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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Protection des renseignements personnels

Voir aussi : Droit administratif; Protection des renseignements personnels

Demandes réunies présentées par la commissaire à l’information pour le compte des demandeurs (Patrick Cain, Molly Hayes) en application de l’art. 41(1) de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1 (Loi), pour contester le refus de Santé Canada de communiquer des parties des codes postaux et des noms de villes associés à des permis de culture de marijuana à des fins médicales — Les codes postaux canadiens sont formés de six caractères divisés en deux groupes de trois : les trois premiers caractères représentent la région de tri d’acheminement (RTA), laquelle désigne les grandes divisions géographiques dans les milieux urbains et ruraux; les trois derniers caractères représentent l’unité de distribution locale, qui désigne les zones de livraison plus petites dans la RTA — Mme Hayes, en août, et M. Cain, en octobre 2017, ont présenté à Santé Canada une demande d’accès à l’information pour obtenir une liste des adresses et les trois premiers caractères des codes postaux d’opérations de culture à des fins personnelles et de producteurs de cannabis à des fins médicales détenteurs d’un permis — Les renseignements demandés ont été obtenus par Santé Canada en vertu du régime du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, DORS/2016‑230 — Ce régime a été remplacé par la Loi sur le cannabis, L.C. 2018, ch. 16, et le Règlement sur le cannabis, DORS/2018‑144 — En ce qui concerne la demande de Mme Hayes, la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de Santé Canada a conclu que la plupart des renseignements étaient des renseignements personnels et qu’ils ne pouvaient donc pas être communiqués en application de l’art. 19 de la Loi — La Division de l’AIPRP a prélevé certaines parties du document et elle n’a communiqué que les noms des provinces — La commissaire à l’information a convenu avec Santé Canada que l’exemption prévue à l’art. 19(1) concernant les renseignements personnels s’appliquait aux numéros de voirie, aux noms de rue et aux trois derniers caractères des codes postaux — Toutefois, la commissaire a demandé à Santé Canada de déterminer si d’autres parties des codes postaux et les noms des villes pouvaient être communiqués — Santé Canada a par la suite accepté de divulguer le premier caractère du code postal, mais a refusé de communiquer tout autre renseignement, affirmant qu’il s’agissait de « renseignements personnels » — Santé Canada a également affirmé qu’il était déraisonnable de l’obliger à analyser chaque RTA séparément pour déterminer le risque de réidentification — La commissaire à l’information n’était pas convaincue que le risque d’identification découlait de la communication des noms de ville ou des RTA pour les régions plus peuplées — En outre, elle n’était pas d’accord avec l’affirmation de Santé Canada selon laquelle il n’était pas raisonnable de lui demander d’analyser chaque RTA pour déterminer laquelle pouvait être communiquée — En ce qui concerne la demande de M. Cain, Santé Canada a refusé de communiquer les deuxième et troisième caractères des RTA en application de l’art. 19(1) de la Loi — La commissaire à l’information a conclu que le refus général de Santé Canada de communiquer plus de renseignements n’était pas justifié, car le risque de réidentification des personnes désignées ne satisfaisait pas au critère juridique — En réponse aux rapports de la commissaire à l’information sur les plaintes, Santé Canada a maintenu sa position selon laquelle les RTA et les noms des villes étaient des renseignements personnels et qu’ils étaient exemptés de la communication — Il a affirmé qu’en raison du risque d’identification, les renseignements tombaient sous le coup de la définition de « renseignements personnels » — Il s’agissait d’abord de savoir si le ministre de la Santé intimé était autorisé à refuser la communication des documents en cause en vertu de l’art. 19(1) parce qu’ils constituent des renseignements personnels — Il s’agissait ensuite de savoir si le ministre a refusé à juste titre de prélever d’autres parties des documents en vertu de l’art. 25 de la Loi — En ce qui concerne la norme de contrôle applicable à l’égard de la première question, le droit est clair : en vertu de l’art. 41 de la Loi, le recours en révision est entendu de novo — En ce qui concerne la deuxième question, compte tenu de l’arrêt Merck Frosst Canada Ltd. c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, [2012] 1 R.C.S. 23, la question de savoir combien d’efforts doivent être déployés pour respecter l’obligation de prélèvement prévue à l’art. 25 devrait être traitée dans le cadre du recours en révision de novo plutôt que comme une décision discrétionnaire — En l’espèce, il s’agissait de savoir si les deuxième et troisième caractères des RTA dont la