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T-1118-00

2003 CF 1480

Apotex Inc. (demanderesse)

c.

Le Ministre de la Santé et le Procureur général du Canada (défendeurs)

Répertorié: Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (C.F.)

Cour fédérale, juge Lemieux--Ottawa, 16 septembre et 17 décembre 2003.

Pratique -- Communications privilégiées --Appel de l'ordonnance du protonotaire enjoignant au ministre de la Santé de divulguer à la demanderesse le contenu de communications entre les agents du ministre et ses avocats si les défendeurs entendent alléguer à l'instruction que l'obtention d'un avis juridique explique leur conduite--Invocation du privilège des communications entre client et avocat et du privilège relatif au litige--Existence ou non d'une renonciation implicite--Le simple fait de demander un avis juridique équivaut-il à une renonciation de privilège?--Bien que fondamental au système de justice, le privilège des communications entre client et avocat n'est pas un droit absolu et peut faire l'objet d'une renonciation si une partie invoque des communications avec un avocat en demande ou en défense, particulièrement en défense si ces communications sont alléguées à l'appui d'une défense de diligence raisonnable ou de bonne foi--Ordonnance rendue dans le cadre de la gestion de l'instance--Renonciation présumée au privilège lorsque l'équité l'exige--La façon de soupeser l'équité par rapport aux valeurs liées au privilège des communications entre client et avocat dépend des circonstances, en particulier des plaidoiries--En l'espèce, il était injuste d'empêcher la divulgation des communications.

Brevets -- Pratique --Société de médicaments génériques poursuivant le ministre de la Santé pour négligence, violation d'une obligation légale et discrimination parce que l'avis de conformité n'a été délivré que huit mois après la conclusion d'une entente entre la demanderesse et le détenteur de brevet--Le ministre allégue que la demanderesse a changé un solvant--La demanderesse affirme que ce changement n'avait aucun lien avec le procédé divulgué--Selon le ministre, le retard découlait notamment des délibérations avec les avocats--La cour confirme l'ordonnance du protonotaire portant obligation de divulguer le contenu de communications entre client et avocat--Il y a eu renonciation tacite au privilège puisque le ministre, en invoquant le fait d'avoir demandé un avis juridique pour expliquer le retard, a mis en cause les communications entre les agents du ministre et les avocats.

Il s'agissait d'un appel de l'ordonnance d'un protonotaire exigeant la communication du contenu de certaines communications échangées entre des agents de Santé Canada et ses conseillers juridiques, et à l'égard desquelles on a invoqué le privilège des communications entre client et avocat, dans la mesure où les défendeurs avaient l'intention d'alléguer lors de l'instruction que l'obtention de ces documents expliquait, en partie, le retard à délivrer l'avis de conformité à Apotex pour le médicament Apo-Oflox.

Apotex a poursuivi le ministre de la Santé pour négligence, discrimination et violation d'obligation légale parce qu'il a attendu huit mois après la conclusion d'une entente entre Apotex et le détenteur de brevet pour délivrer l'avis de conformité. Apotex a allégué avoir satisfait à toutes les exigences du ministre concernant l'innocuité et l'efficacité du médicament. Elle a reproché au ministre d'avoir abusé de son pouvoir discrétionnaire, d'avoir fait preuve de discrimination envers elle quant à l'approbation de la présentation de médicaments génériques fondés sur un procédé non contrefait, d'avoir agi de mauvaise foi et d'avoir réagi à la présentation de façon irrationnelle et arbitraire.

Dans sa défense, le ministre a avancé qu'Apotex avait changé un solvant utilisé pour isoler et purifier l'ofloxacin mais, selon Apotex, cette modification n'avait rien à voir avec le procédé particulier qu'elle avait divulgué antérieurement.

Pendant l'interrogatoire préalable, la représentante du ministre a confirmé que, dans le cadre de la défense portant sur le caractère raisonnable de sa décision, le ministre s'appuierait sur les délibérations tenues avec les conseillers juridiques pour expliquer le retard à délivrer l'avis de conformité. Le privilège des communications entre client et avocat et le privilège relatif au litige ont été invoqués. Toutefois, après l'interrogatoire préalable, l'avocate des défendeurs a écrit à l'avocat d'Apotex pour l'informer qu'il n'y avait pas eu renonciation implicite à ce privilège et que le ministre, dans sa défense, n'avait invoqué aucune communication privilégiée pour repousser la demande. Le ministre ne s'appuierait pas sur la teneur des délibérations et consultations ayant eu lieu entre Santé Canada et ses conseillers juridiques. Suivant la thèse du ministre, le simple fait de demander un avis juridique ne pouvait être assimilé à une renonciation au privilège. Néanmoins, pendant la poursuite de l'interrogatoire préalable, l'avocat du ministre a reconnu qu'il invoquerait le temps nécessaire pour obtenir des opinions juridiques afin d'expliquer le retard. Le protonotaire renvoie à cette admission dans son ordonnance. Il signale que, même s'il est fondamental à notre système de justice, le privilège des communications entre client et avocat n'est pas un droit absolu et qu'il peut faire l'objet d'une renonciation expresse ou tacite lorsqu'une partie invoque des communications avec un avocat en demande ou en défense-- et, dans ce dernier cas particulièrement--si de telles communications sont alléguées à l'appui d'une défense de diligence raisonnable ou de bonne foi. Selon le protonotaire, les défendeurs «ne peuvent gagner sur les deux tableaux. Soit ils appuient leur position sur leurs délibérations et consultations avec leurs conseillers juridiques [. . .], soit ils ne le font pas. S'ils choisissent de le faire, la demanderesse a le droit d'obtenir la communication préalable de documents et de procéder à des interrogatoires pour déterminer si les défendeurs ont agi de façon raisonnable».

