Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Agriculture

Sujets connexes : Environnement; Droit administratif; Droit constitutionnel; Santé et bien-être social

Demande de contrôle judiciaire de la saisie de terreaux fabriqués par la demanderesse, parce que ceux-ci contenaient certains métaux ou métalloïdes en des concentrations supérieures aux normes — Englobe s’est opposée à cette saisie en invoquant divers motifs qui relèvent du droit administratif, et a soutenu que les dispositions législatives et réglementaires fédérales qui fondaient la saisie étaient inconstitutionnelles — La demanderesse est une société qui se spécialise dans le traitement, le compostage et la valorisation de matières organiques — Elle produit du compost et des terreaux à partir de diverses matières premières — En mai 2021, la défenderesse a prélevé des échantillons de deux produits de terreaux élaborés par la demanderesse, qui a également prélevé ses propres échantillons — Une analyse des échantillons prélevés par la défenderesse a été réalisée par le laboratoire de celle-ci et a révélé des concentrations de nickel, de molybdène et de sélénium supérieures aux concentrations maximales indiquées dans la Circulaire T-4-93 — La défenderesse a ensuite envoyé des avis de rétention en vertu de l’article 9 de la Loi sur les engrais, L.R.C. (1985), ch. F-10 (la Loi), ce qui équivaut à une forme de saisie — Ces avis étaient fondés sur le fait que l’inspectrice de la défenderesse avait des motifs raisonnables de croire que les terreaux en question contrevenaient à l’article 2.1 du Règlement sur les engrais, C.R.C., ch. 666 (le Règlement) — Bien que la défenderesse et la demanderesse aient entamé des discussions afin de tenter de résoudre la situation, les échanges n’ont pas permis d’en arriver à un accord — La demanderesse a ensuite transmis une mise en demeure à la défenderesse, exigeant la levée de la rétention des produits — Dans cette mise en demeure, la demanderesse réitérait ses doutes concernant la fiabilité des analyses du laboratoire de la défenderesse et présentait les résultats de l’analyse par des laboratoires privés d’échantillons prélevés sur le nouveau mélange en septembre 2021 — De plus, la demanderesse alléguait que la Circulaire T-4-93 n’était pas un instrument approprié afin d’évaluer l’innocuité de terreaux destinés à un usage unique et affirmait que les normes figurant dans cette circulaire auraient dû être adoptées par règlement — La Loi a été initialement adoptée en 1885 — Entre autres choses, ses dispositions exigent l’enregistrement de divers types d’engrais avant leur commercialisation et prévoient certaines obligations quant à l’étiquetage des engrais — Ultérieurement, le Gouverneur en conseil a ajouté l’article 2.1 au Règlement aux fins de l’application de l’article 3.1 de la Loi — L’administration de la Loi est confiée à la défenderesse — L’article 2.1 du Règlement ne prévoit pas de seuils déterminés au-delà desquels certaines substances « présentent un risque de préjudice à la santé humaine, animale ou végétale ou à l’environnement » — Afin d’assurer un degré de cohérence dans l’application de la Loi, la défenderesse se fonde sur les seuils et la méthode de calcul indiqués dans la Circulaire T-4-93 — Les dispositions contestées en l’espèce ont été validement adoptées en vertu de la compétence concurrente relative à l’agriculture prévue à l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de la compétence fédérale relative au droit criminel prévue au paragraphe 91(27) de la même loi; il s’agissait donc de déterminer si les dispositions contestées avaient une portée excessive et étaient contraires à l’article 7 de la Charte; si les dispositions réglementaires en cause constituaient une sous-délégation prohibée ou une abdication de compétence; et si les décisions prises par la défenderesse relativement aux saisies étaient raisonnables — Le Parlement était compétent afin d’adopter les dispositions contestées, notamment l’article 3.1 de la Loi — Le caractère véritable de l’article 3.1 est l’interdiction des engrais et des suppléments