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T-654-01

2003 CF 1311

L'Association canadienne des producteurs d'acier et Stelco Inc. (demanderesses)

c.

Le Commissaire des douanes et du revenu (défendeur)

et

Dofasco Inc. (intervenante)

Répertorié: Assoc. canadienne des producteurs d'acier c. Canada (Commissaire des douanes et du revenu) (C.F.)

Cour fédérale, juge Simpson--Toronto, 28 avril; Ottawa, 10 novembre 2003.

Antidumping -- Plainte présentée par Dofasco (intervenante) que neuf pays faisaient le dumping de tôles d'acier laminées à froid au Canada -- Enquête du Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) aux termes de l'art. 31(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI) -- Stelco, un autre producteur appuyant la plainte, s'est vu refuser l'accès aux renseignements confidentiels transmis au Commissaire par les exportateurs -- Demande de contrôle judiciaire du refus accueillie -- Motif du refus de l'accès: les lignes directrices administratives accordent aux seuls exportateurs et importateurs le statut de partie à l'enquête de dumping -- Le Commissaire a estimé que les producteurs nationaux n'avaient qu'un intérêt indirect dans l'issue de la demande -- Les producteurs nationaux ont fourni des renseignements sur une base volontaire -- Importance pour les producteurs nationaux de pouvoir influencer la décision relative à la marge de dumping -- L'audience ultérieure du TCCE porte sur la question de savoir si le dumping a causé un préjudice et s'il y a lieu d'imposer des droits -- Electrohome Ltd. c. Canada (sous-ministre du Revenu national, douanes et accise) (appareils de télévision en couleur coréens) examiné -- Question de savoir si Dofasco et les autres producteurs canadiens sont des parties -- Historique législatif -- Les lignes directrices en matière de divulgation sont fondées sur une interprétation restrictive de l'art. 84(3) de la LMSI de façon à encourager les exportateurs à collaborer -- Le règlement antidumping américain utilise une définition plus large de «partie» -- La LMSI a été modifiée pour rapprocher de la pratique américaine les dispositions en matière de divulgation -- La LMSI est une loi à portée économique qui régit les plaintes de dumping -- La décision attaquée est annulée parce qu'elle est fondée sur des lignes directrices qui vont à l'encontre de l'intention du législateur -- La plaignante et les sociétés qui l'appuient sont des parties qui ont le droit d'avoir accès aux renseignements confidentiels.

L'intervenante, Dofasco Inc., a déposé une plainte écrite aux termes du paragraphe 32(1) de la Loi sur les mesures spéciales d'importation (LMSI), dans laquelle elle alléguait que neuf pays étaient coupables de faire le dumping au Canada de tôles d'acier laminées à froid. Les trois autres producteurs canadiens de tôles d'acier laminées à froid ont écrit pour appuyer la plainte de Dofasco. Le Commissaire de l'ADRC a alors déclenché une enquête aux termes du paragraphe 31(1). L'avocat de Stelco a soutenu que, selon le paragraphe 84(3) de la Loi, il avait le droit de consulter les renseignements fournis au Commissaire par les exportateurs au cours de l'enquête. Cette demande d'accès était présentée au nom de tous les producteurs canadiens. Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant le refus de cette demande.

Jugement: la demande accueillie.

La demanderesse, l'Association canadienne des producteurs d'acier, compte 11 membres qui exploitent 16 aciéries et produisent la totalité de l'acier primaire canadien. Dofasco a obtenu le statut de partie intéréssée dans la présente demande de contrôle judiciaire.

Le refus d'autoriser l'accès aux renseignements était fondé sur des lignes directrices administratives d'après lesquelles seuls les exportateurs et les importateurs qui participent activement à l'enquête sont parties à la procédure d'enquête sur le dumping. Le commissaire a jugé que les producteurs nationaux n'avaient qu'un intérêt indirect dans l'issue de l'enquête.

