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Levis Strauss & Co. c. Era Clothing Inc.

T-1096-98

juge Evans

23-7-99

13 p.

Dépôt de documents confidentiels-Dans le contexte d'une action en contrefaçon d'une marque de commerce, un appel avait été interjeté contre une ordonnance de confidentialité rendue par le protonotaire à la suite d'une requête présentée par la défenderesse en vertu de la règle 151 des Règles de la Cour fédérale (1998) à l'égard de certains documents (renfermant des renseignements commerciaux confidentiels) inclus dans l'affidavit de la défenderesse-La demanderesse s'était opposée à l'ordonnance pour le motif que l'ordonnance s'appliquait uniquement aux documents que la défenderesse avait inclus dans son dossier de requête; que l'ordonnance était de nature unilatérale: elle ne s'appliquait pas aux documents de la demanderesse; que l'ordonnance ne correspondait pas quant à la forme aux ordonnances de confidentialité habituellement rendues par la Cour-Le protonotaire avait rendu l'ordonnance de confidentialité «habituelle» conformément au libellé du projet d'ordonnance que la demanderesse lui avait soumis-La défenderesse a soutenu que selon le sens ordinaire de la règle 151(2), les documents ou éléments matériels qui seront déposés devant la Cour ne peuvent pas être assujettis à une ordonnance de confidentialité tant que la Cour n'est pas convaincue que la demande de confidentialité l'emporte sur l'intérêt du public à la publicité des débats judiciaires, lequel prévaut généralement-Elle a maintenu qu'il serait contraire au sens ordinaire de la règle 151(2) de rendre, comme c'est ici le cas, une ordonnance possible autorisant les parties, en se fondant simplement sur leurs dires, à demander la confidentialité d'un document ou élément matériel, et ce, peu importe qu'il soit déposé, sous réserve uniquement de toute contestation possible de la demande par une autre partie-Elle a également soutenu que le consentement des parties ne peut pas avoir pour effet de rendre la Cour compétente pour rendre une ordonnance non conforme à la règle 151(2)-La demanderesse a axé son argument sur les avantages de ce qui est devenu l'ordonnance de confidentialité habituelle accordée par cette Cour et sur les problèmes pratiques que pourrait occasionner l'interprétation de la règle 151 préconisée par l'avocat de la défenderesse-Appel accueilli-La règle 151 s'applique uniquement aux «documents ou éléments matériels qui seront déposés»-On ne peut pas dire qu'une ordonnance rendue sans qu'il soit fait mention de documents précis, ou de catégories de documents, a été rendue une fois que la Cour est convaincue «de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels étant donné l'intérêt du public à la publicité des débats judiciaires»-Donner effet à ce qui semblerait être le sens ordinaire de la règle n'est pas non plus nécessairement contraire aux valeurs fondamentales sous-tendant les Règles-Les Règles actuelles sont fondées sur des considérations d'efficacité et de célérité dont il faudrait toujours tenir compte en les interprétant et en les appliquant-Toutefois, cela ne devrait pas se faire aux dépens du principe encore plus important voulant que dans une société démocratique qui s'est engagée à assurer la primauté du droit, il convient d'apporter le moins de restrictions possible au caractère public des tribunaux et du processus judiciaire-Toutefois, rien n'empêche une ordonnance de confidentialité d'autoriser une partie à solliciter à une date ultérieure qu'un document ne soit plus visé par l'ordonnance-La solution consiste peut-être à décourager les parties de demander une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 tant qu'elles ne sont pas prêtes à déposer devant la Cour les documents ou éléments matériels à l'égard desquels l'ordonnance est demandée-À ce stade, la partie adverse devrait normalement être en mesure de prendre une décision éclairée au sujet de la question de savoir si elle doit contester la chose et de le faire-La Cour déterminera ensuite si la demande de confidentialité est subjectivement et objectivement fondée-Dans la mesure oú l'ordonnance ici en cause s'applique aux documents ou éléments matériels autres que ceux qui seront déposés, la règle 151 et l'intérêt exigeant que les dossiers de la Cour soient accessibles ne s'appliquent pas-Par conséquent, il n'y a pas lieu d'exiger que l'on s'écarte de la pratique passée à l'égard de ces documents ou éléments matériels, de sorte que les ordonnances de confidentialité «de portée générale» puissent continuer à être rendues sur une base bilatérale, et aux mêmes conditions-L'engagement de confidentialité qui est implicitement pris à l'égard des documents ou éléments matériels communiqués dans le cours des interrogatoires préalables et ailleurs pendant le litige suffit pour autoriser la Cour à rendre des ordonnances de confidentialité s'appliquant aux documents ou éléments matériels non visés par la règle 151-Il semblerait ici opportun d'invoquer la règle 4, la disposition relative aux «cas non prévus»-Par conséquent, la règle 151(2) peut avoir en pratique pour effet d'obliger la partie qui veut maintenant la confidentialité d'un document ou élément matériel particulier qu'elle a l'intention de déposer à présenter une deuxième requête avant de le déposer-À ce stade, cette partie devra convaincre la Cour, en invoquant des motifs tant subjectifs qu'objectifs, du caractère confidentiel des documents ou éléments matériels-Il serait préférable en l'espèce d'infirmer simplement l'ordonnance et de renvoyer l'affaire au protonotaire de façon que les parties puissent réexaminer à la lumière de ces motifs les conditions de l'ordonnance de confidentialité qui est accordée et toute autre ordonnance qu'elles veulent demander-Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 151(2).

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