Jugement:, l'appel doit être rejeté.

Quant à la norme de contrôle applicable, les parties ont reconnu que la décision du protonotaire ne pouvait être infirmée que si elle était manifestement erronée, en ce sens que l'exercice du pouvoir discrétionnaire se fondait sur un mauvais principe. Apotex a poussé son raisonnement plus loin; elle a fait valoir que, comme l'ordonnance avait été prononcée dans le cadre de la gestion de l'instance, elle ne devrait être modifiée que dans «les cas où un pouvoir discrétionnaire judiciaire a manifestement été mal exercé», comme l'a précisé la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars Ltd.

Dans la décision ontarienne Bank Leu Ag v. Gaming Lottery Corp., le juge Ground, expliquant le principe de la renonciation tacite à un privilège, a mentionné qu'il «y aura renonciation présumée au privilège lorsque l'équité et la cohérence l'exigent ou lorsqu'une communication entre client et avocat est légitimement invoquée lors d'un litige».

La jurisprudence n'étaye pas l'argument avancé par le ministre selon lequel il n'y a pas renonciation implicite au privilège des communications entre client et avocat lorsqu'une partie n'appuie pas sa position sur le contenu ou la teneur de l'avis juridique reçu. Les décisions indiquent que, pour déterminer s'il y a renonciation présumée au privilège des communications entre client et avocat, l'équité envers une partie qui subit un procès constitue le principe directeur applicable. La façon de soupeser l'équité par rapport aux valeurs sous-tendant le privilège des communications entre client et avocat dépendra des circonstances et, en particulier, des plaidoiries présentées.

Le fait, pour le ministre, d'appuyer sa défense sur l'obtention d'un avis juridique met forcément en cause les communications entre les agents du ministre et ses avocats de façon telle qu'il serait injuste d'empêcher la divulgation de ces communications.

jurisprudence

décisions appliquées:

Hunter v. Rogers, [1982] 2 W.W.R. 189; (1981), 34 B.C.L.R. 206 (C.S.C.-B.); Bank Leu Ag v. Gaming Lottery Corp. (1999), 43 C.P.C. (4th) 73; 100 O.T.C. 106 (C.S.J. Ont.); conf. par (2000), 132 O.A.C. 127 (C. div.); R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565; (1999), 171 D.L.R. (4th) 193; 133 C.C.C. (3d) 257; 24 C.R. (5th) 365; 237 N.R. 86; 119 O.A.C. 201; Rogers v. Bank of Montreal, [1985] 4 W.W.R. 508; (1985), 62 B.C.L.R. 387; 57 C.B.R. (N.S.) 256 (C.A.C.-B.); Alberta Wheat Pool v. Estrin (1986), 75 A.R. 348; [1987] 2 W.W.R. 532; 49 Alta. L.R. (2d) 176; 14 C.P.R. (2d) 242 (B.R.).

décisions citées:

Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425; [1993] 1 C.T.C. 186; (1993), 93 DTC 5080; 149 N.R. 273 (C.A.); Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars Ltd. (2003), 24 C.P.R. (4th) 348 (C.A.F.).

doctrine

Sopinka, John et al. The Law of Evidence in Canada. Toronto: Butterworths, 1992.

Wigmore, John Henry. Evidence in Trials at Common Law, McNaughton Revision, vol. 8. Boston: Little, Brown & Co., 1961.

APPEL de l'ordonnance d'un protonotaire exigeant la divulgation du contenu de certaines communications entre client et avocat dans la mesure où les défendeurs avaient l'intention d'alléguer lors de l'instruction que l'obtention d'avis juridiques expliquait le retard à délivrer un avis de conformité relativement à un médicament générique. Appel rejeté.

ont comparu:

Nando De Luca pour la demanderesse.

