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2004 CF 969

T-641-03

T-642-03

T-690-03

T-711-03

Démocratie en surveillance (demandeur)

c.

Le Procureur général du Canada (Bureau du conseiller en éthique) (défendeur)

Répertorié: Démocratie en surveillance c. Canada (Procureur général) (C.F.)

Cour fédérale, juge Gibson--Toronto, 17 mai; Ottawa, 9 juillet 2004.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Certiorari -- Demandes de contrôle judiciaire de décisions du conseiller en éthique selon lesquelles il n'y avait pas eu infraction au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et au Code de déontologie des lobbyistes -- Application du critère de la «crainte raisonnable de partialité» -- Le manquement aux principes d'équité procédurale donne lieu à une crainte raisonnable d'une partialité particulière de la part du conseiller en éthique -- Il existait également une crainte raisonnable de partialité institutionnelle de la part du Bureau du conseiller en éthique -- La décision raisonnable simpliciter est la norme de contrôle applicable aux décisions -- L'expertise du conseiller en éthique quant à l'interprétation de l'expression «a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au Code» n'est pas plus grande que celle du juge -- Le conseiller en éthique a commis une erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne le fardeau de la preuve dans sa première décision -- Pas d'erreur susceptible de contrôle quant aux trois autres décisions -- Demandes accueillies.

Droit administratif -- Contrôle judiciaire -- Jugements déclaratoires -- Demandes de contrôle judiciaire de décisions du conseiller en éthique selon lesquelles il n'y avait pas eu infraction au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et au Code de déontologie des lobbyistes -- Caractère théorique des jugements déclaratoires demandés vu les modifications apportées au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et au Code de déontologie des lobbyistes--Jugements déclaratoires refusés.

Pratique -- Caractère théorique -- La C.S.C. a défini le critère relatif au caractère théorique dans l'arrêt Borowski c. Canada -- Les demandes de contrôle judiciaire ne sont pas théoriques vu qu'elles présentent un litige actuel et que des circonstances particulières justifient toujours l'utilisation des ressources judiciaires -- Jugements déclaratoires demandés devenus théoriques.

Il s'agissait de demandes de contrôle judiciaire et de jugements déclaratoires déposées par le demandeur (Démocratie en surveillance) contre quatre décisions du conseiller en éthique. Dans la première décision, le conseiller en éthique avait rejeté la demande de Démocratie en surveillance qu'une enquête soit tenue sur des faits qui, selon Démocratie en surveillance, soulevaient de graves questions quant à la violation du Code de déontologie des lobbyistes (le Code des lobbyistes) et du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat (le Code des titulaires de charge publique). Le conseiller en éthique avait souligné que pour qu'il puisse intervenir en vertu du Code des lobbyistes, il fallait que la personne visée par la plainte ou l'allégation soit un lobbyiste au sens de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, ou une personne tenue de s'enregistrer comme lobbyiste. En rejetant la demande de Démocratie en surveillance, le conseiller en éthique s'était appuyé sur une enquête de la GRC selon laquelle il n'y avait pas une preuve suffisante pour prouver devant une cour de justice que M. Fugère (contre qui Démocratie en surveillance avait déposé une plainte) avait l'obligation de s'enregistrer comme lobbyiste. Dans la deuxième décision, le conseiller en éthique avait rejeté la demande de Démocratie en surveillance qu'une enquête soit tenue sur John Dossetor, qui avait été le conseiller principal en matière de politique de Allan Rock, alors ministre fédéral de la Santé. Le conseiller en éthique n'avait pas pu conclure, en l'absence de motifs raisonnables et probables, qu'on avait contrevenu au Code des lobbyistes. Dans la troisième décision, le conseiller en éthique avait rejeté la demande de Démocratie en surveillance d'une enquête sur neuf lobbyistes travaillant auprès de ministres et de titulaires de charge publique à leur campagne à la direction de leur parti. Le conseiller en éthique était d'avis que c'était le ministre et non le lobbyiste qui devait, en vertu du Code des titulaires de charge publique, veiller à ce qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts. Il avait aussi conclu que les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si un lobbyiste a proposé ou entrepris une action qui constituerait une influence répréhensible sur un titulaire de charge publique n'existaient pas dans les cas décrits par Démocratie en surveillance. Dans la quatrième décision, le conseiller en éthique avait rejeté la demande de Démocratie en surveillance d'une enquête sur des dons qui avaient été faits à des membres du Cabinet. Après avoir rappelé les facteurs énoncés dans la troisième décision, le conseiller en éthique avait conclu qu'il n'avait aucun motif raisonnable de croire qu'on avait contrevenu au Code des lobbyistes. Démocratie en surveillance a demandé le contrôle judiciaire de ces quatre décisions et a aussi demandé des jugements déclaratoires. Les questions en litige étaient: 1) Le conseiller en éthique a-t-il manqué d'objectivité à l'égard du demandeur lorsqu'il a rendu les quatre décisions en question (partialité particulière); 2) Le conseiller en éthique était-il soumis à une «partialité institutionnelle» lorsqu'il a rendu les décisions en question; 3) La norme qui s'applique au contrôle judiciaire; 4) La Cour devrait-elle modifier les décisions du conseiller en éthique; 5) Les mesures de réparation demandées peuvent-elles être accordées dans les circonstances?

Jugement: les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies et les jugements déclaratoires sont refusés.

Dès le début, la Cour a rejeté la requête présentée par le défendeur pour faire rejeter les quatre demandes de contrôle judiciaire au motif qu'elles étaient théoriques parce que le Bureau du conseiller en éthique avait cessé d'exister à tous les égards. Appliquant le critère défini par la Cour suprême dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), la Cour a décidé que les demandes n'étaient pas théoriques. Elles présentaient toujours un litige actuel ayant des conséquences sur les droits des parties, le défendeur étant le procureur général du Canada et non simplement le conseiller en éthique. Il convenait que la Cour se prononce sur elles en raison du rapport d'opposition qui existait toujours entre Démocratie en surveillance et le procureur général du Canada. Des circonstances particulières justifiaient toujours l'utilisation des ressources judiciaires en l'espèce puisque l'éthique des titulaires de charge publique et des lobbyistes de même que la surveillance de ces questions dans l'intérêt du public continuaient d'intéresser grandement le public. Et il restait des questions qu'il convient, à tout le moins en ce qui concerne l'éthique des lobbyistes, de laisser aux tribunaux. Le fait que la Loi en question prévoit explicitement que le commissaire à l'éthique n'est pas un «office fédéral» ne change rien au fait que les décisions des personnes qui continuent d'être chargées de l'application du Code des lobbyistes sont susceptibles de contrôle judiciaire.

En ce qui concerne la partialité, la Cour s'est servie de la norme de «crainte raisonnable de partialité». Elle a considéré que le mode de désignation du conseiller en éthique semblait être des plus informels et qu'il n'existait aucune preuve démontrant que le conseiller en éthique occupait son poste autrement qu'à titre amovible, probablement selon le bon vouloir du premier ministre. Une personne sensée et raisonnable qui se demanderait si le conseiller en éthique a fait montre d'une partialité particulière à l'encontre de Démocratie en surveillance, qui étudierait cette question en profondeur, de façon réaliste et pratique, considérerait qu'il existe des motifs de croire à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. Cette conclusion suffisait à la Cour pour accueillir les quatre demandes au motif qu'il y avait eu manquement aux principes d'équité procédurale, ce manquement donnant lieu à une crainte raisonnable d'une partialité particulière de la part du conseiller en éthique à l'encontre de Démocratie en surveillance résultant en partie de son manque évident d'indépendance vu sa nomination à titre amovible et en partie de la façon dont il avait répondu aux requêtes ou plaintes de Démocratie en surveillance ou n'y avait pas répondu. Nonobstant cette conclusion, la Cour a tout de même examiné les autres questions en litige. Ni la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ni le Code des titulaires de charge publique ne renferment de disposition capable de contrer les caractéristiques institutionnelles défavorables du poste du conseiller en éthique. Le double rôle incombant au conseiller en éthique et à son bureau en vertu, d'une part, de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du Code qui s'y rattache et, d'autre part, du Code des titulaires de charge publique a, compte tenu de l'absence d'indépendance du conseiller en éthique lui-même, une incidence sur l'impartialité du Bureau dans l'ensemble et place constamment le conseiller en éthique et son bureau en situation de conflits d'intérêts. La Cour a conclu qu'il y avait partialité institutionnelle et qu'elle devait pour ce motif également accueillir les quatre demandes.

La Cour a déterminé que la décision raisonnable simpliciter était la norme qui s'appliquait au contrôle judiciaire des quatre décisions. La Cour ne disposait d'aucun élément de preuve démontrant que l'expertise du conseiller en éthique à l'égard de l'interprétation de l'expression «a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au code [des lobbyistes]» est plus grande que celle d'un juge de la Cour, et les questions soulevées avaient trait à l'application de la loi. La première décision ne répondait pas à la demande présentée par Démocratie en surveillance pour la tenue d'une enquête en vertu de l'article 10.4 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Le conseiller en éthique avait fondé sa décision sur un rapport de la GRC selon lequel on ne pouvait pas faire la preuve «hors de tout doute raisonnable» que M. Fugère avait commis une infraction au Code des lobbyistes. Il fallait seulement que le conseiller en éthique ait des motifs raisonnables de croire que cette infraction avait été commise. Rien de ce qui a été présenté à la Cour donnait à penser que le conseiller en éthique avait conclu qu'il n'avait pas de motifs raisonnables. Par conséquent, même si la Cour ne s'était pas prononcée sur la question précédente relative à la partialité, elle aurait accueillie la demande de contrôle judiciaire présentée contre la première décision. En ce qui concerne la deuxième décision, bien que le délai de sa communication ait été malheureux, la Cour a décidé que le conseiller en éthique pouvait rendre la décision qu'il a rendue. L'interprétation donnée par le conseiller en éthique à la règle 8 du Code des lobbyistes, sur laquelle était fondée sa troisième décision, n'était pas en soi tellement «déraisonnable» qu'elle donnait lieu à une erreur susceptible de contrôle. Le libellé de la règle 8 est clair et sans équivoque. Si les rédacteurs du Code avaient voulu que celui-ci s'applique également aux conflits d'intérêts «apparents», ils auraient pu facilement le prévoir. Pour les mêmes motifs que ceux exprimés au sujet de la troisième décision, la Cour a conclu que le conseiller en éthique n'avait pas commis d'erreur susceptible de contrôle judiciaire en rendant la quatrième décision.

En ce qui concerne les jugements déclaratoires demandés par Démocratie en surveillance, même si les questions soumises à la Cour n'étaient pas théoriques en elles-mêmes, ces jugements étaient tous devenus des réparations théoriques par suite de la récente entrée en vigueur des modifications apportées à l'application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, du Code des lobbyistes et du Code des titulaires de charge publique. Ainsi, aucun des jugements déclaratoires demandés par Démocratie en surveillance n'a été rendu.

lois et règlements

Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence, L.C. 2004, ch. 7.

Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, L.C. 2003, ch. 10.

Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44, préambule, art. 2(1) «conseiller» (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 1), «directeur», «titulaire d'une charge publique" (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 182(1)w)), 5(1) (mod par L.C. 1995, ch. 12, art. 3), 8, 9 (mod., idem, art. 5), 10 (mod., idem), 10.1 (édicté, idem), 10.2 (édicté, idem), 10.3 (édicté, idem), 10.4 (édicté, idem), 10.5 (édicté, idem), 14 (mod., idem, art.7).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 2(1) «office fédéral» (mod., idem, art. 15), 18(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26), (3) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 (édicté, idem, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), ch. S-22.

jurisprudence

décisions appliquées:

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369; (1976), 68 D.L.R. (3d) 716; 9 N.R. 115; 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool), [1996] 3 R.C.S. 919; (1996), 140 D.L.R. (4th) 577; 42 Admin. L.R. (2d) 1; 205 N.R. 1; Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247; (2003), 257 R.N.-B. (2d) 207; 223 D.L.R. (4th) 577; 48 Admin. L.R. (3d) 33; 31 C.P.C. (5th) 1; 302 N.R. 1; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226; (2003), 223 D.L.R. (4th) 599; [2003] 5 W.W.R. 1; 11 B.C.L.R. (4th) 1; 48 Admin. L.R. (3d) 1; 179 B.C.A.C. 170; 302 N.R. 34.

décisions examinées:

Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; (1997), 144 D.L.R. (4th) 1; 50 Admin. L.R. (2d) 199; 71 C.P.R. (3d) 417; 209 N.R. 20; Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, [2003] 1 R.C.S. 884; (2003), 227 D.L.R. (4th) 193; [2004] 1 W.W.R. 1; 3 Admin. L.R. (4th) 163; 109 C.R.R. (2d) 65; 306 N.R. 34; Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259; (2003), 231 D.L.R. (4th) 1; [2004] 2 W.W.R. 1; 19 B.C.L.R. (4th) 195; 7 Admin. L.R. (4th) 1; [2004] 1 C.N.L.R. 342; 40 C.P.C. (5th) 1; 309 N.R. 201.

décision citée:

Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2002] 4 R.C.S. 245; (2002), 220 D.L.R. (4th) 1; [2003] 1 C.N.L.R. 341; 297 N.R. 1.

doctrine

Code de déontologie des lobbyistes. Ottawa: Bureau du conseiller en éthique, 1997.

Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat. Ottawa: Bureau du conseiller en éthique, 1994.

Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat. Ottawa: Bureau du commissaire à l'éthique, 2003.

Conseil des ministres et les Activitiés à des fins politiques personnelles -- Lignes directrices. Ottawa: Bureau du conseiller en éthique, juin 2002.

DEMANDES de contrôle judiciaire et de jugements déclaratoires relatives à quatre décisions du conseiller en éthique, qui avait soit refusé de mener enquête sur des plaintes d'infractions au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, au Code de déontologie des lobbyistes et à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, soit conclu que ces infractions n'avaient pas été commises. Demandes de contrôle judiciaire accueillies; jugements déclaratoires refusés.

ont comparu:

Martin J. Doane pour le demandeur.

Ian R. Dick et Shelley C. Quinn pour le défendeur.

avocats inscrits au dossier:

Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Gibson:

INTRODUCTION

[1]Les présents motifs font suite à l'audition de quatre demandes de contrôle judiciaire déposées pour le compte du demandeur (Démocratie en surveillance) relativement à des décisions du conseiller en éthique visé au paragraphe 5(1) du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat1 (le Code des titulaires de charge publique) et désigné par le gouverneur en conseil en vertu de l'article 10.1 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes2. Les quatre demandes ont été entendues ensemble. Dans les requêtes ou plaintes faisant l'objet de trois des décisions visées par le présent contrôle, Démocratie en surveillance demandait qu'une [traduction] «enquête complète et approfondie» soit effectuée principalement dans le but de déterminer si les règles de déontologie auxquelles les lobbyistes et les titulaires de charge publique sont assujettis avaient été violées. Dans la quatrième demande, l'organisme demandait qu'une décision [traduction] «claire» soit rendue publiquement sous le régime du Code de déontologie des lobbyistes3 (le Code des lobbyistes) sur la question de savoir si une infraction à ce code avait été commise. Deux des décisions sont datées du 21 mars 2003, une autre du 27 mars 2003 et la dernière du 31 mars 2003.