La préparation d'un dossier de plainte complet est une lourde tâche et le dossier peut comprendre des centaines de pages. Après avoir décidé que l'enquête était justifiée, le Commissaire a envoyé aux exportateurs une «demande de renseignements» tandis que les producteurs nationaux ont fourni des renseignements supplémentaires sur une base volontaire. L'importance de la décision attaquée vient du fait que le Commissaire refuse de recevoir des renseignements non sollicités émanant des avocats des producteurs nationaux qui présentent des commentaires au sujet des renseignements fournis par les exportateurs. Les producteurs nationaux veulent être en mesure d'influencer le montant de la marge à l'étape de l'enquête parce qu'une fois que la marge est établie, elle ne peut être contestée et elle est traitée comme une «donnée» à l'audience que tient par la suite le TCCE, dont le rôle consiste à décider si le dumping a causé un préjudice et s'il y a lieu d'imposer des droits. L'avocat du défendeur a reconnu que le montant de la marge de dumping influence la décision du tribunal d'imposer des droits.

Les demanderesses invoquent à l'appui de leur argument selon lequel elles sont parties à l'enquête la décision qu'a prononcée la Section de première instance dans Electrohome Ltd. c. Canada (Sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise), une affaire qui concernait une allégation de dumping d'appareils de télévision en couleur d'origine coréenne. Le juge Rouleau a rejeté l'argument du sous-ministre selon lequel les plaignantes n'étaient pas des parties à l'instance et n'avaient donc pas le droit d'obtenir les renseignements demandés. Ce juge a écrit que les demanderesses étaient parties à «toute procédure prévue à la présente loi qui en découle». Il est difficile de saisir la portée de cette observation, étant donné que ni la plainte, ni l'enquête ne constituaient une procédure «qui en découle».

Aux termes du paragraphe 84(3), l'avocat de Dofasco aurait droit à avoir accès aux renseignements confidentiels dans le seul cas où cette société a) est partie à l'enquête ou b) est une partie à une instance qui en découle. L'affaire en étant toujours à l'étape de l'enquête, le cas b) ne s'applique pas, de sorte qu'il s'agit de savoir si Dofasco et les autres producteurs canadiens ont le statut de parties à l'enquête. Étant donné qu'Electrohome ne porte pas directement sur cette question, il ne peut être invoqué utilement par les demandeurs.

Le mémoire des faits et du droit des demandeurs a été cité longuement parce qu'il relate l'examen parlementaire dont a fait l'objet la LMSI à la suite de la demande qu'a formulée le ministre des Finances en 1996 au Comité permanent des finances et au Comité des affaires étrangères et du commerce international de procéder à un examen conjoint de cette Loi. Après avoir tenu des audiences et examiné des mémoires, le comité a conclu que s'il n'y avait pas vraiment d'objections à la Loi, certains pensaient qu'il y avait lieu de modifier l'équilibre entre les producteurs et les utilisateurs des produits importés et les consommateurs. Les sous-comités ont recommandé de modifier la politique de façon à permettre aux avocats d'avoir un meilleur accès aux renseignements confidentiels dans les enquêtes sur les cas de droits antidumping ou compensateurs. L'association des producteurs soutenait que cela rendrait la procédure plus équitable et serait plus conforme aux politiques américaines qui sont appliquées aux producteurs canadiens qui exportent aux États-Unis. Étant donné que la plus grande partie des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis et qu'en Amérique les producteurs nationaux ont accès à ces renseignements, ce qui alourdit le fardeau assumé par les exportateurs canadiens, une modification des politiques canadiennes aurait pour effet d'uniformiser les règles de jeu. Le gouvernement a accepté cette proposition et la LMSI modifiée est entrée en vigueur en 1999. Cependant, les lignes directrices en matière de divulgation destinées à combler les lacunes de la loi modifiée s'inspirent d'une approche restrictive dans le but d'encourager les exportateurs à collaborer aux enquêtes. Seuls les avocats d'une partie auraient droit à la divulgation de ces renseignements. Une partie est une personne 1) qui a un intérêt direct dans l'issue de l'enquête et 2) qui participe activement à l'instance. Un producteur national n'est pas considéré comme une partie même s'il répond volontairement à une demande du Commissaire de soumettre des états financiers et des données relatives aux coûts et aux bénéfices. Il est pertinent de comparer cette directive avec la pratique américaine plus généreuse, étant donné que le but des modifications était de rapprocher de la pratique américaine les dispositions de la LMSI en matière de divulgation. Aux termes de la Loi d'interprétation, tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

