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Fraser Shipyard and Industrial Centre Ltd. c. Atlantis Two ( Le )

T-111-98

protonotaire Hargrave

11-6-99

110 p.

Ordre de priorité des créanciers dans une action réelle relative au produit de la vente de l'Atlantis Two (1 100 000 $) et du combustible de soute (58 393,49 $)-Cession à Sa Majesté de la créance de l'équipage en ce qui concerne les frais de rapatriement-L'ordre de priorité accordé aux créances maritimes au Canada est d'une façon générale le même que celui qui est accordé à pareilles créances au Royaume-Uni, mais il existe de légères différences-Étant donné qu'un certain nombre de personnes revendiquaient des privilèges maritimes américains, la Cour devait parler du rang qu'occupaient entre elles certaines créances maritimes américaines-Étant donné que les parties valides des privilèges maritimes américains relatifs aux approvisionnements nécessaires et la partie d'une créance canadienne relative aux approvisionnements nécessaires jugée équivalente à un privilège maritime américain n'épuisaient pas les fonds disponibles, il n'était pas nécessaire de tenir compte du rang qu'occupaient entre elles ces créances en droit canadien-Le rang des privilèges maritimes américains relatifs aux approvisionnements nécessaires est régi, au Canada, par le système canadien de priorités, mais le rang des créances américaines est peut-être néanmoins pertinent-La question du retard indu a été examinée à l'égard des réclamations américaines-Étant donné qu'un certain nombre de réclamations américaines relatives aux approvisionnements nécessaires donnaient lieu à des privilèges maritimes légaux, l'arrêt Todd Shipyards Corp. c. Altema Compania Maritima S.A., [1974] R.C.S. 1248 est pertinent-Dans cette affaire, la C.S.C. a statué que le titulaire américain d'un privilège maritime fondamental pourrait revendiquer son privilège au Canada et utiliser notre législation procédurale, à savoir la Loi sur la Cour fédérale et les Règles y afférentes, pour le faire valoir-Le rang a été déterminé en vertu du droit canadien-1) Le prix du combustible de soute fourni par suite d'une ordonnance de la Cour doit être payé à l'aide du produit de la vente et occuper le même rang que les débours du prévôt avec intérêts, ceux-ci étant fondés sur une estimation fondée sur l'examen des taux de la Banque de Montréal s'appliquant aux prêts commerciaux pour la période pertinente-2) Créances de l'équipage, des officiers et du capitaine (l'équipage)-Les débours du capitaine se rapportant principalement aux vivres destinés à l'équipage qu'il avait payés de sa poche, étaient garantis par un privilège maritime-La priorité a été accordée aux salaires de l'équipage à l'égard du reliquat du produit de la vente, une fois payés les frais de vente du shérif et le combustible diesel-Cette priorité s'appliquait aux frais de rapatriement-L'équipage a droit à une somme forfaitaire à l'égard des dépens et des débours, d'un montant de 6 000 $-3) Rapatriement-Les frais de rapatriement sont normalement supportés par les propriétaires, mais ceux-ci avaient abandonné tant le navire que l'équipage-Les frais de rapatriement, supportés par les marins eux-mêmes, peuvent occuper le même rang que la réclamation concernant les salaires-Un privilège maritime relatif aux frais de rapatriement peut être cédé par ordonnance judiciaire lorsque, comme c'est ici le cas, ces frais sont payés par quelqu'un d'autre-4) Réclamation relative au combustible de soute déposée par Mermaid Shipping Co. Ltd., le principal affréteur en vertu de la charte-partie, en sa qualité de propriétaire du combustible de soute qui était à bord du navire-Mermaid avait sous-affrété l'Atlantis Two à International Coffee and Fertilizer Trading Co. (INCOFE)-La réclamation de Mermaid à l'égard du combustible de soute consommé pendant que le navire était immobilisé à Vancouver était au mieux fondée sur un droit légal réel-Malheureusement, il n'y avait pas suffisamment de fonds pour payer la créance de Mermaid à cet égard-Mermaid a droit à la valeur du combustible de soute et du combustible qui étaient à bord du navire, moins une partie des frais de vente, ainsi qu'aux intérêts qui conviennent-Les créanciers hypothécaires réclamaient un droit sur le combustible qui était à bord du navire-Toutefois, les conditions de l'hypothèque ne s'appliquaient pas au combustible; selon les dispositions de la charte-partie, le droit