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Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 197 BETWEEN: 1940 w-+ GEORGES ALBERT LANGLOIS AND March 13 PLAINTIFFS & 14. DAVID ELZEAR BESSETTE 1 1941 AND April 19. DONAT ROY DEFENDANT. PatentsInfringementBurden of proofInvention or subject-matter " Public use." The patent in suit granted to O. on April 11, 1933, on application there-for filed on July 18, 1932, and subsequently assigned to B., one of the plaintiffs herein, was for improvements in mixing machines and has particular reference to a machine adapted to the mixing and kneading of dough and the like, for use in homes and was operated by hand crank. For many years prior to this alleged invention a large machine had been used in the bakery trade and in institutions for the same purpose, which was in all essential particulars similar to the machine covered by the patent in suit, save as to size and the fact that it was operated by motive power, not by hand. Held: That there is a presumption of validity of a patent in favour of the owner, and the burden of proof that the same is invalid is upon the party attacking such patent whether by an action by way of impeachment or by defence to an action for infringement.
198 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1941 1941 2. That the mere fact of reducing the size of a piece of machinery, used industrially, for use in the home and operating it by hand GEoBoEs ALBERT instead of by steam or other motive power, does not constitute LANGLOIS invention. Er ̀L. V•. 3. That commercial success ma ytend to show utilit y y but this alone DONAT RAY. does not constitute invention or justify the granting of a patent. 4. That in a combination patent, for an inventor to adopt all the elements of any particular machine in the public domain, save one element, and replace this one by something not in the machine copied, but also known and in public use, does not constitute invention. 5. That public use required to constitute anticipation need not be a use or exercise by the public, but a use or exercise in a public manner. ACTION by plaintiffs to have it declared that Canadian Patent No. 331596, owned by them, is valid and has been infringed by the defendant. The action was tried before the Honourable Mr. Justice Angers, at Quebec, P.Q. H. Gerin Lajoie, K.C. for plaintiffs. C. A. Cannon for defendant. The facts and questions of law are stated in the reasons for judgment. ANGERS J., now (April 19, 1941) delivered the following. judgment: Il s'agit d'une action en contrefaçon de brevet d'invention. La machine que les demandeurs prétendent avoir été contrefaite par le défendeur est un malaxeur servant à mélanger la pâte. Le brevet qui est censé protéger ce malaxeur a été accordé le 11 avril 1933 à Joseph Olivier, d'East Angus, province de Québec, il porte le numéro 331596; une copie en a été produite comme pièce 1. La demande de brevet a été déposée au bureau du Commissaire des Brevets le 18 juillet 1932, tel qu'il appert du certificat produit comme pièce 2. Ledit brevet a été cédé au demandeur Bessette par le breveté par acte fait le 3 mai 1934, enregistré au bureau des brevets le lendemain sous le numéro 195159; un dupli- cata de l'acte de cession a été produit comme pièce 3.
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Ex. C.R. ] EXCHEQUER COURT OF CANADA 199 Le demandeur Langlois est le détenteur d'une licence 1941 exclusive du dit brevet pour un terme de deux ans à GEORGES compter du 23 janvier 1939, en vertu d'un " bail condi- L N BE o s tionnel " fait devant Me Edouard Boudreau, N.P., le 23 ET AL. novembre 1938, dont une copie authentique a été produite DoNAT Roy. comme pièce 4. Angers J. Le brevet déclare que l'invention a trait à des perfec- tionnements dans les malaxeurs et se rapporte particuliè- rement à une machine propre à mêler et pétrir la pâte. Les objets essentiels de l'invention sont ainsi exposés:— An important object of the invention is the provision of a mixing machine designed so as to thoroughly and effectively mix and knead dough. A further object of the invention is the provision of a machine of the above character having a double inverted crank as the mixing and kneading element. Another object of the invention is the provision of a mixing machine of the above type having means for conveniently rotating the mixing member. Le breveté décrit son invention comme suit: Referring to the drawings, wherein for the purpose of illustration is shown a preferred embodiment of the invention, the numeral 10 generally designates a trough shaped container having a substantially semicircular bottom. At the ends, the container