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     A-511-02

    2003 CAF 400

Bruno Nadeau (demandeur)

c.

Le ministre du Revenu national (défendeur)

Répertorié: Nadeauc. M.R.N. (C.A.F.)

Cour d'appel fédérale, juge en chef Richard, juges Létourneau et Noël, J.C.A.--Montréal, 1er octobre; Ottawa, 27 octobre 2003.

Impôt sur le revenu -- Calcul du revenu -- Déductions -- Contrôle judiciaire d'une décision de la C.C.I. qui a refusé la déduction de frais judiciaires encourus pour contester une requête en augmentation de pension alimentaire pour enfants -- Jurisprudence contradictoire de la C.C.I. -- Le M.R.N. a rejeté la déduction du fait que les frais n'avaient pas été encourus en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien -- La récipiendaire de la pension aurait été assujettie à un traitement différent en vertu de la politique ministérielle -- La C.A.F. n'a pas considéré le moment où le droit à une pension alimentaire prend naissance -- La C.C.I. a fait fi de la jurisprudence et a décidé que ni le payeur ni le récipiendaire n'ont droit à la déduction -- Le contribuable affirme être victime de discrimination en invoquant l'art. 15 de la Charte -- La controverse devant la C.C.I. est expliquée -- Le droit à une pension alimentaire est un «bien» en vertu de l'art. 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (L.I.R.) -- Le mot «biens» est défini -- La C.C.I. est divisée sur la question de l'interprétation de la Loi -- En interprétant la L.I.R., les tribunaux doivent éviter d'innover -- Une tendance jurisprudentielle de 40 ans sur ce point a un impact sur la politique sociale et les finances publiques -- Le législateur serait intervenu en modifiant la Loi s'il n'avait pas été d'accord -- L'argument relatif à la Charte est rejeté -- Aucune distinction créée par l'art. 18(1)a) et fondée sur une caractéristique personnelle, le sexe, n'a été démontrée -- Demande rejetée.

Interprétation des lois -- Contrôle judiciaire d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt (C.C.I.) qui a refusé, à titre de déduction, des frais judiciaires encourus pour contester une requête en augmentation de pension alimentaire pour enfants -- Controverse devant la C.C.I. sur la question de l'interprétation de la Loi: la volonté du législateur était-elle que le revenu de pension alimentaire soit traité comme revenu tiré d'un bien ou comme revenu provenant d'«autres sources» -- Il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global -- En interprétant la Loi de l'impôt sur le revenu, les tribunaux doivent se rappeler leur rôle et éviter d'innover -- Si le législateur n'avait pas été satisfait de la tendance jurisprudentielle de 40 ans sur ce point, il aurait modifié la Loi puisque cela affecte les questions de finances publiques et de politique sociale.

Droit constitutionnel -- Charte des droits -- Droits à l'égalité -- Contrôle judiciaire d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt (C.C.I.) qui a refusé, à titre de déduction, des frais judiciaires encourus pour contester une requête en augmentation de pension alimentaire pour enfants -- En vertu de la politique ministérielle, l'ex-femme aurait bénéficié d'un traitement différent -- Devant la C.C.I., le contribuable, qui se représentait lui-même, n'a pas donné l'avis de question constitutionnelle aux procureurs généraux -- Le contribuable affirme que la C.C.I. a commis une erreur en concluant qu'il n'était pas victime de discrimination -- Devant la C.A.F., le contribuable a correctement avisé les procureurs généraux -- Même si l'art. 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu produit un traitement différent, ce ne sont pas toutes les distinctions qui sont discriminatoires -- Aucune distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue n'a été démontrée -- Rien dans les actes de procédure, dans la preuve ou dans l'argumentation n'a donné à penser qu'il y avait discrimination fondée sur la caractéristique personnelle qu'est le sexe -- La question ne peut être tranchée en l'absence d'un dossier factuel.

Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire dirigée à l'encontre d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt qui a refusé, à titre de déduction, des frais judiciaires encourus par le contribuable pour contester la requête en augmentation de pension alimentaire de son ex-épouse. Le ministre a refusé la déduction, les frais judiciaires n'ayant pas été encourus pour gagner du revenu provenant d'une entreprise ou d'un bien.

En vertu de la politique ministérielle, les frais judiciaires engagés pour faire respecter un droit déjà existant à une pension alimentaire provisoire ou permanente et pour contester la réduction d'une pension alimentaire sont déductibles. Une récente jurisprudence de la Cour canadienne de l'impôt a étendu ce droit aux frais judiciaires encourus dans le but d'augmenter ou même d'établir un droit à une pension alimentaire. On a fait remarquer que ces décisions sont contraires à celle de la Cour fédérale (Section de première instance) dans La Reine c. Burgess et que la question de savoir si le droit à une pension alimentaire prend naissance au moment du divorce ou avant n'a pas, à ce jour, été considérée par la Cour d'appel fédérale.

