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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

éthique

Contrôles judiciaires de décisions du Commissariat au lobbying du Canada, qui a conclu que Benjamin Bergen et Dana O’Born n’ont pas enfreint les règles 6[1] et 9[2] du Code de déontologie des lobbyistes (2015) en tentant de faire du lobbying auprès de Chrystia Freeland, alors ministre du Commerce international, ou de son personnel après avoir entrepris des activités politiques pour le compte de Mme Freeland — M. Bergen a été bénévole lors de la campagne d’élection partielle initiale de Mme Freeland en 2013 et il a été codirecteur de campagne en vue de sa réélection en 2015 — Il a dirigé le bureau de circonscription de Mme Freeland lorsqu’elle était députée de janvier 2014 à mars 2016 — Il a également joué un rôle limité en tant que directeur au sein du comité exécutif de l’association de circonscription pour la circonscription représentée à la Chambre des communes par Mme Freeland de mai 2016 à octobre 2017 — Mme O’Born a été codirectrice de campagne en vue de la réélection de Mme Freeland en 2015 — Elle a également été vice-présidente de la préparation électorale au sein du comité exécutif de l’association de circonscription électorale de Mme Freeland de mai 2016 à octobre 2017 — Le CCI, un conseil d’affaires composé de PDG d’entreprises technologiques canadiennes, était inscrit au registre des lobbyistes pour faire du lobbying auprès d’Affaires mondiales Canada, qui englobe le ministère du Commerce international, le ministère des Affaires étrangères et le ministère du Développement international, à l’époque où Mme Freeland était ministre du Commerce international, du 4 novembre 2015 au 10 janvier 2017 — M. Bergen était le directeur général du CCI à compter de mars 2016 et il était désigné dans le registre des lobbyistes comme agent responsable et lobbyiste employé par le CCI — Mme O’Born a été embauchée par le CCI en juillet 2016 en tant que directrice des politiques et elle est devenue directrice des initiatives stratégiques en janvier 2017 – Elle était elle aussi désignée dans le registre des lobbyistes comme lobbyiste employée par le CCI — Entre le moment où M. Bergen et Mme O’Born ont joint le CCI et celui où Mme Freeland a cessé d’être ministre du Commerce international, le CCI a déclaré dans le registre des lobbyistes quatre communications avec M. David Lametti, alors secrétaire parlementaire de Mme Freeland, ou avec son personnel — La commissaire a conclu qu’il n’existait aucune preuve que M. Bergen ou Mme O’Born avaient tenté de faire du lobbying auprès de Mme Freeland elle-même — En outre, la commissaire a conclu que ni M. Lametti, en sa qualité de secrétaire parlementaire, ni aucun membre de son personnel n’étaient compris dans le « personnel » du bureau de Mme Freeland au sens de la règle 9 — En ce qui concerne la règle 6, la commissaire a jugé que la preuve ne permettait pas de conclure que M. Bergen ou Mme O’Born avaient placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent — Il s’agissait de savoir si l’interprétation et l’application des règles 6 et 9 du Code par la commissaire étaient raisonnables — La demanderesse fait valoir que la commissaire a commis une erreur en interprétant de façon trop étroite les mots « cette personne » et « personnel » à la règle 9, de façon à conclure que les communications avec M. Lametti et son personnel ne constituaient pas du lobbying en contravention de la règle 9 — Le rôle principal du secrétaire parlementaire consiste à « aider son ministre à s’acquitter de ses responsabilités à la Chambre et à prendre la parole au nom du gouvernement lorsque des questions surgissent en l’absence du ministre » — C’est Mme Freeland qui détenait le pouvoir décisionnel et l’autorité pour le Programme d’exportation du Canada (CanExport) pendant la période visée — La demanderesse affirme donc que les communications avec le secrétaire parlementaire allaient inévitablement être transmises à la ministre et qu’elles ne pouvaient avoir été faites que dans le but d’exercer du lobbying auprès de Mme Freeland — Bien que ces arguments sur la responsabilité ministérielle soulèvent une question à prendre en considération, tel qu’énoncé par la commissaire dans ses observations, cette réserve ne rend pas la décision de la commissaire déraisonnable — Il était raisonnable que la commissaire interprète les mots « cette personne » comme désignant uniquement Mme Freeland — Cette interprétation est non seulement conforme au sens ordinaire des mots, mais donne également effet au reste de la règle 9, qui désigne cette même personne comme étant le titulaire d’une charge publique (auprès de qui le lobbying ne doit pas être exercé) et inclut expressément et séparément le « personnel » du bureau de la personne — Il était également raisonnable que la commissaire prenne en considération le sens ordinaire des mots de la règle 9 pour faire la distinction entre les « élus » et le « personnel » et déterminer si M. Lametti pouvait être visé par le terme « personnel » — L’interprétation et l’application par la commissaire de la règle 6 n’étaient pas non plus déraisonnables — La commissaire a conclu que les considérations suivantes s’appliquaient aux conflits d’intérêts apparents : 1) les conflits d’intérêts apparents sont raisonnablement perçus comme existant, qu’ils existent réellement ou non; 2) ils sont jugés selon une norme objective quant à savoir si un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, conclurait raisonnablement à l’existence d’un conflit d’intérêts; et 3) ils se rapportent à des situations de conflit réel perçu qui ne sont pas hypothétiques ou simplement possibles, mais plutôt définitives, de sorte qu’un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, conclurait raisonnablement que la capacité du titulaire d’une charge publique à exercer ses attributions a dû être compromise par ses intérêts privés — La commissaire n’a trouvé aucune preuve que Mme Freeland [traduction] « était au courant des activités de lobbying du CCI ou a exercé ou envisageait d’exercer ses attributions en lien avec les activités de lobbying du CCI » — Ainsi, la commissaire a jugé que rien ne permettait de conclure que les actions de M. Bergen ou de Mme O’Born avaient placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel, qu’elles avaient eu une incidence sur la capacité de Mme Freeland à exercer ses attributions ou qu’elles pourraient raisonnablement être perçues comme ayant placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts apparent — Ces conclusions n’étaient pas déraisonnables — La commissaire a raisonnablement conclu que l’articulation de la norme objective applicable aux conflits d’intérêts apparents doit être nuancée de manière à ce qu’il soit clair que l’existence d’un conflit d’intérêts apparent ne peut pas être établie sur la base de simples soupçons ou suppositions — L’approche adoptée par la commissaire n’était pas déraisonnable — Les motifs font état d’une analyse rationnelle qui justifie les conclusions tirées — Demandes rejetées.

Democracy Watch c. Canada (Procureur général) (T-915-20, T-916-20, 2023 CF 825, juge Furlanetto, motifs publics du jugement en date du 20 juin 2023, 24 p.)



[1] Un lobbyiste ne doit proposer ni entreprendre aucune action qui placerait un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent.

[2] Si un lobbyiste entreprend des activités politiques pour le compte d’une personne qui pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, il ne peut pas faire de lobbying auprès de cette personne pour une période déterminée si cette personne est ou devient un titulaire d’une charge publique. Si cette personne est un élu, le lobbyiste ne doit pas non plus faire de lobbying auprès du personnel du bureau dudit titulaire.

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