LES PARTIES

[2]Dans son affidavit qui a été déposé pour le compte de Démocratie en surveillance, M. Duff Conacher se présente comme le [traduction] «coordonnateur» de l'organisme. Il décrit la nature de Démocratie en surveillance dans les termes suivants:

[traduction] Démocratie en surveillance a été fondé en septembre 1993 et a été constitué en organisme à but non lucratif sous le régime fédéral. Démocratie en surveillance est un organisme non partisan qui prône des réformes démocratiques, la participation des citoyens aux affaires publiques ainsi que la responsabilisation et le comportement éthique des gouvernements et des entreprises au Canada. L'organisme a mené différentes campagnes, notamment une campagne relative à l'éthique des gouvernements et des lobbyistes, dans le cadre de sa mission4.

[3]Le conseiller en éthique était M. Howard Wilson à tous les moments pertinents. Le Bureau du conseiller en éthique a été créé en 1994, lorsque le premier ministre de l'époque a adopté le Code des titulaires de charge publique, la version la plus récente des différentes règles sur les conflits d'intérêts applicables aux titulaires de charge publique adoptées depuis 1973. Le conseiller en éthique s'est vu confier d'autres responsabilités en février 1996 en vertu de l'article 10.1 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

LES DÉCISIONS FAISANT L'OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

a) La première décision

[4]Dans une lettre adressée au conseiller en éthique le 27 mars 2001, Démocratie en surveillance demandait une enquête sur des circonstances qui, selon l'organisme, [traduction] «soulevaient des questions sérieuses concernant des infractions au Code de déontologie des lobbyistes [. . .] et au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat fédéraux». L'organisme écrivait notamment:

[traduction] Les activités de René Fugère, qui aurait travaillé comme assistant du premier ministre Jean Chrétien sans être rémunéré et qui aurait été membre de l'exécutif de l'association de circonscription libérale du premier ministre, ont fait l'objet de reportages en 1999 et au début de 2000. Les médias ont aussi révélé l'existence de preuves claires démontrant que M. Fugère:

1.     a reçu au moins 15 000 $ pour représenter Philippe Clément et sa société, Les Maisons Beam International, et pour promouvoir le projet de celle-ci de construire des maisons modulaires à Grand-Mère, au Québec (dans la circonscription du premier ministre), dans les démarches infructueuses faites par la société pour obtenir des subventions fédérales totalisant plus d'un million de dollars;

2.     a été rémunéré pour représenter la scierie Opiticiwan, située à Obedjiwan, au Québec, dans ses démarches fructueuses pour obtenir une subvention de 300 000 $ du gouvernement fédéral (après l'avoir refusée à au moins deux reprises, le gouvernement a accordé la subvention après que M. Fugère eut été embauché pour représenter la scierie);

3.     a représenté d'autres sociétés cherchant à obtenir des subventions fédérales, notamment au moins une autre société située dans la circonscription du premier ministre.

M. Fugère n'était pas enregistré comme lobbyiste pour exercer ces activités, même si les médias ont divulgué des preuves claires démontrant qu'il avait été payé pour communiquer avec des titulaires de charge publique fédéraux afin d'influencer l'octroi de subventions. Or, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes exige qu'une personne soit enregistrée comme lobbyiste dans ces conditions.

Selon les médias également, des employés du Cabinet du premier ministre ont téléphoné à M. Clément et ont appuyé activement la demande de subvention de sa société, et peut-être aussi d'autres demandes5.

[5]Le conseiller en éthique a répondu par une lettre datée du 21 mars 2003, dans laquelle il écrivait notamment:

[traduction] Pour que je puisse intervenir en vertu du Code de déontologie des lobbyistes, il faut que la personne visée par une plainte ou une allégation soit un lobbyiste au sens de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, ou une personne tenue de s'enregistrer comme lobbyiste parce que ses activités sont enregistrables suivant cette loi.

M. Fugère n'était pas enregistré sous le régime de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes relativement aux activités signalées par les médias en 1999 et au début de 2000. À cet égard, vous vous rappellerez que, à la suite d'articles parus dans le National Post en mai 1999 au sujet de l'aide apportée par M. Fugère à l'Auberge des Gouverneurs et aux bateaux Celebrity pour obtenir des fonds du gouvernement, le directeur [au sens de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes] a communiqué avec la GRC pour lui demander de faire enquête afin de savoir si M. Fugère contrevenait à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

La GRC a effectué une enquête et les procureurs de la Couronne ont conclu en août 2000 qu'ils ne disposaient pas d'une preuve suffisante pour intenter efficacement une poursuite en vertu de l'article 5 de la Loi. Selon eux, il était très difficile de rassembler des éléments qui pourraient prouver «hors de tout doute raisonnable» qu'une personne a été rémunérée pour communiquer avec un titulaire de charge publique «afin de tenter d'influencer» l'octroi de subventions ou de contributions, par exemple. Par conséquent, nous n'étions pas en mesure de démontrer devant une cour de justice que M. Fugère avait l'obligation de s'enregistrer comme lobbyiste. Ainsi, M. Fugère n'a jamais été assujetti au Code de déontologie des lobbyistes.

Le gouvernement craignait que nous ne soyons jamais en mesure de poursuivre efficacement une personne qui a simplement refusé d'enregistrer ses activités de lobbying. Nous avons conclu qu'il fallait, pour régler ce problème, supprimer les mots «afin de tenter d'influencer», de façon à mettre l'accent sur le fait de communiquer. C'est ce que propose le projet de loi C-15 qui vient tout juste de franchir l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes et qui doit maintenant être étudié par le Sénat. Nous sommes convaincus que nous serons en mesure d'appliquer efficacement la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes lorsque cette modification sera en vigueur6.

Le projet de loi C-15 [Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes] a reçu la sanction royale le 11 juin 20037. Il n'était cependant pas encore entré en vigueur par décret du gouverneur en conseil à la date des demandes en cause en l'espèce.

b)     La deuxième décision

[6]Démocratie en surveillance a écrit au conseiller en éthique le 12 avril 2001 pour lui faire part notamment de ce qui suit:

[traduction] Nous vous demandons d'enquêter sur une situation qui, d'après Démocratie en surveillance, soulève des questions sérieuses concernant des infractions au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat [. . .] ainsi qu'à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes [. . .] et au Code de déontologie des lobbyistes fédéraux [. . .]

[. . .]

Jusqu'à tout récemment, John Dossetor était le conseiller principal en matière de politiques du ministre fédéral de la Santé, Allan Rock. Il ne fait aucun doute qu'il est assujetti au Code des titulaires de charge publique. Il est établi que, pendant qu'il était au service du gouvernement, M. Dossetor s'est occupé des demandes d'approbation d'aliments génétiquement modifiés présentées par Monsanto Canada.

Le 26 février 2001, Monsanto a annoncé qu'elle avait embauché M. Dossetor à titre de vice-président, Affaires gouvernementales (à compter du 5 février 2001), afin de créer «des alliances et des partenariats avec les gouvernements et de contribuer à l'élaboration et à la formulation de la stratégie de Monsanto concernant les audiences gouvernementales internes et externes»

[. . .]

Compte tenu du travail fait par M. Dossetor auprès du gouvernement, de la description de son travail chez Monsanto et des règles de déontologie fédérales, Démocratie en surveillance croit que tout ce que M. Dossetor pourrait faire pour Monsanto contreviendrait à au moins l'une de ces règles. De plus, si M. Dossetor exerce les fonctions décrites dans sa description de travail, il devrait probablement aussi être enregistré conformément à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et se conformer au Code des lobbyistes8.

[7]Par une lettre datée du 27 mars 2003, le conseiller en éthique a répondu en partie ce qui suit:

[traduction] Bien que nous ne semblons pas avoir officiellement fermé ce dossier, nous voulons néanmoins que vous sachiez que nous nous sommes assurés que M. Dossetor se conformait à toutes les obligations rattachées à l'après-mandat qui sont prévues par le Code sur les conflits d'intérêts.

En ce qui concerne l'allégation selon laquelle M. Dossetor n'était pas enregistré comme lobbyiste sous le régime de la [Loi sur l'enregistrement des lobbyistes], il est vrai que M. Dossetor n'était pas enregistré à la date où votre organisme a déposé sa plainte [. . .] M. Dossetor s'est cependant enregistré en tant que lobbyiste salarié le 18 mai 2001, lorsque ses activités de lobbying sont devenues une partie importante de ses fonctions chez Monsanto Canada, c'est-à-dire lorsque ces activités ont représenté au moins 20 p. 100 de ses fonctions, comme le prévoit le bulletin d'interprétation de la LEL intitulé «Une partie importante des fonctions d'un employé» [. . .] Ce bulletin indique:

Les employés qui consacrent une partie considérable de leur temps aux fonctions décrites précédemment devront s'enregistrer; à cet égard, on peut utiliser une proportion de 20 p. 100 comme point de repère.

Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle M. Dossetor avait contrevenu au Code des lobbyistes en ne divulguant pas ses obligations conformément à la LEL, Démocratie en surveillance n'a fourni aucun renseignement l'étayant.

Lorsqu'une plainte est déposée en vertu du Code de déontologie des lobbyistes, mon bureau effectue une enquête préliminaire afin de m'aider à décider s'il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction à ce code a été commise. Or, dans le cas de M. Dossetor, cette enquête n'a révélé aucun renseignement permettant de croire qu'il ne s'était pas conformé au Code des lobbyistes.

Par conséquent, compte tenu des renseignements disponibles, je ne peux conclure qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction au Code de déontologie des lobbyistes a été commise9.

c)     La troisième décision

[8]Par une lettre datée du 17 juin 2002, Démocratie en surveillance a déposé auprès du conseiller en éthique une autre requête ou plainte qui indiquait en partie ce qui suit:

[traduction] Nous vous demandons de faire enquête, en tant que responsable de l'application du Code de déontologie des lobbyistes fédéral [. . .], sur des cas qui, selon Démocratie en surveillance, soulèvent des questions sérieuses concernant des infractions à ce code.

Démocratie en surveillance croit que le fait que vous êtes également chargé de l'application du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat vous empêche d'appliquer le Code des lobbyistes avec impartialité [. . .], de sorte que vous ne pouvez pas en assurer le respect de manière équitable et impartiale. Comme vous le savez, Démocratie en surveillance a présenté une demande à la Cour fédérale dans laquelle elle fait notamment valoir que le fait que vous occupez les deux postes est contraire à la loi. Démocratie en surveillance vous envoie quand même la présente lettre, sous réserve de cette demande, parce qu'il croit que si une autre personne que vous était chargée de l'application du Code des lobbyistes, elle serait suffisamment indépendante et disposerait de pouvoirs suffisants pour appliquer ce code avec équité et impartialité [. . .]

Le Code des lobbyistes s'applique à tous les lobbyistes tenus de s'enregistrer conformément à la Loi [sur l'enregistrement des lobbyistes].

Des reportages récents ont confirmé que les neuf lobbyistes suivants, qui sont tous enregistrés conformément à la Loi pour faire du lobbying auprès du gouvernement fédéral, ont travaillé des périodes plus ou moins longues (et, dans certains cas, travaillent toujours) avec les ministres et titulaires de charge publique suivants dans le cadre d'au moins une initiative privée (et peut-être d'autres initiatives), à savoir une campagne à la direction d'un parti politique10:

[9]Démocratie en surveillance nomme ensuite neuf personnes, le titulaire de charge publique avec lequel chacune travaille dans le cadre d'une campagne à la direction et tous les clients, ou certains d'entre eux, pour lesquels elle a agi comme lobbyiste. Dans huit de ces cas, le titulaire de charge publique était un ministre fédéral à l'époque pertinente. L'autre était, à la même époque, un député faisant campagne pour la direction du parti de l'Alliance canadienne.

[10]Après avoir décrit en détail ses préoccupations, Démocratie en surveillance conclut sa lettre de la manière suivante:

[traduction] En d'autres termes, Démocratie en surveillance croit que les lobbyistes ne peuvent jamais travailler avec un titulaire de charge publique sans créer un conflit d'intérêts et que la règle 8 du Code des lobbyistes signifie en fait que les lobbyistes doivent choisir entre être un lobbyiste et travailler avec des titulaires de charge publique, des partis politiques ou des candidats à une charge publique.

En qualité de conseiller en éthique responsable de l'application du Code des lobbyistes, vous avez l'obligation, aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, d'effectuer une enquête si vous avez des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction à ce code. Vous disposez de tous les pouvoirs d'un juge dans le cadre de votre enquête (notamment celui d'assigner des témoins et de leur enjoindre de déposer), et vous devez faire rapport de votre décision au Parlement [. . .]

Nous croyons qu'il est justifié et nécessaire que vous meniez une enquête complète et approfondie et que vous exerciez tous vos pouvoirs d'enquête afin de savoir si les neuf lobbyistes nommés ci-dessus ont contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes.

Nous vous demandons donc d'exercer tous les pouvoirs que vous confère la Loi et d'enquêter sur ces cas, de déterminer si les lobbyistes nommés ci-dessus ont contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes et de faire rapport de votre décision au Parlement, comme vous y êtes tenu par la loi.

Nous vous demandons également, si vous apprenez que d'autres lobbyistes enregistrés travaillent avec des ministres, c'est-à-dire agissent de manière à leur procurer un bénéfice, de faire enquête dans le but de déterminer s'ils contreviennent à la règle 8 du Code des lobbyistes.

Lorsqu'on évalue les activités des titulaires de charge publique sous le régime du Code des titulaires de charge publique, il faut se demander si des «conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents» ont été créés (non souligné dans l'original). Cette norme oblige tous les titulaires de charge publique à éviter même les conflits d'intérêts potentiels ou apparents.

Nous attendons avec intérêt votre enquête sur cette affaire ainsi que votre réponse11.

[11]Par une lettre datée du 21 mars 2003, le conseiller en éthique a répondu en partie ce suit:

[traduction] Nous avons reçu votre lettre [du 17 juin 2002, reproduite en partie ci-dessus] tout juste au moment où notre bureau mettait la touche finale à des lignes directrices applicables aux ministres qui se sont lancés dans la campagne à la direction du Parti libéral ou qui envisagent d'y participer. Au même moment, je travaillais toujours à une interprétation de la règle 8 [du Code des lobbyistes] qu'un lobbyiste voulant participer directement à l'une des campagnes m'avait demandée.

Comme vous le savez, le premier ministre a publié, le 11 juin 2002, des lignes directrices relatives au Conseil des ministres et aux activités à des fins politiques personnelles. Ces lignes directrices reconnaissent que la campagne à la direction d'un parti politique est une question d'intérêt privé à laquelle le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat [. . .] s'applique12.

[12]Après avoir cité des passages du Code des titulaires de charge publique et des lignes directrices dont il est question dans l'extrait ci-dessus, le conseiller en éthique a écrit:

[traduction] Nous avons conclu que c'est le ministre et non le lobbyiste qui devait veiller à ce qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts [. . .]

Il fallait tout même déterminer si la règle 8 -- Influence répréhensible du Code de déontologie des lobbyistes [. . .] imposait également une obligation aux lobbyistes participant à la campagne à la direction d'un ministre. Comme je l'ai indiqué précédemment, un lobbyiste m'avait déjà demandé une interprétation du Code des lobbyistes sur ce point. J'ai terminé mon travail au début de l'année et j'ai transmis mon interprétation de l'application de la règle 8 à cette personne. Conformément à notre pratique, j'ai supprimé les renseignements personnels qui y figuraient et j'ai placé le document sur notre site web le 21 janvier 2003. Vu votre intérêt pour la règle 8, je vous en ai fait parvenir une copie à titre gracieux.

