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T-1721-01

2003 CF 1048

Le Forum des maires de la Péninsule acadienne (demandeur)

c.

L'agence canadienne d'inspection des aliments (défenderesse)

Répertorié: Forum des maires de la Péninsule acadiennec. Canada (Agence d'inspection des aliments) (C.F.)

Cour fédérale, juge Blais--Fredericton (Nouveau- Brunswick), 25 juin; Ottawa, 8 septembre 2003.

Langues officielles -- Demande de contrôle judiciaire de la décision de la défenderesse de transférer quatre postes d'inspecteurs saisonniers de son bureau de Shippagan vers le bureau de Shédiac -- La commissaire des langues officielles a conclu que le transfert contrevenait à la Loi sur les langues officielles (la LLO) -- Bien qu'elle ne soit pas liée par les conclusions de la commissaire, la Cour devrait en tenir compte -- La défenderesse a transféré les postes sans tenir compte de ses obligations en vertu de la partie IV (obligation d'offrir des services bilingues au public) ou de la partie VII de la LLO (consultation de la communauté minoritaire de langue officielle) -- Compétence de la Cour pour traiter de la violation de la partie VII, discussion sur le recours prévu -- Le redressement approprié en l'espèce comprend notamment certaines mesures positives précises quant aux obligations de la défenderesse en vertu de la LLO.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments a procédé au transfert de quatre postes d'inspecteurs saisonniers de son bureau de Shippagan, situé au nord-est de la province du Nouveau-Brunswick, vers le bureau de Shédiac, situé au sud-est de la province. Le demandeur a déposé une plainte au Commissaire des langues officielles (la commissaire) alléguant que la réorganisation administrative de la défenderesse a été faite au détriment des régions francophones du nord-est du Nouveau-Brunswick. La commissaire a mené une enquête approfondie en vertu des dispositions de la Loi sur les langues officielles (la LLO) qui concernent la prestation des services au public dans la langue de son choix (partie IV), en vertu des dispositions relatives à la promotion du français et de l'anglais (partie VII), ainsi qu'en tenant compte de l'esprit de la LLO et de l'intention du législateur. Dans son rapport, la commissaire recommande à la défenderesse de revoir la prestation des services d'inspection dans la péninsule acadienne de telle sorte qu'ils soient offerts et disponibles dans les deux langues officielles, de s'assurer que toute décision reliée à la prestation de ces services a pour effet d'appuyer le développement de la communauté francophone, de réviser sa politique nationale sur les langues officielles pour qu'elle tienne compte de l'engagement du gouvernement énoncé à la partie VII de la LLO.

Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de transfert prise par la défenderesse. Les questions en litige étaient de savoir si le transfert des postes en question a été effectué sans que la défenderesse ne tienne compte de ses obligations en vertu de la LLO et de savoir quel est le remède juste et convenable eu égard aux circonstances?

Jugement: la demande doit être accueillie.

La commissaire indique dans le Rapport qu'il lui a paru évident que le relogement des employés de Shippagan et la restructuration qui prit place par la suite chez la défenderesse n'ont pas été faits en tenant compte, de façon systématique, des obligations qui incombent à la défenderesse en vertu de la partie IV de la LLO. Bien qu'elle ne soit pas liée par les conclusions de la commissaire, la Cour devrait en tenir compte, d'autant plus que la défenderesse ne les a pas sérieusement contredites et qu'elles sont justes (voir Rogers c. Canada (Ministère de la Défense nationale) (2001), 201 F.T.R. 41 (C.F. 1re inst.)). La violation des droits prévus par la partie IV de la LLO a été confirmée dans les faits.

La défenderesse soutient que cette Cour n'a pas compétence pour traiter des allégations de violation de la partie VII de la LLO sous le régime de la partie X. Le paragraphe 77(1) de la partie X de la LLO prévoit un recours lors d'une violation des droits et obligations prévus à certains articles de la LLO mais ne fait aucune référence à la partie VII. Toutefois, comme il a été jugé dans l'arrêt Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la Justice du Canada), (2001), 35 Admin. L.R. (3d) 46 (C.F. 1re inst.), les recours en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale sont toujours possibles pour des manquements aux parties de la LLO non prévues au paragraphe 77(1) de la LLO.

La commissaire a conclu que, étant donné le contexte régional et historique particulier à la péninsule acadienne, la partie VII de la LLO créait tout au moins pour la défenderesse l'obligation de consulter la communauté minoritaire de langue officielle avant de prendre sa décision. Le fait que la défenderesse ait reçu plusieurs lettres ne constitue pas un processus de consultation. La défenderesse semble avoir reconnu ce manquement en demandant des clarifications quant à la façon de se conformer à la partie VII.

En ce qui concerne la question de savoir quel est le remède juste et convenable eu égard aux circonstances, la Cour suprême du Canada a déclaré dans R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768 que «les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en oeuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État». Par conséquent, la décision de transfert a été annulée conformément aux pouvoirs d'accorder la réparation estimée convenable et juste en vertu du paragraphe 77(4) et la Cour a ordonné à la défenderesse de prendre certaines mesures positives précises quant à ses obligations en vertu de la LLO.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 20(1).

Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L.C. 1997, ch. 6, art. 3.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 2, 3 (mod. par L.C. 2002, ch. 7, art. 224), 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 41, 42 (mod. par L.C. 1995, ch. 11, art. 27), 43 (mod., idem, art. 28), 44 (mod., idem, art. 29), 45, 77.

jurisprudence

décisions appliquées:

Rogers c. Canada (Service correctionnel) (2001), 201 F.T.R. 41 (C.F. 1re inst.); Devinat c. Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), [2000] 2 C.F. 212; (1999), 181 D.L.R. (4th) 441; 18 Admin. L.R. (3d) 243; 31 Admin. L.R. (3d) 174; 3 Imm. L.R. (3d) 1; 250 N.R. 326 (C.A.); Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la justice) (2001), 35 Admin. L.R. (3d) 46; 194 F.T.R. 181 (C.F. 1re inst.); R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768; (1999), 173 D.L.R. (4th) 193; 121 B.C.A.C. 227; 134 C.C.C. (3d) 481; 238 N.R. 131.

Décisions examinées:

Rogers c. Canada (Ministère de la Défense nationale), [2001] 2 C.F. 586; (2001), 199 F.T.R. 196 (T.D.): Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373; (1990), 123 N.R. 83 (C.A.).

ont comparu:

Jean-Marc Gauvin pour le demandeur.

Marc A. Deveau pour la défenderesse.

avocats inscrits au dossier:

Godin, Lizotte, Robichaud, Guignard, Shippagan (Nouveau-Brunswick), pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.

Voici les motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus en français par

[1]Le juge Blais: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)] présentée à l'encontre d'une décision de la défenderesse transférant les postes de quatre inspecteurs saisonniers de la ville de Shippagan à la ville de Shédiac.

FAITS

[2]Le demandeur est un organisme non constitué qui regroupe les maires de toutes les municipalités de la péninsule acadienne et qui a pour mandat de défendre les intérêts communs de cette communauté.

[3]La défenderesse a été constituée par une loi fédérale, soit la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments [L.C. 1997, ch. 6], sanctionnée le 20 mars 1997.

[4]La défenderesse a procédé, à l'automne 1999, au transfert de quatre postes d'inspecteurs saisonniers de son bureau de Shippagan, situé dans la péninsule acadienne au nord-est de la province du Nouveau-Brunswick, vers le bureau de Shédiac, situé au sud-est de la province. Selon la défenderesse, ce transfert était rendu nécessaire à la suite d'une revue des activités liées au travail d'inspection dans la région de Shippagan, revue motivée principalement par le déclin dans le secteur des pêches dans la péninsule acadienne et par le transfert des produits de la pêche à l'état brut de Shippagan vers les usines de transformation du sud-est du Nouveau-Brunswick. La réinstallation des employés de Shippagan permettait, aux dires de la défenderesse, d'équilibrer davantage les charges de travail des inspecteurs entre les deux bureaux.

[5]En octobre 1999, le demandeur a déposé une plainte au Commissaire des langues officielles (la commissaire), alléguant que la réorganisation administrative de la défenderesse a été faite au détriment des régions francophones du nord-est du Nouveau-Brunswick. À l'appui de ses allégations, le demandeur a notamment fait état du transfert des quatre inspecteurs du bureau de Shippagan vers le bureau de Shédiac.

[6]En soumettant sa plainte à la commissaire, le demandeur a soutenu que la décision prise par la défenderesse avait un impact, non seulement sur le service au public ainsi que sur la capacité de celui-ci de respecter le droit des employés du bureau de Shippagan de travailler en français, mais aussi sur l'économie de la région.

[7]Suite à cette plainte, la commissaire a enquêté et a déposé le Rapport d'enquête sur une plainte concernant la réorganisation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments à son bureau de Shippagan (Nouveau-Brunswick) (le Rapport) en juillet 2001.

[8]La commissaire a mené cette enquête approfondie en vertu de la partie IX de la Loi sur les langues officielles [L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31] (LLO). L'enquête était fondée en vertu des dispositions de la LLO qui concernent la prestation des services au public (soit la partie IV de la LLO), en vertu des dispositions relatives à la promotion du français et de l'anglais (soit la partie VII de la LLO), ainsi qu'en tenant compte de l'esprit de la LLO et de l'intention du législateur.

Recommandations du Rapport

[9]Le Rapport recommande à la défenderesse, dans les 6 mois suivant sa publication, de:

a)     revoir la prestation des services d'inspection dans la péninsule acadienne de telle sorte qu'ils soient offerts et disponibles dans les deux langues officielles conformément aux exigences de la partie IV1 de la LLO;

b)     s'assurer que toute décision reliée à la prestation de ces services a pour effet d'appuyer le développement de la communauté francophone et la reconnaissance et l'usage du français dans la pleine mesure de son mandat, conformément à la partie VII2 de la LLO;

c)     réviser sa politique nationale sur les langues officielles pour qu'elle tienne compte de l'engagement du gouvernement énoncé à la partie VII de la LLO.

[10]Le 28 septembre 2001, le demandeur a intenté le présent recours en vertu de la partie X de la LLO, soit le paragraphe 77(1).

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[11]Le demandeur rappelle que la LLO s'applique à la défenderesse en vertu de l'article 3 [mod. par L.C. 2002, ch. 7, art. 224] de la LLO et de l'article 3 de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada.

[12]S'appuyant sur la conclusion de la commissaire dans son Rapport3, le demandeur soutient que la défenderesse n'a pas tenu compte de la LLO lorsqu'elle a pris la décision de transférer les quatre postes. Tout au plus, il soutient qu'elle n'a jamais tenu compte de la LLO dans ses décisions organisationnelles ou administratives à l'égard du bureau de Shippagan.

