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[2021] 3 R.C.F. F-26

 

Santé et bien-être social

Appel d’une décision par laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision de réévaluation de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (l’ARLA) sur l’homologation pour utilisation du glyphosate, un produit antiparasitaire — En 2002, le législateur a remanié la réglementation des produits antiparasitaires et a adopté la Loi sur les produits antiparasitaires, L.C. 2002, ch. 28 (la Loi) et ses règlements — Il a créé un régime réglementaire complet concernant l’homologation et l’utilisation de pesticides au Canada — La Loi vise à protéger la santé et la sécurité des humains ainsi que l’environnement en réglementant les produits utilisés pour lutter contre les parasites — L’appelante était une organisation à but non lucratif qui se consacre à la promotion de la santé publique et à la protection de l’environnement en informant les Canadiens au sujet de la sécurité des techniques de production alimentaire — L’intimé représentait l’ARLA, une direction générale de Santé Canada qui est chargée de la réglementation des pesticides sous le régime de la Loi — L’ARLA agissait pour le compte du ministre de la Santé — Le glyphosate a été homologué pour utilisation au Canada en 1976 et il continue de l’être depuis cette date — En 2005, l’ARLA a donné son accord à une extension du profil d’emploi, ce qui a permis d’utiliser le glyphosate comme agent desséchant prérécolte sur diverses cultures — En 2009, l’ARLA a donné avis de son intention de réévaluer le glyphosate afin d’établir si son homologation pour utilisation devrait être maintenue — En avril 2015, l’ARLA a rendu public un projet de décision de réévaluation — En réponse, l’appelante a fourni des commentaires écrits et a participé au processus de consultation publique — À l’issue du processus de consultation publique, l’ARLA a lancé un projet de décision de réévaluation autorisant le maintien de l’homologation des produits contenant du glyphosate pour utilisation au Canada — L’ARLA n’a pas souscrit aux commentaires écrits de l’appelante — L’appelante a subséquemment déposé un avis d’opposition (l’AO) à la décision de réévaluation de l’ARLA; elle a présenté neuf oppositions qui soulevaient un « doute, sur la base de renseignements fondés scientifiquement » quant à la validité des évaluations de l’ARLA concernant les produits contenant du glyphosate; elle espérait que l’ARLA exercerait le pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi de constituer une commission d’examen conformément à l’art. 35(3) de la Loi pour examiner l’objet des oppositions soulevées dans l’AO, afin de confirmer, d’annuler ou de modifier la décision de réévaluation — L’ARLA a estimé que les questions soulevées dans l’AO de l’appelante ne satisfaisaient pas aux critères énoncés à l’art. 3 du Règlement sur les commissions d’examen, DORS/2008‑22 (le Règlement) (la décision de l’ARLA) — L’appelante a ensuite présenté à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’ARLA — La Cour fédérale a rejeté la demande (2020 CF 242) — Dans cette décision, la Cour fédérale a fait remarquer que l’expression « doute, sur la base de renseignements fondés scientifiquement » énoncée à l’art. 3a) du Règlement n’avait pas été définie dans la jurisprudence antérieure et elle a donc fourni sa propre interprétation législative de cette expression — Elle a réalisé sa propre analyse détaillée, afin de déterminer si les oppositions présentées dans l’AO de l’appelante soulevaient un doute scientifiquement fondé quant à la validité des évaluations des risques de l’ARLA et elle a conclu que cela n’était pas le cas — La Cour fédérale a donc établi que la décision de l’ARLA de ne pas constituer une commission d’examen était raisonnable — L’appelante a fait valoir que la décision de l’ARLA était déraisonnable notamment parce qu’elle omettait d’interpréter le régime législatif qui régit les critères d’évaluation de l’AO et qu’elle ne se conformait pas au régime législatif correctement interprété — Il s’agissait de savoir si la décision de l’ARLA était raisonnable compte tenu de la norme de la décision raisonnable — La décision de l’ARLA était déraisonnable — C’était la première fois, dans la présente affaire, qu’une décision de l’ARLA était examinée — L’ARLA est chargée d’interpréter la Loi et le Règlement, dans le contexte d’oppositions fondées scientifiquement figurant dans l’AO et le dossier — L’ARLA, en décidant si elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de constituer une commission d’examen, doit examiner les dispositions pertinentes de la Loi qui éclaireront sa décision — De plus, elle doit tenir compte des deux facteurs énoncés aux art. 3a) et b) du Règlement qui sont les suivants : a) si l’avis d’opposition soulève un doute, sur la base de renseignements fondés scientifiquement, quant à la validité des évaluations qui ont été faites de la valeur du produit antiparasitaire et des risques sanitaires et environnementaux qu’il présente et qui ont mené à la décision contestée; b) si l’obtention de l’avis de scientifiques était susceptible de favoriser le règlement de l’objet de l’opposition — Même si l’ARLA a un pouvoir discrétionnaire, elle ne peut l’exercer qu’une fois que ces deux facteurs sont pris en considération — Par conséquent, même si un décideur comme l’ARLA a le pouvoir discrétionnaire de rendre une décision concernant une question particulière, notamment celle de savoir s’il est nécessaire de constituer une commission d’examen, le pouvoir discrétionnaire exercé doit être conforme à la raison d’être et à la portée de la Loi — En outre, le pouvoir discrétionnaire de l’ARLA est limité également par l’art. 3 du Règlement, qui limite le pouvoir discrétionnaire de l’ARLA en énonçant les facteurs dont elle doit tenir compte pour décider s’il est nécessaire de constituer une commission d’examen — Bien qu’elle puisse tenir compte d’autres facteurs, elle doit prendre en considération au moins les deux facteurs énoncés à l’art. 3 — La décision de l’ARLA dans la présente affaire ne satisfaisait pas à ces exigences fondamentales — L’ARLA n’a pas justifié sa décision en examinant le préambule de la Loi dans lequel est précisé la nécessité d’empêcher d’exposer le public à des risques inacceptables découlant de l’utilisation de produits antiparasitaires — La décision de l’ARLA ne tenait pas compte des définitions de l’expression « risque sanitaire » et de l’expression « risques acceptables » figurant aux art. 2(1) et 2(2) de la Loi, et elle n’examinait pas non plus l’objectif premier de la Loi — Dans sa décision de ne pas constituer une commission d’examen, l’ARLA a simplement formulé une conclusion selon laquelle l’AO ne satisfaisait à aucun des facteurs énoncés à l’art. 3 du Règlement — Il était impossible de comprendre, d’après la décision de l’ARLA, pourquoi cette dernière a conclu que les oppositions soulevées dans l’AO ne satisfaisaient à aucun de ces facteurs — Cela était particulièrement important, compte tenu de l’exigence légale imposée à l’ARLA de fournir des motifs écrits, aux termes de l’art. 35(5) de la Loi — En l’espèce, l’ARLA n’a pas démontré dans ses motifs qu’elle était consciente de la nécessité d’interpréter la Loi et le Règlement — Le fait que le texte législatif n’a pas été interprété a rendu la décision de l’ARLA déraisonnable — En outre, le dossier n’a pas aidé à discerner le fondement de la décision de l’ARLA — D’après les motifs présentés dans le dossier, il était impossible de savoir pourquoi une commission d’examen ne serait pas en mesure, en l’espèce, de concourir à l’examen de la question de savoir si la décision de réévaluation prise devrait être confirmée, annulée ou modifiée d’une certaine manière — L’ARLA n’a pas examiné, que ce soit de manière implicite ou explicite, le texte, le contexte ou l’objet de l’art. 35 de la Loi ou de l’art. 3 du Règlement — La décision de l’ARLA était déraisonnable, car elle ne satisfaisait pas à la norme de justification, de transparence et d’intelligibilité exigée — En terminant, la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a fourni sa propre interprétation de l’expression « doute scientifiquement fondé » — Il incombait à l’ARLA, et non à la Cour fédérale, d’interpréter cette expression — La Cour fédérale était la cour de révision, et non le juge sur le mérite — Rendant le jugement qui aurait dû être celui de la Cour fédérale a été rendu, la demande de contrôle judiciaire de l’appelante a été accueillie, la décision de l’ARLA a été annulée, et l’affaire a été renvoyée à l’ARLA pour qu’une nouvelle décision soit rendue conformément aux recommandations fournies dans les présents motifs — Appel accueilli.

Safe Food Matters Inc. c. Canada (Procureur général) (A-85-20, 2022 CAF 19, juge Rivoalen, J.C.A., motifs du jugement en date du 2 février 2022, 25 p.)

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