de propriété afférent au combustible n'était pas transmis aux propriétaires, mais Mermaid continuait à en être titulaire, en sa qualité d'affréteur-Il n'est que juste qu'une fraction au pro rata des frais de vente du navire et du combustible qui était à bord du navire soit prise en charge par Mermaid-En résumé, Mermaid a droit à la valeur nette du combustible, soit le montant du prix de vente du combustible, conservé dans un fonds théoriquement distinct, moins une fraction équitable des frais de vente-Mermaid a droit aux intérêts courus sur la valeur du combustible vendu pendant que le montant y afférent était détenu en fiducie et en dépôt-5) Fourniture d'approvisionnements nécessaires aux États-Unis (Strachan Shipping Co., Hellenic Ship Supply Inc., Atlantic Steamers Supply Co. (DE) Inc., Atlantic Steamers Supply Co. (NLN) Inc.)-Ces créances n'étaient pas garanties par des privilèges maritimes prioritaires-Il s'agissait plutôt de privilèges maritimes qui auraient préséance aux États-Unis sur les hypothèques grevant le navire-Bien sûr, selon le système canadien et si l'on applique Todd Shipyards Corp., ces créances avaient préséance sur celle d'ABN-Amro, en sa qualité de créancier hypothécaire-Les réclamations relatives aux privilèges maritimes, telles qu'il y est fait droit et compte tenu des fonds disponibles, sont colloquées pari passu-La réclamation d'Hellenic a été admise, mais il n'existait pas de privilège maritime à l'égard des honoraires d'avocat-La réclamation d'Atlantic NLN se rapportant aux approvisionnements nécessaires fournis aux É.-U. avant la date d'enregistrement des hypothèques grevant le navire se rapportait à un privilège maritime prioritaire-Le solde se rapportant aux marchandises fournies par la suite a été accordé-Étant donné qu'aucun privilège maritime n'est accordé en Australie au fournisseur d'approvisionnements nécessaires, la réclamation de Nautilus Australia Limited à l'égard des approvisionnements nécessaires fournis en 1997 occupait le même rang que celle du fournisseur habituel d'approvisionnements nécessaires au Canada, c'est-à-dire qu'elle possédait une forme de droit réel, venant après les privilèges maritimes et les hypothèques-Réclamation de Mega Marine Services Ltd. concernant le prix de deux culasses de moteur qui n'avaient pas été fournies directement au navire, mais qui avaient été fournies FAB Houston (Texas)-Étant donné qu'en droit américain, les approvisionnements nécessaires doivent être fournis à un navire (ce qui n'est pas ici le cas), il n'y avait pas de privilège maritime contre l'Atlantis Two-Réclamation d'Unitor ASA relative à des fournitures maritimes livrées par l'entremise d'un agent américain du New Jersey à l'Atlantis Two au Mexique en novembre 1997 et en janvier 1998 et à l'égard de fournitures nécessaires livrées à des navires frères de l'Atlantis Two-Compte tenu de la Federal Maritime Lien Act et de la jurisprudence y afférente, Unitor, une société norvégienne agissant par l'entremise d'un agent américain, possédait des privilèges maritimes contre l'Atlantis Two et contre les deux navires frères, et ce, indépendamment de la question de savoir si les approvisionnements nécessaires avaient été fournis dans un port américain-En ce qui concerne la présentation de réclamations au moyen de la procédure relative aux navires frères, le privilège américain fondamental n'était pas visé par la disposition relative aux navires frères, l'art. 43(8) de la Loi sur la Cour fédérale, qui se rapporte simplement à la compétence conférée à la Cour par l'art. 22 de la Loi, soit une compétence en matière personnelle qui peut être invoquée contre un navire frère plutôt qu'un droit ou privilège existant sur un navire, qui est exercé contre un autre navire-Si les titulaires de privilèges américains voulaient utiliser ici au Canada la procédure relative aux navires frères, il devrait exister aux États-Unis des dispositions législatives sur les navires frères permettant à ces titulaires d'invoquer au Canada un privilège maritime complet contre le navire frère-Bien sûr, le titulaire d'un privilège, à supposer qu'il puisse faire valoir un droit personnel contre le propriétaire du navire et à supposer que ce dernier soit, au moment pertinent, non seulement propriétaire du navire débiteur fautif, mais aussi du navire frère, pourrait invoquer ce droit personnel au Canada et l'exercer, sur le plan de la procédure, contre tout navire