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[2018] 4 R.C.F. F-4

Droit d’auteur

Contrôle judiciaire de la décision de la Commission du droit d’auteur homologuant des taux de redevances dans le cadre de deux projets de tarif déposés par la demanderesse (Access Copyright) concernant la reproduction d’œuvres publiées par les gouvernements provinciaux et territoriaux pour les années 2005–2009 et 2010–2014 — Le premier projet de tarif d’Access Copyright ne visait pas la réalisation de copies numériques — Le deuxième projet de tarif d’Access Copyright autorisait la réalisation et la distribution de copies numériques à certaines conditions — Selon l’une de ces conditions, lorsqu’ils n’étaient plus visés par le projet de tarif, les gouvernements titulaires de licence devaient cesser d’utiliser les copies numériques, les supprimer des disques durs de leurs ordinateurs et de tout autre dispositif électronique (la disposition relative à la suppression) — Dans sa décision, la Commission a décidé de ne pas inclure la disposition relative à la suppression dans le deuxième tarif — Access Copyright a fait valoir que la Commission n’était pas habilitée en vertu de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42 à 1) modifier les modalités relatives aux utilisations des copies numériques qu’Access Copyright avait convenu d’autoriser; 2) éliminer une modalité relative aux utilisations des copies numériques et par la suite éliminer une catégorie entière d’utilisation des copies numériques du tarif sur le fondement de cette condition éliminée à tort — Elle a dit de cette question qu’elle concernait la compétence de la Commission — Les intimés ont qualifié les actions de la Commission différemment, à savoir que la Commission n’a pas décidé d’éliminer la disposition relative à la suppression, mais qu’elle a plutôt décidé de ne pas l’inclure dans le tarif et qu’elle a donc exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’art. 70.15 de la Loi sur le droit d’auteur de fixer des tarifs — Le juge Stratas, J.C.A.  : Peu importe la qualification adoptée, la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable de la décision, et non celle de la décision correcte — Il n’y avait aucune question de compétence justifiant un contrôle en fonction de la norme de la décision correcte — La question de savoir ce que la Commission peut faire est une question d’interprétation législative (à savoir sa loi habilitante, la Loi sur le droit d’auteur) — La Cour suprême du Canada a récemment confirmé que la norme du caractère raisonnable de la décision est la norme de contrôle applicable dans ce genre d’affaires — Les intimés ont correctement qualifié la décision en cause dans le cadre du présent contrôle judiciaire — La Cour a précédemment maintenu la compétence de la Commission d’exclure d’un tarif certaines catégories d’utilisations — La décision de la Commission de ne pas inclure des questions se rapportant à la disposition relative à la suppression dans le tarif dans la présente affaire était raisonnable — Bien qu’aux termes de l’art. 70.12 de la Loi sur le droit d’auteur, une société de gestion collective comme Access Copyright, et non la Commission, a le pouvoir de fixer les modalités sur le fondement desquelles la société en question convient d’octroyer une licence d’utilisation des œuvres faisant partie de son répertoire, la Commission avait encore un pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’art. 70.15 de la Loi sur le droit d’auteur, relativement aux questions qui devaient ou ne devaient pas faire partie du tarif — Dans la présente affaire, la Commission détenait clairement le pouvoir discrétionnaire de rendre la décision qu’elle a rendue — Access Copyright a fait valoir également que l’évaluation par la Commission de ce qui constitue une reproduction importante et son évaluation du caractère équitable de l’utilisation étaient déraisonnables — L’art. 3 de la Loi sur le droit d’auteur définit le droit d’auteur comme comportant le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter une « partie importante » en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante — L’expression « partie importante » n’y est pas définie — La Cour suprême a déclaré que l’analyse de l’aspect qualitatif de la partie qui est reproduite est un élément essentiel de l’analyse effectuée sous le régime de l’art. 3(1) — Elle a déclaré en outre qu’une partie importante d’une œuvre est une partie qui représente une part importante du talent et du jugement de l’auteur exprimés dans l’œuvre — Dans la présente affaire, la réalisation de copies en cause était parfaitement directe et littérale et consistait principalement à photocopier des extraits de revues, de journaux et de livres — Access Copyright a contesté la règle de la « démarcation très nette » suivie par la Commission, selon laquelle une ou deux pages copiées d’une œuvre publiée ne constituant pas plus de 2,5 pour cent de l’œuvre entière était une « estimation raisonnable pour établir le caractère non important de la partie copiée » — Toutefois, l’on ne pouvait dire avec certitude si la Commission aurait pu agir différemment, puisqu’aucune preuve qualitative ne lui a été soumise sur la mesure du talent et du jugement qui ont servi à créer les parties des œuvres originales dont les employés gouvernementaux ont fait des copies — L’adoption par la Commission de la règle de la démarcation très nette a fourni une indication en ce qui concerne la reproduction qui est permise — La Commission n’a pas agi d’une façon qui était inacceptable ou indéfendable — L’évaluation par la Commission de l’utilisation équitable était également acceptable et défendable — La Commission a appliqué fidèlement les enseignements donnés par la Cour suprême — En ce qui concerne l’équité procédurale, Access Copyright savait quelles questions étaient en litige devant la Commission, puisqu’elle a eu amplement l’occasion de présenter des observations sur ces questions — La Commission n’a donc contrevenu à aucune obligation d’équité procédurale — Le juge Rennie, J.C.A. (motifs concourants)  : L’existence de questions de compétence n’a pas été écartée, la Cour suprême n’ayant pas rejeté la norme de la décision correcte pour les questions de compétence — L’application de la norme du caractère raisonnable dans l’affaire Québec (Procureur général) c. Guérin, 2017 CSC 42, [2017] 2 R.C.S. 3, découle non pas du rejet de la norme de la décision correcte en ce qui concerne les questions de compétence ou de la détermination selon laquelle il n’existait aucune question portant véritablement sur la compétence, mais de l’interprétation par la majorité selon laquelle la question en litige dans cette affaire n’était pas une véritable question de compétence — En outre, le rôle du tribunal d’examen dans l’évaluation de l’équité procédurale n’a pas été perturbé — Quoi qu’il en soit, aucune question de compétence ne se posait dans la présente affaire compte tenu de la jurisprudence établie — Demande rejetée.

Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) c. Canada (A-293-15, 2018 CAF 58, les juges Stratas et Rennie, J.C.A., jugement en date du 22 mars 2018, 54 p.)

 

 

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