Mon raisonnement est exposé en détail dans l'interprétation, mais j'attire votre attention sur la conclusion suivante:

«Ma conclusion est qu'il n'est pas raisonnable de croire qu'un lobbyiste a exercé une influence répréhensible sur un ministre, qui le place en situation de conflit d'intérêts, simplement parce que le lobbyiste l'aidait à l'occasion d'une campagne à la direction tout en faisant du lobbying auprès de son ministère pour le compte d'un client. De façon plus générale, je conclus que le simple fait que ces deux activités légitimes sont exercées par un lobbyiste ne viole pas, en soi, le Code de déontologie des lobbyistes

Cela ne veut pas dire que la règle 8 ne s'appliquerait jamais dans ce cas, mais, comme l'interprétation l'indique, «l'activité qui constitue une influence répréhensible sur un titulaire d'une charge publique est une question de fait dans chaque cas particulier». L'interprétation de la règle 8 énonce les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si un lobbyiste a proposé ou entrepris une action qui constituerait une influence répréhensible sur un titulaire de charge publique. Il s'agit notamment des facteurs suivants:

-     «s'il y a eu atteinte à la décision, au jugement ou à l'action du titulaire d'une charge publique;

-     s'il y a eu contrainte préjudiciable par laquelle la volonté du titulaire d'une charge publique a été maîtrisée et que le titulaire d'une charge publique ait été poussé à accomplir un acte ou se soit abstenu d'accomplir un acte, comportement qu'il n'aurait pas eu s'il avait été libre d'agir;

-     s'il y a eu abus de la position de confiance ou que le lobbyiste ait tiré avantage de la faiblesse, de l'infirmité ou de la détresse d'un titulaire d'une charge publique pour modifier les actes ou décisions de ce dernier.»

Or, ces facteurs n'existent pas dans les cas que vous décrivez. En outre, je suis convaincu qu'après la publication des lignes directrices en juin dernier les ministres et leurs cabinets ont veillé à ce que les lobbyistes faisant partie de l'équipe de campagne d'un ministre aient mis fin à leurs activités de lobbying auprès du ministère de ce ministre. D'autres lobbyistes ont plutôt choisi de ne pas participer à la campagne.

Par conséquent, je n'ai aucun motif raisonnable de croire que les personnes dont vous parlez ont contrevenu au Code des lobbyistes. Une enquête ne peut donc pas être entreprise en vertu des dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes13.

d)     La quatrième décision

[13]Par une lettre datée du 17 octobre 2002, Démocratie en surveillance a déposé une nouvelle requête ou plainte auprès du conseiller en éthique, lui demandant [traduction] «d'enquêter sur des cas qui, selon Démocratie en surveillance, soulève des questions sérieuses concernant des infractions au Code des lobbyistes». Après avoir répété que le conseiller en éthique est partial parce qu'il est chargé à la fois de l'application du Code des lobbyistes et du Code des titulaires de charge publique, Démocratie en surveillance a écrit:

[traduction] En juin et au début de juillet 2002, vous avez, en qualité de responsable de l'application des deux lois indiquées ci-dessus ou de l'une d'elles (vous ne l'avez pas précisé à l'époque), demandé aux ministres Sheila Copps, John Manley et Allan Rock de remettre les dons qu'ils avaient reçus pour leur campagne à la direction. Vous avez refusé de divulguer les sources et les montants de ces dons mais, selon les médias, vous avez dit que le montant total remis par chaque ministre était inférieur à 50 000 $.

Selon le Ottawa Citizen, vous avez déclaré le 11 juillet (date à laquelle les ministres ont divulgué les dons qu'ils avaient reçus) que vous aviez demandé à chaque ministre de remettre certains des dons qu'ils avaient reçus pour la raison suivante: «Je craignais que le ministre doive se retirer de certains dossiers qui étaient tellement importants pour ses responsabilités ministérielles que cela aurait entravé sérieusement sa capacité d'exercer ses fonctions.» Vous avez également indiqué clairement que les dons provenaient de sources faisant du lobbying auprès des ministres et que, de ce fait, ils créaient un conflit qui obligerait ces derniers à «se retirer de certains dossiers». La remise d'un don de 25 000 $ par le ministre de l'Industrie, Allan Rock, à BCE Inc. qui a été rendue publique respecte la norme que vous avez formulée puisque BCE Inc. est un lobbyiste enregistré pour faire du lobbying auprès d'Industrie Canada14.

[14]Après avoir fait référence à des dispositions du Code des lobbyistes et du Code des titulaires de charge publique, Démocratie en surveillance ajoutait:

[traduction] Selon Démocratie en surveillance, si l'on appliquait et interprétait les règles prévues par le Code des lobbyistes et le Code des titulaires de charge publique de manière raisonnable et si l'on interprétait de la même manière la norme de common law servant à déterminer si un titulaire de charge publique est en «conflit d'intérêts», on conclurait que tout lobbyiste qui fait un don en secret à un ministre, en particulier à un ministre auprès de qui il fait du lobbying, contrevient à la règle 8 du Code des lobbyistes.

En exigeant des ministres qu'ils remettent certains dons, vous avez clairement souscrit à cette interprétation des règles de déontologie fédérales auxquelles sont assujettis les titulaires de charge publique et les lobbyistes.

Par conséquent, Démocratie en surveillance estime que vous avez manqué à l'obligation que la loi vous impose de faire rapport au Parlement des conclusions de vos enquêtes sur les dons faits aux ministres du Cabinet et de divulguer dans votre rapport l'identité des lobbyistes qui, en faisant ces dons, ont contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes.

En tant que conseiller en éthique responsable de l'application du Code des lobbyistes, vous devez, suivant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, faire enquête si vous avez des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au Code des lobbyistes. Vous disposez de tous les pouvoirs d'un juge dans le cadre de votre enquête (y compris le pouvoir d'assigner des témoins et de leur enjoindre de déposer), et vous devez faire rapport de votre décision au Parlement [. . .]

Vous pourriez prétendre que c'est en tant que responsable de l'application du Code des titulaires de charge publique que vous avez exigé des ministres qu'ils remettent les dons. Si c'est le cas, Démocratie en surveillance vous demande de le confirmer clairement par écrit et d'exercer maintenant, en tant que responsable de l'application du Code des lobbyistes, tous les pouvoirs qui vous sont conférés par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes pour enquêter sur les dons faits aux ministres afin de déterminer si les lobbyistes qui ont fait ces dons ont contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes et de faire rapport publiquement à ce sujet au Parlement, comme vous y êtes tenu par la loi.

De plus, Démocratie en surveillance vous demande de statuer publiquement, comme vous êtes tenu de le faire en tant que responsable de l'application du Code des lobbyistes, sur la question de savoir si certains des dons faits par des lobbyistes que vous avez permis aux ministres de garder sont également contraires à la règle 8 du Code des lobbyistes15.

[15]Après avoir fait état de certains dons faits par des lobbyistes que les ministres n'auraient pas été tenus de remettre, Démocratie en surveillance a écrit:

[traduction] Selon les médias, vous avez déclaré le 11 juin: «Il faut trouver un juste équilibre, et ces sommes étaient si peu élevées que je ne pensais pas qu'il était justifié de demander au ministre de les remettre ou de se retirer de ces dossiers.» Démocratie en surveillance ne souscrit pas à l'«équilibre» que vous prétendez avoir établi et estime que vous avez manqué aux obligations que la loi vous impose en ne rendant pas une décision claire, en tant que responsable de l'application de l'un ou l'autre des codes, sur l'application des règles de déontologie à des dons de sommes semblables faits par des lobbyistes ou des entités ayant un lien direct avec un lobbyiste. En conséquence, Démocratie en surveillance vous demande de rendre publiquement une décision claire sous le régime du Code des lobbyistes16.

[16]Par une lettre datée du 31 mars 2003, le conseiller en éthique a répondu notamment ce qui suit:

[traduction] Vous écrivez dans votre lettre que «tout lobbyiste qui fait un don en secret à un ministre, en particulier à un ministre auprès de qui il fait du lobbying, contrevient à la règle 8 du Code des lobbyistes». Vous ajoutez ensuite que j'ai manqué à l'obligation que la loi m'impose de faire rapport au Parlement des conclusions de mes enquêtes «sur les dons faits aux ministres du Cabinet et de divulguer dans [mon] rapport l'identité des lobbyistes qui, en faisant ces dons, ont contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes».

Je dois d'abord souligner que les contributions politiques versées aux ministres participant à la campagne à la direction du Parti libéral ne sont pas faites en secret. Les lignes directrices applicables aux campagnes à la direction d'un parti exigeaient que toutes les contributions reçues avant la publication de ces lignes directrices soient divulguées dans un délai de 30 jours. Toutes les contributions subséquentes dont le ministre a connaissance doivent être divulguées dans un délai de 60 jours. Les contributions placées dans la fiducie sans droit de regard du ministre seront divulguées au plus tard 30 jours avant le congrès.

Pour ce qui est de l'application possible de la règle 817 [. . .]

[17]Après avoir cité la règle 8 [du Code de déontologie des lobbyistes], le conseiller en éthique a écrit:

[traduction] La collecte de fonds constitue une partie importante du processus politique, y compris lors des campagnes à la direction d'un parti politique. On considère généralement qu'elle est légitime, en particulier si elle est entièrement divulguée au public. Me fondant sur mon interprétation de la règle 8, «Les lobbyistes et les campagnes à la direction», qui, comme vous le savez, se trouve sur mon site web, je ne peux conclure que le simple fait qu'un lobbyiste a versé une contribution politique à un ministre participant à la campagne à la direction d'un parti politique constitue en soi une infraction au Code de déontologie des lobbyistes.

Cela ne veut pas dire que la règle 8 ne s'appliquerait jamais dans ce cas, mais, comme l'interprétation l'indique, «l'activité qui constitue une influence répréhensible sur un titulaire d'une charge publique est une question de fait dans chaque cas particulier». L'interprétation de la règle 8 énonce les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer si un lobbyiste a proposé ou entrepris une action qui constituerait une influence répréhensible sur un titulaire de charge publique18 [. . . ]

[18]Après avoir énoncé de nouveau les trois facteurs décrits dans sa réponse à la troisième requête ou plainte de Démocratie en surveillance citée précédemment, le conseiller en éthique a conclu:

[traduction] Je ne dispose d'aucun renseignement indiquant que l'un de ces facteurs existait dans les cas que vous avez portés à mon attention. Je n'ai donc aucun motif raisonnable de croire que ces personnes ou organisations ont contrevenu au Code des lobbyistes. En conséquence, aucune enquête ne peut être effectuée en vertu des dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes19.

[19]Par souci de commodité, dans le reste des présents motifs, les quatre requêtes ou plaintes de Démocratie en surveillance et les réponses qu'y a données le conseiller en éthique seront appelées la requête et décision «Fugère», la requête et décision «Dossetor», la requête et décision relative aux «neuf lobbyistes» et la requête et décision relative aux «dons».

LES MESURES DE RÉPARATION DEMANDÉES

[20]Les mesures de réparation suivantes sont demandées dans le mémoire des faits et du droit déposé pour le compte de Démocratie en surveillance:

- premièrement, une ordonnance annulant chacune des décisions rendues par le conseiller en éthique qui sont décrites ci-dessus;

- deuxièmement, un jugement déclaratoire portant que Démocratie en surveillance n'a pas eu droit à l'équité procédurale dans le contexte de ses quatre requêtes ou plaintes;

- troisièmement, un jugement déclaratoire portant que le régime institutionnel créé par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, dans la mesure où il permet que la même personne soit chargée d'enquêter et de faire rapport au Parlement sur des allégations d'infraction au Code des lobbyistes et d'appliquer le Code des titulaires de charge publique, crée une crainte raisonnable de partialité;

- quatrièmement, un jugement déclaratoire portant qu'à tous les moments pertinents le conseiller en éthique n'était pas indépendant et ses décisions étaient entachées de partialité institutionnelle à cause de ses diverses fonctions et de celles de son poste et du fait qu'il est désigné par le gouvernement;

- cinquièmement, un jugement déclaratoire portant que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes doit être interprétée de façon à interdire la nomination de la même personne au poste de conseiller en éthique sous le régime de cette loi et au poste de conseiller en éthique sous le régime du Code des titulaires de charge publique;

- sixièmement, un jugement déclaratoire portant qu'à tous les moments pertinents le conseiller en éthique a manqué d'objectivité envers Démocratie en surveillance;

- finalement, les dépens, y compris la TPS, et toute autre mesure que la Cour estime juste20.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET AUTRES PERTINENTES

[21]Il incombe à la Cour d'entendre les demandes de contrôle judiciaire visant les décisions des offices fédéraux qui ne sont pas énumérés au paragraphe 28(1) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 35] de la Loi sur les Cours fédérales21, sauf disposition contraire de la loi. Les parties ne contestent pas en l'espèce le fait que le conseiller en éthique était, à tous les moments pertinents, un office fédéral dont les décisions étaient susceptibles de contrôle par la Cour. La définition d'«office fédéral» figurant au paragraphe 2(1) [mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 15] de la Loi sur les Cours fédérales, les paragraphes 18(1) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4; 2002, ch. 8, art. 26] et (3) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4] et l'article 18.1 [édicté, idem, art, 5; 2002, ch. 8, art. 27] de cette Loi sont reproduits à l'annexe I des présents motifs.

[22]Les dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes qui sont pertinentes en l'espèce, notamment les articles 8 à 10 qui s'appliquent au regard de la question préliminaire dont je traiterai bientôt, sont reproduites à l'annexe II des présents motifs dans la version en vigueur à tous les moments pertinents.

[23]Le Code des lobbyistes, élaboré et adopté en vertu de l'article 10.2 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, est reproduit intégralement dans la version en vigueur à tous les moments pertinents à l'annexe III des présents motifs; cette annexe contient aussi un «message du conseiller en éthique». La nature de ce code n'est pas bien définie. Il ne s'agit certainement pas d'un texte législatif, ni d'un texte réglementaire pour l'application de la Loi sur les textes réglementaires22. Cela étant dit, après son élaboration par le conseiller en éthique--un exercice qui, d'après ce dernier, a nécessité «de nombreuses consultations auprès d'un large éventail de personnes et de groupes intéressés à accroître la confiance du public dans l'intégrité du processus décisionnel de l'État»--, le Code a été examiné par un comité permanent de la Chambre des communes et publié dans la Gazette du Canada du 8 février 1997. Les avocats du défendeur (le conseiller en éthique) ne considèrent pas le Code des lobbyistes comme un texte de loi, mais je ne suis pas convaincu qu'ils aient tout à fait raison.

[24]Finalement, les dispositions pertinentes du Code des titulaires de charge publique en vigueur à tous les moments pertinents sont reproduites à l'annexe IV des présents motifs.

LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

[25]En fin de journée le 13 mai 2004, soit seulement quelques jours avant la date prévue pour le début de l'audience, le 17 mai 2004, les avocats du conseiller en éthique ont signifié à l'avocat de Démocratie en surveillance et ont déposé au greffe de la Cour à Toronto un dossier de requête, ne contenant pas de mémoire des arguments, demandant le rejet des quatre demandes de contrôle judiciaire en cause en l'espèce au motif qu'elles étaient devenues théoriques. La requête reposait sur le fait que, le 11 mai 2004, le gouverneur général en conseil, sur recommandation du premier ministre et en vertu de l'article 42 de la Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence23, avait fixé au 17 mai 2004 la date d'entrée en vigueur des dispositions de fond de cette Loi24.

[26]En résumé, les modifications apportées par la Loi en question prévoyaient principalement la création des postes de commissaire à l'éthique et de conseiller sénatorial en éthique. Le commissaire à l'éthique, nommé par le décret C.P. 2004-656 à compter du 17 mai 2004, assumait dans les faits les fonctions incombant au conseiller en éthique à l'égard des titulaires de charge publique décrites dans le Code des titulaires de charge publique. La Loi en question modifiait en outre la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes de manière à supprimer toutes les mentions du conseiller en éthique et à confier au directeur désigné en vertu de l'article 8 de cette Loi des fonctions qui, jusqu'au 17 mai 2004, incombaient au conseiller en éthique.