frère-Toutefois, pareille créance occuperait uniquement le même rang qu'un droit légal réel, ce qui est peu utile en l'espèce, étant donné que le produit de la vente est restreint-Réclamation de Mermaid se rapportant à la violation de la charte-partie par le propriétaire du navire et notamment au prix de location payé en trop, à la perte de revenu et aux réclamations que pouvait présenter le sous-affréteur de Mermaid, INCOFE-Selon le droit américain, un affréteur peut revendiquer un privilège maritime contre le propriétaire en cas de la violation de la charte-partie, mais en l'espèce, il n'existait aucun lien avec les États-Unis-La violation a eu lieu au Canada-Une clause de la charte-partie prévoyait que c'était le droit anglais qui s'appliquait-Dans ce cas-ci, il n'y avait pas de privilège maritime-En ce qui concerne les sommes payées d'avance, Mermaid avait, en vertu de la Loi sur la Cour fédérale, un droit légal réel fondé sur la violation d'un contrat qui, en l'espèce, n'avait aucune valeur-Le sous-affréteur INCOFE réclamait une somme, garantie par un privilège maritime américain, en se fondant sur la violation de la charte-partie existant entre Mermaid, en sa qualité d'armateur disposant et d'affréteur à temps d'une part, et INCOFE, en sa qualité d'affréteur au voyage d'autre part-Il s'agissait initialement de savoir si la réclamation fondée sur la violation d'une charte-partie donnait lieu à un privilège maritime américain pouvant être exercé avant l'hypothèque grevant l'Atlantis Two, détenue par ABN-Amro Bank N.V.-L'argument d'INCOFE était que la charte-partie prévoyait l'arbitrage à New York et que c'était donc le droit américain qu'il convenait d'appliquer au contrat-La violation sur laquelle se fondait INCOFE à l'appui de sa réclamation se rapportait à la garantie relative à l'état de navigabilité figurant dans la charte-partie-INCOFE possédait un privilège maritime américain par suite de la violation de la charte-partie, mais ce privilège, qui avait pris naissance après l'enregistrement des hypothèques d'ABN-Amro, n'était pas un privilège maritime prioritaire venant avant une hypothèque privilégiée selon le système américain de priorités-Ce privilège maritime américain résultant de la violation d'un contrat vient après, toujours selon le système américain, toutes les hypothèques privilégiées grevant le navire qui ont déjà été enregistrées-Toutefois, en l'espèce, le droit que possédait INCOFE par suite de la violation du sousaffrètement était un privilège maritime se rattachant au navire-Dans le système canadien, même s'il ne s'agissait pas d'un privilège maritime prioritaire, ce droit venait avant les hypothèques d'ABN-Amro-Dommages-intérêts réclamés par INCOFE-Les dommages-intérêts réclamés ne sont pas de la nature d'un droit fondamental américain, dont la nature doit être expliquée par des experts américains pour qu'il soit possible de déterminer les modalités d'exercice au Canada, mais un recours canadien qui doit être déterminé par cette Cour, sans l'aide d'un expert-Puisqu'elle a conclu que la réclamation d'INCOFE était fondée, la Cour devait quantifier cette réclamation de façon que, dans la mesure oú le produit de la vente était suffisant, INCOFE se voie accorder la somme la mettant autant que possible dans la situation oú elle aurait été si la charte-partie n'avait pas été violée-INCOFE réclamait des intérêts sur le montant correspondant à la valeur de la cargaison retenue à bord du navire parce que le navire avait tardé à partir, le coût de l'extension de la couverture d'assurance en raison du retard, le coût d'une visite du navire à Vancouver, le remboursement d'une somme réclamée par l'acheteur de la potasse, qui avait été obligé d'obtenir de la potasse d'autres sources, et le profit perdu-Il a été fait droit à la réclamation relative aux intérêts, sur le prix d'achat de la marchandise, pour la période allant de la date à laquelle la marchandise avait été payée à la date à laquelle la marchandise avait été livrée-Réclamation relative à la somme versée à l'acheteur de la potasse à l'égard de la différence entre le coût de la potasse qui devait être livrée et le coût de remplacement de la potasse-La réclamation posait un problème en ce sens qu'INCOFE n'avait pas contesté les frais que l'acheteur avait engagés en vue de limiter le préjudice-Les principes relatifs au caractère prévisible s'appliquent également, que la réclamation soit fondée sur la responsabilité