[13]Le demandeur allègue que la décision prise par la défenderesse est illégale puisqu'elle ne permettait pas de régler la situation en ce qui concerne la partie IV de la LLO et encourageait donc la poursuite de ce manquement. Selon lui, une charge de travail existait pour les inspecteurs transférés ou allait exister dans un avenir prochain puisque la commissaire a conclu que la défenderesse n'a pas considéré les autres secteurs d'activités de la péninsule acadienne ni les recommandations des rapports de recherche sur la situation socio-économique de la péninsule. (Rapport, à la page 5.)

[14]Le demandeur soumet également que le manquement de considérer la partie VII de la LLO lors de la prise de décision la rend illégale et nulle ab initio.

[15]En novembre 2001, plus de trois mois après le dépôt du Rapport et plus de deux ans suivant le dépôt de la plainte du demandeur, des utilisateurs des services de la défenderesse se plaignaient toujours d'avoir de la difficulté à obtenir des documents ou des services en français. (Dossier du demandeur, à la page 91.)

[16]Le demandeur prétend que la défenderesse n'a pas corrigé la situation en matière de langues officielles ni démontré comment elle mettait en oeuvre les recommandations de la commissaire.

Objet de la demande

[17]Le demandeur sollicite la Cour afin que celle-ci ordonne:

a) le rétablissement à la ville de Shippagan, Nouveau-Brunswick, des postes d'inspecteurs saisonniers transférés par la défenderesse à la ville de Shédiac, Nouveau-Brunswick, à l'automne 1999;

b) la possibilité pour les quatre individus touchés par ce transfert de réintégrer leur poste à la ville de Shippagan, s'ils le désirent, et ce avec les mêmes conditions qu'ils auraient eu n'eut été du transfert;

c) les frais et dépens du demandeur.

PRÉTENTIONS DE LA DÉFENDERESSE

[18]En ce qui a trait à la partie IV de la LLO, la défenderesse soumet qu'il n'y a aucune preuve présente devant la Cour afin de démontrer une violation. Dans l'alternative, même si la Cour acceptait qu'il y ait eu une violation de la partie IV, il n'existe aucun lien de causalité entre la violation et le recours sollicité.

[19]La défenderesse soutient qu'il n'existe aucune preuve de violation de la partie V4 de la LLO. Les régions de Shédiac et de Shippagan sont toutes les deux désignées bilingues pour les fins de la partie V. Les employés de la défenderesse dans ces deux régions peuvent communiquer dans la langue de leur choix. Dans l'alternative, même si la Cour acceptait qu'il y ait eu une violation de la partie V, il n'existe aucun lien de causalité entre la violation et le recours sollicité. La défenderesse soutient qu'il n'y a aucune preuve devant la Cour qui démontre une violation de la partie V de la LLO.

[20]J'aimerais souligner le fait que le demandeur ne base pas la présente demande sur une violation de la partie V, mis à part de mentionner que la décision de la défenderesse avait un impact sur les droits des employés du bureau de Shippagan de travailler en français. (Mémoire du demandeur, aux pages 2 et 3.)

[21]La défenderesse soutient qu'elle a respecté l'esprit de la partie VII de la LLO.

QUESTIONS EN LITIGE

[22]1.     Le transfert des postes en question a-t-il été effectué sans tenir compte des obligations de la défenderesse en vertu de la LLO?

2.     Quelle est le remède juste et convenable eu égard aux circonstances?

ANALYSE

1.     Le transfert des postes en question a-t-il été effectué sans tenir compte des obligations de la défenderesse en vertu de la LLO?

A)     Est-ce que le transfert des quatre employés a été effectué sans tenir compte des obligations de la défenderesse en vertu de la partie IV de la LLO?

[23]À l'instar du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], la partie IV de la LLO précise que les institutions fédérales doivent veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles.

[24]La commissaire indique dans le Rapport qu'il lui est paru évident que le relogement des employés de Shippagan et la restructuration qui prit place par la suite chez la défenderesse n'ont pas été faits en tenant compte, de façon systématique, des obligations qui incombent à la défenderesse en vertu de la partie IV de la LLO5. La commissaire a maintenu ses constatations dans le Rapport même après les réactions de la défenderesse6.

[25]Dans son mémoire, la défenderesse soutient que le Rapport ne peut pas fonder la conclusion recherchée par le demandeur à l'égard de la partie IV, considérant qu'à l'égard de son Rapport, la commissaire indique qu'il ne s'agissait «pas d'un portrait détaillé de la situation qui prévaut en matière de langue de service au sein de l'Agence».

[26]Remettons cette affirmation partielle dans son contexte. Ce que la commissaire énonce, à la page 5 de son Rapport, se lit plutôt ainsi:

Bien que notre enquête ne visait pas à tracer un portrait détaillé de la situation qui prévaut en matière de service au sein de l'Agence, nous nous devons de faire état de certaines de nos observations à cet égard. [Mon soulignement.]

[27]La défenderesse prétend de plus que le Rapport ne peut fonder la conclusion recherchée à l'égard de la partie IV de la LLO et n'établit aucun lien de causalité entre la violation alléguée et le recours désiré puisque, comme l'indique le Rapport, «il se peut fort bien que les problèmes reliés à la prestation des services au public existaient avant la réduction du personnel de Shippagan.»

[28]Encore une fois, la défenderesse fait ce que je qualifierais d'argumentation sélective en basant ses prétentions sur des phrases incomplètes. En effet, ce que le Rapport mentionne est que le cas échéant où ces problèmes existaient avant la réduction de personnel, «il nous faut conclure que les récentes décisions de l'Agence n'ont pas permis de remédier à la situation.»