[27]À compter du 17 mai 2004, le Bureau du conseiller en éthique cessait ainsi d'exister à tous les égards.

[28]La Cour suprême du Canada a défini le critère relatif au caractère théorique dans l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général)25. Le juge Sopinka a décrit la doctrine relative au caractère théorique dans les termes suivants à la page 353 de ses motifs:

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu'un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu'une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s'applique quand la décision du tribunal n'aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l'affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l'action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s'applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n'exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l'appliquer. J'examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d'exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. La jurisprudence n'indique pas toujours très clairement si le mot «théorique» (moot) s'applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s'il s'applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d'entendre. Pour être précis, je considère qu'une affaire est «théorique» si elle ne répond pas au critère du «litige actuel». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s'il estime que les circonstances le justifient. [Non souligné dans l'original.]

[29]En ce qui concerne la question de savoir si un tribunal devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre une affaire même s'il n'y a plus de litige actuel entre les parties, le juge Sopinka a décrit trois facteurs à prendre en compte. Le premier facteur tient à ce que la capacité des tribunaux de trancher des litiges a sa source dans le système adversatif. Ainsi, un tribunal devrait hésiter à intervenir si aucun rapport d'opposition n'existe entre les parties. Le deuxième facteur est l'économie des ressources judiciaires. En l'absence de circonstances particulières qui justifie l'utilisation des ressources judiciaires pour régler un litige, un tribunal devrait être très hésitant à entreprendre de régler celui-ci. Selon le juge Sopinka, un tribunal serait justifié d'exercer son pouvoir discrétionnaire et d'utiliser les ressources judiciaires limitées dans des cas où se pose une question d'importance publique et dans des cas où il est dans l'intérêt public de régler le litige. Enfin, le juge Sopinka souligne que la Cour doit prendre en considération sa fonction véritable dans l'élaboration du droit, c'est-à-dire qu'elle doit se montrer sensible à sa fonction juridictionnelle dans notre structure constitutionnelle et non à sa fonction législative.

[30]Après avoir entendu les prétentions des avocats et avoir ajourné brièvement l'audience pour les étudier et pour examiner la jurisprudence qu'ils avaient invoquée, j'ai décidé d'entendre les demandes parce que, premièrement, elles n'étaient pas théoriques, c'est-à-dire qu'elles présentaient toujours un litige actuel ayant des conséquences sur les droits des parties lorsque le défendeur est le procureur général du Canada et non simplement le conseiller en éthique, et, deuxièmement, parce que, même si les demandes étaient théoriques, il convenait que la Cour se prononce sur elles en raison du rapport d'opposition qui existe toujours entre Démocratie en surveillance et le procureur général du Canada (même s'il n'existe plus entre Démocratie en surveillance et le conseiller en éthique ou le Bureau du conseiller en éthique). En outre, j'ai conclu que des circonstances particulières justifiaient toujours l'utilisation des ressources judiciaires en l'espèce puisque l'éthique des titulaires de charge publique et des lobbyistes de même que la surveillance de ces questions dans l'intérêt du public continuent d'intéresser grandement le public. Enfin, le Parlement ayant adopté des mesures législatives, il reste des questions qu'il convient, à tout le moins en ce qui concerne l'éthique des lobbyistes, de laisser aux tribunaux. Le fait que la Loi en question prévoit explicitement que le commissaire à l'éthique n'est pas un «office fédéral» au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales ne change rien au fait que les décisions des personnes qui continuent d'être chargées de l'application du Code des lobbyistes sont susceptibles de contrôle judiciaire.

[31]Par conséquent, une ordonnance rejetant la requête présentée par le défendeur afin que soient rejetées les quatre demandes de contrôle judiciaire soumises à la Cour au motif qu'elles étaient devenues théoriques a été rendue.

LES QUESTIONS DE FOND EN LITIGE

[32]Les questions soumises à la Cour sont énoncées dans les termes suivants dans le mémoire des faits et du droit déposé pour le compte du conseiller en éthique:

1.     Le conseiller en éthique a-t-il manqué d'objectivité à l'égard du demandeur lorsqu'il a rendu les quatre décisions en question (partialité particulière)?

2.     Le conseiller en éthique était-il soumis à une «partialité institutionnelle» lorsqu'il a rendu les décisions en question?

3.     Quelle est la norme de contrôle que la Cour doit appliquer aux décisions en question?

4.     La Cour devrait-elle modifier les décisions du conseiller en éthique?

5.     Les mesures de réparation demandées peuvent-elles être accordées dans les circonstances26?

[33]L'avocat de Démocratie en surveillance n'a pas été aussi précis dans son mémoire des faits et du droit, mais je suis convaincu qu'il ne conteste pas sur le fond cette formulation des questions en litige.

[34]Comme la question de la norme de contrôle ne se pose plus si je conclus à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité de la part du conseiller en éthique en raison d'une [traduction] «partialité particulière» ou d'une «partialité institutionnelle», je traiterai d'abord de la question de la partialité. J'analyserai ensuite la norme de contrôle applicable aux conclusions ou décisions en question et statuerai sur les mesures de réparation demandées.

[35]Quoique leurs avocats n'aient pas déposé de prétentions au sujet des dépens, les deux parties ont demandé que ceux-ci leur soient adjugés. Je traiterai brièvement de ce sujet après avoir analysé les questions énoncées ci-dessus.

ANALYSE

a)     La partialité

(i)     Le critère approprié

[36]L'avocat de Démocratie en surveillance a fait valoir devant la Cour que la partialité, qu'elle soit particulière ou institutionnelle, apparente ou réelle, ébranle la confiance du public dans les décisions d'un office fédéral. Selon lui, la confiance du public est la pierre angulaire de l'application du Code des titulaires de charge publique et du Code des lobbyistes, les deux ayant pour objectif d'assurer la confiance du public dans l'intégrité des activités gouvernementales. L'avocat a soutenu dans les circonstances que le critère qui devrait servir à déterminer si le conseiller en éthique et son bureau ont fait montre de partialité dans les décisions faisant l'objet du présent contrôle est celui de la «crainte raisonnable de partialité». Dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres27, le juge de Grandpré a écrit aux pages 394 et 395:

C'est sur ces documents que la Cour d'appel fédérale s'est fondée pour conclure unanimement:

En nous fondant sur l'ensemble des faits, qui n'ont été exposés que sommairement, nous sommes tous d'avis qu'une personne juste et raisonnable n'aurait pas lieu de craindre que Crowe ne soit pas impartial sur la question de savoir si la commodité et la nécessité publiques, présentes et futures, rendent nécessaire la construction d'un pipe-line ni sur la question de savoir, si elle se pose, laquelle des diverses requérantes devrait obtenir le certificat.

J'ai déjà indiqué que je suis d'accord avec cette interprétation des faits.

[. . .]

La Cour d'appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander «à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?»

Je ne vois pas de différence véritable entre les expressions que l'on retrouve dans la jurisprudence, qu'il s'agisse de «crainte raisonnable de partialité», «de soupçon raisonnable de partialité», ou «de réelle probabilité de partialité». Toutefois, les motifs de crainte doivent être sérieux et je suis complètement d'accord avec la Cour d'appel fédérale qui refuse d'admettre que le critère doit être celui d'«une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne».

Telle est la façon juste d'aborder la question mais il faut évidemment l'adapter aux faits de l'espèce. La question de la partialité ne peut être examinée de la même façon dans le cas d'un membre d'un tribunal judiciaire que dans le cas d'un membre d'un tribunal administratif que la loi autorise à exercer ses fonctions de façon discrétionnaire, à la lumière de son expérience ainsi que de celle de ses conseillers techniques.

Évidemment, le principe fondamental est le même: la justice naturelle doit être respectée. En pratique cependant, il faut prendre en considération le caractère particulier du tribunal. Comme le remarque Reid, Administrative Law and Practice, 1971, à la p. 220:

[traduction] [. . .] «tribunal» est un mot fourre-tout qui désigne des organismes multiples et divers. On se rend vite compte que des normes applicables à l'un ne conviennent pas à un autre. Ainsi, des faits qui pourraient être des motifs de partialité dans un cas peuvent ne pas l'être dans un autre.

[37]La partialité, ou l'absence de partialité, constitue évidemment un aspect de l'équité procédurale. Dans l'arrêt Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone28, la juge en chef McLachlin et le juge Bastarache, qui ont rédigé les motifs pour la Cour, ont écrit au paragraphe 21:

Les exigences de l'équité procédurale--comprenant les exigences d'indépendance et d'impartialité--varient d'un tribunal à l'autre. Comme le juge Gonthier l'a affirmé dans SITBA c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd. [. . .]: «les règles de justice naturelle n'ont pas un contenu fixe sans égard à la nature du tribunal et aux contraintes institutionnelles auxquelles il est soumis». Au contraire, leur contenu varie. Comme le juge Cory l'a expliqué dans Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities) [. . .], les exigences procédurales qui s'appliquent à un tribunal particulier «tien[nent] à la nature et à la fonction du tribunal en question» [. . .] Comme la Cour l'a fait remarquer dans Ocean Port Hotel Ltd. c. Colombie-Britannique (General Manager, Liquor Control and Licensing Branch) [. . .], les tribunaux administratifs exercent différentes fonctions et «[o]n peut considérer [. . .] qu'ils chevauchent la ligne de partage constitutionnelle entre l'exécutif et le judiciaire» [. . .] Certains tribunaux administra-tifs se situent davantage à l'extrémité exécutive de l'échelle: ils sont destinés avant tout à élaborer des politiques gouvernementales particulières et à en contrôler la mise en oeuvre. Ces tribunaux ne demandent pas nécessairement de bien grandes protections procédurales. D'autres tribunaux, toutefois, se situent davantage à l'extrémité judiciaire de l'échelle: ils sont destinés avant tout à régler des différends à la suite d'une audience quelconque. Les tribunaux de ce genre peuvent être dotés de procédures et de pouvoirs semblables à ceux des cours de justice. Ces pouvoirs sont parfois accompagnés d'exigences rigoureuses en matière d'équité procédurale, notamment d'une exigence d'indépendance plus élevée [. . .] [Renvois omis.]

[38]Les avocats du conseiller en éthique ont fait valoir que le Bureau du conseiller en éthique «se situ[ait] davantage à l'extrémité exécutive de l'échelle» car il avait pour mission d'élaborer des politiques gouverne-mentales particulières et d'en contrôler la mise en oeuvre. Selon eux, le critère devant servir à déterminer si le conseiller en éthique a été partial doit donc consister à se demander si celui-ci a abordé les requêtes ou les plaintes de Démocratie en surveillance avec l'esprit ouvert plutôt qu'à se demander si les décisions faisant l'objet du présent contrôle font naître une crainte raisonnable de partialité de sa part. Pour étayer leur thèse, les avocats ont signalé l'absence de mandat confié par le Parlement pour la mise en oeuvre du Code des titulaires de charge publique et l'absence, dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, d'une disposition faisant ressortir l'intention du Parlement de faire en sorte que le conseiller à l'éthique désigné en vertu de cette loi dispose d'une grande indépendance et fasse preuve d'une impartialité rigoureuse. Ils ont fait valoir en outre que le mandat du conseiller à l'éthique était beaucoup plus de nature législative et politique que judiciaire ou quasi judiciaire, en particulier lorsqu'il décide d'entreprendre ou non une enquête officielle en application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du Code des lobbyistes et lorsqu'il enquête de manière informelle sur les activités de titulaires de charge publique, contrairement aux cas où il exerce ses responsabilités concernant la conduite d'une enquête officielle en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du Code des lobbyistes qui s'y rattache.

[39]Je retiens le critère proposé pour le compte de Démocratie en surveillance pour déterminer s'il y a eu partialité particulière ou institutionnelle, compte tenu du rôle crucial joué par le conseiller à l'éthique pour «accroître la confiance du public dans l'intégrité des titulaires de charge publique et dans le processus de prise de décisions du gouvernement»29 et «[l]'intégrité et [l]'honnêteté [dont les lobbyistes doivent faire preuve] dans toutes leurs relations avec les titulaires d'une charge publique, les clients, les employeurs, le public et les autres lobbyistes»30 et de la reconnaissance, dans le préambule du Code des lobbyistes, du fait que les questions relevant de la responsabilité du conseiller en éthique sont des questions importantes d'intérêt public et que le Code lui-même «est un moyen important d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État».

[40]Par conséquent, j'analyserai les allégations de partialité--particulière et institutionnelle--invoquées pour le compte de Démocratie en surveillance en me servant de la norme de la «crainte raisonnable de partialité» et en me fondant non pas sur l'opinion d'une personne «de nature scrupuleuse ou tatillonne», mais sur la remarque formulée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, précité, selon laquelle les motifs de crainte doivent être «sérieux».

(ii) La partialité en général

[41]L'avocat de Démocratie en surveillance soutenait que, vu la preuve dont elle disposait, la Cour devrait conclure que, aux yeux d'une personne sensée qui se poserait elle-même la question, cette preuve crée une crainte raisonnable de partialité de la part du conseiller en éthique contre Démocratie en surveillance lorsqu'il a répondu aux requêtes ou aux plaintes en cause en l'espèce. Il faisait valoir en particulier que la preuve concernant le mode de désignation du conseiller à l'éthique, son inamovibilité ou l'absence d'inamovibilité et sa sécurité ou son insécurité financière devrait amener la Cour à conclure que le conseiller à l'éthique n'avait pas, à l'égard du premier ministre, du ministre de l'Industrie et du greffier du Conseil privé, l'indépen-dance réelle et l'indépendance apparente qui devraient être attachées à son poste dans toutes les circonstances. Il prétendait en outre que les réponses données aux requêtes ou aux plaintes comme celles en cause en l'espèce et les longs délais qui les ont précédées devraient également amener la Cour à conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité.

[42]Le mode de désignation du conseiller en éthique visé par le Code des titulaires de charge publique et par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes semble être des plus informel, en particulier lorsqu'on le compare au mode de nomination du nouveau commissaire à l'éthique dont il a été question précédemment. Le mode de désignation du conseiller en éthique chargé de l'application du Code des titulaires de charge publique n'est pas prévu par celui-ci. Aucune preuve décrivant la façon dont le conseiller en éthique est désigné n'a été présentée à la Cour. Le Code des titulaires de charge publique indique cependant que le conseiller en éthique doit exercer ses fonctions «[s]ous la direction générale du greffier du Conseil privé». Aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, le conseiller en éthique était «désign[é]» pour l'application de cette Loi. Aucune condition particulière n'est précisée dans la Loi. En fait, celle-ci prévoit seulement que le gouverneur en conseil est autorisé à désigner «un conseiller en éthique».

[43]Ce mode de désignation est différent du processus utilisé pour nommer le nouveau commissaire à l'éthique. Le décret donnant effet à cette nomination indique que celle-ci a été précédée par des consultations avec «le chef de chacun des partis reconnus à la Chambre des communes» et que «cette dernière a approuvé par résolution du 29 avril 2004, la nomination» du candidat proposé par le premier ministre.

[44]La Cour ne disposait d'aucune preuve démontrant que le conseiller en éthique occupait son poste autrement qu'à titre amovible, probablement selon le bon vouloir du premier ministre. Par contre, le commissaire à l'éthique a été nommé «à titre inamovible pour un mandat de cinq ans», et le traitement qu'il reçoit à compter de sa nomination se situe dans une échelle dont le plus bas salaire dépasse le salaire des juges des cours supérieures au Canada.