has formed, integral therewith, vertically depending support frame elements 11. Le breveté décrit ici le couvercle de son pétrin et continue ainsi: Rotatably disposed in the container section 10 is a double reverse crank member 16 having formed at one end a stub shaft 17 journalled in an apertured bearing 18 formed in the rear end portion of the container. In a corresponding apertured bearing 19, formed in the front end portion of the container, is rotatably mounted a stub shaft 20 having formed at one end an inwardly projecting reduced threaded extension 21. One end of the member 16 is provided with an interiorly threaded aperture threadedly engageable with the extension 21 of the shaft 20. The reverse angular crank sections of the member 16 are formed so as to rotate adjacent the semi-circular bottom portion of the container which is curved on an arc of a circle of which the axis of the crank member is the centre. Après avoir décrit les pièces requises pour mettre en mouvement le vilebrequin à doubles coudes opposés ci-dessus mentionné, telles que la projection de l'arbre à l'extérieur du boîtier, les roues d'engrenage, la manivelle, etc., éléments qui, bien que nécessaires à l'opération du pétrin, ne décèlent séparément aucun caractère inventif, le breveté complète la description de son invention en ces termes:
200 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1941 1941 In use, the cover 12 is removed and the container partly filled with dough or othermatter to be mixed therein. The cover is then restored GEORGES ALBERT to its closing position and the hand crank rotated, causing rotation of the LANGLOIS pinion 26, the gear 23 and the rotary mixing crank 16. As the gear 23 ET AL. is of substantially increased diameter relative to the pinion 26, these gear - v ing elements form a reduction drive so that the mixing member 16 may DoNAT ROY. be conveniently rotated without unusual effort. Angers J. L'unique revendication est ainsi conçue: In a mixing machine, a container rounded at the bottom, a cover adapted to be removably fitted on the top of the container, a double reverse crank rotatably journalled longitudinally in the container adapted to mix matter therein, a spur gear attached to one shaft of the crank and arranged exteriorly of the container, a stub shaft journalled exteriorly of one end wall of the container, a spur pinion fixed on the stub shaft and in mesh with the spur gear, a hand crank connected with the stub shaft for operating the gearing and mixing crank, and a covering structure attached to one end of the container and disposed to partly cover the spur gear and pinion. Dans leur exposé de réclamation, les demandeurs, après avoir désigné les parties demanderesse et défenderesse, avoir référé au brevet en cause et avoir dit que le breveté l'a cédé au demandeur Bessette qui en est le propriétaire et que le demandeur Langlois est détenteur d'une licence exclusive de l'exploiter, déclarent que le défendeur a violé les droits des demandeurs résultant du dit brevet, tel que mentionné dans les détails des violations signifiés avec l'exposé de réclamation, et qu'il fait prévoir qu'il conti-nuera de les violer. L'exposé de réclamation contient les demandes ordinaires, savoir: (a) une déclaration qu'entre les parties les lettres patentes concernant le brevet en question sont valides et qu'elles ont été violées par le défendeur; (b) une injonction prohibant au défendeur de continuer à violer les droits conférés par les dites lettres patentes; (c) des dommages au montant de $5,000 ou tout autre montant plus élevé qui pourrait être adjugé, ou alternativement un compte des profits réalisés, à l'option des demandeurs; (cl) une ordonnance enjoignant au dé-fendeur de livrer aux demandeurs tous les articles en sa possession ou sous son autorité fabriqués en violation des dites lettres patentes ou adjugeant que les dits articles soient détruits; (e) toute autre réparation que la justice de la cause peut exiger; (f) les dépens. Dans leurs détails des violations, les demandeurs disent que depuis l'émission des lettres patentes et avant la production de l'exposé de réclamation, le défendeur, à sa place d'affaires à Saint -Raphael, comté de Bellechasse, province