La LMSI est une loi à portée économique, qui a été adoptée pour régir le dumping de marchandises au Canada. Le règlement des plaintes est l'élément essentiel. Étant donné que les modifications visaient à étendre la divulgation et que les producteurs nationaux ont un intérêt important dans l'issue de l'enquête et compte tenu de l'importance des renseignements qu'ils fournissent au cours des enquêtes, il y a lieu d'annuler la décision attaquée parce qu'elle se fonde sur des lignes directrices qui vont à l'encontre de la volonté du législateur. La plaignante et les sociétés ayant appuyé la plainte doivent être considérées comme des parties à l'enquête qui est à l'origine des renseignements confidentiels demandés.

lois et règlements

Antidumping and Countervailing Duties, 19 C.F.R. § 351.102 (1999).

Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 12.

Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, art. 10.

Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15, art. 31(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 47, art. 160; 1999, ch. 17, art. 183(1)z.1), 32(1) (mod. par L.C. 1999, ch. 17, art. 183(1)z.3), 84(3) (mod. par L.C. 1999, ch. 12, art. 44; ch. 17, art. 183(1)z.32).

Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.C. 1984, ch. 25, art. 84(3).

jurisprudence

décision appliquée:

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; (1998), 36 O.R. (3d) 418; 154 D.L.R. (4th) 193; 50 C.B.R. (3d) 163; 33 C.C.E.L. (2d) 173; 221 N.R. 241; 106 O.A.C. 1.

décision examinée:

Electrohome Ltd. c. Canada (sous-ministre du Revenu national, douanes et accise), [1986] 2 C.F. 344; (1986), 1 F.T.R. 212 (1re inst.).

doctrine

Agence des services frontaliers du Canada. Lignes directrices sur les dispositions de la Loi sur les mesures spéciales d'importation concernant la communication des renseignements confidentiels, Ottawa, avril 2000.

DEMANDE de contrôle judiciaire du refus par le Commissaire des douanes et du revenu de donner accès aux producteurs nationaux aux renseignements confidentiels dans le cadre d'une enquête de dumping aux termes de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Demande accordée.

ont comparu:

Riyaz Dattu et Geoff R. Hall, pour les demanderesses.

Frederick B. Woyiwada, pour le défendeur.

Laurel C. Broten, pour l'intervenante.

avocats inscrits au dossier:

McCarthy Tétrault LLP, Toronto, pour les demanderesses.

Le sous-procureur général du Canada, pour le défendeur.

Bennett Jones LLP, Toronto, pour l'intervenante.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

La juge Simpson:

Introduction

[1]Le 16 février 2001, Dofasco Inc. (Dofasco) a déposé une plainte écrite aux termes du paragraphe 32(1) [mod. par L.C. 1999, ch. 17, art. 183(1)z.3)] de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. (1985), ch. S-15 (la plainte et la LMSI). La plainte faisait état d'un dumping préjudiciable de tôles d'acier laminées à froid exportées au Canada par neuf pays, à savoir le Brésil, Taïwan, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, l'Italie, le Luxembourg, la Malaisie, la République populaire de Chine, la République de Corée et l'Afrique du Sud (appelés ensemble les exportateurs). Les trois producteurs canadiens de feuilles d'acier laminées à froid, en plus de Dofasco, ont écrit à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) et pour l'informer qu'elles soutenaient la plainte déposée par Dofasco. Ces producteurs étaient Stelco Inc. (Stelco), Algoma Steel Inc. (Algoma) et Ispat Sidbec Inc. (Sidbec). Les quatre producteurs canadiens seront désignés collectivement par l'expression «les producteurs nationaux».

