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[2018] 3 R.C.F. F-10

Relations du travail

Contrôle judiciaire d’une décision d’une arbitre concluant que les défendeurs étaient assujettis à la réglementation fédérale concernant les relations de travail — La demanderesse était établie en Ontario et offrait des services interprovinciaux de transport par autocars et autobus nolisés — Elle offrait également des services municipaux de transport dans la région de York par l’entremise de deux divisions : « Can-Ar Coach » (Coach) et « Can-Ar Transit Services » (Transit) — Le Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a conclu en 1995 que la demanderesse était une entreprise fédérale aux fins du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, et que les relations de travail de la division Transit relevaient de la compétence fédérale — La division Coach a subi une réduction d’effectifs en 2003; la demanderesse s’est vu offrir un contrat important pour assurer un service de transport municipal pour York Region Transit — Le contrat a ensuite été attribué à Veolia Transportation Services (Canada) (Veolia) en 2010 — La section locale 113 de l’Amalgamated Transit Union a obtenu l’accréditation provinciale en 2010 afin de représenter les employés de Transit réembauchés par Veolia — À la suite de la cessation de leur emploi, les employés de la division Transit ont obtenu une ordonnance de paiement d’une indemnité de départ conformément à l’art. 235 du Code — La demanderesse a introduit un appel pour recouvrement du salaire en vertu de la partie III du Code, alléguant que les opérations de sa division Transit relevaient de la compétence provinciale — L’arbitre s’est appuyée sur la décision du CCRT de 1995, écrivant notamment qu’une fois qu’il a été déterminé qu’un employeur relève de la compétence fédérale, son statut devrait rester constant — Elle a conclu que les divisions Transit et Coach étaient une « entreprise unique » offrant des services de transport interprovinciaux, et que les employés de la division Transit étaient assujettis à la compétence fédérale aux fins des relations de travail — La question était de savoir si les employés de la division Transit étaient assujettis à la réglementation fédérale ou provinciale — Puisque la division Transit ne relevait pas de la compétence fédérale, mais relevait plutôt de la compétence provinciale, l’arbitre n’avait pas l’autorité de traiter de la question de l’indemnité de départ en vertu de l’art. 167 du Code — L’arbitre a commis une erreur en mentionnant la présomption provinciale, mais en omettant ensuite de l’appliquer — Lorsqu’une compétence fédérale sur une question est l’exception, non la règle, les décideurs doivent se servir de cette idée comme point de départ — La présomption provinciale ne disparaît pas simplement parce qu’une décision a été prise par un tribunal du travail sur la question constitutionnelle — La justification de la « constance » de l’arbitre était incohérente — L’arbitre s’est appuyée de façon erronée sur les motifs « impérieux » pour partir de la décision du CCRT de 1995, et elle n’a pas répondu à la question de savoir si les employés de la division Transit avaient réfuté ou non avec succès la présomption de la compétence provinciale sur les questions liées au travail de la division Transit — L’arrêt Westcoast Energy Inc c. Canada (Office national de l’énergie), [1998] 1 R.C.S. 322 (Westcoast) a élaboré le critère en fonction duquel les décideurs déterminent si une entreprise est « unique », au sens constitutionnel d’être « indivisible » et « intégrée » — Le critère de l’« entreprise unique » permet de résoudre des situations dans lesquelles une organisation comporte des activités ou divisions distinctes qui, à première vue, se distinguent les unes des autres par une quelconque caractéristique — Un lien physique entre deux exploitations ne suffit pas pour établir une « entreprise unique » — Le critère de l’« entreprise unique » sert de protection contre le risque qu’un décideur confonde par erreur l’entente commerciale particulière d’une entreprise avec l’intégration fonctionnelle de ses exploitations connexes requise en vertu du droit constitutionnel — Il ne s’agit pas tant de savoir si deux exploitations connexes sont différentes du point de vue fonctionnel, mais plutôt de connaître le niveau et la qualité de l’intégration fonctionnelle — L’analyse de la « compétence dérivée » couvre les situations factuelles variées dans lesquelles une entreprise particulière n’est pas en soi de nature fédérale, mais pourrait relever de la compétence fédérale en raison de son lien avec une autre entreprise fédérale — Le critère de l’« entreprise unique » et le critère de la « compétence dérivée » sont caractérisés par un examen de l’« intégration » — L’arbitre a déterminé incorrectement que l’« intégration fonctionnelle » n’était pertinente qu’au critère de la « compétence dérivée » et non au critère de l’« entreprise unique » — Elle n’a pas choisi ni appliqué les bons critères constitutionnels — Elle n’a pas mené son analyse en se référant aux principes constitutionnels établis dans l’arrêt Westcoast — Elle s’est plutôt intéressée au niveau de « centralisation » et s’est effectivement donné comme consigne de ne pas prendre en considération l’« intégration fonctionnelle » à moins qu’une analyse de la compétence dérivée s’avère nécessaire — Elle a mal compris le rôle que joue l’« intégration fonctionnelle » à l’égard de la compétence directe et de la compétence dérivée — Il est important de faire la distinction entre l’examen de l’« intégration fonctionnelle » pour trancher la question de la compétence sur les relations de travail et la question de savoir si une entreprise est une entreprise de transport interprovinciale — La division Coach était une entreprise interprovinciale au sens de l’art. 92(10) a) de la Loi constitutionnelle de 1867 — Elle était une entreprise « fédérale » pour les fins du critère fonctionnel, et la présomption provinciale a été réfutée en ce qui a trait aux relations de travail de la division Coach — Pour réfuter la présomption provinciale, il fallait conclure que la division Transit était une entreprise « fédérale » soit parce qu’elle formait (i) une entreprise « unique » avec la division Coach (compétence directe), soit parce qu’elle (ii) faisait « partie intégrante » de la division Coach (compétence dérivée) — Le critère de la compétence « directe » et le critère de la compétence « dérivée » valident la relation entre la division Coach et la division Transit — Les divisions Transit et Coach ne travaillaient pas ensemble vers un objectif quelconque — Elles exerçaient leurs activités dans une même installation physique pour des raisons de commodité commerciale uniquement — La division Transit ne soutenait pas la division Coach ni ne travaillait pour cette dernière de la manière envisagée dans Westcoast — La division Transit ne formait pas une entreprise « unique » avec la division Coach, ni ne faisait « partie intégrante » de ses opérations, et elle n’était donc pas « fédérale » — Demande accueillie.

Tokmakjian inc. c. Achorn (T-1110-15, 2017 CF 1057, juge Diner, jugement en date du 22 novembre 2017, 50 p.)

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