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Peuples autochtones

Obligation de consulter — Contrôle judiciaire du décret numéro C.P. 2019‑0784 (le décret) publié par le gouverneur en conseil (le GEC), ordonnant à l’Office national de l’énergie (l’ONE) de délivrer un certificat d’utilité publique (le certificat) pour le projet de ligne de transmission Manitoba‑Minnesota (le projet), qui est maintenant construit et en exploitation depuis juillet 2020 — Les demanderesses ont chacune contesté le caractère adéquat des consultations du Canada pour le projet et le caractère raisonnable de la décision du GEC — Le projet était une ligne de transport internationale exploitée par Manitoba Hydro s’étendant de Winnipeg à la frontière entre le Manitoba et le Minnesota et traversant le territoire visé par le Traité no 1 — Il devait être approuvé par le Manitoba et le Canada — Les consultations se sont déroulées en trois étapes : le processus d’approbation par le Manitoba, l’audience de l’ONE et les consultations supplémentaires — Celles‑ci avaient pour but de cerner les préoccupations en suspens qui n’avaient pas été communiquées à l’ONE ou qui n’avaient pas été traitées par celui‑ci, concernant les répercussions du projet sur les droits ancestraux ou issus de traités, et de discuter de mesures d’accommodement additionnelles, le cas échéant — Des documents ont été envoyés aux Premières Nations, notamment le document intitulé « Summary of Information Available and Preliminary Depth of Consultation Assessment » (Sommaire de l’information disponible et évaluation préliminaire de l’ampleur des consultations) (EAC), résumant les droits ancestraux ou issus de traités, les répercussions potentielles du projet sur ces droits ainsi que l’évaluation préliminaire par le Canada de l’ampleur des consultations à effectuer avec chaque Première Nation — Le Canada a envoyé une ébauche d’annexe du Rapport sur les consultations et les accommodements de la Couronne (le RCAC) propre à chaque Première Nation pour examen et commentaires — Des consultations ont eu lieu avec la Première Nation de Peguis, Animakee Wa Zhing (AWZ), la Première Nation de Roseau River et la Première Nation de Long Plain — Première question en litige : Il s’agissait de savoir si le Canada a bien apprécié l’étendue de son obligation de consulter et d’accommoder les Premières Nations— Selon la position d’AWZ, le Canada a déterminé à tort que les répercussions du projet sur AWZ étaient faibles et que, par conséquent, AWZ devait bénéficier d’un degré modéré de consultation — Parce qu’il y avait des répercussions sur son droit de chasser l’orignal et sur son droit de jouir de ses terres de réserve, elle devait bénéficier d’un haut degré de consultation — Les Premières Nations de Roseau River et de Long Plain ont soutenu que le Canada avait déterminé à l’avance l’étendue de son obligation de consulter sans mener de consultations avec Roseau River ou Long Plain — En outre, elles ont soutenu que le Canada avait commis une erreur lorsqu’il avait déterminé à tort que Roseau River devait bénéficier d’un degré « moyen » de consultation et que Long Plain devait bénéficier d’un « faible » degré de consultation — La substance de la consultation est plus importante que sa forme — Le Canada devait à AWZ un degré de consultation modéré à élevé — Le fait que l’évaluation préliminaire de l’ampleur des consultations a changé au fur et à mesure que l’affaire progressait a démontré une volonté d’écouter et d’être souple — Peu importe le fait que les évaluations variaient entre les trois Premières Nations, les trois Premières Nations ont été consultées de façon approfondie — Deuxième question en litige : Il s’agissait de savoir si, en droit constitutionnel, il était raisonnable pour le GEC de conclure que les consultations du Canada avec Peguis, AWZ, Roseau River et Long Plain étaient adéquate — Le Canada n’a pas satisfait aux exigences de fond de l’obligation de consulter Peguis — Le processus des consultations supplémentaires devait répondre aux exigences d’une consultation adéquate — Rien dans le dossier n’indiquait que le Canada et Peguis se sont engagés dans des consultations de fond au moyen d’une conversation — Le cadre de consultation pouvait satisfaire aux exigences de l’obligation de consulter, mais, en substance, l’obligation n’a pas été respectée — Peguis n’a pas eu l’occasion d’exprimer ses préoccupations en suspens, par correspondance, téléconférence, rencontre communautaire, réunion avec les dirigeants ou autrement — Peguis n’a pas eu l’occasion de rencontrer le Canada soit avant l’ébauche du RCAC, soit avant de mettre la dernière main à celui‑ci pour exprimer