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 201 de Québec, a fabriqué et vendu, dans le cours ordinaire 1941 de ses affaires, partout dans la province de Québec et GEORGES ailleurs au Canada, des malaxeurs propres à mêler et pétrir LdB G s la pâte qui constituent une violation des lettres patentes ET AL. en question. V. DONAT ROY. Dans son plaidoyer le défendeur, après avoir reconnu Angers J. comme exacte la désignation des parties contenue dans l'exposé de réclamation, avoir admis que Joseph Olivier a, le 11 avril 1933, obtenu le brevet dont il s'agit en cette cause mais déclaré qu'il ignorait les droits des demandeurs Bessette et Langlois en rapport avec ce brevet et avoir nié les autres allégués de l'exposé de réclamation, plaide en substance ce qui suit: il a manufacturé et vendu des machines pour la fabrica- tion du pain mais celles-ci ne violent point le prétendu brevet de demandeurs; depuis environ trois ans, il a manufacturé des pétrins à Saint-Raphaël, comté de Bellechasse, mais il n'a violé en aucune façon le brevet des demandeurs, parce que longtemps avant que le défendeur manufacture des pétrins et avant que ledit brevet ait été accordé à Joseph Olivier, des pétrins à peu près identiques étaient manufacturés à divers endroits dans le pays; Léon D'Amour, de Trois Pistoles, entre autres, fabriquait des pétrins à peu près identiques depuis longtemps et, le 17 juin 1933, il a demandé un brevet; depuis nombre d'années et longtemps avant la date le brevet en question a été émis, la fabrication de pétrins à peu près semblables était connue du public et il n'y a rien dans les pétrins des demandeurs qui soit une décou- verte et qui soit susceptible d'être breveté; ces pétrins ne démontrent aucune ingéniosité d'invention et n'importe quel mécanicien expérimenté aurait pu en contruire de semblables sans s'inspirer du pétrin manu- farturé nar les demandeurs: le pétrin breveté n'est qu'une réunion de machines con- nues, oui ne présente aucune nouveauté; le pétrin manufacturé par le défendeur est d'ailleurs différent de celui breveté par Joseph Olivier en ce qu'il est uniquement un pétrin pour mêler la pâte, tandis nue celui des demandeurs a un double obiet; (a) le melan2e de la pâte; (b) la fabrication du beurre; de plus le malaxeur intérieur ne s'enlève pas de la même fanon' et les roues d'engrenage ne sont pas de même dimension; 31585-2s Iiii___
202 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1941 1941 tous ces pétrins manufacturés par les demandeurs, par GEORGES le défendeur et par d'autres manufacturiers dans le pays ALBERT sont identiques en principe et, en manufacturant le sien, LANGLGIB ET AL. Joseph Olivier ou ses successeurs n'ont pas créé une machine DoN T Ro nouvelle, mais ils ont mis sur le marché une machine que Y. bien des manufacturiers avaient manufacturée longtemps Angers J. avant l'émission du brevet susdit; pour ces raisons le défendeur conclut à ce qu'il soit déclaré que la machine décrite dans le brevet en cause n'était pas susceptible d'être brevetée; à ce qu'en consé-quence le brevet soit annulé; et à ce que l'action des demandeurs soit rejetée, avec dépens. Dans ses détails d'objections amendés, le défendeur dé-clare que des pétrins à peu près identiques étaient manu-facturés par la Fonderie de Saint-Anselme à Saint-Anselme, comté de Dorchester, depuis 1921, par Léon D'Amour, de Trois-Pistoles, depuis 1933 et par Gaudiose Vézina, de Québec, depuis 1912 et qu'Adalbert Mercier, de Berthier, a en sa possession un pétrin à peu près semblable à celui des demandeurs depuis au delà de trente-cinq ans; le défendeur ajoute que ce sont les seuls cas d'antériorité qu'il connaisse. Le défendeur, comme nous l'avons vu, plaide: (a) nullité du brevet pour manque d'objet brevetable; (b) invalidité pour cause d'anticipation; (c) absence de contrefaçon. La preuve démontre et il a été d'ailleurs admis que le pétrin par une force motrice et utilisé par les bou-langers et les communautés, que pour raison de brièveté j'appellerai le pétrin industriel, est depuis de nombreuses années universellement connu. Selon la prétention du pro-cureur du défendeur le fait d'avoir réduit le volume et la capacité du pétrin industriel pour fabriquer un pétrin domestique à l'usage des familles et d'avoir remplacé le mécanisme par l'électricité, la vapeur ou une autre force motrice pour mouvoir le vilebrequin par une manivelle opérée à la main, assumant que ce soit les seuls change-ments effectués, ne constitue pas une invention; c'est tout au plus le résultat de l'ingéniosité d'un mécanicien expé-rimenté. Le procureur du défendeur, 'au soutien de sa prétention, a cité la décision de l'honorable juge Audette dans le cause de The Nieblo Manufacturing Co. Inc. v. Reid et al. (1). Le jugement du juge Audette a été con -(1) (1928) Ex. C.R. 13; (1927) 4 D.L.R. 785. ji