Devant le juge de la Cour canadienne de l'impôt, le contribuable visait à obtenir le droit d'être traité de la même façon que le récipiendaire d'une pension alimentaire et tentait d'invoquer la Charte mais, se représentant lui-même, il n'a pas signifié l'avis de question constitutionnelle obligatoire de l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale. Ce juge, faisant fi de la jurisprudence, a décidé que ni le récipiendaire ni le payeur n'ont droit à une déduction fiscale. Il a ajouté que s'il avait cru qu'il y avait discrimination dans la Loi, il aurait accordé un délai au contribuable pour qu'il donne avis de la question constitutionnelle aux procureurs généraux du Canada et des provinces.

Le contribuable a signifié l'avis dans le cadre de sa demande et il a soutenu que le juge de première instance avait commis une erreur en concluant qu'il n'était pas victime de discrimination. La position du ministre était que la question constitutionnelle ne pouvait pas être résolue en l'absence de preuve contextuelle relativement au paragraphe 15(1) de la Charte. Malgré cela, la ministre a demandé à la Cour de statuer sur la jurisprudence contradictoire de la Cour canadienne de l'impôt à ce sujet.

Pendant les 40 dernières années, la jurisprudence a maintenu qu'un droit à une pension alimentaire, lorsque établi par un tribunal, constitue un «bien» au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et que le revenu est un revenu de bien. Bien qu'une dépense encourue pour créer une source de revenu soit de nature capitale et que sa déduction soit prohibée, une dépense pour gagner un revenu de cette source, une fois qu'elle a pris naissance, est considérée comme une dépense «courante» qui peut être qualifiée de déduction fiscale en vertu de l'alinéa 18(1)a). Les tribunaux n'ont jamais reconnu de droit à la déduction des frais judiciaires d'un payeur de pension alimentaire, soit pour empêcher qu'elle soit établie ou augmentée, ou soit pour la diminuer ou y mettre fin. Dans la décision Bergeron c. Canada, le juge Archambault de la C.C.I., le même qui a présidé l'audience en l'espèce, a fait fi de la jurisprudence afin d'éliminer le traitement fiscal inégal des ex-conjoints. Il a expliqué que, même si le droit à une pension alimentaire est un «bien», cela ne signifie pas nécessairement que le revenu qui en découle est un revenu de «bien». Il a souligné que la disposition portant inclusion de la pension alimentaire dans le revenu se trouve au paragraphe 56(1) de la sous-section d intitulé «Autres sources de revenu». Cela étant, comment pourrait-on déduire sous la sous-section b des frais judiciaires engagés pour recouvrer une pension alimentaire? En vertu de la sous-section d, les seules déductions autorisées sont celles prévues à la sous-section e. Il a ajouté que les sources visées à la sous-section b doivent être «productives de revenu», alors qu'une pension alimentaire n'est productive de rien. Bien que l'arrêt Stewart c. Canada, accorde un certain appui à ce raisonnement, il a été rejeté par la plupart des juges de la Cour canadienne de l'impôt. Ils ne sont pas prêts à faire fi d'un tel courant jurisprudentiel si bien établi à moins qu'il soit renversé par une cour supérieure ou que la Loi soit modifiée.

Arrêt: la demande est rejetée mais il n'y a pas d'adjudication de dépens étant donné les décisions contradictoires de la Cour canadienne de l'impôt.

Les juges de la Cour canadienne de l'impôt sont divisés sur une question d'interprétation de la loi: la volonté du législateur était-elle que le revenu de pension alimentaire soit traité comme revenu tiré d'un bien étant ainsi assujetti au calcul prévu à la sous-section b, ou plutôt comme revenu provenant d'autres sources de revenu et ainsi assujetti au régime des sous-sections d et e?

Dans l'arrêt Entreprises Ludco Ltée c. Canada, le juge Iacobucci a écrit que, en interprétant la Loi de l'impôt sur le revenu, il n'est pas souhaitable que les tribunaux innovent.