Alex Gay pour les défendeurs.

avocats inscrits au dossier:

Goodmans LLP, Toronto, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour les défendeurs.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

[1]Le juge Lemieux: Il s'agit de déterminer en l'espèce si Apotex Inc. (Apotex) a, en vertu du principe de la renonciation tacite au privilège des communications entre client et avocat, le droit d'obtenir la divulgation du contenu des communications échangées entre les agents et les conseillers juridiques de Santé Canada lorsque le ministre de la Santé (le ministre), en défense à une action intentée par Apotex, explique son retard à délivrer un avis de conformité uniquement par l'obtention d'un avis juridique et non par le contenu de l'avis que ses conseillers juridiques ont fait parvenir à ses agents.

[2]Les défendeurs dans le présent litige, le ministre et le procureur général du Canada, interjettent appel de l'ordonnance par laquelle le protonotaire Lafrenière a, en date du 17 juin 2003, exigé la divulgation du contenu des communications ayant été échangés entre Santé Canada et ses conseillers juridiques, et à l'égard desquelles le privilège des communications entre client et avocat est invoqué, dans la mesure où les défendeurs ont l'intention d'alléguer lors de l'instruction que l'obtention de ces documents explique, en partie, le retard à délivrer l'avis de conformité à Apotex pour le médicament en comprimés Apo-Oflox (le médicament). Le protonotaire a demandé aux défendeurs de faire un choix. Voici les faits sur lesquels le protonotaire a fondé son ordonnance.

[3]Le 18 juin 2000, Apotex a intenté une action contre les défendeurs pour négligence, violation d'une obligation légale et discrimination parce que le ministre a délivré un avis de conformité à Apotex pour son médicament huit mois après que le détenteur du brevet et Apotex soient parvenus à une entente, entérinée par l'ordonnance du juge Nadon en date du 29 avril 1997, et après qu'Apotex ait affirmé qu'elle avait, en date du 11 juin 1997, satisfait à toutes les exigences du ministre concernant l'innocuité et l'efficacité du médicament faisant l'objet de la présentation de drogue nouvelle (PDN).

[4]Au paragraphe 34 de sa déclaration, Apotex décrit la conduite illégale du ministre en ces termes:

[traduction]

34. En raison des gestes susmentionnés posés par le ministre, Apotex soutient que, en refusant de délivrer un avis de conformité pour les comprimés d'Apo-Oflox pendant environ huit mois sans motif légitime compte tenu des faits énumérés ci-dessus, le ministre:

a)     a manqué à l'obligation que lui impose le Règlement sur les aliments et les drogues (RAD);

b)     a abusé du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le RAD en refusant d'exercer ce pouvoir entre le 11 juin 1997 et le 3 février 1998;

c)     a agi de façon discriminatoire envers Apotex en ce qui concerne l'approbation de la présentation de médicaments génériques fondés sur un procédé non contrefait;

d)     a réagi à la présentation d'Apotex de façon irrationnelle et arbitraire;

e)     a fait preuve de mauvaise foi en refusant à plusieurs reprises de reconnaître et de corriger son erreur en ce qui concerne la présentation relative à l'Apo-Oflox et en négligeant d'agir avec une franchise complète dans ses rapports avec Apotex.

[5]Dans leur défense en date du 28 juillet 2000, les défendeurs ont affirmé qu'ils n'étaient tenus à aucune obligation de diligence et, subsidiairement, que s'ils avaient une telle obligation, le ministre a agi de façon raisonnable.

[6]Les défendeurs ont axé leur défense sur ce qu'ils affirment être la modification par Apotex, après la délivrance de l'ordonnance du juge Nadon, de l'utilisation d'un solvant servant à isoler et purifier l'ofloxacine. Apotex allègue que la modification qu'elle a apportée au niveau des solvants n'a rien à voir avec le procédé de synthèse propre à l'ofloxacine qu'elle avait divulgué antérieurement.

[7]L'alinéa 8c) de la défense est rédigé comme suit:

[traduction]

8. [. . .]

c)     Le ministre a raisonnablement estimé, en se fondant sur la preuve dont il disposait et compte tenu de l'ambiguïté juridique et scientifique importante dans ce dossier, que la modification apportée par Apotex était une modification du procédé divulgué dans la procédure d'interdiction au sens de l'ordonnance du juge Nadon. Le ministre a agi avec diligence et n'a pas été négligent en interprétant ainsi les termes de l'ordonnance. [Non souligné dans l'original.]

[8]Voici un extrait du paragraphe 10 de la défense:

[traduction] [. . .] il admet que le ministre a délivré un avis de conformité à Apotex le 3 février 1998 après un examen minutieux des allégations de la demanderesse et après avoir passé en revue la preuve scientifique et documentaire.

[9]Dans le but de répondre plus amplement au paragraphe 35 et à la déclaration dans son ensemble, le ministre a ajouté:

[traduction]

12.     a) [. . .]

b) À titre subsidiaire, il affirme que si le défendeur avait une obligation de diligence envers la demanderesse, ce qui n'est pas admis, il n'a pas violé cette obligation. Même si le défendeur avait bel et bien une telle obligation envers la demanderesse, ce qui est nié, il affirme que le ministre a, en tout temps, agi de façon raisonnable et n'a pas été négligent. [Non souligné dans l'original.]