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 203 firmé par la Cour Suprême (1). Je crois la prétention du 1941 procureur du défendeur sur ce point bien fondée. Il restera GEORGES à déterminer si le pétrin domestique des demandeurs est ALBERT LANGLOIS un fac-similé ou une copie substantiellement exacte du ET AL. pétrin industriel, exception faite de sa dimension et de la V. DONAT ROY. manière de le manoeuvrer. Ceci nous amène à examiner la question principale de Angers J. savoir s'il se trouve dans le brevet des demandeurs un produit industriel brevetable. La preuve établit que, jusqu'à la fabrication et la mise sur le marché par le breveté, Joseph Olivier, de son pétrin domestique, l'on se servait, dans les familles qui faisaient leur pain, de la huche et que l'on rêlait et pétrissait la pâte avec les mains. Ce travail était lent et fatigant. Quand le pétrin domestique a fait son apparition sur le marché, il a été bien reçu et la preuve démontre qu'il s'en est vendu en peu de temps une quantité assez considérable. Le succès du pétrin Olivier, au point du vue commercial, me paraît clairement établi. Le succès commercial d'un produit peut en démontrer l'utilité, mais l'utilité seule ne suffit pas à constituer une invention et justifier un brevet: Morgan c& Co. v. Windover & Co. (2) ; Gosnell v. Bishop (3) ; Loncbottom v. Shaw (4) ; In the matter of Erickson's Patent (5) ; John Wright and Eagle Rance Ld. v. General Gas Appliances Ld. (6) ; Wilday and Whites Manufacturing Company, Ld. v. H. Freeman and Letrik Ld. (7). En plus du succès commercial qui a pu accueillir un produit et de l'utilité qu'il peut avoir, il est nécessaire pour que ce produit soit brevetable qu'il ait résolu un problème. La loi n'accorde un brevet qu'autant qu'il y a eu invention. Il me paraît bien que le pétrin Olivier a comblé une lacune. Jusqu'au moment Olivier a obtenu son brevet et a commencé à fabriquer son pétrin et à le vendre, il n'existait pas sur le marché de petits pétrins à l'usage des familles; celles-ci, pour faire leur pain, utili-saient la huche et le pétrissage de la pâte se faisait à la main. Peut-on dire que le pétrin domestique Olivier cons-titue une invention? C'est la première question à résoudre. Dans l'affirmative, il restera à déterminer si le pétrin du défendeur est une contrefaçon du pétrin Olivier. (1) (1928) S.C.R. 579; (1929) (4) (1891) 8 R.P.C. 333, 336. 2 D.L.R. 186. (5) (1923) 40 R.P.C. 477, 487. (2) (1890) 7 R.P.C. 131, 136. (6) (1928) 46 R.P.C. 169, 179. (3) (1888) 5 RP.C. 151, 158. (7) (1931) 48 R.P.C. 405, 414.
204 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1941 1941 11 me paraît à propos de récapituler sommairement la GEoRGEs preuve, ce que je ferai à l'instant. L Peut-être n'est il pas hors de propos de noter en passant âxc EoRiTs ETA.. que la validité du brevet est toujours présumée: Halsey y. Dox,;TRoy. Brotherhood (1) ; Amory v. Brown (2). Le brevet cons-titue un titre au profit de l'inventeur et il est réputé Angers J. valable tant qu'il n'est pas contesté; ce titre peut-être débattu, mais il doit l'être à la diligence du défendeur accusé de contrefaçon qui en attaque la validité. Il dé-coule de que le breveté n'a pas à prouver la nouveauté de son invention; c'est 'au tiers qui conteste la validité du brevet de faire preuve contre lui et d'établir, le cas échéant, les antériorités qui l'affectent. Le défendeur, comme nous l'avons vu, nie la validité du brevet et demande qu'il soit annulé. Il me semble con-venable, dans les circonstances, de commencer par examiner la preuve apportée par la défendeur tendant à démontrer absence de sujet dans le brevet et anticipation, avant d'analyser la preuve produite par les demandeurs en vue d'établir contrefaçon de la part du défendeur. [His Lordship here gives a resumé of the evidence and then proceeds.] La première question à décider est celle de la validité du brevet. Prenant en considération la présomption de validité existant en faveur du brevet, le poids de la preuve de sa nullité incombait au défendeur. Celui-ci a-t-il réussi à établir manque de sujet suffisant pour justifier le brevet ou à prouver l'existence d'antériorités affectant la qualité de nouveauté requise? Après un examen minutieux de la preuve orale, documentaire et matérielle versée au dossier, une comparaison soignée des deux pétrins, de la baratte et des esquisses, la lecture attentive, des plaidoiries des pro-cureurs des parties et une étude approfondie de la loi et des autorités, j'en suis arrivé à la conclusion que le brevet en litige est invalide pour défaut de sujet et manque de nouveauté. La preuve démontre clairement que le pétrin industriel était connu et utilisé depuis nombre d'années quand Olivier a obtenu son brevet et mis sur le marché son pétrin domestique. La preuve révèle également que le pétrin industriel possédait les mêmes éléments que le pétrin (1) (1880) 15 Ch. D. 514, 521. (2) (1869) L.R. 8 Eq. 663.
