NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.
DROIT D’AUTEUR
Appel d’une décision de la Cour fédérale (2023 CF 749) dans une action pour violation du droit d’auteur qui a conclu que le demandeur a présenté sa demande après l’expiration du délai de prescription; que les activités de la défenderesse relevaient du paragraphe 64(2) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42 et la protégeaient contre les allégations de violation de droits moraux — L’appel concernait la portée de la défense présentée au titre du paragraphe 64(2) de la Loi à l’encontre d’allégations de violation du droit d’auteur et de droits moraux — En l’espèce, il s’agissait du Poppy Dalmation Puppy (le Chiot coquelicot), un animal en peluche créé par le demandeur en 1998, qui représente un dalmatien dont les mouchetures ont l’apparence de coquelicots — Le Chiot coquelicot est enregistré en tant que dessin industriel au Canada — Cet enregistrement est venu à expiration en 2013 — Le demandeur a également obtenu un brevet de conception ainsi que l’enregistrement de droit d’auteur aux États-Unis en lien avec le Chiot coquelicot — En 2003, le demandeur a vendu 150 000 unités du Chiot coquelicot (sous deux formats) à la défenderesse — La défenderesse est un organisme qui défend les intérêts des vétérans et des personnes à leur charge en plus de vendre des objets assortis des marques « Coquelicot » et « Légion » au moyen du catalogue d’approvisionnement de la Légion et de son site Web — La défenderesse n’a acheté aucun Chiot coquelicot du demandeur après 2003 — De nombreuses années plus tard, en 2020, le demandeur a appris que le Chiot coquelicot était toujours annoncé dans le catalogue d’approvisionnement de la Légion de la défenderesse — La Cour fédérale a conclu que la publicité en question a été publiée dans le catalogue d’approvisionnement de la défenderesse de 2004 à 2021 — En 2021, le demandeur a engagé une action contre la défenderesse devant la Cour fédérale alléguant une violation de son droit d’auteur et de ses droits moraux à l’égard du Chiot coquelicot — À l’appui de sa requête, le demandeur a notamment allégué que la défenderesse avait retenu les services d’un autre fournisseur pour le Chiot coquelicot, mais la Cour fédérale a conclu qu’aucun élément de preuve n’étayait son allégation; et que la demande du demandeur était soumise au délai de prescription — Par conséquent, le demandeur n’a pas donné suite à son allégation de violation du droit d’auteur dans le cadre du présent appel — Le demandeur a soutenu que la déclaration du catalogue d’approvisionnement prétendait à tort que la défenderesse était l’auteure de l’œuvre Chiot coquelicot; cette déclaration portait atteinte à son droit d’être associé à son œuvre en tant qu’auteur ou de garder l’anonymat au titre du paragraphe 14.1(1) de la Loi — La Cour fédérale a estimé qu’il n’était pas nécessaire de trancher la question de la violation de droits moraux puisqu’elle a conclu que l’ensemble des actions de la défenderesse qui aurait pu constituer une violation relevait du paragraphe 64(2) de la Loi; évitant ainsi la violation — Malgré cette conclusion, la Cour fédérale était manifestement préoccupée par le fait que la déclaration en question posait problème — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que les activités de la défenderesse relevaient du paragraphe 64(2) afin d’éviter de conclure à une violation de droits moraux — La Cour fédérale a fourni peu d’analyse pour étayer sa conclusion selon laquelle le paragraphe 64(2) s’appliquait — Son analyse à cet égard était essentiellement axée sur la question de savoir si les exceptions énoncées au paragraphe 64(3) s’appliquaient pour refuser à la défenderesse d’invoquer le paragraphe 64(2); la Cour a conclu que le paragraphe 64(3) ne s’appliquait pas — Le demandeur a soutenu que la Cour fédérale aurait dû conclure que le paragraphe 64(3) s’appliquait pour refuser à la défenderesse le bénéfice d’invoquer le paragraphe 64(2) — La désignation par la Cour fédérale du Chiot