Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Douanes et Accise

Loi sur les douanes

Appel interjeté en vertu de l’art. 68 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, à l’encontre d’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), concernant le classement tarifaire des couvre-chaussures jetables importés par l’intimée (appel no AP-2017-065) — Le Tribunal a conclu que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 3926.20.95 de l’Annexe du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36 (Annexe du Tarif) à titre d’autres vêtements et accessoires de vêtements, de matières plastiques combinées à des non tissés, plutôt que dans le numéro tarifaire 6307.90.99, qui s’applique aux autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements, d’autres matières textiles, comme l’avait déterminé l’autorité taxatrice, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) — Les marchandises en question ont été importées en 2015 et 2016 dans le numéro tarifaire 6307.90.99 — Le tarif applicable était de 18 % — L’intimée, en vertu des art. 59(1) et 60(1) de la Loi, a demandé la révision puis le réexamen de cette décision, en vain, faisant valoir que les marchandises en cause devaient être classées dans le numéro tarifaire 3926.20.95 — Les marchandises importées dans cette catégorie sont visées par un tarif de 6,5 % — Les parties ont convenu que les marchandises en cause sont composées d’une couche de polypropylène (PP) filé-lié thermolié, une matière textile, laminée sur un côté à une feuille de polyéthylène chloré (PE-C), une matière plastique — Selon le dossier, ces marchandises sont fabriquées à partir d’une découpe rectangulaire du matériau et sont thermoscellées; elles sont conçues pour être portées sur les chaussures et sont utilisées dans les salles blanches, la transformation alimentaire, l’immobilier, la santé, la construction, la fabrication, l’industrie énergétique et la recherche et le développement — Le Tarif des douanes met en œuvre les obligations du Canada prévues à la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises — Les art. 10 et 11 du Tarif des douanes s’appliquaient dans la présente affaire — Le Système harmonisé visé à l’art. 10(1) présente une classification à huit chiffres divisée en sections et en chapitres, chaque chapitre énumérant les marchandises visées par les positions et sous-positions associées à un numéro tarifaire précis — Les parties ont affirmé que le classement des marchandises en cause peut être déterminé par la seule application de la règle 1 des Règles générales pour l’interprétation du système harmonisé, qui prévoit que le classement est déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres — Par conséquent, il n’était pas nécessaire de prendre en considération les autres règles interprétatives du Système harmonisé — Le numéro tarifaire 3926.20.95 – celui qui a été jugé applicable aux marchandises en cause par le Tribunal – se trouve au Chapitre 39 (Matières plastiques et ouvrages en ces matières) de la Section VII de l’Annexe du Tarif; il s’inscrit dans la sous-position no 3926.20 (Vêtements et accessoires du vêtement (y compris les gants, mitaines et moufles)) de la position 39.26 (Autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14.) — Le numéro tarifaire 6307.90.99 – applicable aux marchandises en cause selon l’ASFC – se trouve au Chapitre 63 (Autres articles textiles confectionnés) de la Section XI de l’Annexe du Tarif; il vise plus précisément les produits de la sous-position no 6307.90 (Autres) de la position no 63.07 (Autres articles confectionnés, y compris les patrons de vêtements) — Ayant conclu que la matière constitutive des marchandises en cause – un non-tissé stratifié avec des matières plastiques – était plus précisément décrite à la position no 39.26, le Tribunal a déterminé que les marchandises étaient visées par le numéro tarifaire 3926.20.95 en tant qu’autres articles similaires; conformément aux Notes explicatives du Chapitre 63, elles ont été exclues de la position no 63.07 — Aux termes de l’art. 68(1) de la Loi, les décisions de classement tarifaire rendues en application des art. 60 ou 61 de la Loi peuvent faire l’objet d’un appel devant la Cour, mais uniquement sur des questions de droit — L’appelant a soulevé deux questions de droit — Il a fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant que l’alinéa a) de la Note 8 de la Section XI empêche que l’on tienne compte des Chapitres 50 à 60, et notamment du Chapitre 56, pour déterminer si la matière constitutive des marchandises en cause peut être classée comme articles textiles au titre des Chapitres 61 à 63 — Il a soutenu en outre que le Tribunal a commis une autre erreur de droit en ne tenant pas compte de la Note 1 du Chapitre 39, qui prévoit que « l’expression matières plastiques [...] ne s’appliqu[e] [...] pas aux matières à considérer comme des matières textiles de la Section XI », lorsqu’il a classé les marchandises en cause comme des ouvrages en matières plastiques — Il s’agissait de savoir si le Tribunal a commis une erreur dans son interprétation de l’alinéa a) de la Note 8 de la Section XI; si le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant fi de la Note 1 du Chapitre 39 — La thèse de l’intimée reposait entièrement sur une lecture erronée des conclusions du Tribunal — Cette lecture erronée reposait sur l’affirmation selon laquelle le Tribunal a conclu que la matière constitutive des marchandises était une matière intermédiaire « confectionnée », c’est-à-dire une matière composée d’une seule feuille de PP non tissée et de matière plastique de PE-C découpée et scellée pour créer une feuille en matières plastiques; cette thèse excluait tout examen de la position n56.03 dans l’évaluation de la matière constitutive des marchandises, même compte tenu de l’interprétation de l’alinéa a) de la Note 8 avancée par l’appelant — Rien dans les motifs du Tribunal ne permettait une telle affirmation — Si le Tribunal, après avoir déterminé que les marchandises en cause étaient dépourvues de « semelles rapportées » et ne pouvaient donc pas être classées