population est plus nombreuse et les noms des villes étaient protégés contre la communication en raison de la « forte possibilité » que ces données puissent être couplées à d’autres renseignements pour identifier certaines personnes — Se rapporte à cette question l’approche appropriée pour évaluer les risques en ce qui concerne les « ensembles de données structurées » et la méthodologie utilisée pour évaluer ces risques — Le critère de la « forte possibilité » énoncé dans l’arrêt Gordon c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 258, [2008] 3 R.C.F. F‑5, est le critère qui doit guider l’analyse — La communication du deuxième ou du troisième caractère de la RTA et des noms des villes crée une forte possibilité de réidentification — Ces renseignements entrent donc dans la définition de renseignements personnels concernant un individu identifiable — La communication de renseignements sur l’état de santé d’une personne a des conséquences particulièrement dévastatrices — Les risques de communication de renseignements à ce point intimes doivent être réduits autant que possible — La preuve a démontré une communication progressive de plus de renseignements sur les permis de marijuana à des fins médicales et de détails sur les personnes qui les ont obtenus, y compris l’état de santé, l’année de naissance, le sexe, le type de permis délivré et la posologie — La question était de savoir s’il était fort possible que les données puissent être combinées pour identifier certaines personnes — Les ensembles de données étaient suffisamment comparables pour servir de fondement à l’évaluation du risque qu’une mosaïque de renseignements puisse être assemblée — Le fait que les ensembles de données ne soient pas exactement comparables n’empêchait pas un utilisateur motivé de chercher à identifier une personne détenant un permis de production à des fins personnelles ou un producteur désigné dans le cadre du régime de délivrance de licences de marijuana à des fins médicales — En entreprenant une révision de novo, la Cour est tenue de tenir compte des développements plus récents qui sont pertinents relativement à la tâche à accomplir — La cour qui effectue une révision de novo du refus de communiquer un document doit tenir compte de tout changement pertinent survenu entre la date du refus et la date de l’audition de l’affaire — L’arrêt Ontario (Sécurité communautaire et Services correctionnels c. Ontario (Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée), 2014 CSC 31, [2014] 1 R.C.S. 674, n’appuyait pas la proposition plus générale selon laquelle les seuils de population conviennent à la gestion des risques liés à la protection des renseignements personnels — Le rapport de l’expert était très pertinent et convaincant en ce qui concerne les risques associés à la communication des deuxième et troisième caractères des RTA et des noms de villes — La communication du premier caractère seulement pose un risque beaucoup plus faible — Quant à savoir si le ministre a refusé à juste titre de prélever davantage de parties des documents en vertu de l’art. 25 de la Loi, il s’agissait de savoir principalement si Santé Canada aurait dû faire plus d’efforts pour respecter les obligations qui lui étaient imposées par l’art. 25 — Le renvoi dans la version française de l’art. 25 à des « problèmes sérieux » n’établit pas une norme différente et plus rigoureuse que la version anglaise — Ce n’est que lorsque les efforts consacrés à la communication sont disproportionnés par rapport à la qualité de l’accès que cette communication devient déraisonnable — Le critère tiré de l’arrêt Merck Frosst était applicable dans la présente affaire — Pour déterminer si l’effort est raisonnablement proportionnel à la qualité de l’accès, il faut souligner deux points : 1) la nature délicate des renseignements permettait de penser que l’option présentant le risque le plus faible devrait être adoptée; 2) l’emplacement de la plupart des licences en général ayant été révélé, se posait la question de savoir si rétrécir davantage le champ visuel apporterait des avantages importants — Imposer une telle exigence à Santé Canada, dans le contexte de faits particuliers de l’affaire, allait au‑delà de ce que l’art. 25 exige — Santé Canada n’était pas tenu d’effectuer d’autres prélèvements pour s’acquitter de ses obligations de communication prévues à l’art. 25 — En conclusion, les risques pour la vie privée découlant de toute autre communication de documents étaient tout simplement trop importants — La preuve poussait à conclure que le fait d’exiger de Santé Canada qu’il entreprenne une analyse des risques pour chaque RTA séparément lui imposerait un fardeau disproportionné par rapport à la qualité de l’accès supplémentaire qu’il fournirait — Demandes rejetées.

Cain c. Canada (Santé) (T-645-20, T-641-20, T-637-20, 2023 CF 55, juge Pentney, motifs publics modifiés du jugement en date du 25 janvier 2023, 73 p.)

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