La Cour ne pouvait souscrire à l'opinion du juge Archambault selon laquelle les sources de revenu sont étanches. Autant il est vrai que la grande partie des «autres sources de revenu» prévues à la sous-section d sont indépendantes des sources expressément reconnues à l'article 3 (emploi, entreprise ou bien), on ne peut affirmer que ces «autres sources» ne peuvent jamais remonter à celles mentionnées à l'article 3 et être assujetties aux mêmes règles. Bien que l'imposition des pensions alimentaires en tant que revenu soit prévue à la sous-section d, le droit à une pension alimentaire est un «bien» selon la Loi. Si le droit à une pension alimentaire est un «bien», il est difficile de dissocier ce «bien» du revenu qui découle de l'exercice de ce droit. Cela explique pourquoi les tribunaux ont permis la déduction de frais en invoquant l'alinéa 18(1)a). Si le traitement de cette question par les tribunaux pendant quatre décennies avait été à l'encontre de la volonté du législateur, on pourrait tenir pour acquis que la législation aurait été modifiée. Puisque cette façon de faire soulève d'importantes questions de politique sociale et qu'elle a un impact sur les finances publiques, elle ne peut être passée inaperçue. Les modifications législatives qui accompagnèrent la décision prise en 1997 de ne plus imposer les pensions alimentaires pour enfants ont révélé l'acceptation par le législateur de la solution adoptée par les tribunaux au fil des ans.

Au sujet de l'argument du contribuable relatif à la Charte, il fallait souligner que, même si l'alinéa 18(1)a) peut produire un traitement différent, ce ne sont pas toutes les distinctions qui sont discriminatoires. Le but d'une analyse du paragraphe 15(1) n'est pas de déterminer l'égalité dans l'abstrait et le demandeur n'avait même pas tenté de démontrer que la disposition contestée était fondée sur un motif énuméré ou analogue--une exigence du paragraphe 15(1) de la Charte. Encore une fois, un tribunal ne peut trancher une question relative à la Charte en l'absence d'un dossier factuel suffisant. Il n'y avait rien dans les actes de procédure ou dans les observations devant la Cour canadienne de l'impôt qui donnait à penser qu'il s'agissait d'une affaire impliquant de la discrimination fondée sur le sexe. Comme l'a statué la Cour suprême dans l'arrêt Symes c. Canada, on ne peut présumer qu'une disposition législative possède un effet de discrimination fondée sur le sexe en l'absence de preuve à l'appui d'une telle prétention.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15(1).

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 3 (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. II, art. 1), 18(1)a), b), c), 248(1) «biens», «revenu exonéré» (mod. par L.C. 1997, ch. 25, art. 71).

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 57 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19).

jurisprudence

décisions appliquées:

Sabour c. Canada (2001), 22 R.F.L. (5th) 438 (C.C.I.); Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082; (2001), 204 D.L.R. (4th) 590; [2002] 1 C.T.C. 95; 2001 DTC 5505; 275 N.R. 90; Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497; (1999), 170 D.L.R. (4th) 1; 43 C.C.E.L. (2d) 49; 236 N.R. 1; Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695; (1993), 110 D.L.R. (4th) 470; 19 C.R.R. (2d) 1; [1994] 1 C.T.C. 40; 94 DTC 6001; 161 N.R. 243.

décision non suivie:

Bergeron c. Canada, [2000] 1 C.T.C. 2001; (1999), 99 DTC 1265; 1 R.F.L. (5th) 6 (C.C.I.).

décision examinée:

Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645; (2002), 212 D.L.R. (4th) 577; [2002] 3 C.T.C. 439; 2002 DTC 6969; 288 N.R. 297; 50 R.P.R. (3d) 157.

décisions citées:

St-Laurent c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2478 (C.C.I.); Donald c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2025 (C.C.I.); Nissim c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2119; [1998] 4 C.T.C. 2496 (C.C.I.); Gallien c. Canada, [2001] 2 C.T.C. 2676; 2000 DTC 2514 (C.C.I.); R. c. Burgess, [1982] 1 C.F. 849; (1981), 125 D.L.R. (3d) 477; [1981] C.T.C. 258; 81 DTC 5192 (1re inst.); Mathieu c. Canada, [2001] A.C.I. no 542 (QL); Lemieux c. Canada, [2003] C.T.C. 2799 (C.C.I.); Casavant c. Canada, [1999] A.C.I. no 938 (QL); Ryan c. Canada, [2000] 2 C.T.C. 2329; (2000), 5 R.F.L. (5th) 140 (C.C.I.); Haley c. Canada, [2000] 3 C.T.C. 2014 (C.C.I.); McColl c. Canada, 2000 DTC 2148; (2000), 6 R.F.L. (5th) 353 (C.C.I.); Lanthier c. Canada, [2003] A.C.I. no 149 (QL); Boos v. Minister of National Revenue (1961), 27 Tax A.B.C. 283; 61 DTC 520 (C.A.I.); Bayer c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2304; (1991), 91 DTC 1035; 33 R.F.L. (3d) 279 (C.C.I.); Evans v. Minister of National Revenue, [1960] R.C.S. 391; (1960), 22 D.L.R. (2d) 609; [1960] C.T.C. 69; 60 DTC 1047; Sembinelli c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 378; (1994), 94 DTC 6636 (C.A.F.); MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357; [1989] 6 W.W.R. 351; (1989), 61 Man. R. (2d) 270; Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241; (1997), 31 O.R. (3d) 574; 142 D.L.R. (4th) 385; 207 N.R. 171.

doctrine

    Agence des douanes et du revenu du Canada. Bulletin d'interprétation IT-99R5 (Consolidé), «Frais juridiques et comptables» (5 décembre 2000).