[10]Le 29 mai 2002, l'avocat d'Apotex a procédé à l'interrogatoire préalable de Mme Sheila Hills, la représentante du ministre, dans le but d'explorer les paramètres de la défense. Il y a été confirmé que, dans le cadre de la défense portant sur le caractère raisonnable de sa décision, le ministre s'appuyait sur les délibérations entre le personnel de la Direction générale de la protection de la santé (DGPS) et ses conseillers juridiques pour expliquer le retard dans la délivrance de l'avis de conformité, à savoir sur le contenu des avis juridiques. Les défendeurs allèguent à la fois le privilège des communications entre client et avocat et le privilège relatif au litige pour s'opposer à la production de certains documents.

[11]Toutefois, dans sa lettre datée du 19 novembre 2002, l'avocate des défendeurs a dit ceci à l'avocat d'Apotex:

[traduction] Cependant, en dernier lieu, les autres documents énumérés à l'annexe II sont protégés par le privilège des communications entre client et avocat et, pour cette raison, nous ne les produirons pas. Nous ne sommes pas d'accord avec votre argument selon lequel nous avons implicitement renoncé au privilège concernant ces documents. Dans notre défense, nous n'avons invoqué aucune communication privilégiée pour repousser la demande de votre client et nous désirons modifier la réponse donnée à la question 394 de l'interrogatoire préalable [. . .] Nous n'appuierons pas notre défense sur la teneur des délibérations et consultations qui ont eu lieu entre Santé Canada et ses conseillers juridiques. [Non souligné dans l'original.]

[12]L'interrogatoire préalable de Mme Sheila Hills s'est poursuivi le 27 février 2003. On retrouve l'échange suivant aux pages 156 et 157 de la transcription de l'interrogatoire pour cette journée.

[traduction]

MME CROWLEY: [pour les défendeurs] Nous estimons que le fait que Santé Canada ait demandé un avis juridique ne constitue pas une renonciation au privilège. Si notre défense avait été fondée sur la teneur de cet avis, je comprendrais votre argument. Mais nous avons simplement demandé un avis juridique, le fait que nous ayons demandé des conseils juridiques ne constitue pas une renonciation au privilège.

    [. . .] OBJECTION

M. DE LUCA: [pour Apotex] Nous pouvons ne pas être d'accord sur ce point. Je veux seulement que ce soit clair. Vous allez alléguer que le retard dans la délivrance de l'avis de conformité de juin 1997 à février 1998 est dû au temps qu'a nécessité la consultation des avocats ou l'obtention de leur opinion juridique.

Mme CROWLEY: Oui.

M. DE LUCA: D'accord. Je maintiens ma demande et vous avez refusé d'y accéder. [Non souligné dans l'original.]

[13]L'interrogatoire au préalable s'est poursuivi et l'avocat des défendeurs a fait valoir les objections spécifiques suivantes concernant le privilège des communications entre client et avocat. Les pages indiquées renvoient à la transcription de l'interrogatoire préalable du 27 février 2003:

1) À la page 159, le contenu de la discussion entre Mme Sheila Hills et son conseiller juridique, M. Stuart Archibald, conversation mentionnée dans une note de service qu'elle a envoyée à l'une de ses collègues le 13 juillet 1997.

2) À la page 225, la production de la ou des note(s) de service envoyée(s) par M. J. Sanderson Graham à M. Stuart Archibald en date du 7, 8 décembre 1997.

3) Aux pages 226 et 227, la note de service du 12 décembre 1997 envoyée par Mme Sheila Hills à Mme Mary Carman.

4) À la page 227, la note de service du 5 janvier 1998 envoyée par M. Graham à Mme Sheila Hills.

[14]M. Graham est également conseiller juridique pour le ministère de la Justice.

La décision du protonotaire

[15]Voici l'essentiel des motifs rendus par le protonotaire Lafrenière à l'appui de son ordonnance du 17 juin 2003:

[traduction] Au cours des interrogatoires préalables, les défendeurs se sont engagés à ne pas invoquer en défense à la présente action le contenu des délibérations et consultations tenues avec leurs conseillers juridiques entre le mois de juin 1997 et le mois de février 1998 (la période pertinente). Toutefois, les défendeurs ont récemment indiqué qu'ils entendaient appuyer leur défense sur le fait qu'ils avaient consulté leurs conseillers juridiques, délibéré avec eux et reçu leur avis au cours de la période pertinente.