Ex. C.R. ] EXCHEQUER COURT OF CANADA 205 domestique, la seule différence entre eux consistant dans 1941 le mode d'opération, le premier étant par un moteur GEORGES et le second par une manivelle. ALBERT LANGLOIS Il est établi que la Fonderie de Saint-Anselme fabriquait ET AL. et vendait des pétrins industriels depuis 1920. Ces pétrins DoN T ROY. avaient, comme ceux des parties, un boîtier à fond arrondi Angers J. et, à l'intérieur de ce boîtier, un vilebrequin dont la forme variait quelque peu selon la dimension du pétrin. Bégin, le président de la compagnie, a fait en cour des esquisses des trois modèles de vilebrequins employés dans ses pétrins et les a produites comme pièces A et B et C. Les vile- brequins que l'on voit sur les pièces A et C, particulière- ment celui ébauché sur la pièce C, sont semblables au vilebrequin utilisé par les demandeurs dans leur pétrin et constituent, à mon avis, une antériorité adéquate, sinon parfaite. de ce vilebrequin. Les pétrins industriels de la Fonderie de Saint-Anselme étaient mûs par un moteur; à la place de la manivelle que l'on trouve sur le pétrin des demandeurs il y avait une poulie activée au moyen d'une courroie ou bien par le moteur attaché directement au pétrin. Moteur et poulie ont été remplacés dans le pétrin domestique Olivier par une manivelle. Ce changement constitue-t-il une inven- tion? Une manivelle servant à mouvoir une roue d'engre- nage et un pignon est un système universellement connu depuis longtemps, utilisé dans une multitude de machines différentes. Mais, soutient le procureur des demandeurs, le brevet dont il s'agit en est un de combinaison d'élé- ments, et parmi les éléments divers se trouve la manivelle; et dans un brevet-combinaison tous les éléments y compris sont protégés, quoique, pris en eux-mêmes et isolément, ils soient connus et d'usage courant. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de conclure de qu'un manufacturier puisse adopter tous les éléments d'une machine quelconque dans le domaine public à l'exception d'un seul, remplacer celui- ci par un élément différent, lui-même connu et d'usage courant, et obtenir pour sa machine un brevet d'invention qui soit valide. Après avoir examiné la question sous ses divers aspects, j'en suis arrivé à la conclusion que le pétrin de la Fonderie de Saint-Anselme constituait, à la date Olivier a obtenu son brevet, une anticipation du pétrin de ce dernier et que le brevet qui lui a été accordé est en conséquence nul et invalide.