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt (Nadeau c. Canada, [2002] A.C.I. no 601 (QL)) qui a refusé la déduction fiscale des frais judiciaires encourus par le contribuable pour contester une requête en augmentation de pension alimentaire pour enfants. Demande rejetée.

ont comparu:

Bruno Nadeau pour son propre compte.

Chantal Jacquier pour le défendeur.

avocat inscrit au dossier:

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Voici les motifs du jugement rendus en français par

[1]Le juge Noël, J.C.A.: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire dirigée à l'encontre d'une décision du juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt ([2002] A.C.I. no 601 (QL)) refusant au demandeur la déduction de frais judiciaires encourus pour contester une requête en augmentation de pension alimentaire présentée par son ex-épouse.

[2]En rendant cette décision, le juge Archambault s'est fondé sur sa décision antérieure dans Bergeron c. Canada, [2000] 1 C.T.C. 2001 (C.C.I.), laquelle est à la source d'une importante controverse qui perdure à la Cour canadienne de l'impôt quant au traitement fiscal des dépenses qui ont trait aux pensions alimentaires.

Les faits et le contexte procédural

[3]Les faits qui sous-tendent la présente affaire sont fort simples. Le demandeur a obtenu un divorce en juillet 1996 suite à un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec. Le jugement lui ordonnait de verser une pension alimentaire à son ex-épouse pour le bénéfice des enfants du couple.

[4]Quelque temps plus tard, son ex-épouse a entamé des procédures judiciaires afin de faire augmenter la pension et l'étendre à elle-même. Le demandeur a contesté cette procédure devant la Cour supérieur et a eu gain de cause. Il a par la suite demandé la défiscalisation de la pension alimentaire avec comme résultat qu'elle fut réduite de moitié par la Cour d'appel. En 1999, le montant des frais judiciaires s'élevait à 4 284 $ et c'est la déduction de cette somme qui fait l'objet du présent litige.

[5]Le ministre du Revenu national (le ministre ou le défendeur) a refusé au demandeur la déduction de cette dépense au motif qu'elle n'avait pas été encourue pour gagner du revenu provenant d'une entreprise ou d'un bien (confirmation de la cotisation, Dossier du demandeur, page 8).

[6]Par contre, l'ex-épouse du demandeur, en tant que récipiendaire de la pension alimentaire, aurait été assujettie à un traitement différent si l'on se fie à la politique ministérielle énoncée au Bulletin d'interprétation IT-99R5, telle que modifié [5 décembre 2000]:

¶ 18. Les frais juridiques engagés pour faire respecter un droit déjà existant à une pension alimentaire provisoire ou permanente sont déductibles. Un droit déjà existant à une pension alimentaire peut résulter d'un accord écrit, d'une ordonnance d'un tribunal [. . .] la mise en application d'un droit de ce type n'établit pas un nouveau droit (voir la décision rendue dans l'affaire La Reine c. Burgess, [1981] CTC 258, 81 DTC 5192 (CFSPI)). En outre, les frais juridiques engagés pour contester la réduction d'une pension alimentaire sont déductibles, étant donné qu'ils ne créent pas de nouveaux droits à un revenu (voir la décision rendue dans l'affaire Le Procureur général du Canada c. Norma McCready Sembinelli, [1994] 2 CTC 378, 94 DTC 6636 (CAF).

[7]Comme le fait remarquer le juge Archambault dans Bergeron (paragraphes 17 et 18), une récente jurisprudence de la Cour canadienne de l'impôt, qui a été acceptée par le ministre (voir les Nouvelles Techniques, no 24, 10 octobre 2002), a étendu ce droit aux frais judiciaires encourus dans le but d'augmenter une pension alimentaire ou même pour en établir la reconnaissance puisqu'il s'agirait d'un droit déjà existant (St-Laurent c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2478 (C.C.I.); Donald c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2025 (C.C.I.); Nissim c. Canada, [1999] 1 C.T.C. 2119; [1998] 4 C.T.C. 2496 (C.C.I.); Gallien c. Canada, [2001] 2 C.T.C. 2676 (C.C.I.). (J'accepte les conclusions de ces décisions aux fins de disposer de la présente demande sans pour autant me prononcer sur leur bien-fondé. Je crois utile de rappeler que cette jurisprudence est contraire à la décision de la Cour fédérale (Première instance) dans R. c. Burgess, [1982] 1 C.F. 849, et que la question de savoir si le droit à une pension alimentaire prend naissance lors du jugement prononçant le divorce ou avant n'a pas à ce jour, été considérée par la Cour d'appel.)