[29]La défenderesse, par ses actions, se doit donc d'assumer une part de responsabilité.

[30]La défenderesse soumet de plus que le Rapport, n'étant pas issu d'un tribunal capable de statuer sur l'interprétation à donner à la LLO, ne libère pas le demandeur de son fardeau d'établir, par prépondérance de preuve, qu'il y a eu une violation des droits prévus par la LLO dans les faits.

[31]Or, dans Rogers c. Canada (Service correctionnel), [2001] 2 C.F. 586 (1re inst.), le juge Heneghan établit [aux paragraphes 59 et 60]:

Bien que la Loi n'affirme pas que le rapport du commissaire lie le tribunal, il constitue sans aucun doute un élément de preuve qui doit être pris en considération dans le cadre d'une demande de réparation en application de la Loi. La Loi autorise expressément le commissaire aux langues officielles à exercer un contrôle sur la protection des droits linguistiques. La Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373, à la page 386, a décrit comme suit le statut «quasi constitutionnel» de cette Loi:

La Loi sur les langues officielles de 1988 n'est pas une loi ordinaire. Elle reflète à la fois la Constitution du pays et le compromis social et politique dont il est issu. Dans la mesure où elle est l'expression exacte de la reconnaissance des langues officielles inscrite aux paragraphes 16(1) et 16(3) de la Charte canadienne des droits et libertés, elle obéira aux règles d'interprétation de cette Charte telles qu'elles ont été définies par la Cour suprême du Canada. Dans la mesure, par ailleurs, où elle constitue un prolongement des droits et garanties reconnus dans la Charte, et de par son préambule, de par son objet défini en son article 2, de par sa primauté sur les autres lois établies en son paragraphe 82(1), elle fait partie de cette catégorie privilégiée de lois dites quasi-constitutionnelles qui expriment «certains objectifs fondamentaux de notre société» et qui doivent être interprétées «de manière à promouvoir les considérations de politique générale qui (les) sous-tendent.»

À mon avis, la nature quasi constitutionnelle de la Loi signifie que le rapport du commissaire, après l'enquête, peut être accepté en tant que preuve d'un manquement à la Loi. La défenderesse n'a pas sérieusement contesté les conclusions du Commissariat. En conséquence, je confirme les conclusions du Commissariat selon lesquelles le poste en question aurait dû avoir un mode de dotation «bilingue à nomination non impérative» et un profil linguistique CBC. En outre, j'estime que la désignation erronée du poste a contrevenu aux droits linguistiques du demandeur. [Mon soulignement.]

[32]Dans Rogers v. Canada (Department of National Defence) (2001), 201 F.T.R. 41 (C.F. 1re inst.), le juge Nadon, bien qu'il ne soit pas d'accord avec le juge Heneghan, tient compte du rapport [au paragraphe 40]:

Le fait demeure que le BCLO a conclu que les exigences linguistiques du poste étaient justifiées. Selon moi, cette conclusion était correcte. Bien sûr, je ne suis pas lié par la conclusion du BCLO (dans le dossier T-195-97, le juge Heneghan a donné raison au demandeur, comme je l'ai déjà indiqué [. . .] Je veux tout simplement dire que je ne peux partager l'avis du juge Heneghan que le rapport du BCLO «peut être accepté en tant que preuve d'un manquement à la Loi». Selon moi, c'est à la Cour de décider au vu de la preuve s'il y a eu un manquement à la Loi. La réponse à cette question ne peut se fonder sur le rapport et les conclusions du BCLO. La conclusion qu'il y a eu un manquement à la Loi dans un cas donné doit être établie par le juge, après qu'il a entendu et soupesé la preuve présentée par les deux parties.), mais je me range à cette conclusion au vu de la preuve qui , m'est présentée. [Mon soulignement.]

[33]Conséquemment, je suis d'avis que cette Cour doit tenir compte des conclusions du Rapport de la commissaire étant donné que d'un côté, la défenderesse ne les a pas sérieusement contredites et d'un autre côté, je suis d'accord avec ces conclusions.

[34]D'autant plus qu'à l'instar des conclusions du Rapport, lors de son contre-interrogatoire, le directeur exécutif de la défenderesse, Régis Bourque, a reconnu que lorsque la décision faisant l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire a été prise, elle l'a été sur la charge de travail dans le nord-est de la province. La question des langues officielles n'a été considérée qu'après le dépôt du Rapport de la commissaire7.

[35]Il est donc possible pour cette Cour de confirmer8 la violation des droits prévus par la partie IV de la LLO dans les faits.

B)     Est-ce que le transfert des quatre employés a été effectué sans tenir compte des obligations de la défenderesse en vertu de la partie VII de la LLO?

[36]La défenderesse soutient que cette Cour n'a pas la compétence pour traiter des allégations de violation de la partie VII de la LLO sous le régime de la partie X. Si la Cour a compétence, la défenderesse soutient que la partie VII ne crée pas de droits susceptibles d'être sanctionnés par les tribunaux. Dans l'alternative, si la Cour a compétence et si la partie VII crée de quelconques droits, les tribunaux doivent faire preuve de retenue face au type de décision polycentrique en jeu.