[2]Le 12 mars 2001, le Commissaire de l'ADRC (le Commissaire) a, suite à la plainte, ouvert une enquête de dumping (l'enquête) conformément au paragraphe 31(1) [mod. par L.C. 1994, ch. 47, art. 160; 1999, ch. 17, art. 183(1)z.1)] de la LMSI.

[3]Dans une lettre datée du 28 mars 2001 adressée à M. Robert Séguin (M. Séguin), le directeur général intérimaire de la Direction des droits antidumping et compensateurs de l'ADRC, l'avocat de Stelco indiquait qu'il estimait avoir le droit, aux termes du paragraphe 84(3) [mod. par L.C. 1999, ch. 12, art. 44; ch. 17, art. 183(1)z.32)] de la LMSI, de consulter tous les renseignements confidentiels communiqués au Commissaire par les exportateurs dans le cadre de l'enquête (les renseignements confidentiels). Il demandait de consulter ces renseignements confidentiels pour le compte des avocats de tous les producteurs nationaux pour le motif qu'ils avaient tous un intérêt important dans l'issue de l'enquête.

[4]Le 3 avril 2001, M. Séguin a décidé, au nom du Commissaire, de refuser la demande d'accès aux renseignements confidentiels (la décision) présentée par les avocats de Stelco. La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de M. Séguin.

Les parties

Les demanderesses

[5]L'Association canadienne des producteurs d'acier (ACPA) représente les producteurs d'acier primaire. Ses 11 membres exploitent 16 aciéries et produisent la totalité de l'acier primaire canadien. Les quatre producteurs nationaux sont membres de l'ACPA.

[6]Stelco est demanderesse parce que, comme cela est noté plus haut, son avocat a écrit la lettre datée du 28 mars 2001 dans laquelle il demandait à M. Séguin d'autoriser les avocats des producteurs nationaux à consulter les renseignements confidentiels. La décision refusant l'accès à ces documents a été prise en réponse à cette lettre.

L'intervenante

[7]Le 22 octobre 2001, Dofasco a obtenu du protonotaire Lafrenière l'autorisation d'intervenir dans la présente demande. Dofasco avait déposé une plainte et a obtenu pour cette raison la qualité de partie intéressée aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire.

Le défendeur

[8]Le Commissaire a reçu la plainte et ouvert l'enquête. M. Séguin a pris, pour le compte du Commissaire, la décision du 3 avril 2001 refusant aux avocats des producteurs nationaux l'accès aux renseignements confidentiels.

Les preuves

[9]M. Donald Belch a préparé pour le compte de l'ACPA et de Stelco un affidavit daté du 11 mai 2001 (l'affidavit des demanderesses). M. Dennis Martin a déposé, pour le compte de Dofasco, un affidavit daté du 25 septembre 2001 (l'affidavit de l'intervenante).

[10]M. Wayne Neamtz a déposé un affidavit daté du 14 juin 2001 (l'affidavit du défendeur) et la transcription de son contre-interrogatoire sur cet affidavit est datée du 6 juillet 2001 (la transcription). À l'époque, il travaillait pour la Direction des droits antidumping et compensateurs de l'ADRC depuis 1978 et était le directeur intérimaire de la politique opérationnelle depuis 1999.

La décision

[11]La décision se lit en partie comme suit:

[traduction] J'ai lu votre demande avec intérêt mais j'ai néanmoins décidé de ne pas vous donner accès aux renseignements que vous demandez pour le motif que vous n'êtes pas l'avocat d'une partie à la procédure dont il s'agit ici.

