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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

DROIT ConstitutionNEl

Charte des droits

Garanties juridiques

Droit à l’assistance d’un interprète

Sujets connexes : Citoyenneté et Immigration, Pratique

Requête en vue de contraindre les demandeurs à fournir, aux frais de l’État, les services d’un interprète qui parle couramment l’anglais et le serbo-croate pour aider le défendeur tout au long de l’instruction — La question dans l’action sous-jacente était de déterminer si le défendeur a obtenu la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d’une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels concernant sa participation à des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité — La preuve a révélé que le défendeur ne maîtrise pas suffisamment l’anglais ou le français pour participer pleinement et efficacement à sa défense au procès — Les demandeurs ont fait valoir qu’exiger que le gouvernement paie le coût des services d’interprétation n’est pas un droit général qui découle de l’art. 14 de la Charte canadienne des droits et libertés — Le défendeur était d’avis que le droit à l’assistance d’un interprète garanti par l’art. 14 est absolu et sans restriction et que, quoi qu’il en soit, il a démontré qu’il n’était pas en mesure d’assumer le coût de ces services.  — Les questions à trancher étaient de savoir si l’art. 14 de la Charte impose au gouvernement l’obligation constitutionnelle positive de fournir des services d’interprétation sans frais dans une instance comme celleci  — Dans la négative, le défendeur a-t-il établi qu’il n’était pas en mesure de payer les services d’interprétation de façon à obliger le gouvernement à fournir l’assistance d’un interprète? — Le droit à l’assistance d’un interprète garanti par l’art. 14 de la Charte dans des affaires de révocation de la citoyenneté ne comprend pas le droit à ce que ces services soient payés par l’État peu importe le besoin financier — L’arrêt de principe concernant l’art. 14 est R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951 (Tran) — Dans l’arrêt Tran, la Cour suprême a défini l’objet de l’art. 14 à la lumière des droits garantis aux art. 8 à 14 de la Charte, qu’elle a considérés comme des composantes du droit général protégé par l’art. 7 — La Cour fédérale dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Phan, 2003 CF 1194 (Phan) a reconnu que l’art. 14, bien qu’il « vise principalement » les affaires criminelles, s’applique tout de même aux instances civiles judiciaires et aux instances quasi judiciaires — Elle a conclu que, dans des instances civiles ou quasi judiciaires, le fait de laisser la responsabilité de payer les honoraires d’un interprète à la partie qui en requiert les services ne constitue pas une violation de son droit à un procès équitable, pourvu qu’il n’ait pas été démontré qu’elle est incapable d’en assumer le coût — La conclusion selon laquelle l’art. 14 ne protège pas le droit à l’assistance d’un interprète rémunéré par l’État dans des affaires non pénales si le besoin financier n’est pas démontré ne va pas à l’encontre des enseignements de Tran — Les droits protégés par la Charte ne garantissent pas tous le droit d’obtenir les moyens de les exercer aux frais de l’État, sans égard aux besoins financiers — Aucune décision n’appuie la proposition que le droit protégé par l’art. 14 a été reconnu comme un droit général positif dans toutes les circonstances  — Il n’existe aucun principe établi pour déterminer si le droit protégé est « positif » ou « négatif », ni pour définir la portée de l’obligation de l’État même en ce qui concerne les droits dits « positifs » — Le défendeur a confondu la notion d’assurer l’équité procédurale en garantissant l’accès à des services d’interprétation et le financement de ces services par l’État — La question de savoir si l’art. 7 de la Charte suppose un droit inconditionnel à l’assistance d’un interprète rémunéré par l’État n’était pas en cause ici — L’instance pourrait entraîner la révocation de la citoyenneté canadienne du défendeur et la stigmatisation associée au fait d’être déclaré criminel de guerre ou d’avoir commis des crimes contre l’humanité, mais elle n’entraîne pas l’emprisonnement ou l’expulsion automatique du Canada de façon à mettre en cause les droits garantis par l’art. 7 — Par conséquent, il n’y avait aucune raison de déroger au principe selon lequel les droits protégés par l’art. 14 dans le contexte de la présente action n’étaient pas absolus — La preuve a démontré que le défendeur était en mesure de payer les services d’interprétation — Le témoignage du défendeur a révélé des contradictions et des incohérences par rapport aux déclarations qu’il a faites dans son affidavit selon lesquelles il n’avait pas les moyens de se payer ces services — Requête rejetée.

Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Jozepovic (T-1862-17, 2023 CF 289, juge adjointe Tabib, motifs de l’ordonnance en date du 1er mars 2023, 12 p.)

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