Bien que le privilège des communications entre client et avocat soit fondamental dans le système de justice du Canada et qu'il doive être protégé avec un soin jaloux, il ne constitue pas un droit absolu. Il peut y avoir renonciation expresse ou tacite à ce privilège lorsque l'une des parties invoque des communications avec un avocat en demande ou en défense --et, dans ce dernier cas particulièrement, si de telles communications sont alléguées à l'appui d'une défense de diligence raisonnable ou de bonne foi (voir Alberta Wheat Pool v. Estrin, [1987] 2 W.W.R. 532, [. . .] conf. (1987), C.P.C. (2d) (C.A. Alb.), et R. c. Shirose (1999), 171 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.)). C'est précisément le cas en l'espèce.

Les défendeurs s'appuient sur le fait qu'ils ont obtenu un avis juridique pour fonder, du moins en partie, leur défense selon laquelle le retard à délivrer l'avis de conformité entre le 11 juin 1997 et le 3 février 1998 était raisonnable. Toutefois, ils ont refusé de répondre aux questions et de produire les documents concernant l'avis demandé. Les défendeurs ne peuvent gagner sur les deux tableaux. Soit ils appuient leur position sur leurs délibérations et consultations avec leurs conseillers juridiques (sous quelque aspect que ce soit), soit ils ne le font pas. S'ils choisissent de le faire, la demanderesse a le droit d'obtenir la communication préalable de documents et de procéder à des interrogatoires pour déterminer si les défendeurs ont agi de façon raisonnable. [Non souligné dans l'original.]

[16]Voici un extrait de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière:

[traduction]

1. Les défendeurs auront l'occasion de modifier leur position et d'en aviser la demanderesse dans un délai de 30 jours suivant le prononcé de la présente ordonnance, ou tout autre délai pouvant être accordé par la Cour, du fait qu'ils n'appuieront pas leur défense en l'espèce sur quelque aspect que ce soit des délibérations et consultations avec leurs conseillers juridiques, ou des avis juridiques reçus, entre le mois de juin 1997 et le mois de février 1998. Le cas échéant, cet avis sera remis à la demanderesse sous forme d'engagement.

2. À défaut d'un tel engagement, les défendeurs devront répondre, notamment pour la production de documents, aux questions suivantes soulevées au cours de l'interrogatoire préalable de Mme Sheila Hills, pour les défendeurs, le 27 février 2003.

[17]L'ordonnance du protonotaire énumère ensuite les objections présentées aux pages 156, 159, 225, et 227 (en deux occasions) mentionnées précédemment.

La position du ministre

[18]L'avocat du ministre soutient que le protonotaire a appliqué un principe de droit erroné en ordonnant aux défendeurs de divulguer le contenu de leurs communications privilégiées avec leurs conseillers juridiques dans la mesure où ils avaient l'intention d'alléguer que cette demande de conseils juridiques expliquait le retard à délivrer l'avis de conformité. À son avis, l'erreur du protonotaire est d'être arrivé à la conclusion que le fait de justifier le retard par l'obtention de conseils juridiques équivalait à une renonciation tacite au privilège lié au contenu des communications confidentielles et que l'équité exigeait la divulgation de ce contenu. Les défendeurs allèguent que le protonotaire a ainsi appliqué un principe de droit erroné.

[19]L'avocat du ministre soutient que les défendeurs ne fondent pas leur défense sur la teneur des conseils juridiques reçus, mais affirment simplement qu'il y a eu demande de conseils juridiques, que ces consultations ont nécessité un certain temps et que cela explique en partie le retard dans la délivrance de l'avis de conformité. Dans ces circonstances, il affirme que la simple allégation de ces consultations juridiques ne peut être considérée comme une renonciation au privilège des communications entre client et avocat.

ANALYSE

[20]Les parties s'entendent quant à la norme de contrôle judiciaire applicable. Elles conviennent que, pour que l'appel soit accueilli, je dois estimer que la décision du protonotaire était «manifestement erroné[e], en ce sens que l'exercice du pouvoir discrétionnaire [. . .] a été fondé sur un mauvais principe» (voir Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), à la page 454).

[21]Comme l'ordonnance du protonotaire a été rendue dans le cadre de la gestion de l'instance, Apotex pousse son raisonnement plus loin. Elle fait valoir qu'une telle ordonnance ne devrait être modifiée que dans «les cas où un pouvoir discrétionnaire judiciaire a manifestement été mal exercé», tel que l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Remo Imports Ltd. c. Jaguar Cars Ltd. (2003), 24 C.P.R. (4th) 348 (C.A.F.).

[22]Les parties ont également reconnu qu'aucun privilège, même le privilège des communications entre client et avocat, n'est absolu et qu'un privilège peut être abandonné expressément ou implicitement.

[23]En l'espèce, Apotex et le ministre sont en désaccord sur la façon dont le protonotaire a appliqué le principe de la renonciation tacite aux faits du présent litige.