Je comprends que l'issue de cette enquête soit importante pour votre client. Cependant, comme cela est décrit dans la politique de l'ADRC, une affaire LMSI n'est pas une seule procédure qui va du dépôt d'une plainte à la décision finale de l'ADRC et du Tribunal canadien du commerce international. Cette procédure comprend en fait une série de procédures distinctes. La politique énumère les diverses procédures et les parties à chacune de ces procédures, un élément essentiel pour pouvoir se prononcer sur la divulgation de renseignements confidentiels. Ces lignes directrices administratives précisent quels sont les exportateurs et les importateurs qui participent activement à l'enquête et qui sont les seules parties à la procédure d'enquête sur le dumping. C'est pour cette raison que vous n'avez pas le droit d'avoir accès aux renseignements confidentiels qui concernent l'enquête sur le dumping. [Non souligné dans l'original.]

[12]Au cours de son contre-interrogatoire, M. Neamtz a précisé les motifs de la décision lorsqu'il a déclaré à la page 127 de la transcription que l'accès aux renseignements confidentiels avait été refusé parce que, selon le Commissaire:

a) les producteurs nationaux ne participent pas activement aux enquêtes étant donné que, s'ils fournissent des renseignements, ils le font sur une base volontaire;

b) les producteurs nationaux n'ont qu'un intérêt indirect (bien qu'important) dans l'issue des enquêtes.

[13]Autrement dit, du point de vue du Commissaire, pour être partie à une enquête, il faut être une participante active ayant un intérêt direct dans l'issue de celle-ci.

L'enquête

[14]La description qui suit des pouvoirs qu'exerce le Commissaire à l'égard d'une enquête ouverte aux termes de la LMSI est tirée du paragraphe 35 du mémoire des faits et du droit du défendeur.

1. Les producteurs nationaux présentent une plainte au Commissaire.

    par. 31(1)

    La plainte doit être appuyée par des producteurs nationaux qui représentent:

-50 p. 100 de la production des producteurs de marchandises similaires qui ont exprimé soit leur appui soit leur opposition à la plainte, et

-25 p. 100 de la production nationale totale de marchandises similaires.

·     Si ce n'est pas le cas, aucune enquête n'est ouverte.        

    par. 31(2)

    Dans les 21 jours, le Commissaire doit décider si le dossier de la plainte est complet.

·     Si ce n'est pas le cas, aucune enquête n'est ouverte.

    par. 32(1)

2. Dans les 30 jours de la décision au sujet de l'état du dossier, le Commissaire décide s'il y a lieu d'ouvrir une enquête.

    par. 31(1)

    Le Commissaire doit être d'avis qu'il existe des preuves de dumping et une indication raisonnable de préjudice.

·     Dans le cas contraire, aucune enquête n'est ouverte.

    par. 31(1)

·     Si aucune enquête n'est ouverte, le Commissaire doit en informer le plaignant.

    par. 33(1)

·     Si aucune enquête n'est ouverte pour le motif qu'il n'existe pas d'indication raisonnable de préjudice, le Commissaire ou le plaignant peut demander au Tribunal canadien du commerce international (TCCI) de se prononcer sur cette question.

    par. 33(2)

·     Après ce renvoi, si le TCCI décide que les preuves contiennent une indication raisonnable de préjudice, le Commissaire est tenu d'ouvrir une enquête.

    par. 31(8)

3. Le Commissaire ouvre alors une enquête

    Lorsqu'il ouvre une enquête, le Commissaire doit en fait aviser le plaignant, les importateurs et les exportateurs touchés ainsi que le public.

    al. 34(1)a)

    Le Commissaire met fin à l'enquête s'il est convaincu

·     qu'il n'y a pas assez d'éléments prouvant le dumping,

·     que la marge de dumping des marchandises est minimale;

·     que la quantité véritable ou éventuelle de marchandises sous-évaluées est négligeable.

    par. 35(1)

·     Le Commissaire en informe le plaignant, les importateurs et les exportateurs intéressés, les gouvernements et le public.

    par. 35(2)

    Dans les 90 jours, lorsque l'enquête n'est pas close, le Commissaire prend une décision provisoire de dumping et fait l'estimation de la marge de dumping.

    art. 38

    Lorsque le Commissaire a pris une décision provisoire, il peut imposer des droits provisoires.

    art. 8

[15]Les preuves indiquent que le dépôt d'un dossier de plainte complet, conforme aux termes de la LMSI est une lourde tâche et que les plaintes contiennent des centaines de pages. C'est pour cette raison que les parties ont convenu que Dofasco déposerait une plainte et que les autres producteurs nationaux lui accorderaient leur appui. D'après les avocats des demanderesses, Dofasco a présenté un dossier de plainte complet dans lequel elle estimait la marge ou le montant du dumping (la marge).