qui posent un risque de préjudice à la santé humaine, animale ou végétale ou à l’environnement — Ce caractère véritable se rattache à la compétence concurrente relative à l’agriculture prévue à l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 et à la compétence fédérale relative au droit criminel prévue au paragraphe 91(27) de la même loi — Les deux étapes du cadre d’analyse applicable en matière de partage des compétences comportent le fait de circonscrire ce qu’on appelle le « caractère véritable » de la loi ou des dispositions législatives en cause (l’objet et les effets de la loi) et de déterminer si le caractère véritable de la loi peut être rattaché à l’un des chefs de compétence de l’ordre de gouvernement qui l’a adoptée — Le caractère véritable de l’article 3.1 est l’interdiction des engrais et des suppléments qui posent un risque de préjudice à la santé humaine, animale ou végétale ou à l’environnement — Par conséquent, l’article 3.1 se rattache à la compétence concurrente relative à l’agriculture prévue à l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 — En outre, l’article 3.1 est une mesure valide de droit criminel — La protection de la santé et de l’environnement constitue un objectif légitime que peut poursuivre le droit criminel — Le Parlement s’est fondé sur une appréhension raisonnée de préjudice lorsqu’il a adopté l’article 3.1 — Il n’appartient pas aux tribunaux de substituer leur opinion à celle du Parlement à cet égard ni d’arbitrer des controverses scientifiques — Qui plus est, les dispositions contestées n’ont pas une portée excessive et ne sont pas contraires à l’article 7 de la Charte — En l’espèce, le moyen choisi, c’est-à-dire l’interdiction de la fabrication, de la vente, de l’importation ou de l’exportation d’engrais et de suppléments qui présentent un risque de préjudice à la santé humaine, animale ou végétale ou à l’environnement, possède un lien rationnel avec l’atteinte de l’objet des dispositions contestées — Quant aux motifs qui relèvent du droit administratif, l’argument de la demanderesse portant que l’article 2.1 du Règlement est invalide puisqu’il ne fait que reproduire le texte de l’article 3.1 de la Loi, sous réserve de variantes mineures qui n’ont pas d’incidence sur l’analyse, et que le gouverneur en conseil aurait donc sous-délégué l’exercice de son pouvoir réglementaire aux fonctionnaires de la demanderesse, a été rejeté — En vertu de l’alinéa 5(1)c.1) de la Loi, le Gouverneur en conseil peut apporter des exceptions aux activités interdites par l’article 3.1 — L’alinéa 5(1)c.1) accorde une forme de pouvoir de dispense pour prévoir des exceptions à l’article 3.1 — Or, rien dans le texte, l’économie ou l’objet de la Loi n’indique que le Gouverneur en conseil est tenu de prévoir de telles exceptions — Rien dans le texte de l’article 3.1 n’exige l’adoption d’un règlement portant sur l’évaluation des engrais ou des suppléments — Cette disposition est plutôt formulée d’une manière qui permet son application malgré l’absence de règlements adoptés en vertu du sous-alinéa 5(1)f.1)(iii) — Le fait que le libellé de l’article 2.1 du Règlement reprenne en partie celui de l’article 3.1 de la Loi ne crée pas une situation de sous-délégation ou d’abdication de pouvoir que le Parlement aurait voulu éviter — La Circulaire en cause n’est pas un règlement déguisé — Elle se présente comme un guide qui explique comment la défenderesse entend appliquer l’article 3.1 de la Loi et l’article 2.1 du Règlement — Elle vise à préciser les circonstances dans lesquelles la défenderesse jugera qu’il y a contravention aux dispositions de la Loi et du Règlement — Enfin, les décisions de la défenderesse (y compris les avis de rétention, les résultats d’analyses de laboratoire, les normes énoncées dans la Circulaire) n’étaient pas déraisonnables en l’espèce — Demande rejetée.

Englobe Environnement Inc. c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments) (T-758-22, 2023 CF 1676, juge Grammond, motifs du jugement en date du 12 décembre 2023, 45 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.