206 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1941 1941 Par contre le pétrin fabriqué par Vézina et vendu par lui GEORGES depuis 1912 diffère de celui des demandeurs par son vile-Lxc ois brequin et je ne pense pas qu 'il puisse être considéré ET AL. comme une antériorité. DON T RoY. Je suis enclin à croire cependant que la machine produite Angers J. par Hectorine Mercier constitue une antériorité du pétrin Olivier. Au dire du témoin, cette machine, utilisée dans sa famille pendant trente-cinq ans, servait uniquement à faire le beurre; c'était une baratte et non un pétrin. Il est évident néanmoins que cette machine pouvait être facilement transformée en pétrin; tout ce qu'il s'agissait de faire était de remplacer , le rouleau en bois avec ses palettes, qui se trouvait dans le boîtier, par un vilebrequin métallique, opération qui ne requérait point d'ingéniosité ou de faculté inventive, mais pouvait être accomplie aisé- ment et rapidement par un mécanicien quelque peu expé-rimenté. C'est en effet ce qu'a fait le défendeur ou quel-qu'un pour lui; la baratte pièce 1 a été apportée en cour avec un vilebrequin, dans le but manifeste de suggérer que cette machine pouvait tout aussi bien servir comme pétrin que comme baratte. J'avouerai que T'aurais pré-féré que cette baratte eût été produite dans l'état elle avait touiours servi, savoir avec, dans le boîtier, son rouleau et ses palettes en bois. Il aurait été facile pour le défen-deur. séance tenante. d'enlever ce rouleau et de mettre à sa place le vilebrequin qui s'y trouve actuellement: il me semble que cela aurait été plus loyal. Il est vrai que mademoiselle Mercier a franchement et spontanément avoué que le vilebrequin n'était pas dans la machine quand elle l'a vue; et elle a aiouté que, lorsqu'elle a vu la machine pour la dernière fois. il v a au delà de trente ans, elle " servait de baratte à beurre ". Dans cette machine pièce 1, annelée tantôt baratte et tantôt pétrin, nous trouvons le fond arrondi, les trous aux deux extrémités du boîtier pour tenir le rouleau à palettes ou le vilebrequin, le système d'engrenage à l'une des extré-mités du boîtier, comprenant une roue d'engrenage et un pignon, avec une manivelle pour l'actionner. Il manque le couvercle, mais je ne crois pas qu'un simple couvercle, communément employé pour fermer une quantité innom-brable de récipients divers, exige le moindre exercice d'ingé-niosité ou de faculté inventive. Quant à la substitution d'un vilebrequin métallique à un rouleau en bois avec pa-
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF CANADA 207 lettes, cela ne requérait pas non plus d'esprit inventif, mais 1941 pouvait être l'ceuvre d'un mécanicien un tant soit peu G EORGES averti. Je ne puis voir clans cette modification aucun ALBERT LANGLOIs caractère inventif. La machine fabriquée par le demandeur ET AL. Langlois, dont un exemplaire a été déposé au dossier comme DoNAT Rot. pièce 7, est peut-être une amélioration sur le malaxeur Olivier original; on a ajouté à celui-ci des palettes en bois A ngers J. à chacun des coudes du vilebrequin et combiné de la sorte une baratte et un malaxeur; de cette amélioration je n'ai pas à m'occuper. L'appareil utilisé par la famille Mercier comme baratte pendant nombre d'années possédait tous les éléments du pétrin domestique, moins le vilebrequin que l'on trouvait dans les pétrins industriels, et il était susceptible, pour qui connaissait le pétrin industriel, de suggérer la trans- formation que l'on en a faite avant de le produire en cour. Le fait que cette baratte ne servait qu'à l'usage d'une famille et qu'il n'est pas établi qu'il s'en trouvait dans le commerce n'a aucune importance. Il suffit pour qu'un objet ait le caractère d'antériorité qu'il ait été utilisé ouvertement, au su et vu du public. Comme l'a dit Lord Abinger dans la cause de Carpenter v. Smith (1) : "Public use does not mean a use or exercise by the public, but a use or exercise in a public manner." Voir en ce sens, en sus de la cause précitée, les décisions suivantes: Stead v. Williams (2) ; Stead v. Anderson (3) ; In the matter of Taylor's Patent (4) ; Patterson v. Gas, Light and Coke Co. (5) ; In the matter of Miller's Patent (6) ; In the matter of the Patent of the Stahlwork Becker Aktienge- sellschaf t (7) . Voir en sens contraire, dans des cas d'espèce, les arrêts suivants: Hills v. The London Gas Light Co. (8) ; Boyce v. Morris Motors Ld. (9) ; Harwood v. Great Northern Railway (10). La première condition d'une invention, pour être bre-vetable, est la nouveauté. Le défaut de nouveauté est une cause de nullité du brevet. Celui-ci confère au détenteur du brevet des droits exclusifs sur l'objet breveté. Il serait injuste de lui conférer ces droits si l'on ne pouvait les lui (1) (1841) 1 W.P.C. 530. (6) (1898) 15 R.P.C. 205, 211, (2) (1843) 2 W.P.C. 126, 137. (7) (1918) 36 R.P.C. 13, 18. (3) (1846) 2 W.P.C. 147. (8) 5 H. & N., Exchequer Re- (4) (1896) 13 R.P.C. 482, 487. ports, 312, 336. (5) (1877) 3 App. Cas. 239, 244. (9) (1927) 44 R.P.C. 105, 145. (10) (1860) 29 L.J.Q.B. 193, 202.