[24]Dans la décision Hunter v. Rogers, [1982] 2 W.W.R. 189 (C.S.C-B.), le juge Meredith a cité avec approbation l'extrait suivant de Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, (McNaughton Rev.), volume 8, 1961, reproduit dans Sopinka et al., The Law of Evidence in Canada, à la page 666, sur ce qui peut constituer une renonciation tacite au privilège:

[traduction] Quant à savoir ce qui constitue une renonciation tacite, Wigmore a indiqué:

La jurisprudence ne répond pas clairement à cette question. En tranchant la question, le juge doit porter attention aux deux éléments qui constituent toute renonciation, à savoir qu'il faut non seulement tenir compte de l'intention implicite, mais également des notions d'équité et de cohérence. Dans la mesure où l'on tient compte uniquement de l'intention de renoncer, il est rare qu'une personne bénéficiant d'un privilège y renonce. Il faut aussi faire un examen objectif du comportement de la personne. L'équité suppose que, à un moment donné, l'importance des éléments divulgués est telle que la protection cesse, que la personne l'ait voulu ou non. On ne peut permettre à une personne de divulguer autant de renseignements qu'elle le souhaite, puis de taire le reste. Il est possible de choisir de taire ou de divulguer des renseignements, mais à un certain moment, le choix doit être sans appel.

[25]Dans la décision Bank Leu Ag v. Gaming Lottery Corp. (1999), 43 C.P.C. (4th) 73 (C.S.J. Ont.), le juge Ground a, au paragraphe 5, expliqué le principe de la renonciation tacite au privilège en ces termes:

[traduction]

Il est possible de renoncer à un privilège de façon expresse ou tacite. En l'espèce, il n'est pas contesté que la GLC n'a pas renoncé expressément à son privilège. Pour déterminer si elle doit présumer qu'il y a eu renonciation au privilège, la cour doit soupeser d'une part l'intérêt d'une divulgation complète dans le cadre d'un procès équitable et d'autre part le maintien du privilège des communications entre client et avocat. L'équité envers les parties à un procès est maintenant un principe directeur en droit canadien. Il y aura renonciation présumée au privilège lorsque l'équité et la cohérence l'exigent ou lorsqu'une communication entre client et avocat est légitimement invoquée lors d'un litige. Lorsqu'une partie met en cause son état d'esprit et qu'elle a reçu des conseils juridiques pour l'aider à en arriver à cet état d'esprit, il y aura renonciation présumée au privilège liée à ces conseils juridiques. [Non souligné dans l'original.]

[26]La décision du juge Ground a été confirmée par la Cour divisionnaire de l'Ontario, décision publiée à (2000), 132 O.A.C. 127.

[27]Dans l'arrêt R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565, la Cour suprême du Canada s'est penchée sur le concept de la renonciation dans le contexte d'une demande d'arrêt des procédures à laquelle le ministère public s'opposait.

[28]Le juge Binnie s'est exprimé en ces termes au paragraphe 2 des motifs du jugement qu'il a rendu au nom de la Cour:

Dans le cadre de leur demande, les appelants ont tenté en vain d'obtenir l'avis juridique que le ministère de la Justice avait fourni à la police et sur lequel cette dernière a affirmé s'être fondée de bonne foi. Le ministère public a indiqué que cet avis non divulgué confirmait à la police, à tort ou à raison, que la vente de résine de cannabis par des agents d'infiltration était légale. Les appelants prétendent que la véracité de cette affirmation peut être vérifiée uniquement par l'examen des communications qui, dans d'autres circonstances, seraient privilégiées.

[29]Le juge Binnie a conclu que la bonne foi de la police était fondée en partie sur un avis reçu du ministère de la Justice (le Ministère) et que l'impression que la GRC a tenté de transmettre était clairement que la GRC avait accepté l'avis du Ministère et avait agi conformément à celui-ci. La GRC a mis en cause l'avis juridique reçu et la Cour est arrivée à la conclusion que les appelants avaient droit à ce que la teneur de cet avis soit corroborée puisque la GRC avait renoncé au privilège du secret professionnel.

[30]Au paragraphe 47 de ses motifs, le juge Binnie a affirmé que la GRC avait renoncé au droit d'abriter derrière le secret professionnel de l'avocat le contenu de l'avis ainsi dévoilé et invoqué.

[31]La Cour a ensuite examiné l'affaire Rogers v. Bank of Montreal, [1985] 4 W.W.R. 508, de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans laquelle la banque avait prétendu s'être fiée à l'avis du séquestre avant de mettre les biens de son client sous séquestre. Le séquestre a cependant contesté la prétention de la banque que l'avis qu'il avait donné avait causé un préjudice, et il a cherché à savoir quel autre conseil professionnel la banque avait reçu à l'époque. En particulier, le séquestre voulait connaître la nature de l'avis juridique que la banque avait reçu de ses propres avocats. La banque a invoqué le secret professionnel de l'avocat sur la correspondance échangée à cet effet. La Cour a refusé d'accorder le privilège à la Banque de Montréal.

