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Groupe Tremca Inc. c. Techno-Bloc Inc.

T-1064-97

juge Blais

15-10-98

21 p.

Conflits d'intérêts-Appel d'une décision du protonotaire de la Cour fédérale rejetant la requête de la défenderesse afin que le procureur des demanderesses soit déclaré en conflit d'intérêts dans la présente action en contrefaçon de brevet et déclaré inhabile à continuer d'occuper pour les demanderesses-Le vice-président de la défenderesse aurait eu trois rencontres avec un agent de brevet de l'étude Robic, agents de brevet et marques de commerce, qui ne fait qu'un avec la firme de procureurs Léger Robic Richard-La point en litige consiste à savoir si des informations confidentielles ont été échangées lors de ces rencontres et si l'agent de brevet, et en conséquence les avocats du bureau Léger Robic Richard, se sont retrouvés par la suite en conflit d'intérêts lorsqu'ils ont pris partie en faveur des demanderesses, dans le présent dossier-Il s'agit de déterminer si le protonotaire a erré en droit en appliquant à la présente situation les principes énoncés dans l'arrêt Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235 et si le protonotaire a erré en fait et en droit en concluant que l'information contenue dans les documents reçus par le cabinet Robic faisait partie du domaine public et que, par conséquent, l'étude Léger Robic Richard s'était déchargée de son fardeau de preuve en appliquant les principes énoncés dans l'arrêt Martin: 1) la Cour doit prendre en considération trois valeurs en même temps, soit le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité de notre système judiciaire, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix et la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession; 2) l'avocat a-t-il appris, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, des faits confidentiels relatifs à l'objet du litige?; y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?; le tribunal (ou un membre du public raisonnablement informé) serait-il persuadé qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué?; 3) un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre un client ou un ancien client-La question de savoir s'il existe un conflit d'intérêt entraînant une inhabilité a été résolue selon deux critères fondamentaux: la possibilité de préjudice réel (mauvais usage de renseignements confidentiels par un avocat au détriment d'un ancien client) et le précepte qui veut que la justice soit non seulement rendue mais qu'il soit évident qu'elle est rendue-Appel accueilli-Dans la présente instance, le lien antérieur et la connexité avec le mandat ont été prouvés et sont suffisants-Le point essentiel en l'espèce est de savoir si le procureur a renversé la présomption et a pu démontrer qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué-D'abord, il y a lieu de rejeter les prétentions du procureur des demandeurs qu'il y aurait eu renonciation à soulever la question de conflit d'intérêts et que la défenderesse a consenti à ce que la firme Léger Robic Richard agisse comme avocats pour les demanderesses-Il faut tenir compte de la règle fondamentale énoncée dans le Code de déontologie professionnelle de l'Association du Barreau canadien qui prévoit que «L'avocat ne doit pas conseiller ou représenter des intérêts opposés, à moins d'avoir dûment averti ses clients éventuels ou actuels et d'avoir obtenu leur consentement. Il ne doit agir ni continuer d'agir pour une affaire présentant ou susceptible de présenter un conflit d'intérêts»-Une séquence de trois rencontres entre le client et son avocat permet de créer un climat de confiance qui constitue le cadre d'échanges privilégiés entre un avocat et son client-Il n'est possible ni pour le client ni pour l'avocat de répertorier tout ce qui fait partie des discussions, mais il apparaît clair qu'il était davantage possible pour l'agent de brevet de savoir quels étaient les objectifs et les éléments de stratégie envisagés par le vice-président de la défenderesse relativement au brevet en litige, à la suite de ces rencontres-Le tribunal n'est pas convaincu que le fait d'avoir donné une opinion verbale et par écrit sur l'étendue du brevet au viceprésident de la défenderesse et d'entreprendre par la suite au nom de l'autre partie une action alléguant la contrefaçon du brevet, ne constitue par un conflit d'intérêts à sa face même-Même si le motif de l'action en contrefaçon s'est modifié entre les deux actions entreprises au cours des années, il s'agit néanmoins du même brevet pour lequel l'agent des brevets a donné un avis dans un sens à la défenderesse et dont le bureau d'avocats, avec lequel il est en relation étroite, entreprend une action soutenant un avis sensiblement différent sur le même brevet et contre la même personne-Il faut donc conclure que la conclusion à laquelle est arrivé le protonotaire dans le présent dossier est manifestement erronée en ce sens que l'exercice de son pouvoir discrétionnaire a été fondé sur une fausse appréciation des faits-Les échanges intervenues au cours des trois rencontres ont été l'objet d'échanges de documents et d'échanges verbaux entre les deux, tout à fait privilégiés, que des informations confidentielles ont été échangées de part et d'autre entre les deux personnes et, en conséquence, l'agent de brevet et l'étude d'avocats se sont retrouvés par la suite en conflit d'intérêts lorsqu'ils ont pris partie en faveur des demanderesses, dans le présent dossier-Il apparaît donc justifié de reprendre l'affaire de novo et que le juge exerce son propre pouvoir discrétionnaire quant à l'appréciation de la présente requête-En conclusion, le procureur des demandeurs n'a pas renversé la présomption de confidentialité des renseignements transmis et il y a donc conflit d'intérêts.

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