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Manitoba's Future Forest Alliance c. Canada ( Ministre de l'Environnement )

T-434-98

juge Nadon

18-6-99

48 p.

Demande d'annulation d'une décision par laquelle la construction du pont de Sewap Creek avait été approuvée conformément à l'art. 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables (la LPEN)-Les projets de la défenderesse Tolko Manitoba Inc. comprenaient la transformation et l'agrandissement d'une usine de pâte existante, la construction d'une nouvelle usine de pâte, la construction de chemins d'exploitation utilisables en toute saison sur des centaines de kilomètres et d'autres activités forestières connexes-Le projet relatif au pont était proposé dans le plan annuel de 1997-Dans le cadre du processus de délivrance de licence, le plan annuel a été distribué aux divers ministères des gouvernements fédéral et provincial pour examen, et notamment à la Garde côtière canadienne (la GCC), qui a conclu que Sewap Creek était un cours d'eau navigable-Une demande a été soumise à la GCC pour approbation conformément à l'art. 5(1) de la LPEN aux fins de la construction d'un pont enjambant Sewap Creek-Le processus d'approbation a eu pour effet de déclencher une évaluation environnementale conformément à l'art. 5(1)d) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la LCEE)-Aucune évaluation environnementale n'a été effectuée conformément à la LCEE sauf en ce qui concerne le pont de Sewap Creek-La seule décision qui peut faire l'objet de la demande de contrôle judiciaire est celle par laquelle le projet relatif au pont de Sewap Creek a été approuvé-L'art. 2 de la LCEE définit le mot «projet» comme étant la «réalisation y compris l'exploitation, la modification, la désaffectation ou la fermeture d'un ouvrage»-En sa qualité d'autorité responsable, la GCC a déterminé, conformément à l'art. 15(1) de la LCEE, que la portée du projet était «la construction du pont ainsi que des abords et voies d'accès directement liés au pont»-Absence d'erreur dans la détermination de la portée du projet-L'art. 15(3) traite de la portée de l'évaluation environnementale-La GCC a déterminé que la portée de l'évaluation environnementale comprenait les effets environnementaux du pont et de tout ouvrage lié à sa construction, à son exploitation ou à son entretien à l'emplacement du pont et en aval-En vertu de l'art. 16(1)a), la GCC a conclu que les effets cumulatifs du projet étaient limités aux effets hydrauliques du projet, combinés aux autres ouvrages le long du cours d'eau et dans les eaux de Sewap Creek-La GCC a conclu que le pont n'était pas susceptible d'avoir sur l'environnement des effets importants et elle a approuvé la demande en vertu de la LPEN-Les travaux de construction ont été achevés en 1997-La GCC n'a pas commis d'erreur en déterminant la portée de l'évaluation conformément à l'art. 15(3)-Dans le contexte de la définition, les mots «other undertaking in relation to that physical work» de la version anglaise se rapportent aux opérations qui font partie de la catégorie d'opérations expressément mentionnées-Ces opérations sont des événements susceptibles de se produire au cours du cycle de vie d'un ouvrage comme le pont de Sewap Creek-La version française étaye cette interprétation-La portée du «projet», soit le pont lui-même et toutes les opérations liées au cycle de vie du pont, devait être déterminée par la GCC en vertu de l'art. 15(1)-En vertu de l'art. 15(3), l'autorité responsable effectue une évaluation environnementale non seulement à l'égard des opérations liées à l'ouvrage proposé par le promoteur, mais aussi à l'égard des opérations qui, à son avis, sont «susceptibles d'être réalisées en liaison avec l'ouvrage»-En ce qui concerne la nature des opérations assujetties à l'évaluation environnementale de l'autorité responsable, le libellé de l'art. 15(3) est le même que celui de l'art. 2-L'autorité responsable doit évaluer toutes les opérations liées au cycle de vie de l'ouvrage, comme le pont de Sewap Creek-Le libellé de la version anglaise de la définition du mot «projet» figurant à l'art. 2, qui dit qu'un projet vise «any proposed construction» n'est pas le même que celui de l'art. 15(3), mais les deux expressions sont définies par les mots «in relation to that physical work» (lié à un ouvrage), qui restreignent la portée de l'évaluation aux opérations liées à l'ouvrage-Les opérations forestières de la défenderesse ne sont pas des opérations liées au pont de Sewap Creek ni des opérations qui sont «susceptibles d'être réalisées» en liaison avec le pont de Sewap Creek-En examinant le projet, la GCC a tenu compte des effets environnementaux du pont et de tout ouvrage lié à sa construction, à son exploitation et à son entretien ainsi que des effets cumulatifs-Il était loisible à la GCC d'évaluer la portée des éléments en vertu de l'art. 16(1)-Absence de fondement justifiant une intervention à l'égard de cette évaluation-La décision de la GCC selon laquelle le projet n'était pas susceptible de causer des effets négatifs importants sur l'habitat du poisson une fois tenu compte de la mise en _uvre de mesures d'atténuation appropriées était raisonnable-La Cour ne souscrit pas à l'interprétation de l'art. 15(3) de la LCEE donnée par le juge Gibson dans Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1998] 4 C.F. 340 (1re inst.)