[8]Le demandeur a réclamé dans le cadre de son appel devant le juge Archambault le droit d'être traité de la même façon que le récipiendaire d'une pension alimentaire, soit de pouvoir déduire les frais judiciaires encourus. Ce faisant le demandeur, qui se représente lui-même, tentait d'invoquer la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] sans toutefois avoir signifié l'avis de question constitutionnelle requis par l'article 57 [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 19] de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7].

[9]S'éloignant de la jurisprudence, le juge Archambault en est venu à la conclusion que ni le payeur, ni le récipiendaire d'une pension alimentaire ne peut déduire les dépenses qui y sont afférentes. Avant de rejeter l'appel du demandeur au motif que le traitement dont il se plaignait était le même pour tous, il a tenu à préciser que (paragraphe 6):

Si j'avais cru possible qu'il y ait discrimination dans les dispositions de la Loi, j'aurais accordé un délai à monsieur Nadeau pour lui permettre de donner avis aux procureurs généraux du Canada et des provinces.

Position des parties

[10]À l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur prétend que le juge Archambault a eu tort de conclure qu'il n'était pas victime de discrimination. L'avis de question constitutionnelle qu'il a signifié et déposé pour la première fois devant nous mentionne l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1] (la Loi).

[11]Le sens de la question constitutionnelle que le demandeur tente de soulever n'est pas facile à cerner. Mais en lisant entre les lignes, la position du demandeur semble indiquer que dans la mesure où l'alinéa 18(1)a) a pour effet d'empêcher le payeur d'une pension alimentaire de déduire les frais judiciaires encourus tout en permettant au récipiendaire de déduire les siens, il est discriminatoire et contraire à la Charte.

[12]Le défendeur, pour sa part, prétend que la question constitutionnelle soulevée par le demandeur ne peut être résolue puisqu'aucune preuve contextuelle portant sur le paragraphe 15(1) de la Charte n'a été déposée. Par ailleurs, le défendeur nous rappelle que même s'il y a contradiction entre l'approche du ministre fondée sur la jurisprudence antérieure et celle du juge Archambault, la demande de contrôle judiciaire est vouée à l'échec sans égard à la solution retenue.

[13]Le défendeur nous demande tout de même de trancher cette question afin de mettre fin à la controverse qui existe à la Cour canadienne de l'impôt depuis la décision Bergeron. À cet égard, le défendeur a cité les décisions des juges Tardif dans Mathieu c. Canada, [2001] A.C.I. no 542 (QL); Lemieux c. Canada, [2003] C.T.C. 2799 (C.C.I.) et Dussault dans Casavant c. Canada, [1999] A.C.I. no 938 (QL) qui ont suivi le raisonnement de Bergeron et les décisions des juges Morgan, Rowe, Hamlyn, Bowie et Lamarre dans Ryan c. Canada, [2000] 2 C.T.C. 232; Haley c. Canada, [2000] 3 C.T.C. 2014; McColl c. Canada, 2000 DTC 2148; Sabour c. Canada (2001), 22 R.F.L. (5th) 438, et Lanthier c. Canada, [2003] A.C.I. no 149 (QL) respectivement, qui ont refusé de le faire.

Controverse devant la Cour canadienne de l'impôt

[14]Une jurisprudence constante reconnaît depuis plus de 40 ans que le droit à une pension alimentaire lorsqu'établi par un tribunal est un «bien» au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et que le revenu issu d'une telle pension constitue entre les mains de la personne qui la reçoit un revenu de bien (voir en particulier les affaires Boos v. Minister of National Revenue (1961), 27 Tax A.B.C. 283; R. c. Burgess, supra; Bayer c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2304 (C.C.I.); Evans v. Minister of National Revenue, [1960] R.C.S. 391 et Sembinelli c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 378 (C.A.F.)).

[15]La définition de «biens» au paragraphe 248(1) se lit comme suit:

248. (1) [. . .]

«biens» Biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède:

    a) les droits de quelque nature qu'ils soient, les actions ou parts;

    b) à moins d'une intention contraire évidente, l'argent;

    c) les avoirs forestiers;

    d) les travaux en cours d'une entreprise qui est une profession libérale. [Je souligne.]

