Fiches analytiques

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Éthique

Contrôle judiciaire de la décision par laquelle la commissaire au lobbying intérimaire (la commissaire) a conclu qu’il n’était pas nécessaire de tenir une enquête pour assurer la conformité au Code de déontologie des lobbyistes (le Code des lobbyistes) ou à la Loi sur le lobbying, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44, en réponse à une plainte alléguant que le Prince Sha Karim Al Hussaini Aga Khan IV (l’Aga Khan) avait contrevenu au Code des lobbyistes en recevant le très honorable Justin Trudeau, sa famille et des amis sur une île privée — Dans son mémoire, le directeur des enquêtes a examiné la question de savoir si le cadeau de l’Aga Khan portait atteinte à la règle 8 (accès préférentiel) ou à la règle 10 (cadeaux) du Code des lobbyistes — Il y était mentionné que l’Aga Khan n’était pas un lobbyiste enregistré — Le directeur des enquêtes a conclu que le Code des lobbyistes ne s’appliquait pas aux rapports de l’Aga Khan avec le premier ministre, puisque rien n’indiquait que l’Aga Khan était rémunéré pour son travail au sein de la Fondation Aga Khan Canada — La commissaire a accepté la recommandation de la Direction des enquêtes de clore l’examen administratif — La demanderesse a avancé notamment que la participation de la commissaire à une affaire concernant le premier ministre, alors qu’elle occupait le poste de commissaire à titre intérimaire, était contraire aux dispositions sur les conflits d’intérêts de l’art. 2 de la Loi sur les conflits d’intérêts, L.C. 2006, ch. 9 (la LCI) — Elle a fait valoir également qu’il était légitime de s’attendre à ce qu’une commissaire intérimaire ne prenne aucune part à l’examen de la plainte, et que le fait que la commissaire ne se soit pas récusée suscitait une crainte raisonnable de partialité — Il s’agissait principalement de savoir si la présumée contravention à la LCI était justiciable; si la décision de la commissaire de ne pas mener enquête était susceptible de contrôle; s’il existait une crainte raisonnable de partialité; si la doctrine de l’attente légitime était applicable — La contravention alléguée à la LCI n’était pas justiciable — La LCI prévoit des dispositions réparatrices — Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique (commissaire à l’éthique) détermine s’il y a eu contravention à la LCI et peut ordonner aux titulaires de charge publique de prendre, si nécessaire, des mesures d’observation — Le Parlement voulait que le recours prévu par les dispositions en cause soit exclusif — Par la LCI, il a conféré au commissaire à l’éthique le pouvoir de veiller au respect de la LCI grâce à un régime exhaustif d’examen et d’établissement de rapports — La LCI évoque expressément les circonstances dans lesquelles une décision du commissaire à l’éthique doit être soumise au contrôle judiciaire — La LCI établit un « code global de dispositions réparatrices » visant à discerner et à prévenir les conflits d’intérêts et, en cas de conflit allégué, de l’examiner et de mener une enquête — Le Parlement s’est réservé le droit de définir les contraventions à la LCI et de mener les enquêtes s’y rapportant — Le recours prévu par la LCI, qui consiste à rendre les rapports accessibles au public, est un recours subsidiaire adéquat — Il n’appartenait pas à la Cour d’assumer le rôle du commissaire à l’éthique pour déterminer si la commissaire au lobbying a contrevenu à la LCI — La décision de la commissaire de ne pas enquêter sur la plainte était susceptible de contrôle — L’absence d’une « décision ou ordonnance » ne peut servir de critère pour déterminer si une question est susceptible de contrôle — Les facteurs à considérer comprennent notamment la question de savoir si la conduite ou les mesures d’un organisme administratif affectent les droits d’un demandeur, lui imposent des obligations juridiques ou lui causent des effets préjudiciables — La commissaire était tenue d’examiner les renseignements sur la conformité et de déterminer si la tenue d’une enquête était nécessaire — Des droits sont affectés par une décision rendue aux termes de l’art. 10.4(1) de la Loi sur le lobbying — Les circonstances de la présente affaire pouvaient être considérées comme différentes de celles de l’affaire Démocratie en surveillance c. Canada (Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique), 2009 CAF 15 — Il n’y avait pas de crainte raisonnable de partialité dans la présente affaire — Invoquer les objets et les fins de la LCI ne suffisait pas pour déclencher l’application de la doctrine de l’attente légitime — La décision de la commissaire était déraisonnable — La commissaire a commis une erreur susceptible de contrôle en n’examinant qu’une seule question, soit celle de savoir si l’Aga Khan était un membre rémunéré du conseil d’administration de la Fondation et donc assujetti à la Loi sur le lobbying — Des questions potentielles en matière de conformité à l’égard du dirigeant de la Fondation, de l’agent responsable de la production des déclarations et d’autres lobbyistes de la Fondation, et à l’égard de l’Aga Khan, se posaient — L’analyse effectuée dans le mémoire se limitait à une seule phrase — Cette analyse limitée a sapé à la fois l’intelligibilité et la justification de la décision de ne pas enquêter et l’a rendue déraisonnable — Le terme « rémunération » n’est pas employé dans la Loi sur le lobbying à l’égard des lobbyistes-conseils ou des lobbyistes salariés — Le terme « paiement » reçoit une définition générale à l’art. 2(1) de la Loi sur le lobbying, à savoir qu’il s’agit d’« argent ou autre objet de valeur » — Dans son analyse, la commissaire ne s’est pas posée la question de savoir si l’Aga Khan pourrait avoir reçu « toute chose qui a une valeur » — Cette analyse a débuté et s’est achevée avec la simple question du paiement monétaire — Le fait de limiter l’analyse à cette question restreinte ne concordait ni avec le libellé de la Loi sur le lobbying ni avec les objets et les fins du Code des lobbyistes — Le mémoire a dénaturé la question que le Parlement avait chargé la commissaire d’examiner en vertu de l’art. 10.4(1) de la Loi sur le lobbying — La commissaire devait apprécier la situation de manière plus générale lorsqu’elle a examiné la plainte — Demande accueillie.

Démocratie en surveillance c. Canada (Procureur général) (T-115-18, 2019 CF 388, juge Gleeson, motifs du jugement en date du 29 mars 2019, 70 p.)

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