coquelicot dans son ensemble comme faisant l’objet du droit d’auteur du demandeur était une constatation mixte de fait et de droit sans questions de droit isolables — Par conséquent, la conclusion de la Cour fédérale a été laissée intacte en raison du fait qu’elle n’avait pas commis d’erreur manifeste et évidente — Le demandeur a également soutenu que la Cour fédérale avait interprété à tort le paragraphe 64(2) comme s’il englobait toute violation potentielle de droits moraux — La défenderesse quant à elle, a soutenu que la défense du paragraphe 64(2) s’appliquait; elle a demandé à la Cour d’interpréter l’alinéa 64(2)d) de la version anglaise de sorte que la clause [traduction] « fabriqué comme décrit à l’alinéa c) » s’appliquerait à une « reproduction » ou à un « dessin » de l’objet, mais pas à l’« objet » — Toutefois, ledit alinéa de la version anglaise ne devait pas être interprété de cette façon — Il était évident que la référence à un « objet », un « dessin » ou une « reproduction » devait correspondre au fait de réaliser « l’objet » ou « toute reproduction graphique ou matérielle de celui-ci » comme l’indique le paragraphe 64(2) — Par conséquent, l’« objet » mentionné l’alinéa 64(2)d) de la version anglaise doit avoir été fait comme décrit à l’alinéa c) de la version anglaise du paragraphe 64(2) — Bien que d’autres allégations aient été abordées, il s’agissait de déterminer les limites que le Parlement entendait imposer à la défense à l’égard d’une violation prévue au paragraphe 64(2) — La réponse aux limites que le Parlement entendait imposer à la défense prévue au paragraphe 64(2) ne provenait pas de cette disposition, mais plutôt du paragraphe 14.1(1) de la Loi qui définit les droits moraux de l’auteur — La violation de droits moraux est définie à l’article 28.1 de la Loi — Le paragraphe 14.1(1) de la Loi porte sur deux aspects des droits moraux : l’intégrité de l’œuvre et la création — Seul l’aspect de la création était pertinent dans le cadre du présent appel — Le texte relatif à la création est restreint au droit « à l’égard de tout acte mentionné à l’article 3 », qui définit les droits associés au droit d’auteur — La référence à ces droits au paragraphe 14.1(1) lie les droits moraux de l’auteur au droit d’auteur de l’œuvre de la même manière que le paragraphe 64(2) est lié à une utilisation du droit d’auteur — Cela suggérait que l’exception à la violation de droits moraux prévue au paragraphe 64(2) (incluant l’alinéa 64(2)d) de la version anglaise) vise à couvrir toute violation de droits moraux de l’auteur — Pour qu’il y ait violation de droits moraux, il faut que cela soit lié au droit d’auteur; si aucune action n’est en lien avec le droit d’auteur, alors il n’y a pas de violation de droits moraux — Compte tenu de la portée limitée des droits moraux prévus au paragraphe 14.1(1), la fausse déclaration de la défenderesse en ce qui concerne la création de l’œuvre ne pouvait pas ne pas relever du paragraphe 64(2) (l’alinéa 64(2)d) de la version anglaise) comme le soutenait le demandeur (parce qu’il ne s’agissait pas de la reproduction du dessin du Chiot coquelicot), tout en constituant une violation de droits moraux — Soit le paragraphe 64(2) était utile à la défenderesse comme moyen de défense contre la violation de droits moraux (si la fausse déclaration était liée à la reproduction du Chiot coquelicot), soit il n’y avait pas eu de violation de droits moraux en premier lieu (parce que la fausse déclaration n’était pas liée à la reproduction du Chiot coquelicot) — D’une manière ou d’une autre, la défenderesse n’était pas responsable de violation de droits moraux du demandeur — Bien que l’analyse de l’application du paragraphe 64(2) de la Loi en l’espèce était insuffisante, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en rejetant la requête du demandeur pour violation de droits moraux —Appel rejeté.
French c. Légion royale canadienne (direction nationale), A-158-23, 2024 CAF 63, juge Locke, J.C.A., motifs du jugement en date du 27 mars 2024, 15 p.)