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412 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1954] 1954 BETWEEN: May 17 PAUL-EMILE DORE SUPPLIANT; May 25 AND HER MAJESTY THE QUEEN RESPONDENT. CrownPetition of RightCollision between motor vehiclesNegligence The Exchequer Court Act, R.S.C. 1927, c. 34, s. 19(c)—Servant of the Crown using motor vehicle for his own purposesAct of negligence done "à l'occasion" of his employment but not in the performance of his dutiesAction dismissed. One L., a civilian employee of the Department of National Defence, had received written instructions from his superior officer to take an army chaplain in one of respondent's motor vehicles from Montreal to the "Bouchard plant", north of Ste. Therese, P.Q., and to bring him back to Montreal after a religious ceremony that the padre was to attend on that morning. Once arrived at the plant L. asked the padre if he could drive to Ste. Therese and have his breakfast. He was permitted to do so on the condition that he would return by noon. It was on the way from the plant to Ste. Therese that a collision happened between suppliant's motor vehicle and the car driven by L. One of respondent's defences was that at the time of the collision L. was not acting within the scope of his duties. On the evidence the Court found that L's negligence was the sole cause of the collision and dismissed respondent's counterclaim for damages to its own vehicle. Held: That the military chaplain had no authority for allowing L. to make use of the Crown's motor vehicle; his duties and prerogatives then and there were of a totally different nature. 2. That when L. left the padre to proceed to Ste. Therese he was using the vehicle for his own purposes and not in the performance of his duties. The possession of the vehicle that was given to him by respondent to perform a specific and definite duty was then interrupted and discontinued. From that moment L's action could not bind the Crown, that is to say until the time of his return to the plant to take the padre back to Montreal. 3. That it was not essential or even necessary for the performance of his duties that on that morning L. went to Ste. Therese to have breakfast there. 4. That the act of negligence of respondent's servant may have been done à l'occasion of his employment but not dans l'exercice des fonctions or in the performance of the work for which he was employed. Curley v. Latreille (1919) 60 S.C.R. 131; The Governor and Company of Gentlemen Adventurers of England v. Vaillancourt [1923] S.C.R. 414; Moreau v. Labelle [1933] S.C.R. 201 referred to. PETITION OF RIGHT to recover, damages from the Crown allegedly caused by the negligence of its servant. The action was tried before the Honourable Mr. Justice Fournier at Montreal.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 413 Rodolphe Paré and Marcel Pigeon for suppliant. 1954 DORÉ François Auclair for respondent. V. THE QUEEN The facts and questions of law raised are stated in the reasons for judgment. FOURNIER J. now (May 25, 1954) delivered the following judgment: Par sa pétition de droit le requérant cherche à recouvrer de la Couronne des dommages pour pertes subies à la suite d'une collision entre son véhicule moteur (automobile) conduit par lui-même et un véhicule moteur appartenant au ministère de la Défense nationale conduit par Roger Leboeuf, un serviteur de l'intimée et alors agissant dans l'exercice de ses fonctions. D'autre part, l'intimée réclame du requérant par demande reconventionnelle les dommages causés à son propre véhicule moteur lors de ladite collision par la faute, négligence et imprudence du requérant. A l'enquête les parties ont admis que les dommages au véhicule moteur du requérant s'élevaient à la somme de $735 et que les dommages causés au véhicule moteur de l'intimée s'élevaient à la somme de $776.67. De plus le requérant a établi que son habit et son chapeau avaient été endommagés et il évalue ces dommages à la somme de.$30. Le total de ses pertes s'établit donc à la somme de $765. Examinons d'abord les faits relatifs à la collision. Comme dans la plupart des causes il s'agit d'une collision entre véhicules moteurs, la preuve offre certaines contradictions; la présente instance ne fait pas, exception. Le 11 novembre 1951 le requérant conduisait son automobile Mercury Coach modèle 1948 dans une direction sud-nord sur le boulevard Curé Labelle. Ce boulevard comprend trois voies, une pour les automobilistes se dirigeant vers le nord, une allée centrale et une pour les automobilistes se dirigeant vers le sud. La vitesse du requérant a été établie par lui-même et un témoin à environ 30 milles à l'heure. A quelque distance au nord de Ste-Thérèse, il vit sortir une automobile d'une entrée privée et se diriger vers le nord. Cette automobile procédait à une vitesse de 18 à 20 milles à l'heure. Après avoir vérifié s'il y avait des automobiles circulant en sens contraire et
