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[2019] 1 R.C.F. F-5

Brevets

Contrefaçon

Appel de la décision par laquelle la Cour fédérale (C.F.) (2014 CF 1254, [2015] 4 R.C.F. 604 a ordonné à l’appelante de verser aux intimées la somme de 31 234 000 $ à titre de dommages-intérêts conformément à l’art. 55(1) de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, et accordé la somme de 75 040 649 $ aux intimées à titre d’intérêts avant jugement pour les dommages subis au titre de la valeur temporelle du manque à gagner survenu au cours de la période de 17 ans précédant la tenue du renvoi sur les dommages-intérêts — Les faits de l’affaire étaient inhabituels et il serait mal avisé de s’en servir comme contexte pour énoncer des principes juridiques généraux — Quatre brevets de procédé du cefaclor étaient en litige, y compris le brevet de procédé de Shionogi des intimées — Le litige opposant les parties en ce qui a trait aux brevets de procédé du cefaclor a pris naissance en 1993, année au cours de laquelle l’appelante a demandé un avis de conformité pour la nouvelle version générique de son propre cefaclor — Les intimées ont par la suite demandé une ordonnance interdisant à l’appelante de vendre son cefaclor au Canada — La C.F. a rejeté la demande des intimées — L’appelante a obtenu un avis de conformité en 1997 — Les intimées ont institué une action en contrefaçon — L’appelante recevait des lots de cefaclor des fabricants Kyong Bo et Lupin — Elle obtenait du cefaclor également à partir d’un procédé confidentiel (Lupin 2 Cefaclor) — La C.F. a conclu que le cefaclor de Kyong Bo et le cefaclor Lupin 1 contrefaisaient les brevets en cause — Elle a conclu notamment que la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon invoquée par l’appelante n’existait pas au Canada — La C.F. a également déterminé à quel moment l’appelante aurait fait son entrée sur le marché dans le monde réel — Elle a conclu notamment que l’appelante n’aurait pas été sur le marché du cefaclor avant le mois d’avril 2000, lorsque le dernier des brevets de Shionogi a expiré — Elle a rejeté la preuve d’expert de l’appelante, qui reposait sur l’hypothèse selon laquelle l’appelante pouvait invoquer la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon lorsque la contrefaçon initiale s’est produite — Il s’agissait principalement de déterminer si la C.F. a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon ne pouvait être invoquée et statué que les intimées avaient droit à des intérêts à titre de dommages-intérêts — La C.F. n’a pas eu le bénéfice de la plus récente jurisprudence sur la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon avant de rendre sa décision — La C.F. a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon ne pouvait être invoquée au Canada — Toutefois, cette erreur n’était pas déterminante étant donné que, sur le fondement de la preuve dont elle disposait, la C.F. ne pouvait que conclure que cette défense ne pouvait être invoquée dans la présente affaire — L’objectif de la « défense » de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon est d’aider à déterminer la valeur réelle des inventions pour lesquelles les brevetés comme les intimées ont obtenu un monopole — L’on n’a jamais fait valoir, à l’étape portant sur la question de la responsabilité, que le procédé de Lupin 2 contrefaisait les brevets en cause — La viabilité économique n’est pas évaluée uniquement du point de vue subjectif du contrefacteur, comme l’appelante — La valeur réelle des inventions brevetées ne peut être évaluée sur un fondement purement subjectif — La Cour doit être convaincue que la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon se rapporte à une autre solution objectivement et économiquement viable à l’époque pertinente — Il y avait devant la C.F. une preuve contradictoire sur ce à quoi l’appelante aurait pu « s’attendre » en ce qui concerne la profitabilité à diverses dates — La Cour n’était pas convaincue dans la présente affaire qu’il y avait une preuve suffisante lui permettant de conclure que le cefaclor Lupin 2 était une autre solution objectivement et commercialement viable — Il s’ensuit que la C.F. n’aurait pu être justifiée de prendre en considération ses effets dans le contexte de la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon — La C.F. a en bout de ligne conclu à juste titre que la défense de la solution de substitution n’emportant pas contrefaçon ne pouvait être invoquée par l’appelante dans la présente affaire — La C.F. n’a pas commis une erreur susceptible d’être isolée en renversant et en élevant le fardeau de la preuve lorsqu’elle a demandé une preuve convaincante de l’appelante alors que le fardeau aurait dû incomber aux intimées — La C.F. a correctement énoncé sa tâche comme consistant à déterminer la perte subie par le breveté par suite de la contrefaçon — Elle était présumée bien connaître les principes juridiques applicables aux fins de calculer les dommages-intérêts dans le cadre des actions en contrefaçon de brevet — Dans les affaires de brevet, la prévisibilité et le caractère éloigné sont rarement en litige — Par conséquent, la question du caractère éloigné devrait être soulevée le plus rapidement possible lorsqu’elle est en litige — Les circonstances de la présente affaire étaient tout à fait hors du commun — Il serait mal avisé de tenter de tracer une ligne de démarcation et de définir la politique avec plus de précision que celle que la Cour suprême a déjà élaborée — Il n’était pas possible de conclure que la C.F. a commis une erreur en accordant des dommages-intérêts trop éloignés pour qu’ils soient compensables — Toutefois, la Cour fédérale a tranché incorrectement la question portant sur l’octroi d’intérêts comme chef de dommages-intérêts — Plus particulièrement, la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle s’est fondée sur la présomption ayant pour effet de libérer les intimées de l’obligation de prouver les pertes subies en ce qui concerne l’intérêt composé comme tel — La perte d’intérêts doit être prouvée de la même manière que toute autre forme de perte ou de dommages-intérêts — Appel accueilli en partie.

Apotex Inc. c. Eli Lilly and Company (A-64-15, 2018 CAF 217, juge Gauthier, J.C.A., jugement en date du 23 novembre 2018, 61 p.)

 

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