[37]La partie X de la LLO, intitulée «recours judiciaire», prévoit au paragraphe 77(1) un recours lors d'une violation des droits et obligations prévus à certains articles de la LLO. Le paragraphe 77(1) précise:

77. (1) Quiconque a saisi le Commissaire d'une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV ou V, ou fondée sur l'article 91 peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

[38]Il est à noter que le paragraphe 77(1) de la LLO ne fait aucune référence à la partie VII de la LLO, intitulée «promotion du français et de l'anglais». Cette omission délibérée de la part du législateur mène à conclure que le paragraphe 77(1) ne permet pas un recours devant les tribunaux pour une violation à la partie VII de la LLO.

[39]La Cour d'appel fédérale indique dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Viola, [1991] 1 C.F. 373 (C.A.) (Viola) [à la page 387]:

[. . .] la Loi sur les langues officielles de 1988 n'établit pas de compétences nouvelles autres que celles, dévolues au Commissaire aux langues officielles et à la Section de première instance de la Cour fédérale, qu'elle établit expressément.

[40]Récemment, dans l'arrêt Devinat c. Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), [2000] 2 C.F. 212 (C.A.) (Devinat), la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la portée des dispositions de la partie X de la LLO. Dans cette affaire, les parties ne contestaient pas la conclusion du juge des requêtes à l'effet que le paragraphe 77(1) de la LLO ne permettait pas à l'appelant de s'adresser à la Cour fédérale du Canada, puisque sa plainte n'était pas fondée sur un des articles mentionnés au paragraphe 77(1) de la LLO mais était fondée sur l'article 20 de la LLO. L'appelant argumentait cependant que le paragraphe 77(5) n'était pas limité à l'article 77 et qu'il préservait son recours judiciaire pour toute autre plainte qui n'était pas régie par la procédure prévue à l'article 77. L'appelant prétendait également que ce paragraphe 77(5) lui offrait un droit d'action à la Cour fédérale, notamment en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale.

[41]Le paragraphe 77(5) se lit ainsi:

77. [. . .]

(5) Le présent article ne porte atteinte à aucun autre droit d'action.

[42]À la partie VII de la LLO, l'article 41 précise:

41. Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

[43]Toujours dans Devinat, précité, la Cour d'appel fédérale d'appel a précisé que dans l'arrêt Viola, précité, le juge Décary n'avait pas décidé de la question [aux paragraphes 37 et 38]:

Il va de soi que le juge Décary, J.C.A. ne s'est pas prononcé sur la compétence des tribunaux dits judiciaires face à la LLO, et ne l'a pas écartée.

Nous concluons que c'est donc à tort, nous le disons avec respect, que le juge des requêtes a conclu que la LLO ne permettait pas à l'appelant d'exercer le recours prévu à l'article 18.1 de la LCF relativement à une violation alléguée de l'article 20 de la LLO. [Mon soulignement.]

[44]Conséquemment, et comme je l'ai moi-même confirmé au paragraphe 91 dans l'arrêt Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la Justice) (2001), 35 Admin. L.R. (3d) 46 (C.F. 1re inst.), les recours en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale sont toujours possibles pour des manquements aux parties de la LLO non prévues au paragraphe 77(1) de la LLO.

[45]Dans son mémoire, la défenderesse soutient que l'engagement figurant à l'article 41 de la LLO est de nature politique (Dossier de la défenderesse, à la page 339]:

Les organes du gouvernement jouissent d'ailleurs d'une très grande discrétion dans les choix des mesures à prendre pour répondre à cet engagement. Même la ministre du Patrimoine canadien, qui est responsable de la mise en oeuvre de cette partie de la LLO, a la discrétion de prendre «les mesures qu'[elle] estime indiquée [sic]».

[46]Effectivement, la défenderesse tente de justifier sa décision par l'aspect déclaratoire plutôt qu'exécutoire de la partie VII de la LLO. Elle élabore, sans concision, le fait que cette distinction soit à la base de sa prétention de non violation de ladite partie.

[47]Dans son Rapport, la commissaire mentionne:

L'enquête a révélé que le contexte régional ci-haut décrit n'a pas été pris en compte par l'Agence lorsqu'elle pris sa décision de transférer quatre postes de Shippagan à Shédiac et de confier la gestion du bureau de Shippagan à Blacks Harbour. Seuls les éléments des rapports propres au secteur de la pêche a été reconnu. Par ailleurs, avant de prendre sa décision, aucune consultation n'a pris place avec les représentants de la communauté minoritaire de langue officielle, en dépit d'une invitation lancée par le regroupement des maires de la péninsule acadienne [. . .] [Soulignement ajouté.]

[48]Encore une fois, de l'aveu même du directeur exécutif de la défenderesse, Régis Bourque, la partie VII de la LLO n'a pas été considérée lors de la prise de la décision.

[49]De l'avis de la commissaire, étant donné le contexte régional et historique particulier à la péninsule acadienne, la partie VII de la LLO créait tout au moins pour la défenderesse l'obligation de consulter la communauté minoritaire de langue officielle avant de prendre sa décision.

[50]Le fait que la défenderesse ait reçu plusieurs lettres provenant de municipalités, chambre de commerce, entreprises, etc., ne constitue pas, contrairement à l'avis de la défenderesse à la page 20 de son mémoire, un processus de consultation. Aucune discussion ni échange avec les signataires de ces lettres avant la prise de la décision n'a eu lieu.

[51]Tout au plus, il est intéressant de constater qu'à la page 12 du Rapport, dans la section VI intitulé «Commentaires de l'Agence», le dernier paragraphe semble établir la reconnaissance de ce manquement par la défenderesse:

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la recommandation portant sur la Partie VII de la LLO, l'Agence voudrait obtenir des clarifications quant à la façon de se conformer à cette partie de la LLO. Elle se demande, par ailleurs, si cette recommandation s'applique pour toutes décisions futures ou s'il faut en tenir compte pour la décision qui a fait l'objet de ce rapport d'enquête. [Mon soulignement.]]

