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[2019] 1 R.C.F. F-2

Marques de commerce

Radiation

Appel d’une décision du registraire des marques de commerce ordonnant la radiation de l’inscription par la demanderesse de la marque de commerce WALDORF-ASTORIA du registre — À la demande de la défenderesse, le registraire a donné l’avis prévu dans la Loi sur les marques de commerces, L.R.C. (1985), ch. T-13, enjoignant à la demanderesse de fournir une preuve établissant son emploi de la marque à un moment quelconque dans la période de trois ans précédant immédiatement la délivrance de l’avis — La marque de commerce WALDORF-ASTORIA est enregistrée pour un emploi en liaison avec des « services hôteliers » — L’exploitation par la demanderesse notamment d’un site Web interactif et d’un site international de réservation et le programme de fidélisation n’ont pas été jugés suffisants pour établir l’emploi en liaison avec des « services hôteliers » au sens de la Loi — Le registraire a également rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel des circonstances spéciales justifiaient son défaut d’emploi de la marque au cours de la période pertinente, conformément à l’art. 45(3) de la Loi — La question centrale était celle de savoir si le propriétaire d’un hôtel peut établir qu’il a « utilisé » la marque de commerce en l’absence d’un hôtel « traditionnel » au Canada — La demanderesse a établi l’« emploi » de sa marque de commerce au Canada au cours de la période pertinente — Il faut donner à la notion de « services » une interprétation libérale — Si l’art. 4(2) de la Loi prévoit que l’annonce de services constitue un « emploi », il est clair que le simple fait d’annoncer des services au Canada qui ne sont ni exécutés ou fournis ici ne constitue pas un « emploi » au sens de la Loi — Le simple fait d’exploiter un site Web « passif » ne constitue pas un emploi d’une marque de commerce au Canada — La jurisprudence confirme qu’une appréciation au cas par cas qui tient compte de la description des services dans l’enregistrement de la marque de commerce et de la nature des avantages fournis aux personnes physiquement présentes au Canada s’impose pour déterminer si l’« emploi » au Canada a été établi — La notion de l’exécution des services est centrale et il est essentiel qu’un aspect quelconque des services soit offert directement aux Canadiens ou exécuté au Canada — Le registraire a conclu dans une série de jugements que l’exploitation d’un hôtel « traditionnel » au Canada est requise pour établir l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec un « hôtel » ou des « services hôteliers » — La question centrale en ce qui concerne l’« emploi » était celle de savoir si la demanderesse a établi que la portée du terme « services hôteliers », dans son sens commercial ordinaire au cours de la période pertinente, englobe les réservations et les services de réservation; si des personnes se trouvant au Canada ont tiré avantage de tels services au cours de la période pertinente — Le registraire a commis plusieurs erreurs, à savoir qu’il a laissé pour compte le seul élément de preuve concernant le sens ordinaire du terme « services hôteliers »; qu’il n’a pas suivi la jurisprudence faisant autorité relativement à la portée des services et selon laquelle elle englobe les services principaux, secondaires et accessoires; qu’il a appliqué la version actuelle du Manuel des marchandises et des services de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour interpréter un enregistrement remontant à 1988; et qu’il n’a pas considéré le libellé exact de cet enregistrement — Il n’était pas raisonnable de proposer une interprétation de la portée du terme « service » fondée sur le « sens commun », mais qui fait abstraction du seul élément de preuve qui traite de ce point devant le registraire — Le sens ordinaire du terme « services hôteliers » englobe la fourniture d’une chambre comme service principal et un certain nombre de services accessoires ou secondaires — En rejetant le concept des services « principaux, secondaires et accessoires », le registraire a commis une erreur, car il a ignoré la jurisprudence faisant autorité sur l’interprétation du terme « services » au sens de la Loi — Le registraire a commis une erreur en appliquant la version actuelle du Manuel pour interpréter un enregistrement remontant à 1988 — La version antérieure du Manuel (remontant à janvier 2006) n’incluait pas les termes « services de réservation d’hôtel » ou « services de réservation », mais les termes « services hôteliers » et « gestion hôtelière » — Il ne peut être reproché à la demanderesse d’avoir utilisé le terme préapprouvé de la version du Manuel en vigueur à l’époque — C’est commettre une erreur que d’interpréter la portée d’un enregistrement antérieur en fonction du libellé actuel, d’autant plus que le Manuel est un guide, sans plus — La portée des services offerts en ligne s’est beaucoup étendue depuis l’époque de l’enregistrement original, et il faut adapter le sens donné au terme « services hôteliers » pour tenir compte de la réalité des consommateurs modernes, qui s’attendent aujourd’hui à pouvoir réserver une chambre en ligne — Il faut considérer la portée de l’enregistrement en fonction du sens ordinaire des mots, qui évolue à mesure que le cybercommerce gagne du terrain pour ce qui concerne l’interprétation commerciale ordinaire que leur confèrent l’entreprise et le client — La demanderesse dans la présente affaire a cherché à faire la preuve de l’emploi visé par son enregistrement en liaison avec des « services hôteliers », et non avec « l’exploitation d’un hôtel » — Le terme « services hôteliers » inclut forcément des éléments connexes dont certains doivent être fournis dans un hôtel traditionnel, mais d’autres aussi pour lesquels il est naturel de considérer qu’ils peuvent être « exécutés » (du point de vue du propriétaire inscrit) ou qu’on peut « en tirer avantage » (du point de vue du client) au Canada — Le terme « services hôteliers » en 1998 et au cours de la période pertinente en l’espèce incluait les services de réservation — La demanderesse a établi que des personnes au Canada ont tiré avantage au Canada de la fourniture de ses services hôteliers — Appel accueilli.

Hilton Worldwide Holding LLP c. Miller Thomson (T-515-17, 2018 CF 895, juge Pentney, jugement en date du 7 septembre 2018, 39 p.)

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