[16]Ainsi, il est de jurisprudence constante que le revenu provenant d'une pension alimentaire est calculé en fonction du régime applicable au revenu tiré d'un bien (ou d'une entreprise) que l'on retrouve à la sous-section b de la Loi. Selon ce régime, une dépense encourue pour constituer une source de revenu est de nature capitale et sa déduction est prohibée (voir l'alinéa 18(1)b)). Par contre, une dépense encourue pour gagner un revenu issu de cette source (soit après qu'elle ait pris naissance), est dite «courante» et elle tombe sous l'exception prévue à l'alinéa 18(1)a):

18. (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles:

    a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien; [Je souligne.]

[17]Ce régime, tel qu'il fut appliqué par les tribunaux au cours des années fait en sorte que dans la perspective du récipiendaire, une dépense qui a comme but de donner naissance au droit à une pension alimentaire est de nature capitale et ne peut donc être déduite. Par contre, une dépense encourue pour recouvrer un montant dû en vertu d'un droit déjà existant est de nature «courante» et peut donc être déduite.

[18]Inversement, les dépenses encourues par le payeur d'une pension alimentaire (soit pour empêcher qu'elle soit établie ou augmentée, ou soit pour la diminuer ou y mettre fin), ne peuvent être considérées comme ayant été encourues pour gagner un revenu et les tribunaux n'ont jamais reconnu de droit à la déduction de ces dépenses (voir, par exemple, Bayer, supra).

[19]Dans Bergeron, le juge Archambault, dans le but évident d'atténuer le traitement inégal des ex-conjoints qui découle de cette approche (Bergeron, paragraphe 19), a refusé de suivre la jurisprudence antérieure. Selon lui, personne ne peut déduire les dépenses afférentes à une pension alimentaire puisque le régime applicable est celui prévu aux sous-sections d et e de la Loi (à l'exclusion de la sous-section b) et aucun droit à la déduction n'y est prévu. Le juge Archambault reconnaît que le droit à une pension alimentaire est un «bien», mais affirme-t-il, cela ne signifie pas nécessairement que le revenu qui en découle est un revenu de «bien» (Bergeron, paragraphe 33).

[20]La structure de la Loi suggère selon lui, l'interprétation contraire. «En effet» dit-il «la disposition portant inclusion de la pension alimentaire dans le revenu se trouve au paragraphe 56(1) à la sous-section d intitulée «Autres sources de revenu"» (Bergeron, paragraphe 46). Comment peut-on déduire sous la sous-section b des frais judiciaires engagés pour recouvrer une pension alimentaire qui est incluse dans le revenu non pas comme revenu tiré d'un bien mais comme revenu tiré d'une autre source (Bergeron, paragraphe 47)? Le juge précise que c'est la sous-section d qui prévoit l'inclusion de la pension alimentaire dans le calcul du revenu et que les seules déductions autorisées sont celles prévues à la sous-section e. Selon lui, ces deux sous-sections «constituent un code complet sur ce sujet» (Bergeron, paragraphe 51).

[21]S'en remettant à différentes définitions du mot revenu que l'on retrouve dans les dictionnaires et chez les auteurs, le juge Archambault conclut que les sources visées à la sous-section b doivent être «productives de revenu». Une pension alimentaire n'est productive de rien et le droit de la recevoir est essentiellement personnel et non susceptible de cession (Bergeron, paragraphes 36 à 43). Le revenu qui en découle provient donc d'une source autre qu'un bien (Bergeron, paragraphes 45 et 46).

[22]La Cour suprême, dans l'arrêt Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645, a ajouté un certain poids à ce point de vue. Il est vrai que dans cette affaire, la Cour suprême cherchait surtout à contrer l'excès jurisprudentiel avec lequel avait été utilisé le critère de l'espoir raisonnable de profit pour juger de l'existence d'une source de revenu. Mais force est de reconnaître que pour déterminer si un contribuable a une source de revenu constituée d'un bien, l'on doit dorénavant déterminer si le comportement du contribuable (en principe commercial) dénote la recherche de profit ou s'apparente plutôt à une démarche personnelle (Stewart, supra, paragraphe 56).