414 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1954] 1954 avoir vu un véhicule à une distance de près d'un demi- DORÉ mille, il décida d'augmenter sa vitesse et de dépasser le V. THE QUEEN véhicule qu'il suivait. Il se rangea à gauche sur l'allée centrale de la route et effectua son dépassement sans Fou rni er J. encombre. Alors qu'il était à environ 100 pieds en avant du véhicule qu'il venait de dépasser et qu'il obliquait à sa droite, le devant de son automobile étant sur l'allée droite et l'arrière sur l'allée centrale, le véhicule de l'intimée frappa son automobile à la partie gauche arrière et lui fit faire un demi-tour, de sorte qu'après la collision le devant de son véhicule était dans la direction sud. Ces faits ont été relatés par le témoin Charron et le requérant. Les autres témoins établissent que le véhicule de l'intimée était conduit à une vitesse vertigineuse, à savoir de 70 à 80 milles à l'heure. Le conducteur lui-même dit qu'il allait à une vitesse de 50 à 55 milles à l'heure. Quant à l'endroit de la collision, le conducteur du véhicule de l'intimée est le seul à dire que l'accident a eu lieu sur l'allée centrale et l'allée gauche par rapport à la direction suivie par le requérant. Après la collision, le véhicule de l'intimée continua sur une distance de 400 à 500 pieds, pris le fossé à sa droite et laissa, suivant l'expression des témoins, des traces de "labourage" dans le fossé sur une distance de quelque vingt pieds. Le tout après avoir démoli sur son parcours deux porteaux supportant des boîtes à lettres. L'un des témoins rapporte, et il n'est pas contredit, que, marchant avec un compagnon sur le côté gauche du chemin (partie non pavée) en direction nord, il vit venir l'automobile de l'intimée à grande vitesse et le conducteur donna un coup de roue qui fit dévier son véhicule dans leur direction, comme s'il voulait les effrayer ou qu'il avait perdu le contrôle de l'automobile. Il est inutile de répéter les remarques qu'ils firent à cette occasion. Pour défense l'intimée fit entendre le conducteur de son automobile. Il allait à une vitesse de 50 à 55 milles à l'heure sur le boulevard Labelle, se dirigeant vers le sud à quelque distance au nord de Ste-Thérèse. Il conduisait à sa droite de la route lorsqu'il vit le requérant tenter de dépasser une automobile qui le précédait. En voulant effectuer le dépassement, il obliqua à son extrême gauche
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 415 mais n'eut pas le temps nécessaire pour reprendre sa droite 1954 et fut frappé par le véhicule de l'intimée alors que son Dox1 automobile était partie sur l'allée de gauche et partie sur T HE QUEEN l'allée centrale. Cette version de l'accident n'est supportée Fournier J. par aucun des autres témoins. En analysant la preuve, j'en suis venu à la conclusion que la version du requérant et de ses témoins est la plus plausible, voire même la seule qui semble être justifiée par la vitesse du véhicule de l'intimée, la conduite négligente du conducteur, qui dévia la course de l'automobile vers le bord du chemin quelques instants avant la collision, soit dans le but d'effrayer les piétons ou parce qu'il avait perdu le contrôle du véhicule. Il me semble bien que ces faits sont les causes déterminantes de la collision. Par contre, je n'ai pu trouver quoi que ce soit de fautif, négligent ou imprudent dans la conduite du requérant lorsqu'il fit le dépassement de l'automobile qu'il suivait. En vertu de l'article 41, paragraphe 1, de la Loi des véhicules automobiles de la province de Québec (S.R.Q. 1941, chap. 142, et ses amendements) il est dit que toute vitesse et toute action imprudente susceptibles de mettre en péril la vie ou la propriété sont prohibées sur tous les chemins de la province. Je suis convaincu que la collision est due à la négligence du conducteur de l'automobile de l'intimée. L'intimée n'a pas établi que les dommages et pertes subies à la suite de la collision sont attribuables à la faute et négligence du requérant; par conséquent, sa réclamation par demande reconventionnelle ne peut être maintenue. Le poids de la preuve établit clairement que la négligence du conducteur de l'automobile de l'intimée est la seule cause de la collision. Nous devons maintenant considérer, quant au requérant, l'aspect légal du litige. Le requérant base sa pétition de droit sur l'article 19 (c) de la Loi de la Cour de l'Echiquier du Canada, S.R.C. 1927, chap. 34, qui se lit comme suit: 19. La cour de l'Echiquier a aussi juridiction exclusive en première instance pour entendre et juger les matières suivantes: c) Toute réclamation contre la Couronne provenant de la mort de quelqu'un ou de blessures à la personne ou de dommages à la