[45]Le titulaire du poste de conseiller en éthique était apparemment, à tous les moments pertinents, un fonctionnaire de longue date au moment de sa nomination. Selon les avocats du conseiller en éthique, la Cour devrait donc conclure que le conseiller en éthique occupait son poste à titre inamovible en tant que fonctionnaire et qu'il était raisonnablement bien rémunéré compte tenu de ses diverses responsabilités. Je l'admets, mais il n'y avait rien dans la preuve qui a été présentée à la Cour qui démontrait que le conseiller en éthique occupait son poste de conseiller en éthique et non son poste de fonctionnaire à titre inamovible. La preuve n'établissait pas non plus que, s'il était renvoyé de son poste, le conseiller en éthique était assuré de se faire nommer à un autre poste dans la fonction publique, à un niveau et avec une rémunération qui le satisferaient.

(iii) La partialité particulière

[46]Les décisions rendues relativement aux requêtes ou plaintes déposées par Démocratie en surveillance auprès du conseiller en éthique et le temps pris par ce dernier pour y répondre sont importants, à mon avis, au regard de la question de la partialité particulière. Entre le 13 avril 2000 et le 17 octobre 2002, Démocratie en surveillance a déposé auprès du conseiller en éthique 11 requêtes ou plaintes alléguant des infractions au Code des lobbyistes ou au Code des titulaires de charge publique, ou aux deux. Le 23 décembre 2003, lorsque Démocratie en surveillance a déposé son dossier de demande, sept de ses 11 requêtes ou plaintes avaient fait l'objet d'une réponse. Dans tous les cas, sa demande d'enquête officielle fondée sur l'article 10.4 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ou d'une mesure de réparation équivalente avait été rejetée, malgré l'obligation imposée par cette disposition au conseiller en éthique de faire enquête lorsqu'il a des «motifs raisonnables de croire»--un critère qui n'est pas particulièrement exigeant--qu'une personne a commis une infraction au Code des lobbyistes. Les parties n'ont pas, lors de l'audition, contesté le fait qu'aucune enquête n'avait été entreprise en vertu de l'article 10.4 [édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5] de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, malgré le caractère délicat des relations entre les lobbyistes et les titulaires de charge publique et de l'intérêt public afférent.

[47]Le temps qu'il a fallu pour répondre aux sept plaintes ou requêtes déposées par Démocratie en surveillance qui avaient fait l'objet d'une réponse le 23 décembre 2003 variait d'un mois à environ 24 mois. À la même date, aucune réponse n'avait été reçue relativement à trois autres plaintes ou requêtes déposées par Démocratie en surveillance après des délais de 31 mois, de 33 mois et de 39 mois respectivement.

[48]Me fondant sur les considérations qui précèdent, je conclus à regret qu'une personne sensée et raisonnable qui se demanderait si le conseiller en éthique a fait montre d'une partialité particulière à l'encontre de Démocratie en surveillance lorsqu'il a répondu à des questions sous le régime du Code des titulaires de charge publique et non sous celui du Code des lobbyistes et, accessoirement, du Code des titulaires de charge publique et qui étudierait cette question en profondeur, de façon réaliste et pratique, considérerait qu'il existe des motifs de croire à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité.

[49]Sans aller plus loin, je suis d'avis de conclure, à la lumière de ce qui précède, que les demandes de contrôle judiciaire soumises à la Cour doivent être accueillies parce qu'il y a eu manquement aux principes d'équité procédurale, ce manquement donnant lieu à une crainte raisonnable d'une partialité particulière de la part du conseiller en éthique à l'encontre de Démocratie en surveillance résultant en partie de son manque évident d'indépendance vu sa nomination à titre amovible et en partie de la façon dont il a répondu aux requêtes ou plaintes de Démocratie en surveillance ou n'y a pas répondu. J'examinerai tout de même les autres questions en litige au cas où ma décision ferait l'objet d'un appel.

(iv) La partialité institutionnelle

[50]Dans l'arrêt 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d'alcool)31, le juge Gonthier, qui a rédigé les motifs de huit des neuf juges ayant entendu l'affaire, a décrit la question dont la Cour était saisie dans les termes suivants, au paragraphe 40 de ses motifs:

La société intimée, par sa requête en évocation, s'attaque à la structure et au fonctionnement de la Régie des permis d'alcool. Ses reproches découlent de certaines des caractéristiques institutionnelles de la Régie, mais ne visent en rien le comportement particulier des décideurs en l'espèce. Par ses prétentions, l'intimée remet tout à la fois en cause l'impartialité institutionnelle et l'indépendance de la Régie.

[51]Ainsi, cette affaire portait sur la partialité institutionnelle et non sur la partialité particulière.

[52]Le juge Gonthier a ajouté au paragraphe 44:

À la suite notamment des arrêts Lippé [. . .] et Ruffo c. Conseil de la magistrature [. . .], le critère applicable en matière d'impartialité institutionnelle est bien établi. Il ne fait pas de doute, en effet, que ce sont les considérations avancées par le juge de Grandpré dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie [. . .] qui gouvernent. La détermination de la partialité institutionnelle suppose qu'une personne bien renseignée, ayant étudié la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, éprouve une crainte raisonnable de partialité dans un grand nombre de cas. À ce sujet, tous les facteurs doivent être considérés, mais les garanties prévues dans la loi pour contrer les effets préjudiciables de certaines caractéristiques institutionnelles doivent recevoir une attention particulière. [Renvois omis; souligné dans l'original.]

[53]À mon avis, il n'y a pas, dans les faits présentés à la Cour, de «garanties prévues dans la loi pour contrer les effets préjudiciables de certaines caractéristiques institutionnelles». De même, la seule loi pertinente en l'espèce est la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Or, ni cette Loi ni le Code des titulaires de charge publique ou le Code des lobbyistes ne renferment de disposition capable de contrer les caractéristiques institutionnelles défavorables du poste du conseiller à l'éthique.

[54]Les éléments de preuve présentés à la Cour dont j'ai parlé au regard de la question de la partialité concernent généralement l'indépendance, non pas seulement celle du conseiller à l'éthique lui-même, mais aussi celle du bureau qu'il dirige. D'autres éléments de preuve ont trait à la fois aux questions d'impartialité et d'indépendance. La preuve ne révèle aucun fondement législatif ou autre sur lequel repose le Bureau; celui-ci, tout comme le conseiller en éthique lui-même, semble avoir existé et avoir continué d'exister selon le bon plaisir du premier ministre. Le double rôle incombant au conseiller en éthique et à son bureau en vertu, d'une part, de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du Code qui s'y rattache et, d'autre part, du Code des titulaires de charge publique a, compte tenu de l'absence d'indépendance du conseiller en éthique lui-même, une incidence sur l'impartialité du Bureau dans l'ensemble. Ce double rôle place constamment le conseiller en éthique--et, du même coup, son bureau--en situation de conflits d'intérêts à la fois en ce qui concerne l'attribution des ressources et l'exécution efficace et complète du double mandat. Finalement, le représentant du Bureau du conseiller en éthique a fait état à de nombreuses reprises, dans son contre-interrogatoire sur son affidavit, du manque de ressources--humaines et financières--du Bureau qui l'empêchait de répondre aux différentes affaires qui lui étaient soumises dans des délais appropriés.

[55]Compte tenu de ce qui précède quant à la partialité en général et des brèves considérations particulières que j'ai exposées, je dois à nouveau conclure à regret qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, éprouverait une crainte raisonnable de partialité de la part de l'institution--le Bureau du conseiller à l'éthique--dans un grand nombre de cas.

[56]Par conséquent, je conclus que la question de la partialité institutionnelle doit être tranchée en faveur de Démocratie en surveillance et que chacune des quatre demandes de contrôle judiciaire de cet organisme dont la Cour est saisie devrait, pour ce motif également, être accueillie.

b)     La norme de contrôle applicable aux décisions

[57]L'avocat de Démocratie en surveillance et les avocats du conseiller en éthique s'entendaient sur le fait que la norme de contrôle applicable doit être déterminée au moyen d'une analyse pragmatique et fonctionnelle et que les arrêts Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan32 et Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia33 expliquent clairement comment se servir de l'analyse à cette fin. Le consensus des avocats n'allait pas plus loin cependant. En effet, l'avocat de Démocratie en surveillance soutenait qu'une analyse pragmatique et fonctionnelle des faits en l'espèce menait à l'application de la norme de la décision correcte, alors que les avocats du conseiller en éthique prétendaient que la norme de contrôle applicable se situait à l'autre extrémité du spectre des trois normes, soit la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[58]Le juge Iacobucci a écrit ce qui suit au nom de la Cour au paragraphe 1 de l'arrêt Ryan:

Selon la jurisprudence applicable, une cour saisie en révision d'une décision rendue par un tribunal administratif doit déterminer par l'analyse pragmatique et fonctionnelle le degré de déférence requis à l'égard de cette décision. Le degré de déférence approprié lui permet ensuite de déterminer parmi les trois normes de contrôle celle qu'il doit appliquer à la décision: la décision correcte, la décision raisonnable simpliciter ou la décision manifestement déraisonnable.

[59]Il a ajouté au paragraphe 27 du même arrêt:

La méthode pragmatique et fonctionnelle détermine la norme de contrôle en fonction de quatre facteurs contextuels: (1) la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel; (2) l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur le point en litige; (3) l'objet de la loi et de la disposition particulière; (4) la nature de la question--question de fait, de droit ou mixte de droit et de fait [. . .] [Renvois omis.]

[60]En ce qui a trait au premier facteur--la présence ou l'absence dans la loi d'une clause privative ou d'un droit d'appel--, les avocats ont reconnu que ni la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, ni le Code des titulaires de charge publique ou le Code des lobbyistes--en supposant pour le moment que ces deux derniers textes soient pertinents aux fins de la détermination de la norme de contrôle applicable--ne renferment de clause privative ou de droit d'appel. Le premier facteur n'est donc pas déterminant.

[61]Le juge Iacobucci a souligné dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.34 que le deuxième facteur--l'expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur le point en litige--et le troisième facteur--l'objet de la loi et de la disposition particulière--se confondent partiellement, à tout le moins dans le cas dont la Cour était saisie. De son côté et dans le sens de ce qui précède et de l'extrait de l'arrêt Ryan cité ci-dessus, la juge en chef McLachlin affirme, au paragraphe 28 de l'arrêt Dr Q, que «la nature de la question précise dont était saisi le tribunal administratif» doit être considérée par rapport à l'expertise relative de ce dernier et de la Cour. Ainsi, j'examinerai ensemble l'expertise relative du tribunal administratif et de la Cour, l'objet de la loi et de la disposition particulière et la nature de la question-- question de fait, de droit ou mixte de droit et de fait.

[62]Comme il fallait s'y attendre, l'avocat de Démocratie en surveillance soutenait que les [traduction] «principales questions» soumises à la Cour sont des questions de droit ayant trait à l'interprétation et à l'application des différents termes et notions du Code des lobbyistes et de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Il prétendait également que le conseiller en éthique ne possède aucune expertise particulière--et certainement pas une plus grande expertise que la Cour--pour trancher ces questions et que l'objet de la loi et des codes afférents a peu d'importance. De leur côté, les avocats du conseiller en éthique soutenaient que le facteur le plus important est l'expertise de ce dernier et que celle-ci s'étend à toutes les affaires relatives au Code des titulaires de charge publique et, en particulier, au Code des lobbyistes.

[63]J'arrive pour ma part à une conclusion différente de celle proposée par les avocats des deux parties. Il ne fait aucun doute que, pendant son mandat, le conseiller en éthique a acquis une expertise considérable au regard de l'interprétation et de l'application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, de l'élaboration, de l'interprétation et de l'application du Code des lobbyistes et de l'interprétation et de l'application du Code des titulaires de charge publique, mais la Cour ne dispose d'aucune preuve indiquant qu'il possède une grande expertise en ce qui concerne l'interprétation de l'expression «motifs raisonnables de croire» employée au paragraphe 10.4(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Ce critère est fondamental parce que c'est lui qui, appliqué aux faits ou aux allégations exposés dans une requête ou une plainte particulière, sert à déterminer si une enquête officielle doit être entreprise conformément à l'article 10.4 de la Loi. La Cour ne disposait certainement d'aucun élément de preuve démontrant que l'expertise du conseiller en éthique à cet égard est plus grande que celle d'un juge de la Cour.

[64]Finalement, l'objet de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, du Code des lobbyistes, du Code des titulaires de charge publique et des dispositions particulières en cause en l'espèce n'ajoute pas vraiment quelque chose à l'analyse servant à déterminer la norme de contrôle applicable.

[65]Par conséquent, je considère que les questions soulevées par les quatre demandes de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie ont trait à l'application de la loi, plus précisément à l'application de l'expression «a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au code [des lobbyistes]» aux faits qui étaient devant le conseiller en éthique et qui sont maintenant devant la Cour. C'est donc la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter qui doit s'appliquer ou, plus simplement, la décision raisonnable

[66]En outre, dans l'arrêt Ryan35, le juge Iacobucci a écrit aux paragraphes 46, 47 et 55:

Le niveau de déférence requis dans le contrôle judiciaire d'une mesure administrative selon la norme de la décision raisonnable fait appel à l'auto-discipline. Une cour sera souvent obligée d'accepter qu'une décision est raisonnable même s'il est peu probable qu'elle aurait fait le même raisonnement ou tiré la même conclusion que le tribunal [. . .]

La norme de la décision raisonnable consiste essentiellement à se demander «si, après un examen assez poussé, les motifs donnés, pris dans leur ensemble, étayent la décision» [. . .] La déférence requise découle de la question puisqu'elle impose à la cour de révision de déterminer si la décision est généralement étayée par le raisonnement du tribunal ou de l'instance décisionnelle, plutôt que de l'inviter à refaire sa propre analyse.

[. . .]

La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir [. . .] Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision [. . .] [Omissions de renvois et de texte.]

c)     L'erreur susceptible de contrôle commise par le conseiller en éthique dans chacune des quatre décisions en question

(i)     La décision Fugère

[67]Dans la requête ou plainte Fugère décrite précédemment, Démocratie en surveillance a expliqué de manière assez détaillée pourquoi une [traduction] «enquête complète et approfondie est nécessaire pour déterminer si les règles de déontologie des lobbyistes et des titulaires de charge publique ont été violées dans des cas concernant M. Fugère». L'organisme a admis se fonder entièrement à cet égard sur des reportages parus dans les médias. Il a écrit:

[traduction] Nous croyons qu'il existe des preuves claires du fait qu'en raison de ses activités M. Fugère devait s'enregistrer conformément à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et qu'il a contrevenu au Code des lobbyistes en ne le faisant pas. Nous croyons également que, comme il ne s'est pas enregistré, il n'a peut-être pas divulgué à ses clients les obligations que lui imposaient la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et le Code des lobbyistes36.

[68]Le paragraphe 10.3(1) [édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5] de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes prévoit que la personne requise par le paragraphe 5(1) [mod., idem, art. 3] de cette Loi de fournir une déclaration est «tenue» de se conformer au Code des lobbyistes. Sous les titres «Règles» et «Transparence», ce code énonce différentes obligations incombant aux lobbyistes, un terme qui désigne toutes les personnes décrites au paragraphe 10.3(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

[69]L'auteur de l'affidavit déposé par le conseiller en éthique en l'espèce déclare dans celui-ci:

[traduction] Toutes les enquêtes menées en vertu du Code des lobbyistes sont entreprises en conformité avec une politique interne intitulée «Lobbyists' Registration Act Investigations»37 [. . .]

