'espèce n'est pas nécessaire à la protection d'un autre droit directement lié à la valeur et à la dignité de la personne-Les détenus conservent le droit d'utiliser le téléphone pour communiquer avec leur famille; ils continuent à pouvoir recevoir et envoyer des lettres et à recevoir des visiteurs-Le tarif de 1,50 $ ou 1,75 $ par appel n'est pas exorbitant au point de constituer un obstacle aux contacts-Le groupe décrit comme étant un groupe de «prisonniers pauvres» n'est pas un groupe analogue au regard de l'art. 15-Adoption de l'analyse du juge O'Driscoll dans Masse c. Ontario (Ministère des Services sociaux et communautaires) (1996), 40 Admin. L.R. (2d) 87 (C. Div. Ont.): la catégorie des prestataires de l'aide sociale est hétérogène et leur statut ne constitue pas une caractéristique personnelle aux fins de l'art. 15-La pauvreté englobe beaucoup plus de personnes que celles bénéficiant de l'aide sociale-La discrimination en l'espèce dépend plus de la situation financière des personnes auxquelles sont destinés les appels téléphoniques du détenu qu'à la situation financière propre à ce dernier-Les prisonniers et/ou les détenus ne constituent pas un groupe analogue: Sauvé c. Canada (Directeur général des élections), [1996] 1 C.F. 857 (1re inst.)-(iv) La mise en service du nouveau système téléphonique est raisonnable et sa justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique-L'objectif est suffisamment important et les moyens employés sont proportionnés-3) Au regard de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) et du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC), les défendeurs ont-ils outrepassé leur compétence en imposant des frais pour les appels locaux?-Les demandeurs ont fait valoir que, contrairement à l'art. 74 de la LSCMLC, les détenus n'ont pas eu la possibilité de présenter leurs observations avant l'entrée en service du nouveau système téléphonique-L'obligation légale inscrite dans cet article ne s'applique pas aux affaires touchant la sécurité-Les défendeurs n'étaient pas tenus de consulter les détenus avant de mettre en service le nouveau système téléphonique-Les défendeurs ont essayé de faire participer autant de détenus que possible à la mise en service du système, en consultant des comités de détenus afin de savoir quels étaient les numéros de téléphone qui devraient figurer sur la liste des numéros d'accès général-L'art. 71(1) de la Loi, l'art. 95 du Règlement et la Directive du commissaire no 085 ne contiennent aucune disposition obligeant les défendeurs à offrir aux détenus la possibilité de faire gratuitement des appels téléphoniques locaux-La mise en service du système n'est aucunement contraire à l'art. 95 du RSCMLC, qui porte sur la communication avec une personne-Le nouveau système téléphonique n'empêche pas de contacter les gens par courrier-La Directive du commissaire no 085 n'empêche pas les détenus de faire des appels téléphoniques-La décision de mettre en service le nouveau système téléphonique n'est pas contraire au RSCMLC-Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 7, 10, 15-Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 71, 74-Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, art. 95.

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