Citoyenneté et Immigration
Exclusion et renvoi
Personnes interdites de territoire
Contrôle judiciaire de décisions dans lesquelles un agent d’immigration a conclu que la période d’interdiction de territoire de cinq ans et l’interdiction de présenter une demande s’appliquaient et a jugé que la nouvelle demande de résidence permanente du demandeur avait fait l’objet d’un retrait — Le demandeur, un citoyen de la Chine, a épousé une citoyenne canadienne en 2005 — Le premier mariage du demandeur a été jugé être un mariage de complaisance — La Section de l’immigration (SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a déclaré le demandeur interdit de territoire pour fausses déclarations en 2012 aux termes de l’al. 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) — À la date de la déclaration d’interdiction de territoire, cette période se poursuivait pendant deux ans à compter de la date d’exécution de la mesure de renvoi — Le demandeur s’est marié une deuxième fois en 2014 et a eu un enfant — En septembre 2014, la Section d’appel de l’immigration de la CISR a rejeté l’appel interjeté par le demandeur contre la décision d’interdiction de territoire de la SI et a pris une mesure d’exclusion contre lui — Le 21 novembre 2014, les modifications apportées à l’art. 40 de la LIPR sont entrées en vigueur et ont fait passer la période de deux ans prévue à l’al. 40(2)a) à cinq ans, ajoutant un nouveau paragraphe qui interdit de demander le statut de résident permanent pendant la période d’interdiction de territoire — Le demandeur a de nouveau demandé la résidence permanente, demandant la délivrance discrétionnaire d’une autorisation de revenir au Canada (ARC) — L’agent d’immigration a conclu que le demandeur ne pouvait pas demander le statut de résident permanent et qu’il ne pouvait pas obtenir une ARC en raison de la période d’interdiction de territoire de cinq ans et de l’interdiction connexe de présenter une demande pendant cette période — Le demandeur a fait valoir notamment que seule la période d’interdiction de territoire de deux ans devrait s’appliquer et que l’application de la version modifiée de l’art. 40 de la LIPR à son cas donnerait à tort un effet rétrospectif aux modifications — Il a renvoyé à l’affaire Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289 à l’appui du principe selon lequel les lois ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétrospective à moins que le texte de la loi ne le décrète expressément — Le défendeur a soutenu que la présomption ne s’applique pas, puisque le demandeur n’a pas le droit acquis de faire examiner sa nouvelle demande sous le régime des anciennes dispositions de la LIPR — Il s’agissait de savoir si la nouvelle période plus longue s’applique aux personnes qui ont été jugées interdites de territoire avant l’entrée en vigueur des modifications — L’application de la période d’interdiction de territoire de cinq ans à un étranger déclaré interdit de territoire pour fausses déclarations et visé par une mesure de renvoi avant le 21 novembre 2014 équivaudrait à l’application rétrospective des modifications apportées à l’art. 40 de la LIPR — La période d’interdiction de territoire demeure de deux ans, que cette mesure ait été ou non exécutée avant ou après le 21 novembre 2014 — La présomption du caractère non rétrospectif est une présomption interprétative différente de la présomption contre l’atteinte aux droits acquis — Une loi rétrospective attribue de nouvelles conséquences à un événement antérieur à son adoption — L’application de ces modifications imposerait une nouvelle conséquence défavorable sous la forme d’une période d’interdiction de territoire plus longue — Il ne s’agissait donc pas simplement d’appliquer la loi actuelle à une nouvelle demande de résidence permanente — La question de la rétrospectivité tournait en fin de compte autour de la question de savoir si le législateur avait manifesté son intention que la nouvelle loi s’applique — La présomption relative à la non‑rétrospectivité d’une loi est pertinente, et la question devient celle de savoir si la loi aurait une portée rétrospective et, dans l’affirmative, si le texte de la loi décrète expressément ou exige implicitement une telle portée — Le défendeur n’a cité aucun précédent appuyant la proposition selon laquelle il existe un droit acquis à une conséquence particulière qui n’est créé que lorsque cette conséquence commence à être exécutée — Une loi a un effet rétrospectif si elle impose de nouvelles conséquences à un événement survenu avant son adoption — L’« événement » auquel la LIPR rattache les conséquences de l’interdiction de territoire est la décision selon laquelle il y a eu fausses déclarations, et non l’exécution de la mesure d’exclusion qui en résulte — Il n’y a rien dans la loi qui indique clairement que le législateur avait l’intention d’appliquer la période d’interdiction de territoire de cinq ans aux personnes visées par des mesures de renvoi pour fausses déclarations prises avant son entrée en vigueur — Les modifications apportées à l’art. 40 sont conçues pour dissuader davantage les demandes frauduleuses en imposant des conséquences plus sévères suivant une conclusion de fausses déclarations — Il ne peut y avoir de nouvelle « dissuasion » d’un comportement qui est chose du passé, ce qui laisse entendre une application non rétrospective des modifications — Rien n’indiquait une intention d’imposer la « rétrospectivité partielle » — Demande accueillie.
Zeng c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (IMM-6508-18, 2019 CF 1586, juge McHaffie, motifs du jugement en date du 11 décembre 2019, 24 p.)