[70]Cette [traduction] «politique interne», qui figure dans le dossier de demande38, prévoit en partie ce qui suit:

[traduction] [. . .] afin d'éviter qu'ils déposent des plaintes de mauvaise foi, les plaignants devront fournir des renseignements ou des faits dont ils ont une connaissance directe au soutien de leur plainte. Le pouvoir de recevoir la plainte et d'y donner suite devra aussi être établi39.

[71]La Cour ne dispose pas de preuve indiquant que le conseiller en éthique ou son bureau s'est opposé au fait que Démocratie en surveillance fondait la requête ou plainte Fugère sur des reportages. Par conséquent, j'estime que le conseiller en éthique a considéré que ces reportages présentaient [traduction] «des faits ou des renseignements dont il pouvait prendre connaissance d'office»--en réalité les seuls faits ou renseignements qu'il pouvait, selon la politique interne sur les enquêtes, recevoir de Démocratie en surveillance avant le début d'une enquête officielle fondée sur l'article 10.4 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

[72]Le personnel du Bureau du conseiller en éthique a apparemment effectué une enquête préliminaire informelle sur la requête ou plainte Fugère. Le conseiller en éthique semble s'être fondé sur les résultats de cette enquête pour prendre sa décision. Celle-ci ressort en gros de l'extrait suivant, qui a été cité précédemment mais qui est reproduit ci-dessous pour plus de commodité:

[traduction] La GRC a effectué une enquête et les procureurs de la Couronne ont conclu en août 2000 qu'ils ne disposaient pas d'une preuve suffisante pour intenter efficacement une poursuite en vertu de l'article 5 de la Loi. Selon eux, il était très difficile de rassembler des éléments qui pourraient prouver «hors de tout doute raisonnable» qu'une personne a été rémunérée pour communiquer avec un titulaire de charge publique «afin de tenter d'influencer» l'octroi de subventions ou de contributions, par exemple. Par conséquent, nous n'étions pas en mesure de démontrer devant une cour de justice que M. Fugère avait l'obligation de s'enregistrer comme lobbyiste. Ainsi, M. Fugère n'a jamais été assujetti au Code de déontologie des lobbyistes40. [Non souligné dans l'original.]

[73]En toute déférence, j'estime que cet extrait ne répond pas à la demande d'enquête de Démocratie en surveillance. Le paragraphe (1) de l'article 10.4 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes prévoit que le conseiller fait enquête lorsqu'il a des «motifs raisonnables de croire» qu'une personne a commis une infraction au Code. Or, pour que cette disposition s'applique, il n'est pas nécessaire que le conseiller en éthique ou toute autre personne soit en mesure de démontrer «hors de tout doute raisonnable», devant une cour de justice, que M. Fugère avait l'obligation de s'enregistrer comme lobbyiste. Il faut seulement que le conseiller en éthique ait des «motifs raisonnables de croire»--une norme beaucoup moins rigoureuse que celle de la preuve «hors de tout doute raisonnable»--que M. Fugère avait commis une infraction au Code.

[74]Le conseiller en éthique aurait pu conclure qu'il n'avait pas de motifs raisonnables de croire que M. Fugère avait contrevenu au Code, mais rien de ce qui a été présenté à la Cour, et certainement rien dans la réponse que le conseiller en éthique a donnée à la requête ou plainte Fugère, indique que c'est ce qu'il a fait. Par conséquent, je suis convaincu, lorsque j'applique la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, que la [traduction] «réponse» donnée par le conseiller en éthique à la requête ou plainte Fugère ne répond tout simplement pas à celle-ci et, de ce fait, révèle une erreur susceptible de contrôle.

[75]Même si je n'avais pas tiré la conclusion exposée précédemment au sujet de la partialité, Démocratie en surveillance aurait eu gain de cause en ce qui concerne la requête ou plainte Fugère et l'affaire aurait été renvoyée à l'instance compétente actuelle afin qu'il soit déterminé de nouveau si cette plainte devrait faire l'objet d'une enquête officielle.

(ii)     La décision Dossetor

[76]Comme dans le cas de la requête ou plainte Fugère, Démocratie en surveillance a conclu la requête ou plainte Dossetor en demandant au conseiller en éthique [traduction] «d'effectuer une enquête complète et détaillée» sur le cas de M. Dossetor dans le but de déterminer si celui-ci contrevenait aux [traduction] «règles de déontologie ou de lobbying fédérales». Démocratie en surveillance se fondait notamment sur une annonce de la nomination de M. Dossetor publiée par son employeur et décrivant ses nouvelles fonctions. En ce qui concerne les fonctions exercées par M. Dossetor dans le cadre de son emploi précédent de titulaire de charge publique, Démocratie en surveillance a simplement allégué: [traduction] «Il est établi que, pendant qu'il était au service du gouverne-ment, M. Dossetor s'est occupé des demandes d'approbation d'aliments génétiquement modifiés présentées par [son nouvel employeur].» Encore une fois, la preuve présentée à la Cour n'indique pas que le conseiller en éthique s'est opposé à la nature de la [traduction] «preuve» invoquée par Démocratie en surveillance au soutien de sa requête ou plainte. Et encore une fois, une enquête préliminaire a été effectuée par des fonctionnaires du Bureau du conseiller en éthique.

[77]Dans la décision qu'il a rendue relativement à la requête ou plainte Dossetor, le conseiller en éthique donne certains détails à Démocratie en surveillance au sujet des conclusions de l'enquête préliminaire effectuée par son bureau. Il mentionne à juste titre qu'il doit déterminer [traduction] «s'il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction [au Code de déontologie des lobbyistes] a été commise». Bien que la grammaire et l'emploi des mots [traduction] «et probables» posent quelque peu problème, ils n'ont aucune incidence sur l'essentiel de la question soumise au conseiller en éthique. Ce dernier a conclu que l'enquête préliminaire effectuée par son bureau [traduction] «n'a révélé aucun renseignement permettant de croire qu'il [M. Dossetor] ne s'était pas conformé au Code des lobbyistes. Par conséquent, compte tenu des renseignements disponibles, je ne peux conclure qu'il existe des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction au Code de déontologie des lobbyistes a été commise.» Sa conclusion signifiait implicitement qu'une enquête officielle ne pouvait être justifiée en vertu de l'article 10.4 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

[78]Bien que la conclusion du conseiller en éthique n'ait évidemment pas été celle que souhaitait Démocratie en surveillance et que le délai de deux ans qui l'a précédée ait été malheureux, je considère que, suivant la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, le conseiller en éthique pouvait statuer comme il l'a fait sur la requête ou plainte Dossetor.

(iii) La décision relative aux neuf lobbyistes

[79]La requête ou plainte concernant les neuf lobbyistes était également, dans une moindre mesure toutefois que les requêtes ou plaintes Fugère et Dossetor, fondée sur des reportages parus dans les médias. Elle était cependant fondée également sur la [traduction] «connaissance directe» de Démocratie en surveillance de faits et de renseignements obtenus probablement en faisant ses propres recherches. Elle précisait que les neuf lobbyistes en question étaient enregistrés conformément à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes pour exercer des activités de lobbying auprès du gouvernement fédéral et que chacun avait [traduction] «travaillé pendant des périodes plus ou moins longues (et, dans certains cas, travaill[e] toujours) avec les ministres et titulaires de charge publique suivants dans le cadre d'au moins une initiative privée (et peut-être d'autres initiatives), à savoir une campagne à la direction d'un parti politique». Après avoir expliqué les raisons pour lesquelles il croyait que les activités des neuf lobbyistes plaçaient des titulaires de charge publique en situation de [traduction] «conflit d'intérêts», Démocratie en surveillance a conclu que ces neuf personnes avaient contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes. L'organisme a écrit:

[traduction] Nous vous demandons donc d'exercer tous les pouvoirs que vous confère la Loi et d'enquêter sur ces cas, de déterminer si les lobbyistes nommés ci-dessus ont contrevenu à la règle 8 du Code des lobbyistes et de faire rapport de votre décision au Parlement, comme vous y êtes tenu par la loi41.

[80]Dans ce cas également, le personnel du Bureau du conseiller en éthique semble avoir effectué une enquête préliminaire informelle sur la requête ou plainte concernant les neuf lobbyistes.

[81]Dans la décision qu'il a rendue relativement à cette requête ou plainte, le conseiller en éthique a écrit:

[traduction] Nous avons reçu votre lettre [du 17 juin 2002, reproduite en partie ci-dessus] tout juste au moment où notre bureau mettait la touche finale à des lignes directrices applicables aux ministres qui se sont lancés dans la campagne à la direction du Parti libéral ou qui envisagent d'y participer. Au même moment, je travaillais toujours à une interprétation de la règle 8 [du Code des lobbyistes] qu'un lobbyiste voulant participer directement à l'une des campagnes m'avait demandée42.

[82]Le conseiller en éthique a rappelé ensuite que le premier ministre avait publié, le 11 juin 2002, «Conseil des ministres et les Activités à des fins politiques personnelles - Lignes directrices». Après avoir cité ces lignes directrices, il a écrit:

[traduction] Nous avons conclu que c'est le ministre et non le lobbyiste qui devait veiller à ce qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts [. . .]

Il fallait tout même déterminer si la règle 8--Influence répréhensible du Code de déontologie des lobbyistes [. . .] imposait également une obligation aux lobbyistes participant à la campagne à la direction d'un ministre43.

[83]Le Bureau du conseiller en éthique a publié une interprétation générale, inspirée d'une interprétation particulière, en réponse à la question formulée ci-dessus. Se fondant sur cette interprétation, qui tenait compte de divers facteurs qui doivent être pris en compte lorsqu'il faut déterminer, sur la foi des faits d'une affaire, si une personne a contrevenu à la règle 8, le conseiller en éthique a conclu:

[traduction] Or, ces facteurs n'existent pas dans les cas que vous décrivez. En outre, je suis convaincu qu'après la publication des lignes directrices en juin dernier les ministres et leurs cabinets ont veillé à ce que les lobbyistes faisant partie de l'équipe de campagne d'un ministre aient mis fin à leurs activités de lobbying auprès du ministère de ce ministre. D'autres lobbyistes ont plutôt choisi de ne pas participer à la campagne.

Par conséquent, je n'ai aucun motif raisonnable de croire que les personnes dont vous parlez ont contrevenu au Code des lobbyistes. Une enquête ne peut donc pas être entreprise en vertu des dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes44.

[84]L'avocat de Démocratie en surveillance a soutenu que l'interprétation donnée à la règle 8 du Code des lobbyistes par le conseiller en éthique était déraisonnable et que, par conséquent, non seulement la décision qu'il a rendue relativement à la requête ou plainte concernant les neuf lobbyistes était erronée, mais elle comportait aussi une erreur susceptible de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Au soutien de sa thèse, l'avocat a invoqué l'arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada45, où huit juges de la Cour suprême devait décider si une décision antérieure rendue par celle-ci dans la même affaire devait être annulée parce qu'un juge de la Cour au complet avait participé, de nombreuses années auparavant, à des activités qui auraient fait naître une crainte raisonnable de partialité dans la décision antérieure [[2002] 4 R.C.S. 245]. Au paragraphe 57 et suivants de ses motifs, dans une section intitulée «L'importance du principe de l'impartialité», la Cour a mentionné que, pour statuer sur les requêtes dont elle était saisie, elle devait «examiner les circonstances de l'espèce au regard du principe fondamental et bien établi de l'impartialité des cours de justice». Il y a lieu de remarquer que la Cour a parlé de l'impartialité des cours de justice. La Cour a poursuivi dans le même paragraphe:

En termes simples, la confiance du public dans notre système juridique prend sa source dans la conviction fondamentale selon laquelle ceux qui rendent jugement doivent non seulement toujours le faire sans partialité ni préjugé, mais doivent également être perçus comme agissant de la sorte. [Non souligné dans l'original.]

Je ne suis pas convaincu qu'en parlant de «ceux qui rendent jugement» et, plus précisément, de la question de la confiance du public dans les arrêts de la Cour suprême du Canada, l'arrêt Wewaykum aide la Cour à trancher les questions dont elle est saisie en l'espèce.

[85]Démocratie en surveillance soutenait que la règle 8 du Code des lobbyistes devrait être interprétée de manière à englober non seulement la notion de conflit d'intérêts réel mais aussi celle de conflit d'intérêts apparent, de sorte que sa requête ou plainte devrait être accueillie suivant la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter. Je ne suis pas disposé à conclure, compte tenu de la preuve dont je dispose, que l'interprétation donnée par le conseiller en éthique à la règle 8 du Code des lobbyistes, divulguée le 21 janvier 2003, sur laquelle était fondée sa décision relative à la requête ou plainte concernant les neuf lobbyistes était en soi tellement [traduction] «déraisonnable», restrictive comme elle l'était, qu'elle donnait lieu à une erreur susceptible de contrôle. Le libellé de la règle 8 est clair et sans équivoque. Si les rédacteurs du Code avaient voulu que celui-ci s'applique également aux conflits d'intérêts [traduction] «apparents», ils auraient pu facilement le prévoir. Il n'y a qu'à comparer cette règle avec les articles 3.5 et 23.1 et l'alinéa 27.1a) du Code des titulaires de charge publique. Je ne suis pas prêt à considérer que c'était là leur intention.

[86]De la même façon, le fait que, selon Démocratie en surveillance, la décision relative aux neuf lobbyistes puisse être considérée comme étant contraire à des décisions particulières46 de personnes exerçant des fonctions semblables à celles du conseiller en éthique dans d'autres administrations au Canada ne suffit pas en soi à amener la Cour à conclure que cette décision comporte une erreur susceptible de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[87]Avec déférence pour les prétentions habiles et ingénieuses présentées pour le compte de Démocratie en surveillance, je ne peux conclure que la décision rendue par le conseiller en éthique relativement à la requête ou plainte concernant les neuf lobbyistes comporte une erreur susceptible de contrôle suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Dans les circonstances, cette décision ne sera pas annulée pour cause d'erreur susceptible de contrôle.

(iv) La décision relative aux dons

[88]La décision du conseiller en éthique concernant la requête ou plainte visant les dons soulève essentiellement les mêmes questions que la décision relative aux neuf lobbyistes. L'avocat de Démocratie en surveillance a écrit dans son mémoire des faits et du droit:

[traduction] Ces deux décisions sont fondées sur la même analyse et, en conséquence, présentent les mêmes défauts. Elles sont toutes deux basées sur l'interprétation déraisonnable donnée par le conseiller en éthique à la règle 8 du Code des lobbyistes qui a été divulguée le 21 janvier 200347.

[89]Je conviens que les deux décisions [traduction] «sont fondées sur la même analyse». Dans sa décision relative à la requête ou plainte concernant les dons, le conseiller en éthique a écrit:

[traduction] Pour ce qui est de l'application possible de la règle 8 --Influence répréhensible du Code des lobbyistes, cette disposition prévoit:

«Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires48

[90]J'ai indiqué précédemment que la requête ou plainte concernant les dons portait sur les contributions faites par des lobbyistes à des campagnes éventuelles à la direction de ministres du gouvernement. Le conseiller en éthique a ajouté:

[traduction] La collecte de fonds constitue une partie importante du processus politique, y compris lors des campagnes à la direction d'un parti politique. On considère généralement qu'elle est légitime, en particulier si elle est entièrement divulguée au public. Me fondant sur mon interprétation de la règle 8, «Les lobbyistes et les campagnes à la direction», qui, comme vous le savez, se trouve sur mon site web, je ne peux conclure que le simple fait qu'un lobbyiste a versé une contribution politique à un ministre participant à la campagne à la direction d'un parti politique constitue en soi une infraction au Code de déontologie des lobbyistes.