416 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1954] 1954 propriété, résultant de la négligence de tout employé ou serviteur 1)0$E de la Couronne pendant qu'il agissait dans l'exercice de ses fonc- V. tions ou de son emploi. TEE QUEEN Fournier J. Au paragraphe 3 de sa pétition de droit il allègue qu'au moment du dit accident le véhicule moteur du ministère de la Défense nationale était conduit par Roger Leboeuf, préposé et employé du ministère de la Défense nationale, lequel et alors agissait dans l'exécution et l'exercice de ses fonctions. Dans sa défense, l'intimée admet que c'est bien son véhicule qui a été mêlé à la collision mentionnée dans la pétition du requérant. Nulle contestation à ce sujet. Le requérant a établi par le témoin Roger Leboeuf qu'il était un employé civil du ministère de la Défense nationale et que ses fonctions consistaient à conduire des véhicules du ministère. Malgré l'objection à la preuve telle que faite par le procureur de l'intimée, cette preuve fut permise étant donné que l'intimée admet tacitement dans sa défense que le conducteur de son véhicule était son employé ou serviteur. Au paragraphe 2 de la défense il est allégué qu'au moment de l'accident. le véhicule était conduit par une personne qui n'agissait pas dans l'exercice de ses fonctions et qui n'était pas autorisée par ses supérieurs à en faire l'usage qu'il en faisait à ce moment. Plus loin il est répété que le chauffeur du véhicule de Sa Majesté n'était pas, au moment de la collision, dans l'exercice de ses fonctions. La preuve est donc à l'effet que le véhicule de l'intimée était conduit par son serviteur au moment de la collision du 11 novembre 1951. Il s'agit de savoir maintenant si cet employé de l'intimée, au moment de l'accident, conduisait le véhicule dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion seulement de ses fonctions. Dans le premier cas, il n'y a pas de doute que l'intimée devrait être tenue responsable des actes domma-geables de son serviteur; dans le second cas, il n'y aurait pas de responsabilité de la part de l'intimée.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 417 D'après l'article 19 (c) de la Loi de la Cour de 1954 l'Echiquier, la Couronne est responsable des dommages DORÉ causés par la négligence de ses serviteurs agissant dans THE QUEEN l'exécution de leurs fonctions ou de leur emploi, et rien Fournier J. d'autre. Les remarques du juge Mignault dans le cause de Curley v. Latreille (1) méritent d'être notées en considérant la cause actuelle. Je cite (p. 175) : ... L'article 1054 C.C. me paraît clairement exclure la responsabilité du maître pour un fait accompli par le domestique ou ouvrier à l'occasion seulement de ses fonctions, si on ne peut dire que ce fait s'est produit dans l'exécution de ses fonctions. Dans la cause de Moreau v. Labelle (2) le juge en chef de la Cour suprême du Canada, dans ses conclusions, en parlant du préposé de l'appelant, dit (p. 217) : . . . il se trouvait à un endroit il n'avait aucune affaire à aller pour accomplir la mission que l'appelant lui avait confiée et pour rester dans l'exécution de ses fonctions. Pour être dans l'exécution de ses fonctions, il faut que la possession de l'automobile par le serviteur soit pour les fins des fonctions auxquelles il (le préposé) était employé. S'il s'en sert pour ses propres fins il ne possède plus pour son maître et ne peut rendre ce dernier responsable de ses négligences. Dans la cause de The Governor and Company of Gentlemen Adventurers of England v. Vaillancourt (3) le juge Duff, plus tard juge en chef, fait ces observations (p. 417) : ... if the act of the servant causing the injury complained of is an act having no relation to the duties of his employment as, for example, where two servants momentarily discontinue their work to engage in some sort of a frolic, then, although it might not improperly be said that the injurious act is something done à l'occasion of their employment, it would appear to be an abuse of language to describe it as done dans l'exécution des f onctions or in the performance of the work for which they were employed. Ayant ces principes en mémoire, demandons-nous quels étaient les devoirs de Leboeuf le jour de la collision (11 novembre 1951) . Dans la matinée Roger Leboeuf fut autorisé par écrit par son supérieur de conduire dans une automobile de l'intimée un aumônier militaire de Montréal à l'usine ou "plant" (1) (1919) 60 S.C.R. 131. . (2) [1933] S.C.R. 201. (3) [1923] S.C.R. 414. 87578-6a