208 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1941 1941 accorder sans léser des droits acquis à des tiers, soit que GEORGES ces droits acquis dépendent du domaine public, soit qu'ils L ALBERT ANGLOI fassent partie d'un patrimoine privé. L'on ne peut dire, Er An. en pareil cas, que l'invention était nouvell9, puisqu'elle DoN AT ROY. existait déjà et était connue. Il semble donc raisonnable de faire de la nouveauté une des conditions essentielles de Angers J. l 'i nvention brevetable. Voir la Loi de 1935 sur les brevets, article 2 (f) ; Fox, Canadian Patent Law and Practice, pp. 8 et 85; Terrell on Patents, Sème édition, p. 83; Edmunds on Patents, 2ème édition, p. 46. Une autre raison invoquée de la part du défendeur à l'encontre de la validité du brevet est que le mémoire descriptif diffère de la revendication sur deux points im-portants, savoir: a) le mémoire descriptif (page 4, lignes 17 et suivantes) stipule que le petit essieu ou piton fini en forme de vis, auquel est assujétie la roue d'engrenage, est vissé dans le bout de l'arbre; or la revendication ne prévoit pas pareil dispositif ; au contraire la revendication mentionne simple-ment un vilebrequin a doubles coudes opposés monté longi-tudinalement dans le boîtier, ce qui implique que les extré-mités du vilebrequin pénètrent dans deux trous, dont un à chaque bout du boîtier. Dans la revendication aucune mention n'est faite du petit essieu ou piton auquel est attachée la roue d'engrenage; celle-ci paraît être posée sur une extension du vilebrequin lui-même passant à travers un trou dans le bout du boîtier; b) le mémoire descriptif (page 5, lignes 1 et 2) dit que la roue d'engrenage est solidement fixée sur une extension de l'arbre projetant à l'extérieur; or, d'après le mémoire descriptif, cette extension de l'arbre (indiquée dans les dessins sous le numéro 20) est le petit essieu ou piton qui se visse dans le bout du vilebrequin; cet essieu ou piton n'est pas mentionné dans la revendication; d'après celle-ci, la grande roue d'engrenage est montée sur une extension du vilebrequin passant à travers la paroi du boîtier. Différences de détail et sans importance, à mon avis, qui ne peuvent affecter la validité du brevet. Le fait que le vilebrequin ne se prolonge pas à l'extérieur de la paroi du boitier pour être annexé directement à la roue d'engrenage, mais qu'il y a un piton intermédiaire servant à relier la roue d'engrenage au vilebrequin me paraît être un détail de construction, qui constitue tout au plus une améliora-
Ex. C.R.] EXCHEQUER COURT OF tion permettant de détacher le vilebrequin. Cette pièce additionnelle ne me paraît pas être en conflit avec la con- dition de la revendication que la roue d'engrenage doit être fixée à un tourillon du vilebrequin, ou, selon les termes mêmes de la revendication, " attached to one crank ". Au surplus, si la revendication n'est pas aussi claire et aussi précise qu'elle pourrait l'être, il y a lieu, je crois, de se reporter au mémoire descriptif pour en saisir pleine- ment le sens exact et la portée; voir Sème édition, page 134, et les autorités citées dans la note (b) au bas de la page. Pour ces raisons, je suis d'opinion que le brevet dont il s'agit en la présente cause, accordé à Joseph Olivier le 11 avril 1933, portant le numéro 331596, doit être annulé et que l'action des demandeurs doit être rejetée. Le défendeur aura droit à ses frais contre les demandeurs, moins cependant la taxe du témoin Alphonse Morin et le coût de sa déposition. 11566-1a CANADA 209 1941 GE ORGES L x aLo ET AL. shaft of the D ow T Roy. Angers J. Terrell on Patents, Judgment accordingly.
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