[52]N'est-ce pas là une reconnaissance expresse de violation de l'exigence de la partie VII?

2. Quelle est le remède juste et convenable eu égard aux circonstances?

[53]Le demandeur propose que le rétablissement des postes dans la péninsule acadienne des postes permettrait à la défenderesse d'être mieux en mesure de rencontrer ses exigences face à la LLO et serait conforme au raisonnement du juge Bastarache de la Cour suprême du Canada, s'exprimant au nom de la majorité dans R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768 [au paragraphe 24]:

L'idée que le par. 16(3) de la Charte, qui a officialisé la notion de progression vers l'égalité des langues officielles du Canada exprimée dans l'arrêt Jones, précité, limite la portée du par. 16(1) doit également être rejetée. Ce paragraphe confirme l'égalité réelle des droits linguistiques constitutionnels qui existent à un moment donné. L'article 2 de la Loi sur les langues officielles a le même effet quant aux droits reconnus en vertu de cette loi. Ce principe d'égalité réelle a une signification. Il signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en oeuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l'État; voir McKinney c. Université de Guelph, [1990] 3 R.C.S. 229, à la p. 412; Haig c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 995, à la p. 1038; Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, au par. 73; Mahe, précité, à la p. 365. Il signifie également que l'exercice de droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d'accommodement. [Mon soulignement.]

[54]Le demandeur fonde sa proposition sur sa conformité avec les affirmations faites par la commissaire à la présidente du Conseil du Trésor, dans le cadre de la modernisation de la gestion des ressources humaines, en septembre 2001:

Afin que les langues officielles deviennent une réalité bien vivante au sein des institutions fédérales, il est devenu nécessaire d'adopter de nouvelles façons de faire. Comme pour la gestion des ressources humaines, il faut passer d'une approche largement fondée sur des règles et des codes à une approche fondée sur des valeurs. Le gouvernement doit donc promouvoir les langues officielles de manière à susciter chez tout le personnel un engagement plus profond, en accordant plus d'importance à la dimension culturelle et sociale du programme: une meilleure connaissance et appréciation de l'identité de l'autre; une meilleure compréhension de la contribution de l'autre groupe linguistique à la richesse de la fonction publique; l'ouverture à la diversité pouvant émaner d'une acceptation du bilinguisme.

Parallèlement, il importe de faire comprendre que ces valeurs se rattachent à des droits. Ainsi, tout en reconnaissant le besoin de souplesse, il faut s'assurer que les fondements juridiques de la Loi sur les langues officielles sont pleinement respectés. [Mon soulignement.]

[55]Bien que la défenderesse a semblé manifester récemment un intérêt croissant à vouloir s'attaquer au problème de la prestation des services en français dans la péninsule acadienne, force est de noter que la plainte a été déposée en octobre 1999, soit, il y a près de quatre ans, et que peu de progrès ont été réalisés jusqu'à maintenant.

[56]Puisque je suis d'avis que la défenderesse a porté atteinte aux droits linguistiques statutaires de la LLO, cette demande de contrôle judiciaire est bien fondée.

[57]J'ai ajourné l'audition afin de permettre aux parties de discuter des moyens à prendre qui soient justes et équitables. Malheureusement, les parties ont été incapables de s'entendre.

O R D O N N A N C E

[1] La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie;

[2] La décision de transférer les postes de quatre travailleurs saisonniers de Shippagan à Shédiac est annulée;

[3] Conformément aux pouvoirs d'accorder la réparation estimée convenable et juste eu égard aux circonstances, prévus au paragraphe 77(4) de la LLO:

LA COUR ORDONNE QUE:

1. La défenderesse rétablisse les postes des quatre inspecteurs au bureau de Shippagan;

2. La défenderesse s'assure de donner suite aux conclusions de la commissaire dans le Rapport, daté de mars 2003 et particulièrement aux recommandations 1 et 2;

3. La prestation des services en français pour la région desservie par le bureau de Shippagan soit assurée;

4. Les accréditations nécessaires au personnel du bureau de Shippagan et la formation linguistique du personnel de Blacks Harbour soit complétée dans un délai maximum de 12 mois de la présente ordonnance;

5. Les engagements pris par la défenderesse dans son plan d'action proposé, soit d'entreprendre une série de consultations dans la péninsule acadienne auprès d'un large éventail des membres de la communauté de langue officielle minoritaire soit mis en oeuvre et réalisés dans un délai maximum de 12 mois de la présente ordonnance;

6. Le tout avec dépens en faveur du demandeur.

1  La partie IV est relative à la communication avec le public et à la prestation des services.

2  La partie VII est relative à la promotion du français et de l'anglais.

3  Rapport, à la p. 6.

4  La partie V est relative à la langue de travail.

5  Supra, note 3, à la p. 12.

6  Contre-interrogatoire de Régis Bourque, question 57, dossier du demandeur, à la p. 67.

7  Ibid: «Mais reste commentaire, rappelez-vous qu'on avait six mois quand même pour développer notre programme, tu sais, ça fait disant que-quand les décisions ont été prises les décision sont été prises basé sur la charge de travail qu'y'avait dans le Nord-Est de la province. [. . .] Le côté langues officielles, on est maintenant en train de réagir à ce rapport-là, disant qu'on vient juste de l'avoir comme vous.»