ses préoccupations — Au cours des consultations supplémentaires, AWZ a soulevé la question de l’incidence du projet sur les orignaux — Dans le RCAC, la Couronne a conclu que les répercussions possibles du projet sur la capacité des membres d’AWZ à exercer leurs droits ancestraux ou issus de traités relatifs aux orignaux n’étaient pas significatives — En l’espèce, le Canada a satisfait aux exigences de la consultation approfondie décrites dans la jurisprudence — Les consultations supplémentaires ont permis à AWZ de soulever ces questions — Il n’est pas du ressort de la Cour de soupeser la preuve scientifique ou de préférer l’une des observations des Premières Nations ou d’Hydro; c’est le rôle de l’ONE et de la Couronne — Ni l’arrêt Nation crie Bigstone c. Nova Gas Transmission Ltd, 2018 CAF 89 (Bigstone) ni la décision West Moberly First Nations v. British Columbia (Chief Inspector of Mines), 2010 BCSC 359, n’appuyait la proposition selon laquelle l’obligation de consulter exige une étude particulière à une espèce ou un plan d’atténuation — Le fait que les points de vue du Canada et d’AWZ divergeaient ne signifie pas que celui d’AWZ doit être privilégié ou que le Canada ne l’a pas réellement pris en considération — Les consultations avec AWZ sur la question des niveaux d’eau ont été adéquates — L’obligation de consulter n’oblige pas la Couronne à veiller à ce que les Premières Nations touchées bénéficient de l’activité envisagée — Le fait qu’AWZ ne bénéficie pas du projet ne constitue pas une atteinte à ses droits ancestraux ou issus de traités — Le GEC a raisonnablement conclu que le Canada s’était acquitté de son obligation de consulter et d’accommoder AWZ — En ce qui concerne les Premières Nations de Long Plain et de Roseau River, les consultations n’ont pas trop tardé, et tout retard dans la tenue de consultations véritables était attribuable à parts égales aux deux parties — Le Canada n’a pas écarté ou rejeté les préoccupations de Long Plain et de Roseau River relatives à leurs droits fonciers issus de traités — Bien que l’obligation de consulter exige que la Couronne envisage sérieusement un accommodement, il n’y a aucune garantie qu’il y en aura un — Il était possible pour l’ONE et le GEC d’adopter une mesure d’accommodement prospective — Il n’y avait aucune obligation de s’entendre sur des mesures d’accommodement — Troisième question en litige : Il s’agissait de savoir si, en droit administratif, la décision du GEC était raisonnable — La disposition pertinente de la Loi sur l’Office national de l’énergie, L.R.C. (1985), ch. N‑7, et les affaires Bigstone et Tsleil‑Waututh Nation c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 153, [2019] 2 R.C.F.3, énoncent que le GEC doit donner les motifs de sa décision de délivrer ou non un certificat pour un pipeline — Il n’y a pas d’exigence légale correspondante lors de l’examen d’une ligne internationale de transport d’électricité — Le GEC peut s’appuyer sur le raisonnement du rapport de l’ONE et du RCAC — Dans le cadre de l’obligation de consulter, une consultation approfondie exige la présentation de motifs expliquant comment les préoccupations des Premières Nations ont été prises en considération et ont eu une incidence sur les résultats — En l’espèce, le rapport de l’ONE et le RCAC ont satisfait à cette exigence dans le présent contexte — Le GEC a correctement pris en compte les intérêts des Autochtones, les consultations et les mesures d’accommodement — Toutefois, le RCAC ne montrait pas comment les préoccupations exprimées par Peguis ont été prises en considération et ont eu une incidence sur le résultat des consultations supplémentaires, car ce processus n’a pas eu lieu — Par conséquent, la conclusion tirée par le GEC, selon laquelle la Couronne s’était acquittée de son obligation de consulter, ne pouvait être fondée sur les faits sous‑jacents concernant Peguis — Le GEC a été raisonnable relativement aux autres demanderesses — Les motifs et le dossier étaient transparents, intelligibles et raisonnables à l’égard d’AWZ et des Premières Nations de Long Plain et de Roseau River — En ce qui concerne la réparation, il a été déclaré qu’en omettant de collaborer substantiellement avec Peguis durant les consultations supplémentaires, le Canada n’a pas rempli adéquatement son obligation de consulter — Demande dans le dossier T‑1147‑19 accueillie; demandes dans les dossiers T‑1141‑19, T‑1150‑19, T‑1442‑19 rejetées.

Première Nation de Peguis c. Canada (Procureur général) (T‑1147‑19, T‑1141‑19, T‑1150‑19, T‑1442‑19, 2021 CF 990, juge McVeigh, motifs du jugement en date du 24 septembre 2021, 94 p.)

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