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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Environnement

Demandes de contrôle judiciaire présentées à l’encontre de trois décisions  : i) décision de renvoi en date du 1er septembre 2020 du ministre de l’Environnement à la gouverneure en conseil au titre du paragraphe 52(2) de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52[1] (Loi) (la décision de renvoi du ministre); ii) décision de justification de la gouverneure en conseil (décret C.P. 2021-0008 en date du 20 janvier 2021) prise en vertu du paragraphe 52(4) de la Loi (la décision de justification du Cabinet); iii) déclaration de décision par le ministre en date du 21 janvier 2021, énonçant les conditions que doit respecter la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) en vertu des paragraphes 53(2) et 54(1) de la Loi — Le litige portait sur un vaste projet d’équipement de transbordement de conteneurs universels de 250 millions de dollars (projet) adjacent à la ligne principale du CN et à une autoroute, une installation où des conteneurs seraient chargés sur des camions à partir de wagons, et vice versa — L’installation serait utilisée 24 heures sur 24 par un grand nombre de camions diesel (800 allers-retours ou 1600 allers simples par jour) en plus de 4 trains intermodaux tirés par plusieurs locomotives diesel, dont deux circulent déjà sur la ligne principale de la subdivision Halton — L’échappement des diesels contient des polluants, dont certains sont connus pour être toxiques pour la santé humaine — Un comité d’experts constitué au titre de la Loi a conclu, après avoir tenu compte de l’atténuation, que le projet aurait probablement six effets environnementaux négatifs importants  : deux directs (sur la qualité de l’air et la santé humaine en ce qui concerne la qualité de l’air) et quatre cumulatifs (sur la qualité de l’air, la santé humaine, la faune et la flore et les terres agricoles) — De manière inexplicable, ni la décision de renvoi du ministre ni la décision de justification du Cabinet n’ont pris en considération ou n’ont fait référence à la deuxième conclusion portant que le projet aurait probablement des effets environnementaux négatifs importants directs sur la santé humaine en ce qui concerne la qualité de l’air pour les résidents locaux — Des six effets négatifs importants que le projet serait susceptible de causer, seulement cinq ont été abordés par le ministre — L’absence du sixième effet n’a aucunement été justifiée dans la décision de renvoi du ministre — De même, seulement cinq effets négatifs importants ont été abordés par le Cabinet, qui n’a pas non plus mentionné les effets environnementaux négatifs importants directs sur la santé des résidents locaux — Il s’agissait de savoir si l’une des trois décisions contestées était déraisonnable; et si le ministre et le Cabinet ont bien tenu compte du paragraphe 4(2) de la Loi de manière à protéger l’environnement et la santé humaine — Les alinéas 19(1)a)et b) de la Loi énoncent les éléments à prendre en considération dans le cadre d’une évaluation environnementale — L’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC), qui a aidé le ministre à examiner le projet, et le ministre ont tous les deux fait une distinction entre les effets environnementaux négatifs importants « directs » et « cumulatifs » — C’est ce qu’a fait l’AEIC dans sa note de service au ministre en date du 1er septembre 2020, qui, une fois approuvée, est devenu la décision de renvoi du ministre — Le comité de révision n’a pas utilisé ce vocabulaire, optant plutôt pour « effets environnementaux négatifs importants » et « effets environnementaux négatifs importants cumulatifs » — La Loi n’utilise pas non plus le terme « direct », mais fait référence aux effets environnementaux négatifs importants cumulatifs — Selon le libellé de la Loi, le comité de révision doit identifier les « effets environnementaux » « cumulatifs » (alinéa 19(1)a) de la Loi) — Ce que le ministre et l’AEIC considèrent comme des « effets environnementaux négatifs importants directs » et ce que la Loi indique dans ses conclusions comme des « effets environnementaux négatifs importants » (sans le modificateur « cumulatifs ») sont la même chose — Des six effets environnementaux négatifs identifiés, celui qui était en jeu en l’espèce était la conclusion du comité de révision portant que l’ajout de polluants diesel toxiques, dans le cadre du projet, dans un basin atmosphérique déjà perturbé entraînerait probablement des effets environnementaux négatifs importants directs sur la santé humaine en ce qui concerne la qualité de l’air à l’échelle locale — Le comité de révision a identifié trois éléments toxiques provenant de gaz d’échappement diesel pour lesquels il n’existe « pas de seuils de protection en ce qui concerne la santé humaine » — Bien que tous les effets environnementaux négatifs soient importants, il était évident que les effets environnementaux négatifs importants directs sur la santé humaine sont d’une grande importance dans la prise de décision du comité de révision — Pour aider le ministre à décider si des éléments devraient être renvoyés au Cabinet et lesquels devraient l’être, le ministre a reçu une note de service de la présidence de l’AEIC — La décision de renvoi du ministre était inexplicablement différente de celle tirée du rapport du comité de révision et de deux notes de service que l’AEIC a fait parvenir au ministre — En prenant sa décision de renvoi, le ministre a décidé quels effets environnementaux négatifs importants seraient renvoyés au Cabinet — Le ministre a décidé de manière implicite que les effets environnementaux négatifs importants directs du projet sur la santé humaine ne seraient pas soumis au Cabinet — Les conséquences directes du projet sur la santé humaine en ce qui concerne la qualité de l’air à l’échelle locale n’ont pas été mentionnées ni discutées dans la décision de renvoi du ministre — À cet égard, la décision de renvoi du ministre était erronée puisqu’elle n’a pas abordé de manière significative la question centrale importante, à savoir les effets environnementaux négatifs importants directs du projet sur la santé humaine — Par conséquent, la décision de renvoi du ministre ne reflétait pas de façon raisonnable les questions majeures soulevées par la menace expressément identifiée pour la santé des résidents locaux — De plus, la décision de renvoi du ministre ne reflétait pas la responsabilité accrue du ministre de s’assurer que ses motifs démontraient qu’il avait tenu compte de la conséquence négative directe sur la santé humaine en renvoyant le projet au Cabinet pour trancher si cela était justifié selon les circonstances, comme l’exigeait l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [2019] 4 R.C.S. 653 — Le résultat n’a pas non plus été justifié dans les motifs des décideurs administratifs à ceux à qui la décision s’appliquait, contrairement à Vavilov — À cet égard, la décision de renvoi du ministre était déraisonnable — Pour les mêmes motifs, le fait que le Cabinet n’ait pas abordé de manière significative les effets environnementaux négatifs importants directs du projet sur la santé humaine constituait une lacune fondamentale dans la décision de justification du Cabinet, qui était également déraisonnable — Pour prendre leur décision, le ministre et le Cabinet devaient tous les deux tenir compte de la protection de la santé humaine — La protection de la santé humaine est une considération obligatoire imposée au ministre et au Cabinet par des dispositions expresses du paragraphe 4(2) de la Loi — Le ministre et le Cabinet n’ont pas respecté leur devoir — À cet égard, les deux décisions étaient également déraisonnables — Par conséquent, les deux décisions ont été annulées et renvoyées pour réexamen conformément aux présents motifs — Demandes accueillies. [Jugement]

Halton (municipalité régionale) c. Canada (Environnement), T-330-21, 2024 CF 348, juge Brown, motifs du jugement en date du 1er mars 2024, 62 + 6 p.)



[1] Abrogé, L.C. 2019, ch. 28, article 9

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