Cela ne veut pas dire que la règle 8 ne s'appliquerait jamais dans ce cas, mais, comme l'interprétation l'indique, «l'activité qui constitue une influence répréhensible sur un titulaire d'une charge publique est une question de fait dans chaque cas particulier»49.

[91]Après avoir encore une fois décrit certains des facteurs qui doivent être pris en compte lorsqu'on détermine si un lobbyiste a proposé ou entrepris une action ou des actions qui constitueraient une influence répréhensible sur un titulaire de charge publique--ces facteurs sont les mêmes que ceux qui ont été énoncés dans sa décision relative aux neuf lobbyistes--, le conseiller en éthique a conclu:

[traduction] Je ne dispose d'aucun renseignement indiquant que l'un de ces facteurs existait dans les cas que vous avez portés à mon attention. Je n'ai donc aucun motif raisonnable de croire que ces personnes ou organisations ont contrevenu au Code des lobbyistes. En conséquence, aucune enquête ne peut être effectuée en vertu des dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

[92]Pour les motifs que j'ai exposés brièvement pour expliquer ma conclusion relative à la requête ou plainte concernant les neuf lobbyistes, je suis d'avis de conclure que, selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, le conseiller en éthique n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a tiré la conclusion ci-dessus.

[93]Par conséquent, je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire visant la décision relative aux dons uniquement à cause de l'erreur susceptible de contrôle.

RÉSUMÉ DES CONCLUSIONS

[94]En résumé, les quatre demandes de contrôle judiciaire soumises à la Cour seront accueillies parce que j'estime, compte tenu de l'ensemble de la preuve dont dispose la Cour, qu'il existait des motifs justifiant une crainte raisonnable de partialité--partialité particulière envers Démocratie en surveillance et partialité institutionnelle--de la part du conseiller en éthique et de son bureau et que, à cause de cette partialité, le conseiller en éthique a manqué aux principes d'équité procédurale lorsqu'il a rendu les décisions faisant l'objet du présent contrôle. Sans cette conclusion, la décision Fugère serait annulée au motif qu'elle est erronée suivant la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter et les demandes de contrôle judiciaire visant les trois autres décisions--la décision Dossetor, la décision relative aux neuf lobbyistes et la décision relative aux dons--seraient rejetées au motif qu'elles ne comportent aucune erreur susceptible de contrôle suivant la même norme et compte tenu de l'ensemble de la preuve présentée à la Cour.

LES MESURES DE RÉPARATION

[95]Comme il a été indiqué précédemment, Démocratie en surveillance demandait à la Cour d'annuler les quatre décisions rendues par le conseiller en éthique. Cette réparation sera accordée.

[96]Démocratie en surveillance demandait également à la Cour de rendre différents jugements déclaratoires portant: premièrement, que Démocratie en surveillance n'a pas eu droit à l'équité procédurale dans le contexte de ses quatre requêtes ou plaintes; deuxièmement, que le régime institutionnel créé par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, dans la mesure où il permet que la même personne soit chargée d'enquêter et de faire rapport au Parlement sur des allégations d'infraction au Code des lobbyistes et d'appliquer le Code des titulaires de charge publique, crée une crainte raisonnable de partialité; troisièmement, qu'à tous les moments pertinents le conseiller en éthique n'était pas indépendant et ses décisions étaient entachées de partialité institutionnelle à cause de ses diverses fonctions et de celles de son poste et du fait qu'il est désigné par le gouvernement; quatrièmement, que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes doit être interprétée de façon à interdire la nomination de la même personne au poste de conseiller en éthique sous le régime de cette Loi et au poste de conseiller en éthique sous le régime du Code des titulaires de charge publique; finalement, qu'à tous les moments pertinents le conseiller en éthique a manqué d'objectivité envers Démocratie en surveillance.

[97]À la fin de l'audition de la requête présentée pour le compte du conseiller en éthique afin que les quatre demandes de contrôle judiciaire soumises à la Cour soient rejetées au motif qu'elles étaient devenues théoriques, j'ai indiqué que cette requête serait rejetée et une ordonnance a été prononcée à cet effet. J'ai indiqué également que, même si les questions soumises à la Cour n'étaient pas théoriques en elles-mêmes, les jugements déclaratoires demandés étaient tous devenus théoriques par suite de la récente entrée en vigueur des modifications relativement radicales apportées à l'application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, du Code des lobbyistes et du Code des titulaires de charge publique. Aussi, aucun des jugements déclaratoires demandés pour le compte de Démocratie en surveillance ne sera rendu, malgré le fait que les conclusions auxquelles j'en suis arrivé relativement aux quatre demandes de contrôle judiciaire indiquent que, n'eût été des modifications apportées récemment à la Loi, ces jugements déclaratoires auraient tous, ou une partie d'entre eux, été justifiés.

[98]Démocratie en surveillance demande ses dépens, y compris la TPS, en ce qui concerne les quatre demandes de contrôle judiciaire. Compte tenu du fait qu'elle a souscrit à ses arguments sur de nombreux points, la Cour fait droit à sa demande concernant les dépens.

1 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 7A.

2 L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 44 [art. 10.1 (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 5)].

3 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 7B.

4 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6, p. 42, par. 2.

5 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6E, p. 144 et 145.

6 Dossier de demande du demandeur, onglet 6F, p. 148 et 149.

7 L.C. 2003, ch. 10.

8 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6G, p. 151 et 152.

9 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6H, p. 154 et 155.

10 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6I, p. 157.

11 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6I, p. 162.

12 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6J, p. 164.

13 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6J, p. 165 et 166.

14 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6L, p. 174 et 175.

15 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6L, p. 175 et 176.

16 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6L, p. 176.

17 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6M, p. 178 et 179.

18 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6M, p. 179.

19 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6M, p. 179.

20 Dossier de demande du demandeur, vol. 4, onglet 17, p. 1682 et 1683.

21 L.R.C. (1985), ch. F-7 [art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14)].

22 L.R.C. (1985), ch. S-22.

23 L.C. 2004, ch. 7 (la Loi en question).

24 C.P. 2004-655.

25 [1989] 1 R.C.S. 342.

26 Dossier du défendeur, onglet 1, p. 000017, par. 47.

27 [1978] 1 R.C.S. 369.

28 [2003] 1 R.C.S. 884 (cet arrêt n'a pas été invoqué devant moi).

29 Art. 2 du Code régissant les conflits d'intérêts [Code régissant la conduite des titulaires de charge publique (2003)].

30 Code des lobbyistes, Principes.

31 [1996] 3 R.C.S. 919.

32 [2003] 1 R.C.S. 247.

33 [2003] 1 R.C.S. 226.

34 [1997] 1 R.C.S. 748, par. 50.

35 Supra, note 32.

36 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6E, p. 146.

37 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 7, par. 22, p. 367.

38 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 7C, p. 404 à 410.

39 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 7C, p. 404 et 405.

40 Supra, par. 5.

41 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6I, p. 162.

42 Dossier de demande du demandeur, vol. I, onglet 6J, p. 164.

43 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6J, p. 165.

44 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6J, p. 166.

45 [2003] 2 R.C.S. 259.

46 Voir les décisions suivantes du Commissaire à l'intégrité de l'Ontario à http://www.oico.on.ca: rapport concernant Eves, Clement, Flaherty et Coburn du 28 novembre 2003; rapport concernant Eves et Clement du 13 août 2003; rapport concernant Flaherty du 8 février 2002; rapport concernant Harris et Harnick du 16 mai 2001. Voir aussi les décisions suivantes du commissaire aux conflits d'intérêts de la Colombie-Britannique à http://www.gov.bc.ca/oic: demande de McPhail concernant le ministre Sindi Hawkins; demande de Delaney concernant le ministre Stan Hagen; décision relative à Glen Clark et demande de la Tsawwassen Homeowners Association concernant le ministre John Van Dongen.

47 Dossier de demande du demandeur, vol. 4, onglet 17, par. 109, p. 1681.

48 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6M, p. 179.

49 Dossier de demande du demandeur, vol. 1, onglet 6M, p. 179.

ANNEXE I

(paragraphe 21)

LOI SUR LES COURS FÉDÉRALES

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[. . .]

«office fédéral» Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale, à l'exclusion de la Cour canadienne de l'impôt et ses juges, d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[. . .]

18. (1) Sous réserve de l'article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour:

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l'alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d'obtenir réparation de la part d'un office fédéral.

[. . .]

(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d'une demande de contrôle judiciaire.

[. . .]

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande.

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

(3) Sur présentation d'une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut:

a) ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu'elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l'office fédéral.

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas:

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l'exercer;

b) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu'en l'occurrence le vice n'entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l'ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu'elle estime indiquées.

ANNEXE II

(paragraphe 22)

LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES [art. 2(1) «conseiller» (édicté par L.C. 1995, ch. 12, art. 1), «directeur», «titulaire d'une charge publique» (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 182(1)w)), 5(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 12, art. 3), 8, 9 (mod., idem, art. 5), 10 (mod., idem), 10.1 (édicté, idem), 10.2 (édicté, idem), 10.3 (édicté, idem), 10.4 (édicté, idem), 10.5 (édicté, idem), 14 (mod., idem, art. 7)]

Vu l'intérêt public présenté par la liberté d'accès aux institutions de l'État;

Vu la légitimité du lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique;

Vu l'opportunité d'accorder aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions;

Vu le fait que l'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à cette liberté d'accès,

Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte:

[. . .]

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

«conseiller» Le conseiller en éthique désigné en application de l'article 10.1.

«directeur» La personne désignée à ce titre en application de l'article 8.

[. . .]

«titulaire d'une charge publique» Agent ou employé de Sa Majesté du chef du Canada. La présente définition s'applique notamment:

a) aux sénateurs et députés fédéraux ainsi qu'à leur personnel;

b) aux personnes nommées à des organismes par le gouverneur en conseil ou un ministre fédéral, ou avec son approbation, à l'exclusion des juges rémunérés sous le régime de la Loi sur les juges et des lieutenants- gouverneurs;

c) aux administrateurs, dirigeants et employés de tout office fédéral, au sens de la Loi sur les Cours fédérales;

d) aux membres des Forces armées canadiennes;

e) aux membres de la Gendarmerie royale du Canada.

[. . .]

5. (1) Est tenue de fournir au directeur, dans les dix jours suivant l'engagement, une déclaration, en la forme réglementaire, contenant les renseignements prévus au paragraphe (2) toute personne (ci-après «lobbyiste-conseil») qui, moyennant paiement, s'engage, auprès d'un client, personne physique ou morale ou organisation:

a) à communiquer avec un titulaire de charge publique afin de tenter d'influencer:

(i) l'élaboration de propositions législatives par le gouvernement fédéral ou par un sénateur ou un député,

(ii) le dépôt d'un projet de loi ou d'une résolution devant une chambre du Parlement, ou sa modification, son adoption ou son rejet par celle-ci,

(iii) la prise ou la modification de tout règlement au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les textes réglementaires,

(iv) l'élaboration ou la modification d'orientation ou programmes fédéraux,

(v) l'octroi de subventions, de contributions ou autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom,

(vi) l'octroi de tout contrat par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom;

b) à ménager pour un tiers une entrevue avec le titulaire d'une charge publique.

[. . .]

8. Le registraire général du Canada peut désigner tout membre du personnel de son bureau à titre de directeur de l'enregistrement pour l'application de la présente loi.

9. (1) Le directeur tient un registre contenant tous les documents--déclarations ou autres--qui lui sont fournis en application de la présente loi.

(2) Le registre est tenu en la forme et selon les modalités fixées par le directeur.

(3) Le directeur peut vérifier la régularité des renseignements contenus dans les documents.

(4) Le public peut consulter le registre au lieu et aux heures que fixe, dans des limites raisonnables, le directeur.

10. (1) Le directeur peut publier des bulletins d'interprétation et fournir des avis portant sur l'exécution, l'interprétation ou l'application de la présente loi, à l'exception des articles 10.1 à 10.6.

(2) Les bulletins d'interprétation et les avis ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires et ne sont pas contraignants.

10.1 Le gouverneur en conseil peut désigner un conseiller en éthique pour l'application de la présente loi.

10.2 (1) Le conseiller élabore un code de déontologie des lobbyistes portant sur toutes les activités visées aux paragraphes 5(1), 6(1) et 7(1).

(2) Il consulte pour ce faire les personnes et les organisations qu'il estime intéressées par l'objet du code.

(3) Avant d'être publié conformément au paragraphe (4), le code est soumis à l'examen du comité désigné par la Chambre des communes.

(4) Le code n'est pas un texte réglementaire pour l'application de la Loi sur les textes réglementaires. Il doit cependant être publié dans la Gazette du Canada.

10.3 (1) Sont tenues de se conformer au code la personne requise par les paragraphes 5(1) ou 6(1) de fournir une déclaration ainsi que l'employé visé à l'alinéa 7(3)f).

(2) L'article 126 du Code criminel ne s'applique pas à l'infraction visée au paragraphe (1).

10.4 (1) Le conseiller fait enquête lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction au code.

(2) Il peut, dans le cadre de son enquête, de la même manière et dans la même mesure qu'une cour supérieure d'archives, assigner devant lui des témoins et leur enjoindre de déposer oralement ou par écrit, sous la foi du serment, ou de produire les documents et autres pièces qu'il croit nécessaires à son enquête, y compris les documents établissant que le lobbyiste-conseil, le lobbyiste salarié ou le lobbyiste travaillant pour le compte d'une organisation a reçu un paiement ou engagé une dépense se rapportant à une activité visée aux paragraphes 5(1), 6(1) ou 7(1). Il peut en outre faire prêter serment et recueillir tout renseignement, qu'il soit ou non admissible en preuve devant un tribunal.

(3) L'enquête menée par le conseiller est secrète.

(4) Les dépositions faites au cours d'une enquête ou le fait de l'existence de l'enquête ne sont pas admissibles contre le déposant devant les tribunaux ni dans aucune autre procédure, sauf le cas où il est poursuivi pour infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) relativement à ces dépositions.

(5) Le conseiller doit, avant de statuer qu'elle a commis une infraction au code, donner à la personne la possibilité de présenter son point de vue.

(6) Le conseiller et les personnes agissant en son nom ou sous son autorité sont tenus au secret en ce qui concerne les renseignements dont ils prennent connaissance dans l'exercice des pouvoirs et fonctions que leur confère la présente loi. Ces renseignements peuvent toutefois être divulgués:

a) si, de l'avis du conseiller, leur divulgation est nécessaire pour mener une enquête en vertu du présent article ou pour motiver les conclusions contenues dans son rapport;

b) dans le rapport du conseiller ou dans le cadre de procédures intentées pour infraction à l'article 131 du Code criminel (parjure) relativement à une déposition faite au cours d'une enquête.

10.5 (1) Le conseiller présente au registraire général du Canada un rapport d'enquête dans lequel il motive ses conclusions; ce dernier fait déposer le rapport devant les deux chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de chacune de celles-ci suivant sa réception.

(2) Le rapport peut faire état, lorsque le conseiller estime que l'intérêt public le justifie, des renseignements concernant tout paiement reçu ou dépense engagée par le lobbyiste- conseil, le lobbyiste salarié ou le lobbyiste travaillant pour le compte d'une organisation et se rapportant à une activité visée aux paragraphes 5(1), 6(1) ou 7(1).

[. . .]

14. (1) Exception faite du paragraphe 10.3(1), quiconque contrevient à la présente loi ou à ses règlements commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de vingt-cinq mille dollars.

(2) Quiconque donne sciemment, dans tout document-- déclaration ou autre--transmis au directeur, sous forme électronique ou autre, en application de la présente loi, des renseignements faux ou trompeurs commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité:

a) par procédure sommaire, une amende maximale de vingt-cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l'une de ces peines;

b) par mise en accusation, une amende maximale de cent mille dollars et un emprisonnement maximal de deux ans, ou l'une de ces peines.