[16]Lorsque Stelco, Algoma et Sidbec (les sociétés ayant appuyé la plainte) ont écrit à l'ADRC pour appuyer la plainte de Dofasco, elles ont toutes fourni des données statistiques concernant leur production et leurs ventes de tôles d'acier laminées à froid. L'ensemble des renseignements contenus dans la plainte et dans la correspondance des sociétés ayant appuyé la plainte a convaincu le Commissaire que le dossier de plainte était complet et qu'une enquête était justifiée aux termes du paragraphe 31(1) de la LMSI. L'enquête a été ouverte le 12 mars 2001.

[17]Au cours de l'enquête, le Commissaire a envoyé aux exportateurs un document intitulé «Demande de renseignements». Les données reçues en réponse à cette demande ont été vérifiées par l'ADRC. L'ADRC a également demandé des renseignements supplémentaires aux producteurs nationaux qui les ont fournis volontairement.

[18]Les preuves montrent que la plainte contenait une estimation de la marge, appuyée par les producteurs nationaux, mais que le Commissaire a formé une conclusion indépendante au sujet de la marge en se fondant sur la plainte, sur les réponses fournies par les exportateurs aux demandes de renseignements et sur les renseignements supplémentaires fournis, sur une base volontaire, par les producteurs nationaux à la demande du Commissaire. Dans le contexte de l'enquête, la décision de M. Séguin indique que le Commissaire refuse de recevoir de la part des avocats des producteurs nationaux des renseignements non sollicités au sujet de la pertinence et de la fiabilité des renseignements confidentiels fournis par les exportateurs.

L'intérêt des producteurs nationaux dans l'enquête

[19]Les producteurs nationaux soutiennent que leurs avocats ont besoin de consulter les renseignements confidentiels pour être en mesure de présenter au Commissaire des observations fondées sur leur connaissance de ces industries et portant sur la pertinence et la fiabilité des renseignements confidentiels fournis par les exportateurs ainsi que sur le montant auquel il convient d'établir la marge. Les avocats des producteurs nationaux veulent être en mesure d'influencer le montant de la marge à l'étape de l'enquête parce qu'une fois que la marge est fixée par le Commissaire, elle ne peut être contestée et elle est traitée comme une «donnée» à l'audience que tient par la suite le Tribunal canadien du commerce international (le TCCI). En vertu de son mandat, le TCCI doit utiliser un certain nombre de facteurs, y compris la marge fixée par le Commissaire, en vue de décider (i) si le dumping a causé un dommage et (ii) s'il y a lieu d'imposer des droits compensateurs.

[20]Au cours de son contre-interrogatoire, les avocats ont demandé à M. Neamtz si, les autres facteurs étant par ailleurs égaux, une marge élevée est susceptible d'amener le TCCI (i) à conclure que le dumping a causé un préjudice et (ii) à imposer des droits. Il a refusé d'admettre ces deux possibilités. En outre, il a reconnu avec M. Séguin que les producteurs nationaux avaient un «intérêt important» à répondre aux arguments présentés par les exportateurs dans le cadre de l'enquête, mais il n'a pas reconnu que l'on pouvait qualifier leur intérêt de «direct».

[21]Les demanderesses déclarent au paragraphe 30 de leur affidavit qu'«il est incontestable que l'industrie canadienne a un intérêt très important dans l'issue de l'enquête du Commissaire». Malheureusement, le déposant n'a pas précisé cette affirmation et n'a pas décrit exactement quel était l'intérêt en jeu. De la même façon, l'affidavit de l'intervenante mentionne que Dofasco a un intérêt direct dans l'issue de l'enquête et que celle-ci peut avoir des conséquences importantes pour elle.