[32]La Cour [au paragraph 69] a cité en l'approuvant l'extrait suivant des motifs du juge Hutcheon dans la décision Rogers, précitée, à la page 513:

[traduction] La question en litige n'est pas la connaissance de la banque. La question est de savoir si l'avis fourni par le séquestre en matière juridique a incité la banque à prendre certaines mesures [. . .] Le fait que la banque ait été informée ou non du contenu de cette décision, et non seulement de son issue, est important pour déterminer si la banque s'est fiée à l'avis du séquestre. [Non souligné dans l'original.]

[33]Le juge Binnie a indiqué ce qui suit relativement à l'affaire Rogers, précitée [au paragraphe 69]:

Il appert que, dans Rogers, la cour a conclu qu'il y avait eu renonciation au privilège protégeant la correspondance entre la banque et ses avocats parce que ce privilège était nécessairement incompatible avec sa prétention qu'elle s'était fiée à l'avis [du séquestre], même si la banque n'avait pas mentionné, et encore moins invoqué, l'existence d'un avis fourni par ses propres avocats.

[34]Il a ensuite conclu aux paragraphes 70 et 71 des motifs de son jugement:

La présente affaire justifie davantage l'existence de la renonciation au privilège que l'affaire Rogers. Le ministère public a fait entendre le capl. Reynolds au sujet de sa connaissance du droit en matière d'opérations de vente surveillée et il a témoigné qu'il avait lu la décision Lore, précitée, de la Cour supérieure, et pensait que l'opération en question était légale. Mais, en réponse aux questions de l'avocat d'un des appelants, le capl. Reynolds a aussi témoigné qu'il avait sollicité l'opinion de M. Leising du ministère de la Justice pour s'assurer qu'il ne faisait pas erreur. L'avocat d'un des appelants a reconnu que ce simple fait ne suffisait pas pour qu'il y ait renonciation au privilège. Le capl. Reynolds ne faisait que répondre aux questions formulées par les appelants, comme il était tenu de le faire. L'avocat d'un des appelants a admis qu'à cette étape, il n'avait pas droit à la divulgation des communications. Il s'est borné à dire au juge que: «Je ne veux certainement pas entendre l'argument que: «Et bien, les policiers ont agi de bonne foi parce qu'ils se sont fondés sur un avis juridique» ». Le problème est que la cour a effectivement entendu cet argument de la part du ministère public par la suite. La GRC et ses conseillers juridiques ont été très clairs dans le mémoire déposé en Cour d'appel, où ils prétendent qu' «il faut tenir compte des points suivants [. . .] f) la G.R.C. [. . .] a consulté le ministère de la Justice concernant tout risque d'illégalité» (je souligne). Apparemment le même argument a été soulevé devant le juge du procès. Comme le montre l'affaire Rogers, précitée, il n'est pas toujours nécessaire que le client divulgue effectivement une part du contenu de l'avis juridique pour qu'il y ait renonciation au privilège protégeant les communications pertinentes dont l'avis fait partie. En l'espèce, il était suffisant que la GRC appuie son argument de la bonne foi sur l'avis non divulgué de l'avocat alors que l'existence ou la non-existence de la bonne foi invoquée dépendait du contenu de cet avis. L'impression que la GRC a tenté de transmettre à la cour était clairement que l'avis fourni par M. Leising lui avait assuré que l'opération proposée de vente surveillée était légale.

Il n'était pas nécessaire que le capl. Reynolds affirme qu'il croyait légale l'opération de vente surveillée (comme la banque faisant valoir sa croyance dans l'exactitude de l'avis reçu du séquestre dans Rogers, précité). Il n'était pas non plus nécessaire que la GRC invoque l'existence de l'avis juridique de M. Leising comme argument contre l'imposition de l'arrêt des procédures (ce qui allait au-delà de ce qui a été fait dans Rogers). La GRC et le ministère public ayant toutefois agi de la sorte, je ne pense pas qu'il serait équitable d'empêcher la divulgation de l'avis en cause. [Non souligné dans l'original.]

[35]Le protonotaire Lafrenière s'est également fondé sur Alberta Wheat Pool v. Estrin (1986), 75 A.R. 348 une décision du juge Chrumka de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta.

[36]Estrin agissait à titre d'avocat dans le cadre d'une transaction immobilière et a été poursuivi pour assertion inexacte et négligente, soit pour avoir fourni avec l'offre d'achat une lettre dans laquelle il affirmait détenir une traite bancaire en fiducie alors qu'il ne détenait en fait qu'un chèque non certifié postdaté à la date de clôture.

