Fiches analytiques

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Droit administratif

Voir aussi : Peuples autochtones

Contrôle judiciaire d’une résolution qu’a adoptée le conseil de la défenderesse pour empêcher la demanderesse d’obtenir des contrats de celle‑ci ou de ses affiliés — La défenderesse est une Première Nation régie par la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I‑5, et la Loi sur la gestion financière des premières nations, L.C. 2005, ch. 9 — Au fil des ans, directement ou par l’intermédiaire de ses filiales, elle a retenu les services de la demanderesse, une entreprise spécialisée dans les réseaux d’aqueduc et d’égout qui offre divers autres services, pour exécuter des travaux dans la communauté — Un litige contractuel est survenu entre la demanderesse et une filiale en propriété exclusive de la défenderesse, mais l’affaire s’est réglée au moyen d’une entente confidentielle — Plus tard, la défenderesse a adopté la résolution en litige; la demanderesse n’a jamais été avisée du fait que la question serait examinée — La demanderesse a affirmé notamment que le processus menant à l’adoption de la résolution n’a pas respecté les exigences en matière d’équité procédurale; que la décision était déraisonnable, car elle était fondée sur des considérations non pertinentes ou étrangères — Il s’agissait en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire de ce qui était une décision de nature privée, même si elle a été prise par un organisme public — Si la demanderesse avait un quelconque recours à l’égard de la résolution, il s’agissait d’une action en responsabilité contractuelle ou en responsabilité civile délictuelle, et non d’une demande de contrôle judiciaire — La résolution n’était pas un règlement administratif pris en vertu de l’art. 81 de la Loi sur les Indiens — Elle était un acte d’un organisme gouvernemental créant des règles contraignantes pour toutes les personnes ou une catégorie de personnes relevant de sa compétence — Parce qu’elle ne constituait pas un règlement administratif, la résolution contestée ne pouvait lier les tiers — Elle ne liait pas les membres de la défenderesse, qui restaient libres de conclure un contrat avec la demanderesse s’ils le souhaitaient — La résolution correspondait à ce que l’on appelle une résolution du conseil de bande (RCB), à savoir, un texte qui exprime la volonté du conseil d’une Première Nation — Une RCB ne peut généralement pas créer de droits ni d’obligations pour les membres de la Première Nation ou les tiers — En adoptant une RCB, un conseil peut exercer les pouvoirs qui lui sont expressément conférés — La résolution contestée était une décision de la défenderesse de ne pas passer de contrat avec la demanderesse; il pouvait également s’agir d’une instruction à ses filiales en propriété exclusive de s’abstenir de le faire — La décision était réversible — La demanderesse a soutenu que la décision contestée ne devrait pas être caractérisée en fonction de ce qu’elle est, mais plutôt en fonction de la façon dont le conseil aurait dû agir pour mettre en œuvre correctement son désir de lui interdire de faire des travaux dans la communauté; pour ce faire, le conseil aurait dû adopter un règlement — La résolution contestée ne pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire que si elle était de nature publique — Il est très difficile de tracer une ligne nette entre les décisions privées et publiques, mais la caractérisation de certains types de décisions est bien établie — Ainsi, conclure des contrats est un pouvoir de nature essentiellement privé — La résolution contestée portait sur l’exercice du pouvoir contractuel de la Première Nation — Elle était de nature privée et ne pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire — La Cour a déjà conclu que les décisions de nature purement contractuelle des conseils des Premières Nations ne peuvent faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire, mais il y a eu une exception à ce principe lorsque l’affaire concernait l’exercice de pouvoirs attribués par la Loi sur les Indiens ou une loi similaire — En l’espèce, les contrats conclus entre la demanderesse et la défenderesse portaient sur des travaux de construction, et non sur la possession de terres de réserve ni sur un pouvoir exercé en vertu de la Loi sur les Indiens ou d’une autre loi fédérale — Faire valoir que la résolution contestée ne porte pas sur un contrat en particulier n’avançait pas la cause de la demanderesse — La décision de ne pas conclure un contrat est tout autant privée que la décision inverse — En l’absence de restrictions légales, le choix d’un cocontractant relève de la discrétion accordée aux personnes physiques et morales au titre du droit privé — Bien que les travaux exécutés pour la défenderesse ou ses affiliés dans la présente affaire concernent principalement des infrastructures publiques, ce qui est pertinent, c’est la nature de la relation entre l’organisme public et l’entrepreneur ou l’employé, et non la nature des services que l’organisme public fournit à la population — Le fait que l’art. 81 de la Loi sur les Indiens habilite les conseils des Premières Nations à prendre des règlements administratifs concernant divers types d’infrastructures publiques n’avait aucune incidence sur la question — Enfin, il n’était pas certain que l’annulation de la résolution apporterait un avantage tangible à la demanderesse — Les recours de droit public ne seraient pas adéquats — Par conséquent, accueillir la présente demande de contrôle judiciaire ne supprimerait pas la liberté contractuelle de la défenderesse, dont fait partie intégrante la liberté de choisir ses cocontractants — En conclusion, la résolution contestée était issue de l’exercice d’un pouvoir de nature privée et elle n’était donc pas susceptible de contrôle judiciaire — Compte tenu de la présente conclusion, il n’était pas nécessaire d’établir si la défenderesse a agi en tant qu’office fédéral au sens de l’art. 2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7 — La Cour n’avait pas compétence pour examiner la résolution contestée — Demande rejetée.

Knibb Developments Ltd. c. Première Nation des Siksika (T-34-21, 2021 CF 1214, juge Grammond, motifs du jugement en date du 9 novembre 2021, 10 p.)

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