(3) Les poursuites par voie de procédure sommaire engagées aux termes du présent article se prescrivent par deux ans à compter de la date de la prétendue perpétration.

ANNEXE III

(paragraphe 23)

CODE DES LOBBYISTES

Message du conseiller en éthique

Le Code de déontologie des lobbyistes est le fruit de nombreuses consultations auprès d'un large éventail de personnes et de groupes intéressés à accroître la confiance du public dans l'intégrité du processus décisionnel de l'État. Il a été soumis à l'examen du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre à l'automne 1996 et a été publié dans la Gazette du Canada, le 8 février 1997. Le code est en vigueur depuis le 1er mars 1997.

L'objet du Code de déontologie des lobbyistes est de rassurer le public canadien au sujet des normes d'éthique élevées que doivent respecter les lobbyistes de façon à préserver et à faire croître la confiance du public dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité de la prise de décisions du gouvernement. À cet égard, le Code de déontologie des lobbyistes vient compléter les exigences d'agrément de la Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes entrée en vigueur le 31 janvier 1996.

Les lobbyistes, c'est-à-dire toutes les personnes rémunérées pour communiquer avec les titulaires fédéraux d'une charge publique afin de tenter d'influer sur les décisions du gouvernement, sont tenus de se conformer au code. On entend par «titulaire d'une charge publique», presque toutes les personnes qui occupent un poste au sein du gouvernement fédéral, y compris les sénateurs, les députés ainsi que leur personnel, les agents et les employés des ministères et des agences, les membres des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.

Le code débute par un préambule qui en établit les objectifs en le plaçant dans un contexte plus général. Par la suite, vient un ensemble de principes, ceux-ci étant suivis de règles particulières. Les principes présentent, de façon positive, les buts et objectifs à atteindre, sans toutefois définir de normes précises. Quant aux règles, elles précisent les exigences en matière de comportement à adopter dans certaines situations. Les principes fournissent donc un cadre pour l'application des règles. Par conséquent, les pouvoirs d'enquête qui ont été conférés par la Loi au conseiller en éthique ne seront déclenchés que lors d'une allégation de dérogation à une règle.

Le Bureau du conseiller en éthique attache une grande importance à son rôle consultatif. Son personnel sera à la disposition des lobbyistes et leur offrira conseils et commentaires au sujet de l'application du Code de déontologie des lobbyistes. Les rapports annuels au Parlement serviront à communiquer, sur une plus grande échelle, les conseils et les mises au point du code.

Nous invitons non seulement les lobbyistes, mais aussi le public à faire parvenir leurs questions et commentaires au Bureau du conseiller en éthique.

[. . .]

Préambule

Le Code de déontologie des lobbyistes s'appuie sur quatre notions énoncées dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes:

·     L'intérêt public présenté par la liberté d'accès aux institutions de l'État;

·     La légitimité du lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique;

·     L'opportunité d'accorder aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions;

·     L'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à cette liberté d'accès.

Le Code de déontologie des lobbyistes est un moyen important d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État. La confiance que les Canadiennes et les Canadiens accordent aux titulaires d'une charge publique afin qu'ils prennent des décisions favorables à l'intérêt public est indispensable à toute société libre et démocratique.

À cette fin, les titulaires d'une charge publique sont tenus, dans les rapports qu'ils entretiennent avec le public et les lobbyistes, d'observer les normes qui les concernent dans leurs codes de déontologie respectifs. Quant aux lobbyistes qui communiquent avec des titulaires d'une charge publique, ils doivent aussi respecter les normes déontologiques ci-après.

Ces codes remplissent conjointement une fonction importante visant à protéger l'intérêt public, du point de vue de l'intégrité de la prise des décisions au sein du Gouvernement.

Principes

Intégrité et honnêteté

Les lobbyistes devraient faire preuve d'intégrité et d'honnêteté dans toutes leurs relations avec les titulaires d'une charge publique, les clients, les employeurs, le public et les autres lobbyistes.

Franchise

En tout temps, les lobbyistes devraient faire preuve de transparence et de franchise au sujet de leurs activités de lobbyisme, et ce, tout en respectant la confidentialité.

Professionnalisme

Les lobbyistes devraient observer les normes professionnelles et déontologiques les plus strictes. Plus particulièrement, ils sont tenus de se conformer sans réserve tant à la lettre qu'à l'esprit du Code de déontologie des lobbyistes, de même qu'à toutes les lois pertinentes, dont la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et son règlement d'application.

Règles

Transparence

1. Identité et objet

Lorsqu'ils font des démarches auprès d'un titulaire d'une charge publique, les lobbyistes doivent révéler l'identité de la personne ou de l'organisation pour laquelle ils font ces démarches ainsi que l'objet de ces dernières.

2. Renseignements exacts

Les lobbyistes doivent fournir des renseignements qui sont exacts et concrets aux titulaires d'une charge publique. En outre, ils ne doivent pas induire sciemment en erreur qui que ce soit, et ils doivent veiller à ne pas le faire par inadvertance.

3. Divulgation des obligations

Les lobbyistes doivent informer leur client, employeur ou organisation des obligations auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et du fait qu'il leur faut se conformer au Code de déontologie des lobbyistes.

Confidentialité

4. Renseignements confidentiels

Les lobbyistes ne doivent pas divulguer de renseignements confidentiels, à moins d'avoir obtenu le consentement éclairé de leur client, de leur employeur ou de leur organisation, ou que la loi ne l'exige.

5. Renseignements d'initiés

Les lobbyistes ne doivent pas se servir des renseignements confidentiels ou d'initiés obtenus dans le cadre de leurs activités de lobbyisme au désavantage de leur client, de leur employeur ou de leur organisation.

Conflits d'intérêts

6. Intérêts concurrentiels

Les lobbyistes ne doivent pas représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement éclairé des personnes dont les intérêts sont en cause.

7. Divulgation

Les lobbyistes-conseils doivent informer les titulaires d'une charge publique qu'ils ont avisé leurs clients de tout conflit d'intérêts réel, possible ou apparent et ont obtenu le consentement éclairé de chaque client concerné avant d'entreprendre ou de poursuivre l'activité en cause.

8. Influence répréhensible

Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

ANNEXE IV

(paragraphe 24)

CODE DES TITULAIRES DE CHARGE PUBLIQUE

2.     Objet

Le présent code a pour objet d'accroître la confiance du public dans l'intégrité des titulaires de charge publique et dans le processus de prise de décisions du gouvernement

a.     tout en encourageant les personnes qui possèdent l'expérience et les compétences requises à solliciter et à accepter une charge publique;

b.     tout en facilitant les échanges entre les secteurs privé et public;

c.     en établissant à l'intention des titulaires de charge publique des règles de conduite claires au sujet des conflits d'intérêts et de l'après-mandat;

d.     en réduisant au minimum les possibilités de conflit entre les intérêts personnels des titulaires de charge publique et leurs fonctions officielles, et en prévoyant les moyens de régler de tels conflits, le cas échéant, dans l'intérêt public.

3.     Principes

Le titulaire d'une charge publique doit se conformer aux principes suivants:

1.     Normes en matière d'éthique

Il agira avec honnêteté ainsi que selon des normes supérieures en matière d'éthique de façon à préserver et à faire croître la confiance du public dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du gouvernement.

2.     Examen public

Il doit exercer ses fonctions officielles et organiser ses affaires personnelles d'une manière si irréprochable qu'elle puisse résister à l'examen public le plus minutieux; pour s'acquitter de cette obligation, il ne lui suffit pas simplement d'observer la loi.

3.     Prise de décision

Il doit, dans l'exercice de ses fonctions officielles, prendre toute décision dans l'intérêt public tout en considérant le bien-fondé de chaque cas.

4.     Intérêts personnels

Outre ceux qui sont autorisés par le présent code, le titulaire ne doit pas conserver d'intérêts personnels sur lesquels les activités gouvernementales auxquelles il participe pourraient avoir une influence quelconque.

5.     Intérêt public

Dès sa nomination, il doit organiser ses affaires personnelles de manière à éviter les conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents; l'intérêt public doit toujours prévaloir dans les cas où les intérêts du titulaire entrent en conflit avec ses fonctions officielles.

6.     Cadeaux et avantages

Mis à part les cadeaux, les marques d'hospitalité et les autres avantages d'une valeur minime, il lui est interdit de solliciter ou d'accepter le transfert de valeurs économiques, sauf s'il s'agit de transferts résultant d'un contrat exécutoire ou d'un droit de propriété.

7.     Traitement de faveur

Il lui est interdit d'outrepasser ses fonctions officielles pour venir en aide à des personnes, physiques ou morales, dans leurs rapports avec le gouvernement, lorsque cela peut donner lieu à un traitement de faveur.

8.     Position d'initié

Il lui est interdit d'utiliser à son propre avantage ou bénéfice des renseignements obtenus dans l'exercice de ses fonctions officielles et qui, de façon générale, ne sont pas accessibles au public.

9.     Biens du gouvernement

Il lui est interdit d'utiliser directement ou indirectement les biens du gouvernement, y compris les biens loués, ou d'en permettre l'usage à des fins autres que les activités officiellement approuvées.

10.     Après-mandat

À l'expiration de son mandat, il a le devoir de ne pas tirer un avantage indu de la charge publique qu'il a occupée.

[. . .]

4.     Définitions

1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie et à l'annexe:

[. . .]

«Titulaire d'une charge publique»

a) ministre, ministre d'État et secrétaire parlementaire;

b) quiconque, y compris les contractuels et les bénévoles, mais autre qu'un fonctionnaire, travaille en moyenne 15 heures et plus par semaine pour le compte d'un ministre ou d'un ministre d'État;

c) titulaire nommé par le gouverneur en conseil, à l'exception:

i.     des lieutenants-gouverneurs;

ii     des cadres et du personnel du Sénat, de la Chambre des communes et de la Bibliothèque du Parlement;

iii.     des chefs de mission au sens du paragraphe 13(1) de la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui sont des personnes nommées ou employées sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique;

iv.     des juges qui touchent un traitement au titre de la Loi sur les juges;

v.     des juges militaires au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la défense nationale;

vi.     des officiers de la Gendarmerie royale du Canada autres que le commissaire;

d) titulaire d'une nomination ministérielle à temps plein désigné comme titulaire d'une charge publique par le ministre compétent.

[. . .]

5.     Fonctions du conseiller en éthique

1.     Sous la direction générale du greffier du Conseil privé, le conseiller en éthique administre le Code et applique les mesures d'observation régissant les conflits d'intérêts qui sont énoncées dans la présente partie en ce qui a trait aux titulaires de charge publique.

2.     Les renseignements détenus par le conseiller en éthique concernant les intérêts personnels du titulaire d'une charge publique demeurent confidentiels jusqu'à ce qu'une déclaration publique soit faite, le cas échéant, à ce sujet.

3.     Le conseiller en éthique veille:

a.     à ce que les renseignements fournis en vertu du paragraphe (2) soient conservés à titre strictement confidentiel, et que les documents en faisant état soient mis en lieu sûr conformément aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels;

b.     à ce que les renseignements fournis par le titulaire d'une charge publique à l'intention du public soient versés dans un dossier personnel au Registre public;

c.     à ce qu'après une période maximale de cinq ans suivant le départ d'un titulaire, les dossiers visés aux alinéas a) et b) soient détruits conformément à la politique des Archives nationales et à la Loi sur la protection des renseignements personnels à moins qu'il s'agisse de documents relatifs à une plainte en instance concernant les obligations d'un titulaire de charge publique prescrites par le Code.

[. . .]

Cadeaux, marques d'hospitalité et autres avantages

20.     Interdiction d'accepter

1. Le titulaire d'une charge publique doit refuser tout cadeau, y compris ceux décrits à l'article 21, marque d'hospitalité ou autre avantage qui risque d'avoir une influence sur son jugement et sur l'exercice de ses fonctions officielles.

2. Les ministres, les ministres d'État et les secrétaires parlementaires ne doivent en aucun cas accepter les offres de voyage à bord d'avions privés ou de vols nolisés non commerciaux, sauf dans des circonstances exceptionnelles, toute acceptation devant être approuvée au préalable par le conseiller en éthique.

[. . .]

23.     Refus d'accorder des traitements de faveur

1.     Le titulaire d'une charge publique doit éviter de se placer ou de sembler se placer dans des situations où il serait redevable à une personne ou à un organisme, ou encore au représentant d'une personne ou d'un organisme, qui pourrait tirer parti d'un traitement de faveur de sa part.

2.     Lors de la formulation de politiques gouverne-mentales ou de la prise de décisions, le titulaire d'une charge publique devra s'assurer qu'aucun individu ou groupe ne se voit accorder un traitement de faveur en fonction des personnes retenues pour les représenter.

3.     Il est interdit au titulaire d'une charge publique d'accorder, relativement à des questions officielles, un traitement de faveur à des parents ou amis, ou encore à des organismes dans lesquels lui-même, ses parents ou ses amis ont des intérêts.

[. . .]

Partie III - Mesures d'observation concernant l'après- mandat

26.     Définitions

Aux fins de la présente partie, le «titulaire d'une charge publique» désigne le titulaire des postes visés à l'article 4 (Partie II) du présent code. Les membres du personnel du cabinet d'un ministre et les autres titulaires de charge publique, au sens de l'alinéa b) de la définition du terme «titulaire de charge publique» au paragraphe 4(1), doivent toutefois avoir été désignés par le ministre pour être assujettis à la présente partie.

27.     Objet

Le titulaire d'une charge publique doit, après l'expiration de son mandat, se comporter de façon à ne pas tirer d'avantages indus de sa charge antérieure au service du gouvernement. L'observation des mesures énoncées dans la présente partie lui permettra de réduire au minimum les possibilités:

a) de se trouver dans des situations de conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents en raison des offres d'emploi qui lui viennent de l'extérieur alors qu'il est au service de l'État;

b) d'obtenir un traitement de faveur ou un accès privilégié au gouvernement après qu'il aura quitté sa charge publique;

c) d'utiliser pour son profit personnel les renseignements obtenus dans l'exercice de ses fonctions officielles avant qu'ils ne soient connus du public;

d) de tirer un avantage indu de sa charge pour obtenir des occasions d'emploi à l'extérieur.

[. . .]

29.     Après avoir quitté son poste

Activités interdites

1.     Il est interdit à un ancien titulaire d'une charge publique de changer de camp, c'est-à-dire d'agir au nom ou pour le compte d'une personne, d'une société commerciale, d'une association ou d'un syndicat relativement à une procédure, à une transaction, à une négociation ou à une autre cause à laquelle le gouvernement du Canada est partie et dans laquelle il a représenté ou conseillé le gouvernement.

2.     L'ancien titulaire d'une charge publique ne doit pas non plus donner de conseils à ses clients fondés sur des renseignements non disponibles au public concernant les programmes ou les politiques des ministères pour lesquels il a travaillé, ou avec lesquels il avait des rapports directs et importants au cours de l'année qui a précédé la fin de son mandat.

30.     Période de restriction

Sauf dans le cas des ministres ou des ministres d'État, où la période prescrite est de deux ans, il est interdit à un ancien titulaire d'une charge publique, dans l'année qui suit la cessation de ses fonctions:

a) d'accepter une nomination au conseil d'administration d'une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son mandat, ou un emploi au sein d'une telle entité;

b) d'intervenir, pour le compte ou au nom d'une personne ou d'une entité, auprès d'un ministère avec lequel il a eu des rapports officiels directs et importants au cours de l'année ayant précédé la fin de son andat.

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