-Le juge Gibson a donné une interprétation large de l'application de la LCEE en se fondant sur l'art. 4 de la LCEE, qui énonce les objectifs de la Loi, ainsi que sur certaines remarques du juge La Forest dans Friends of the Old Man River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3-Il a conclu que l'art. 15(3) oblige l'autorité responsable à faire porter l'évaluation environnementale sur la route et peut-être sur les opérations forestières, dans la mesure oú ces dernières sont «en liaison» avec les projets-Le juge a donné au mot «opération» un sens qui n'est pas prévu par la disposition, en particulier lorsqu'il est tenu compte de la définition du mot «projet»-Même si le juge Gibson a statué qu'il ne pouvait pas intervenir relativement à la décision que l'autorité responsable avait prise au sujet de la portée des projets, il a en fait caractérisé de nouveau la portée des projets en analysant la portée des évaluations environnementales en vertu de l'art. 15(3)-Il ne lui était pas loisible de le faire-Le juge a fondé son interprétation large de la portée des évaluations environnementales en vertu de l'art. 15(3) sur le «critère de l'utilité propre», en s'appuyant à cet égard sur la jurisprudence américaine et sur la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale: guide de l'autorité responsable-La jurisprudence américaine n'est pas pertinente étant donné que le texte de la loi américaine ne ressemble pas à celui de la LCEE-Le Guide indique simplement le point de vue de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, un organisme administratif, au sujet de l'application de la Loi-Selon le juge Gibson, il semblerait que le Guide, et par conséquent le principe de l'«utilité propre», l'emportent sur le libellé de la LCEE-Les autorités responsables sont tenues de suivre et d'appliquer la LCEE et non le Guide-Le Guide peut être utile, mais il ne peut pas l'emporter sur la loi-Quoi qu'il en soit, la façon dont le juge Gibson a interprété le Guide est incompatible avec ce que le Guide dit réellement-Le juge a cité un passage à l'appui de son interprétation de l'art. 15(3) se rapportant au pouvoir discrétionnaire de l'autorité responsable en ce qui concerne la détermination de la portée du projet et non à la détermination de la portée de l'évaluation-Le juge Gibson a statué sur la question de savoir quels ouvrages sont accessoires au projet principal à l'aide des critères énoncés dans le Guide: l'«interdépendance» et le «lien»-En appliquant le critère du «lien», le juge Gibson a conclu que la construction des ponts rendait «inévitable» la construction de la route-Le mot «inévitable» qui est utilisé à l'égard du critère du «lien» veut dire que la construction du projet principal rend «inévitable» la construction d'un autre ouvrage-La construction des ponts ne rendait pas inévitable la construction de la route-Il n'était peut-être pas sensé de construire les ponts sans qu'ils soient reliés à une route, mais la construction des ponts n'exigeait pas la construction de routes-En ce qui concerne le critère de l'«interdépendance», le passage de Sewap Creek est le projet «principal»-Le «projet principal» peut être réalisé sans que des opérations soient réalisées en liaison avec la construction de chemins ou d'une usine de pâte-Par conséquent, les chemins et l'usine de pâte ne peuvent pas être considérés comme des éléments du projet visé-Les critères relatifs au «lien» et à l'«interdépendance» montrent clairement que le but visé est l'examen de la décision relative à la portée du projet plutôt que de la décision relative à l'évaluation environnementale-En vertu de l'art. 15(1), la portée de l'évaluation ne peut pas servir de prétexte pour modifier le projet tel qu'il est déterminé en vertu de l'art. 15(1); c'est le projet tel qu'il est déterminé par l'autorité responsable et ses effets environnementaux qui doivent être examinés par l'autorité responsable-La seule mise en garde est qu'en vertu de l'art. 15(3), l'autorité responsable doit effectuer une évaluation environnementale non seulement du projet, mais aussi des autres opérations «susceptibles d'être réalisées en liaison avec l'ouvrage» c'est-à-dire les opérations qui font partie de la catégorie d'opérations expressément mentionnées dans la définition du mot «projet» figurant à l'art. 2 de la LCEE-Si les projets avaient déclenché une évaluation environnementale en vertu de l'art. 5(1) de la LCEE, l'autorité responsable aurait pu exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'art. 15(2) et déterminer que les projets étaient «liés assez étroitement pour être considérés comme un seul projet»-Demande rejetée-Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22, art. 5-Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2 «projet» (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 21, 22), 5, 15, 16.

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