sous le Chapitre 64 de la Section XII à titre de chaussures, a déclaré que les marchandises sont « fait[e]s […] des “feuilles en matières plastiques” », il a dit estimer que l’étape suivante de son analyse au titre de la Règle 1 consistait à classer les marchandises en fonction de leur matière constitutive, qui n’était pas déterminée — Il n’y avait donc aucune indication, dans les conclusions du Tribunal, de l’existence d’une « matière intermédiaire » du type de celle avancée par l’intimée, c’est-à-dire une matière qui est « confectionnée » parce qu’elle est assujettie à une « ouvraison complémentaire » par « découpage » — L’interprétation de l’alinéa a) de la Note 8 par le Tribunal était erronée en droit, car elle empêchait l’application du Chapitre 56 à la matière constitutive des marchandises parce qu’elles sont « confectionnées » pour l’application de la Note 7 — Le Tribunal a ainsi confondu deux étapes distinctes de l’analyse du classement et, partant, n’a établi aucune distinction entre la détermination de la matière constitutive des marchandises, d’une part, et le classement des marchandises, d’autre part — S’il est clair que l’effet combiné de la Note 7 et de l’alinéa a) de la Note 8 de la Section XI empêche le classement des marchandises sous le Chapitre 56 parce qu’elles sont « confectionnées », le Chapitre 56 reste pertinent pour l’évaluation des matières constitutives des marchandises — L’avis contraire du Tribunal s’est écarté à tort de l’approche moderne d’interprétation des lois — L’approche moderne d’interprétation des lois demeure pertinente en matière de classement tarifaire, ce qui signifie qu’il faut lire l’alinéa a) de la Note 8 de la Section XI, comme toute autre disposition législative, dans son contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur — Dès lors que la première étape de l’analyse prévue à la règle 1 se révèle peu concluante quant au classement des marchandises, la seconde étape, telle qu’elle a été à juste titre déterminée par le Tribunal, porte ensuite sur la matière constitutive des marchandises — Pour cette raison, l’appelant a eu raison de dire que, pour savoir si les marchandises sont « d’autres articles textiles » pour l’application du Chapitre 63, il faut évaluer si la matière dont elles sont constituées peut être classée comme textile dans le Chapitre 56 — Rien dans le libellé de l’alinéa a) de la Note 8 n’empêchait le Tribunal de procéder à une telle analyse — Bien au contraire, le renvoi préalable aux Chapitres 50 à 60 était crucial pour déterminer si les couvre-chaussures « confectionnés » étaient ou non en « matières textiles » — Cette interprétation est conforme à l’économie de l’Annexe du Tarif — L’erreur du Tribunal dans l’interprétation de l’alinéa a) de la Note 8 a vicié le reste de son analyse — Le Tribunal, sur le fondement d’une interprétation incorrecte de l’alinéa a) de la Note 8, a fait fi des chapitres 50 à 60 à l’égard de la matière constitutive — Le Tribunal a aggravé l’erreur en adoptant une approche qui s’écarte du cadre analytique défini dans les décisions Sher-Wood Hockey Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, AP-2009-045 (CA TCCE) et Louise Paris Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada, AP-2017-001, 2019 CanLII 110897 (CA TCCE) lorsqu’il s’agit de déterminer le classement des combinaisons de matières textiles et de matières plastiques — Selon ce cadre, le Tribunal doit d’abord déterminer le classement de la matière constitutive avant celui des marchandises elles-mêmes — Le Tribunal avait la possibilité d’évaluer si la matière constitutive des marchandises, une combinaison de matières textiles et de matières plastiques, correspondait ou non à un textile au sens du Chapitre 56 — Il n’était toutefois pas possible pour le Tribunal d’écarter entièrement cette analyse — Ce faisant, le Tribunal a commis une erreur de droit — En ce qui concerne la deuxième question, il s’agissait de savoir si la présence de ces dispositions d’incompatibilité suggère que l’analyse visant à décider si les marchandises combinant des matières textiles et des matières plastiques relèvent de la Section XI ou du Chapitre 39 doit respecter un ordre précis, la première étape de l’analyse étant de déterminer si les marchandises sont des matières textiles — La Note 1 du Chapitre 39 prévoit effectivement cet ordre précis dans lequel les matières et, par extension, les marchandises, doivent être évaluées — Un examen des dispositions d’incompatibilité montrait que la règle d’exclusion générale figurant à la Note 1 et à l’alinéa p) de la Note 2 du Chapitre 39 n’a pas d’équivalent dans cette dernière — Il en découlait que, si les matières textiles de la Section XI ne sauraient être considérées comme des matières plastiques pour l’application des positions nos 39.01 à 39.14, l’inverse n’était pas nécessairement vrai, car les matières plastiques du Chapitre 39 pourraient possiblement être considérées comme des matières textiles au sens de la Section XI — C’est pourquoi le Tribunal doit d’abord déterminer si les matières sont des matières textiles et ensuite, et seulement ensuite, si elles ne le sont pas, évaluer si elles sont des matières plastiques au sens du Chapitre 39 — Dans le cas de positions incompatibles telles que les positions nos 63.07 et 39.26, la Note 1 du Chapitre 39 prévoit un ordre précis dans lequel les matières et, par extension, les marchandises doivent être évaluées — Le Tribunal n’a donc pas rejeté en bonne et due forme la proposition de l’appelant, voulant que la matière constitutive des marchandises soit classée comme matière textile, avant de conclure que les marchandises étaient faites de matières plastiques — Ce faisant, il a fait fi de la Note 1 du Chapitre 39 — Par conséquent, la décision du Tribunal a été annulée et l’affaire a été renvoyée à une autre formation du Tribunal pour réexamen conforme aux présents motifs — Appel accueilli.

Canada (Procureur général) c. Impex Solutions Inc. (A-296-19, 2020 CAF 171, juge LeBlanc, J.C.A., motifs du jugement en date du 15 octobre 2020, 34 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.