418 EXCHEQUER COURT OF CANADA [ 1954] 1954 Bouchard au nord de la ville de Ste-Thérèse, comté de DORÉ Terrebonne. L'aumônier militaire se rendait à cet endroit v. THE QUEEN pour assister ou prendre part à des cérémonies religieuses. C'était le jour de l'armistice. Bien que la preuve eût été Fournier J. plus complète si l'officier autorisant le voyage avait été entendu, je crois que le témoignage non contredit de Leboeuf suffit pour établir qu'il était, ce jour-là, en possession légale du véhicule de l'intimée, mais pour un voyage spécifié et déterminé. Il dit lui-même qu'il avait été autorisé à conduire l'aumônier de Montréal au "plant Bouchard" et de le ramener à Montréal après la cérémonie. Il conduisit donc l'aumônier à l'endroit de sa destination. C'est qu'il demanda à l'aumônier s'il pouvait aller déjeûner à Ste-Thérèse. Ce dernier lui en donna la permission pourvu qu'il fût de retour pour midi. C'est au cours du trajet du "plant Bouchard" à Ste-Thérèse que la collision eut lieu. S'il avait été autorisé par son supérieur à faire ce trajet particulier, pourquoi en aurait-il demandé la permission à l'aumônier? J'ai lieu de croire qu'il savait qu'il n'avait pas la permission de se servir du véhicule pour ses fins personnelles. Les questions à déterminer sont les suivantes: a) L'aumônier avait-il l'autorité nécessaire pour permettre à Roger Leboeuf de se servir de l'automobile de l'intimée pour aller déjeûner à Ste-Thérèse? b) S'il avait cette autorité, Leboeuf était-il dans l'exercice de ses fonctions lorsqu'il conduisit ledit véhicule pour aller déjeûner? Il ne faut pas oublier que l'article 19 (c) de la Loi de la Cour de l'Échiquier est de droit strict et qu'aucune présomption n'existe contre la Couronne. Il incombe au requérant d'établir que les dispositions de la loi créant le responsabilité de la Couronne et donnant un droit d'action au requérant s'appliquent aux faits et circonstances rie la présente cause. Le requérant a-t-il établi que l'aumônier avait le pouvoir de donner des ordres concernant l'usage de l'automobile de l'intimée? Aucune preuve n'a été faite à cet effet devant la Cour. Tout ce qui a été prouvé c'est que Roger Leboeuf avait été autorisé à conduire l'aumônier à un endroit spécifié et de le ramener à Montréal; c'est tout. Je comprends que
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 419 si la collision avait eu lieu pendant qu'il conduisait 1954 l'aumônier à son lieu de destination ou pendant le voyage DORÉ V. de retour la question ne se ' poserait pas. THE QUEEN La collision a eu lieu alors que Leboeuf se rendait du Fournier J. "Plant Bouchard" à Ste-Thérèse, il allait déjeûner. Je ne puis admettre que le trajet ci-dessus et le fait de déjeûner à Ste-Thérèse puissent être compris dans les cadres du texte de l'article 19 (c) de la Loi de la Cour de l'Échiquier. Je ne puis croire non plus qu'il était essentiel ou même nécessaire à l'exécution de ses fonctions, qu'à onze heures de la matinée (heure de la collision), ce jour-là, il aille déjeûner à Ste-Thérèse. Je suis d'opinion que l'aumônier militaire n'avait aucune autorité pour permettre à Leboeuf de se servir de l'automobile de la Couronne; ses fonctions et ses prérogatives étaient d'une tout autre nature. Lorsque Leboeuf a laissé l'aumônier pour se rendre à Ste-Thérèse, il se servait de l'automobile de l'intimée pour ses fins personnelles et non dans l'exécution de ses fonc-tions. La possession de l'automobile que l'intimée lui avait donnée pour remplir un devoir spécifié et déterminé se trouvait interrompue et discontinuée. Dès ce moment, je suis d'avis que ses actes ne pouvaient engager la responsa-bilité de l'intimée, du moins jusqu'au moment de son retour pour rejoindre l'aumônier pour le ramener à Montréal. Le requérant doit faillir dans sa pétition de droit parce qu'il n'a pas établi que le serviteur de l'intimée avait été autorisé légalement de faire le trajet de l'endroit il a laissé l'aumônier militaire à Ste-Thérèse, il voulait déjeûner. De plus il n'y a aucune preuve que l'aumônier avait autorité pour donner la permission de se servir de l'automobile pour ce voyage, non compris dans les instructions données à Leboeuf: La négligence du serviteur de l'intimée a eu lieu' peut-être à l'occasion de ses fonctions mais non dans l'exécution de ses fonctions et l'intimée ne peut être tenue responsable des dommages causés. La Cour renvoie la pétition de droit du requérant avec dépens et renvoie la demande reconventionnelle de l'intimée, avec dépens. Judgment accordingly. 87578Gja
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