[37]Lors de l'interrogatoire préalable, il a affirmé avoir consulté deux avocats de deux cabinets différents et avoir discuté avec eux avant de rédiger la lettre en question ou une lettre similaire. L'avocat de la demanderesse lui a ensuite posé une série de questions portant sur le moment où ces conversations ont eu lieu, la raison et le contenu de ces discussions. Estrin a refusé de répondre à ces questions au motif qu'il s'agissait d'avis juridiques et qu'à ce titre ces discussions entre client et avocat constituaient des communications privilégiées.

[38]Pour sa défense, Estrin a allégué subsidiairement que si ses assertions étaient fausses, elle n'avaient pas été faites par négligence ou fraude.

[39]Alberta Wheat Pool a allégué qu'Estrin avait mis en cause son intention, son niveau de connaissance ainsi que les renseignements dont il disposait au moment de rédiger la lettre. La demanderesse a également soutenu que, comme la question de la dénégation de conduite frauduleuse et négligente ne pouvait être tranchée en l'absence de preuve concernant l'obtention par Estrin d'avis juridiques avant la rédaction de cette lettre, elle devait obtenir le droit de procéder à l'examen de cette question. Le juge Chrumka en a convenu. Il a affirmé ceci aux pages 542 et 543:

[traduction] Les allégations du défendeur Estrin selon lesquelles, avant de préparer la lettre du 18 janvier 1982, il a consulté deux avocats pour obtenir des avis juridiques soulève la question de savoir s'il a été incité à rédiger cette lettre en se fondant sur les conseils des deux avocats ou de l'un d'eux. Si l'un des avocats ou les deux l'ont avisé que le chèque postdaté n'était pas une traite bancaire et que cela n'était pas conforme à l'offre et qu'il a tout de même rédigé et envoyé la lettre, cette preuve est pertinente quant à la question de savoir si Estrin a agi par fraude ou négligence ou s'il croyait sincèrement ce qu'il a écrit. Au cours de l'interrogatoire préalable, il a invoqué les communications avec les avocats comme défense partielle. Ce faisant, il a, à mon avis, renoncé au privilège qui aurait autrement protégé ces communications [. . .].

Ainsi, ce que le défendeur Estrin affirme, c'est qu'il n'a pas agi de sa propre initiative, mais qu'il a demandé et obtenu des avis juridiques de deux avocats et qu'il s'est fondé sur ces avis, à tout le moins en partie, au moment de rédiger la lettre. La preuve de sa connaissance du droit et de l'ensemble des renseignements qu'il avait en sa possession au moment de rédiger la lettre est pertinente pour déterminer ce qui l'a incité à agir et à prendre la décision qu'il a prise. Lors de son témoignage, Estrin a volontairement soulevé une défense qui rend pertinentes son intention ainsi que sa connaissance du droit et il a de ce fait renoncé au privilège des communications entre client et avocat.

À mon avis, le présent litige soulève la question de savoir s'il y a renonciation au privilège des communications entre client et avocat dès lors que celles-ci sont mises en cause dans le cadre d'un litige [. . .].

[40]J'estime que la jurisprudence n'appuie pas l'argument avancé par l'avocat du ministre selon lequel il n'y a pas renonciation implicite au secret professionnel lorsqu'une partie n'appuie pas sa position sur le contenu ou la teneur de l'avis juridique reçu.

[41]Les décisions citées nous indiquent que, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a renonciation présumée au privilège des communications entre client et avocat, l'équité envers une partie qui subit un procès constitue le principe directeur applicable.

[42]La façon de soupeser l'équité par rapport aux valeurs sous-tendant le secret professionnel dépendra des circonstances et, en particulier, des plaidoiries présentées en l'espèce.

[43]Le protonotaire Lafrenière a suivi cette approche. Dans ses motifs, il a insisté sur le fait que le ministre s'appuierait sur l'obtention d'un avis juridique pour justifier le retard à délivrer l'avis de conformité à Apotex et aider ainsi à démontrer que ses agissements étaient raisonnables, ce qui constitue l'essence de sa défense.

[44]J'estime que le protonotaire a eu raison de conclure ainsi. En l'espèce, le fait d'appuyer sa défense sur l'obtention d'un avis juridique met forcément en cause les communications entre les agents du ministre et ses conseillers juridiques de façon telle qu'il serait injuste d'empêcher la divulgation de ces communications.

[45]En d'autres termes, en alléguant que la demande et l'obtention des avis expliquaient le retard, le ministre a rendu pertinent le contenu des communications pertinente. Il a, de ce fait, accordé à Apotex le droit de vérifier si ces communications entre les agents du ministre et leurs conseillers juridiques quant à l'incidence du changement de solvant sur l'ordonnance du juge Nadon ont contribué au retard dans la délivrance de l'avis de conformité et, le cas échéant, de quelle façon et dans quelle mesure. Apotex ne peut faire la lumière sur cette question sans obtenir la divulgation des communications entre les agents du ministre et leurs conseillers juridiques.

[46]Pour ces motifs, l'appel de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière en date du 17 décembre 2003 est rejeté avec dépens.

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