[23]Quoiqu'il en soit, le raisonnement du juge Archambault a été rejeté par la majorité des juges de la Cour canadienne de l'impôt. Les motifs du juge Bowie dans Sabour, supra, illustrent bien le point de vue de ces juges. Selon le juge Bowie, «il est bien trop tard» pour conclure qu'un revenu issu d'une pension alimentaire n'est pas un revenu de bien (paragraphe 7); les tribunaux ont rendu «des décisions, trop nombreuses pour être cataloguées, en application de ce principe» (paragraphe 8). Selon le juge Bowie, un courant jurisprudentiel si bien établi devrait être suivi jusqu'à ce qu'il soit renversé par une cour supérieure ou jusqu'à ce que la Loi soit modifiée par le Parlement. Finalement dit-il, l'on ne peut ignorer le fait que la position élaborée par la jurisprudence a toujours été celle retenue par le ministre et qu'elle a comme effet de permettre une déduction que la décision Bergeron aurait l'effet d'écarter (paragraphe 10).

Analyse et décision

[24]La question qui divise les juges de la Cour canadienne de l'impôt en est une d'interprétation statutaire: la volonté du législateur est-elle de considérer le revenu constitué par une pension alimentaire comme revenu tiré d'un bien étant assujetti, à ce titre, au calcul prévu à la sous-section b, ou plutôt de le traiter comme revenu provenant d'«Autres sources de revenu» assujetti au régime exclusif des sous-sections d et e?

[25]L'approche qui doit guider les tribunaux face à ce genre de question a été énoncée à nouveau par le juge Iacobucci dans Entreprises Ludco Ltée c. Canada, [2001] 2 S.C.R. 1082, aux paragraphes 36 à 38:

La règle moderne en matière d'interprétation législative a été énoncée de manière succincte par E. A. Driedger dans l'ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87:

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur [. . .]

C'est cet extrait qui «résume le mieux» la méthode privilégiée aux fins d'interprétation d'une disposition législative: Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21 et 23. Il en est ainsi pour l'interprétation de tout texte de loi et il convient de signaler que notre Cour a maintes fois cité et approuvé cet extrait célèbre, tant en matière fiscale que dans d'autres domaines. [Note en bas-de-page omise.]

Par ailleurs, les tribunaux appelés à interpréter la Loi de l'impôt sur le revenu doivent se rappeler qu'ils jouent un rôle distinct de celui du législateur. En l'absence d'un texte législatif clair, il n'est pas souhaitable que les tribunaux innovent: Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411, par. 112. La promulgation de nouvelles règles de droit fiscal doit plutôt être laissée au législateur: Canderel Ltée c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, par. 41.

[26]Selon le juge Archambault, le revenu tiré d'une pension alimentaire ne peut provenir de deux sources. Il s'agit selon lui d'un revenu provenant d'«autres sources» et puisque les règles applicables au calcul de ce type de revenu ne comportent aucune disposition permettant la déduction de frais judiciaires, personne n'y a droit.

[27]Je ne crois pas que les sources de revenu soient aussi étanches que le laisse entendre le juge Archambault. Autant il est vrai que la grande partie des «Autres sources de revenu» prévues à la sous-section d sont indépendantes des sources expressément reconnues à l'article 3 [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann II, art. 1] (emploi, entreprise ou bien), il est inexact d'affirmer que ces «Autres sources de revenu» ne peuvent jamais remonter à celles mentionnées à l'article 3 et être assujetties aux mêmes règles.

[28]Le revenu provenant d'une pension alimentaire illustre bien comment deux sources, distinctes en apparence, peuvent se confondre. Même si l'imposition des pensions alimentaires en tant que revenu est explicitement prévue à la sous-section d qui traite d'«Autres sources de revenu», il n'en demeure pas moins que le droit à une pension alimentaire est un «bien» selon la Loi. Si le droit à une pension alimentaire est un «bien», il est difficile de l'en dissocier du revenu qui découle de l'exercice de ce droit. C'est pourquoi les tribunaux se sont permis au cours des années d'accorder la déduction de frais afférents à une pension alimentaire dans les circonstances que nous avons vues en invoquant la sous-section b et en particulier l'alinéa 18(1)a).

[29]N'eût été de cette jurisprudence bien ancrée, la thèse développée par le juge Archambault serait fort défendable. Mais au point où nous en sommes, j'ai peu de difficulté à conclure qu'un revenu issu d'une pension alimentaire est un revenu de bien et qu'à ce titre, les dépenses encourues pour en obtenir le paiement peuvent être déduites en vertu des règles prévues à la sous-section b.

[30]Comme l'a rappelé le juge Bowie dans l'affaire Sabour, supra, il s'agit là du traitement que prône et applique le ministre depuis plus de 40 ans. Il est loisible de croire que si ce traitement était en quelque point contraire aux voeux du Parlementt, une modification aurait été apportée.

[31]Du point de vue gouvernemental, le traitement des dépenses reliées aux pensions alimentaires ne revêt pas un intérêt passager. Cette façon de faire qui perdure depuis plus de 40 ans a un impact sur les finances publiques en plus de soulever d'importantes questions de politique sociale. L'état du droit en la matière n'est certes pas passé inaperçu. Malgré son ardent plaidoyer, le législateur ne peut manifestement pas avoir l'intention que lui attribue le juge Archambault.