8  Supra, note 3, à la p. 9: «Notre enquête nous amène à conclure que les décisions prises par l'Agence ne lui permettent pas de satisfaire pleinement à ses obligations aux termes de la partie IV de la LLO (service au public).»

ANNEXE A

LÉGISLATION PERTINENTE

L'article 2 de la LLO définit l'objet de la loi:

2. La présente loi a pour objet:

a) d'assurer le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l'égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l'administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en oeuvre des objectifs de ces institutions;

b) d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais;

c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.

La partie IV est relative aux communications avec le public et à la prestation des services:

21. Le public a, au Canada, le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d'en recevoir les services conformément à la présente partie.

22. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l'une ou l'autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux--auxquels sont assimilés, pour l'application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services--situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l'étranger, l'emploi de cette langue fait l'objet d'une demande importante.

[. . .]

24. (1) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux, tant au Canada qu'à l'étranger, et en recevoir les services dans l'une ou l'autre des langues officielles:

a) soit dans les cas, fixés par règlement, touchant à la santé ou à la sécurité du public ainsi qu'à l'emplacement des bureaux, ou liés au caractère national ou international de leur mandat;

b) soit en toute autre circonstance déterminée par règlement, si la vocation des bureaux justifie l'emploi des deux langues officielles.

(2) Il incombe aux institutions fédérales tenues de rendre directement compte au Parlement de leurs activités de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux, tant au Canada qu'à l'étranger, et en recevoir les services dans l'une ou l'autre des langues officielles.

(3) Cette obligation vise notamment:

a) le commissariat aux langues officielles;

b) le bureau du directeur général des élections;

c) le bureau du vérificateur général;

d) le commissariat à l'information;

e) le commissariat à la protection de la vie privée.

25. Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que, tant au Canada qu'à l'étranger, les services offerts au public par des tiers pour leur compte le soient, et à ce qu'il puisse communiquer avec ceux-ci, dans l'une ou l'autre des langues officielles dans le cas où, offrant elles-mêmes les services, elles seraient tenues, au titre de la présente partie, à une telle obligation.

26. Il incombe aux institutions fédérales qui réglementent les activités de tiers exercées en matière de santé ou de sécurité du public de veiller, si les circonstances le justifient, à ce que celui-ci puisse, grâce à cette réglementation, communiquer avec eux et en recevoir les services, en cette matière, dans les deux langues officielles.

27. L'obligation que la présente partie impose en matière de communications et services dans les deux langues officielles à cet égard vaut également, tant sur le plan de l'écrit que de l'oral, pour tout ce qui s'y rattache.

28. Lorsqu'elles sont tenues, sous le régime de la présente partie, de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux ou recevoir les services de ceux-ci ou de tiers pour leur compte, dans l'une ou l'autre langue officielle, il incombe aux institutions fédérales de veiller également à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public, notamment par entrée en communication avec lui ou encore par signalisation, avis ou documentation sur les services, que ceux-ci lui sont offerts dans l'une ou l'autre langue officielle, au choix.

[. . .]

31. Les dispositions de la présente partie l'emportent sur les dispositions incompatibles de la partie V.

32. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement:

a) déterminer, pour l'application de l'article 22 ou du paragraphe 23(1), les circonstances dans lesquelles il y a demande importante;

b) en cas de silence de la présente partie, déterminer les circonstances dans lesquelles il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux, ou recevoir les services de ceux-ci, dans l'une ou l'autre langue officielle;

c) déterminer les services visés au paragraphe 23(2) et les modalités de leur fourniture;

d) déterminer pour le public et les voyageurs les cas visés à l'alinéa 24(1)a) et les circonstances visées à l'alinéa 24(1)b);

e) définir «population de la minorité francophone ou anglophone» pour l'application de l'alinéa (2)a).

(2) Le gouverneur en conseil peut, pour déterminer les circonstances visées aux alinéas (1)a) ou b), tenir compte:

a) de la population de la minorité francophone ou anglophone de la région desservie, de la spécificité de cette minorité et de la proportion que celle-ci représente par rapport à la population totale de cette région;

b) du volume des communications ou des services assurés entre un bureau et les utilisateurs de l'une ou l'autre langue officielle;

c) de tout autre critère qu'il juge indiqué.

33. Le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre les mesures d'incitation qu'il estime nécessaires pour que soient effectivement assurés dans les deux langues officielles les communications et les services que sont tenues de pourvoir dans ces deux langues, au titre de la présente partie, les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes et la bibliothèque du Parlement.

La partie V est relative à la langue de travail:

34. Le français et l'anglais sont les langues de travail des institutions fédérales. Leurs agents ont donc le droit d'utiliser, conformément à la présente partie, l'une ou l'autre.

35. (1) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que:

a) dans la région de la capitale nationale et dans les régions ou secteurs du Canada ou lieux à l'étranger désignés, leur milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles tout en permettant à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre;

b) ailleurs au Canada, la situation des deux langues officielles en milieu de travail soit comparable entre les régions ou secteurs où l'une ou l'autre prédomine.

(2) Les régions du Canada énumérées dans la circulaire no 1977-46 du Conseil du Trésor et de la Commission de la fonction publique du 30 septembre 1977, à l'annexe B de la partie intitulée «Les langues officielles dans la Fonction publique du Canada: Déclaration de politiques», sont des régions désignées aux fins de l'alinéa (1)a).