délictuelle ou contractuelle, sous réserve cependant des connaissances, ententes ou relations particulières entre les parties contractantes ou de toute disposition expresse ou implicite dans le contrat au sujet des dommages recouvrables en cas d'inexécution: Asamera Oil Ltd. c. Sea Oil & General Corporation, [1979] 1 R.C.S. 633-En l'espèce, les dispositions du contrat ne traitaient pas de sa violation-On n'a invoqué devant la Cour aucun élément convaincant en vue de contester les frais engagés, représentant la différence entre la valeur de la cargaison qui était à bord de l'Atlantis Two et le coût de la marchandise de rechange, du transport entre le Guatemala et le Nicaragua et le Costa Rica et d'une certaine quantité de phosphate en sacs qui avait été transportée par mer-Il a été fait droit à cette partie de la réclamation-La réclamation relative aux intérêts n'était pas appropriée ou justifiée-La réclamation, en ce qui concerne le profit perdu en 1997, a été rejetée étant donné que par suite du retard, la potasse qui était à bord de l'Atlantis Two en 1997 avait été vendue pendant que le marché était à la hausse en 1998, de sorte qu'INCOFE n'avait perdu aucun profit, quel qu'il soit, en 1997-Quant à la réclamation relative au profit perdu en 1998, INCOFE n'avait pas établi que, si ce n'avait été de la débâcle à laquelle l'Atlantis Two avait fait face, elle aurait selon la prépondérance des probabilités vendu toute la cargaison qui lui était destinée-Si Houweling Nurseries v. Fisons Western Corp. (1988), 49 D.L.R. (4th) 205 (C.A. C.-B.), à la p. 217, était appliqué (les réclamations se rapportent à la perte d'une possibilité qui allait probablement se réaliser, mais qui doit être contrebalancée par le fait qu'elle pourrait bien ne pas se matérialiser complètement), il était raisonnable et sensé de faire droit à la réclamation dans une proportion de 75 p. 100-La réclamation d'ABN-Amro N.V. s'élevait en tout à 11 374 895 $ en ce qui concerne les hypothèques de premier et de deuxième rang-Selon le système habituel de priorités, la garantie hypothécaire d'ABN-Amro prenait rang avant les droits légaux réels, mais après les privilèges maritimes-Divers créanciers soutenaient qu'ABN-Amro aurait dû s'en prendre plus tôt au navire; les créanciers auraient ainsi pu prendre connaissance de la situation et n'auraient pas consenti un crédit-Les créanciers soutenaient que c'était la raison pour laquelle ABN-Amro devrait perdre son rang prioritaire-Il n'y avait pas lieu de modifier le rang d'ABN-Amro en sa qualité de titulaire d'une hypothèque de premier rang, étant donné qu'il n'était pas établi qu'elle n'avait rien fait même si elle savait que l'on était en train de réparer le navire et que le propriétaire ne pourrait pas payer ces réparations, dont la valeur serait empochée par le créancier hypothécaire au moment de la vente forcée du navire-Réclamation de Fraser Shipyard, fondée sur l'enrichissement sans cause, pour de gros travaux effectués qui avaient eu pour effet de faire monter le prix de vente du navire-Considération des circonstances dans lesquelles un tribunal s'écartera de l'ordre de priorité habituel ainsi que de la question de savoir si, en l'espèce, la Cour devait attribuer un rang supérieur à la réclamation de Fraser Shipyard puisque les réparations avaient pour effet de faire monter le prix de vente du navire-La Cour ne devrait recourir à sa compétence en equity pour modifier l'ordre de priorité établi depuis longtemps que lorsque cela est nécessaire pour empêcher une injustice flagrante-En l'espèce, le résultat serait injuste en ce sens que si Fraser Shipyard n'avait pas exécuté le travail, le navire aurait probablement été vendu pour sa valeur de rebut, plus une certaine valeur intrinsèque-Compte tenu des documents et des arguments présentés, et notamment de la preuve présentée par l'expert, la valeur de l'Atlantis Two aurait bien pu augmenter de 25 p. 100 par rapport à la valeur de rebut et à la valeur intrinsèque en raison des réparations effectuées, c'est-à-dire passer de 880 000 $ à 1 100 000 $, soit le montant que le navire a rapporté au moment de la vente-Selon ce calcul, un montant de 220 000 $ US a été accordé à Fraser Shipyard, sa réclamation étant colloquée pari passu avec celles des titulaires de privilèges américains, ainsi que des intérêts au taux de 7 p. 100 à compter de la fin des travaux.

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