[32]Les amendements à la Loi qui accompagnèrent la décision prise en 1997 de ne plus imposer les pensions alimentaires destinées aux enfants du mariage sont, à cet égard, sans équivoque. Cette décision aurait pu avoir un impact significatif sur la déduction que pouvaient réclamer les récipiendaires de pensions alimentaires sous l'alinéa 18(1)a) puisque l'alinéa 18(1)c) stipule qu'aucune dépense ne peut être déduite «à l'égard d'un bien dont le revenu serait exonéré».

[33]Afin de maintenir le droit à la déduction, le législateur a amendé la définition de «revenu exonéré» [mod. par L.C. 1997, ch. 25, art. 71] au paragraphe 248(1) en précisant que la partie de la pension destinée aux enfants, même si elle est dorénavant non-imposable, ne constitue pas un revenu exonéré. De toute évidence, cet amendement serait sans objet si le législateur considérait que le revenu provenant d'une pension alimentaire n'était pas un revenu de bien au sens de la sous-section b.

[34]Il ressort de ceci que non seulement le législateur s'est-il accommodé de la solution jurisprudentielle au cours des années, il est intervenu afin de la préserver face à un amendement qui aurait eu comme effet de l'écarter. Cette solution jurisprudentielle, je le rappelle, est fonction du fait que le revenu issu d'une pension alimentaire est un revenu de bien, et qu'à ce titre, les dépenses encourues pour gagner ce revenu peuvent être déduites.

[35]J'en viens donc à la conclusion à l'instar de la majorité des juges de la Cour canadienne de l'impôt que la thèse du juge Archambault doit être rejetée.

[36]Ceci nous mène à l'argument du demandeur selon lequel l'alinéa 18(1)a) serait contraire à la Charte. Le demandeur qui n'a pas signifié d'avis de question constitutionnelle devant la Cour canadienne de l'impôt a remédié à ce défaut devant nous. Tel que dit précédemment, le demandeur allègue que l'alinéa 18(1)a) est contraire à la Charte puisqu'il a comme effet de traiter de façon différente le payeur et le récipiendaire d'une pension alimentaire.

[37]L'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu peut conduire à une différence de traitement, mais ce ne sont pas toutes les distinctions qui sont discriminatoires. Dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, M. le juge Iacobucci a déclaré au paragraphe 57:

Une analyse relative au par. 15(1) n'a pas pour objet de juger de l'égalité dans l'abstrait. Son objet est plutôt de déterminer si les dispositions législatives contestées créent entre le demandeur et les autres, sur le fondement des motifs énumérés ou de motifs analogues, une différence de traitement qui entraîne de la discrimination.

Le demandeur n'a pas même tenté de démontrer que la distinction créée par l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu est fondée sur un motif énuméré ou sur un motif analogue comme l'exige le paragraphe 15(1) de la Charte. De plus, en l'absence de preuve contextuelle sur laquelle la Cour pourrait fonder sa décision, il serait innoportun de tenter de trancher cette question. Voir par exemple MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, et Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241.

[38]Les motifs du premier juge peuvent laisser sous-ententre que la discrimination dont se réclame le demandeur serait fondée sur la caractéristique personnelle qu'est le sexe. J'ai lu la transcription de l'audition devant la Cour canadienne de l'impôt ainsi que la preuve et la procédure écrite et nulle part n'y est-il fait mention de discrimination basée sur le sexe. Les prétentions du demandeur se limitent à dire que les frais judiciaires devraient être assujettis au même traitement pour chacun des ex-conjoints et que l'alinéa 18(1)a) est contraire à la Charte dans la mesure où il ne permet pas ce résultat.

[39]Même en inférant que l'argument de la Charte est fondé sur le sexe, rien ne suggère que le demandeur entendait ou aurait été en mesure de fournir une preuve de discrimination basée sur le sexe si le juge Archambault lui avait donné l'occasion de la faire. Comme le disait la Cour suprême dans Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695 (aux pages 764 et 765), l'on ne peut évidemment pas présumer qu'une disposition législative possède un effet discriminatoire sur le sexe lorsque la preuve n'en est pas faite. L'attaque constitutionnelle ne saurait donc réussir.

[40]Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. Étant donné les décisions contradictoires en Cour canadienne de l'impôt, je ne ferais aucune adjudication quant aux dépens malgré le rejet de la demande.

Le juge en chef Richard: Je suis d'accord.

Le juge Létourneau, J.C.A.: Je suis d'accord.

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