36. (1) Il incombe aux institutions fédérales, dans la région de la capitale nationale et dans les régions, secteurs ou lieux désignés au titre de l'alinéa 35(1)a):

a) de fournir à leur personnel, dans les deux langues officielles, tant les services qui lui sont destinés, notamment à titre individuel ou à titre de services auxiliaires centraux, que la documentation et le matériel d'usage courant et généralisé produits par elles-mêmes ou pour leur compte;

b) de veiller à ce que les systèmes informatiques d'usage courant et généralisé et acquis ou produits par elles à compter du 1er janvier 1991 puissent être utilisés dans l'une ou l'autre des langues officielles;

c) de veiller à ce que, là où il est indiqué de le faire pour que le milieu de travail soit propice à l'usage effectif des deux langues officielles, les supérieurs soient aptes à communiquer avec leurs subordonnés dans celles-ci et à ce que la haute direction soit en mesure de fonctionner dans ces deux langues.

(2) Il leur incombe également de veiller à ce que soient prises, dans les régions, secteurs ou lieux visés au paragraphe (1), toutes autres mesures possibles permettant de créer et de maintenir en leur sein un milieu de travail propice à l'usage effectif des deux langues officielles et qui permette à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre.

37. Il incombe aux institutions fédérales centrales de veiller à ce que l'exercice de leurs attributions respecte, dans le cadre de leurs relations avec les autres institutions fédérales sur lesquelles elles ont autorité ou qu'elles desservent, l'usage des deux langues officielles fait par le personnel de celles-ci.

38. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement visant les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes et la bibliothèque du Parlement:

a) déterminer, pour tout secteur ou région du Canada, ou lieu à l'étranger, les services, la documentation et le matériel qu'elles doivent offrir à leur personnel dans les deux langues officielles, les systèmes informatiques qui doivent pouvoir être utilisés dans ces deux langues, ainsi que les activités--de gestion ou de surveillance--à exécuter dans ces deux langues;

b) prendre toute autre mesure visant à créer et à maintenir, dans la région de la capitale nationale et dans les régions ou secteurs du Canada, ou lieux à l'étranger, désignés pour l'application de l'alinéa 35(1)a), un milieu de travail propice à l'usage effectif des deux langues officielles et à permettre à leur personnel d'utiliser l'une ou l'autre;

c) déterminer la ou les langues officielles à utiliser dans leurs communications avec ceux de leurs bureaux situés dans les régions ou secteurs du Canada, ou lieux à l'étranger, qui y sont mentionnés;

d) fixer les modalités d'exécution des obligations que la présente partie ou ses règlements leur imposent;

e) fixer les obligations, en matière de langues officielles, qui leur incombent à l'égard de ceux de leurs bureaux situés dans les secteurs ou régions non désignés par règlement pris au titre de l'alinéa 35(1)a), compte tenu de l'égalité de statut des deux langues officielles.

(2) Le gouverneur en conseil peut, par règlement:

a) inscrire ou radier l'une ou l'autre des régions du Canada désignées conformément au paragraphe 35(2) ou désigner, pour l'application de l'alinéa 35(1)a), tous secteurs ou régions du Canada ou lieux à l'étranger, compte tenu:

(i) du nombre et de la proportion d'agents francophones et anglophones qui travaillent dans les institutions fédérales des secteurs, régions ou lieux désignés,

(ii) du nombre et de la proportion de francophones et d'anglophones qui résident dans ces secteurs ou régions,

(iii) de tout autre critère qu'il juge indiqué;

b) en cas de conflit--dont la réalité puisse se démontrer--entre l'une des obligations prévues par l'article 36 ou les règlements d'application du paragraphe (1) et le mandat d'une des institutions fédérales, y substituer, compte tenu de l'égalité de statut des deux langues officielles, une autre obligation touchant leur utilisation.

La partie VII est relative à la promotion du français et de l'anglais:

41. Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

42. Le ministre du Patrimoine canadien, en consultation avec les autres ministres fédéraux, suscite et encourage la coordination de la mise en oeuvre par les institutions fédérales de cet engagement.

43. (1) Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure:

a) de nature à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement;

b) pour encourager et appuyer l'apprentissage du français et de l'anglais;

c) pour encourager le public à mieux accepter et apprécier le français et l'anglais;

d) pour encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones, et notamment à leur offrir des services provinciaux et municipaux en français et en anglais et à leur permettre de recevoir leur instruction dans leur propre langue;

e) pour encourager et aider ces gouvernements à donner à tous la possibilité d'apprendre le français et l'anglais;

f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l'usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins;

g) pour encourager et aider les organisations, associations ou autres organismes à refléter et promouvoir, au Canada et à l'étranger, le caractère bilingue du Canada;

h) sous réserve de l'aval du gouverneur en conseil, pour conclure avec des gouvernements étrangers des accords ou arrangements reconnaissant et renforçant l'identité bilingue du Canada.

(2) Il prend les mesures qu'il juge aptes à assurer la consultation publique sur l'élaboration des principes d'application et la révision des programmes favorisant la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

44. Dans les meilleurs délais après la fin de chaque exercice, le ministre du Patrimoine canadien dépose un rapport annuel au Parlement sur les questions relevant de sa mission en matière de langues officielles.

45. Tout ministre fédéral désigné par le gouverneur en conseil peut procéder à des consultations et négociations d'accords avec les gouvernements provinciaux en vue d'assurer le plus possible, sous réserve de la partie IV et compte tenu des besoins des usagers, la coordination des services fédéraux, provinciaux, municipaux, ainsi que ceux liés à l'instruction, dans les deux langues officielles.

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