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[2021] 3 R.C.F. F-17

 

Accès à l’information

Contrôles judiciaires de six décisions (quatre de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (Commission des libérations conditionnelles) et deux du Service correctionnel du Canada (SCC)) par lesquelles des demandes de divulgation supplémentaire de renseignements personnels concernant deux personnes incarcérées, Craig Munroe et Paul Bernardo (détenus), ont été rejetées — Cinq de ces demandes ont été présentées en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1 (la LAI), tandis qu’une a été présentée par lettre; elles visaient la divulgation des renseignements en vertu du principe de la publicité des débats judiciaires — Les dossiers sur les détenus comprenaient des dossiers se rapportant à des rapports de gestion de cas, à la sécurité préventive et à l’administration des peines — Les décisions ont été regroupées en trois instances — Le premier groupe comprenait quatre demandes présentées en vertu de l’art. 41 de la LAI — Les demandeurs ont demandé à la Cour de déterminer la validité constitutionnelle de plusieurs dispositions de la LAI, de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC) et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P‑21 — Le deuxième groupe était constitué de la demande de contrôle judiciaire fondée sur l’art. 41 de la LAI et de la décision de la Commission des libérations conditionnelles, par laquelle la communication des dossiers carcéraux et d’audience de libération conditionnelle de M. Bernardo a été refusée — Le troisième groupe était constitué de la demande de contrôle judiciaire présentée par la Société Radio‑Canada (la SRC), demanderesse, à l’égard d’une décision de la Commission des libérations conditionnelles par laquelle cette dernière a rejeté la demande de la SRC visant à obtenir des renseignements personnels non communiqués concernant les détenus, renseignements similaires à ceux demandés dans le deuxième groupe — Il s’agissait de savoir si l’art. 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés confère un droit d’obtenir les renseignements demandés — Les demandeurs n’avaient pas un droit, au titre de l’art. 2b) de la Charte, d’accéder aux renseignements non communiqués, parce que les audiences de la Commission des libérations conditionnelles ne sont pas de nature judiciaire ou quasi judiciaire — Dans l’arrêt Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles, [1996] 1 R.C.S. 75, la Cour suprême a conclu qu’une audience de la Commission des libérations conditionnelles est de nature inquisitoire — Il n’y avait aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence compte tenu des faits de la présente affaire — L’arrêt R. c. Bird, 2019 CSC 7, [2019] 1 R.C.S. 409, n’annule pas et ne supplante pas l’arrêt Mooring — L’art. 2b) ne donne droit à l’accès que lorsqu’il est démontré qu’il s’agit d’une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu’il soit possible de s’exprimer de manière significative, qu’il n’empiète pas sur des privilèges protégés, et qu’il est compatible avec la fonction de l’institution en cause (Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers' Association), 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815) — Le critère énoncé dans Criminal Lawyers n’a pas été satisfait dans la présente affaire — La présomption de publicité des débats judiciaires a été réfutée en l’espèce — Les détails extrêmement intimes sollicités par les demandeurs étaient susceptibles de porter atteinte à la dignité individuelle, et donc de réfuter la présomption du principe de la publicité des débats judiciaires — La nature très délicate des renseignements demandés touchait à la dignité des détenus — L’art. 140(14) de la LSCMLC indique que ce n’est pas parce que les renseignements et les documents ont été évoqués à l’audience qu’ils sont accessibles au public au sens de la LAI et de la Loi sur la protection des renseignements personnels — Il s’agissait de savoir si les décisions de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC étaient déraisonnables — Le dossier a révélé dans chaque cas des motifs et des éléments de preuve suffisants pour comprendre les décisions de rejeter les demandes d’AIPRP et évaluer si ces décisions étaient raisonnables — L’argument des demandeurs selon lequel l’utilisation de paragraphes passe‑partout pour traiter du bien‑fondé de l’analyse démontre que le résultat des demandes d’AIPRP était prédéterminé n’était pas à propos — L’analyse des décideurs a démontré que ces derniers ont pris en compte et soupesé une variété de facteurs dans leur évaluation des demandes des demandeurs — Il est ressorti que la Commission des libérations conditionnelles et le SCC ont tenu compte des exigences de l’art. 19(2)c) de la LAI et de l’art. 8(2)m)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels (qui permet la divulgation de renseignements personnels lorsque l’intérêt public à la divulgation l’emporte clairement sur l’atteinte au droit à la vie privée découlant de la divulgation des documents) — La Commission des libérations conditionnelles et le SCC n’ont pas commis d’erreur dans leur analyse du droit à la vie privée des détenus en vertu de l’art. 8(2)m)(i) — La décision de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC selon laquelle l’intérêt public de divulguer les renseignements non communiqués ne l’emportait pas clairement sur l’atteinte au droit à la vie privée des détenus était raisonnable — Les renseignements non communiqués contenaient des renseignements personnels et ils étaient donc visés par l’exception prévue à l’art. 19(1) de la LAI — L’art. 2b) de la Charte ne garantit l’accès aux documents gouvernementaux « […] que lorsqu’il est démontré qu’il s’agit d’une condition qui doit nécessairement être réalisée pour qu’il soit possible de s’exprimer de manière significative, qu’il n’empiète pas sur des privilèges protégés, et qu’il est compatible avec la fonction de l’institution en cause » — Les droits des demandeurs protégés par la Charte n’ont pas été limités — La Commission des libérations conditionnelles a suffisamment envisagé d’autres possibilités raisonnables — Bien que la Commission des libérations conditionnelles n’ait peut‑être pas envisagé les solutions de rechange souhaitées par la SRC, notamment la diffusion de certaines parties des enregistrements, elle a réfléchi à la façon de permettre aux médias d’avoir accès à l’information lors des audiences de libération conditionnelle — La Commission des libérations conditionnelles a établi un équilibre proportionnel entre les valeurs consacrées par la Charte et les objectifs et mandats que lui impose la loi — Il n’y avait rien de disproportionné à imposer aux médias le fardeau de veiller à assister aux audiences de libération conditionnelle en question — La décision de la Commission des libérations conditionnelles et du SCC de ne pas divulguer les renseignements non communiqués était raisonnable — Demandes rejetées.

Fraser c. Canada (Sécurité publique et Protection civile) (T‑101‑18, T‑102‑18, T‑103‑18, T‑1358‑12, T‑465‑20, T‑1884‑19, 2021 CF 821, juge McVeigh, motifs du jugement en date du 4 août 2021, 68 p. + 38 p.)

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