[22]L'avocat du défendeur a reconnu que, s'il n'existe pas de relation causale juridique entre le montant de la marge du dumping et la probabilité de la reconnaissance d'un préjudice, il est en pratique plus fréquent qu'une marge de dumping élevée entraîne la reconnaissance d'un préjudice et l'imposition de droits. Autrement dit, l'issue de l'enquête influence le montant de l'indemnité économique accordée aux producteurs nationaux.

La décision Electrohome

[23]L'avocat des demanderesses affirme que la Cour fédérale a déjà décidé que ses clients sont parties à l'enquête. Il a cité sur ce point la décision Electrohome Ltd. c. Canada (sous-ministre du Revenu national, douanes et accise), [1986] 2 C.F. 344 (1re inst.) (Electrohome). Dans cette affaire, il s'agissait de savoir si les avocats des sociétés qui avaient déposé des plaintes au sujet du dumping allégué d'appareils de télévision en couleurs d'origine coréenne avaient le droit d'avoir accès aux renseignements confidentiels fournis par les exportateurs au cours de l'enquête de l'ADRC. À l'époque, le paragraphe 84(3) de la LMSI [S.C. 1984, ch. 25] était une disposition facultative et non pas impérative comme elle l'est actuellement. Dans Electrohome, le défendeur soutenait que la décision de divulguer des renseignements confidentiels était de nature discrétionnaire mais a également avancé l'argument que l'ADRC invoque dans la présente demande selon lequel Dofasco, à titre de plaignante, n'est pas partie à l'enquête et, par conséquent, n'est pas partie à une procédure au sens du paragraphe 84(3) de la LMSI.

[24]À l'époque de la décision Electrohome, le paragraphe 84(3) se lisait comme suit:

84. [. . .]

(3) Nonobstant le paragraphe (1), les renseignements auxquels ce paragraphe s'applique peuvent être communiqués par le sous-ministre à l'avocat d'une partie à la procédure pour laquelle ils ont été fournis ou à toute procédure prévue à la présente loi qui en découle; l'avocat ne peut les utiliser que dans le cadre de ces procédures, sous réserve des conditions que le sous-ministre juge indiquées pour empêcher que les renseignements ne soient divulgués, sans le consentement de la personne qui les a fournis, de manière à pouvoir être utilisés par:

a) toute partie à ces procédures, y compris celles qui sont représentées par avocat;

b) tout concurrent de la personne à l'entreprise ou aux activités de laquelle ils se rapportent. [Je souligne.]

[25]Dans Electrohome, comme dans la présente affaire, l'avocat des plaignantes demandait de consulter les renseignements confidentiels fournis par les exportateurs coréens de façon à pouvoir présenter des observations pertinentes pour aider l'ADRC à calculer correctement la marge de dumping.

[26]Après avoir examiné le caractère discrétionnaire du paragraphe 84(3), le juge Rouleau a examiné si les plaignantes étaient visées par le paragraphe 84(3). Le juge Rouleau a déclaré à ce sujet [à la page 352]:

Subsidiairement, les requérantes font valoir que si le mot «peuvent» figurant au paragraphe 84(3) est interprété comme exprimant une faculté, le sous-ministre n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire ou l'a exercé de manière arbitraire, en ce qu'il a fondé sa décision de ne pas communiquer les renseignements confidentiels sur le fait qu'il ne considère pas que les requérantes comme étant des «parties à ces procédures», comme l'exige le paragraphe 84(3). Dans sa lettre du 30 décembre 1985 aux requérantes, le sous-ministre a dit que le Ministère avait pour politique de ne pas considérer les plaignants dans une affaire d'antidumping comme des parties aux procédures et que, par conséquent, les avocats de ceux-ci n'ont pas droit aux renseignements. J'aimerais statuer dès maintenant sur cet argument de la Couronne. Les requérantes soutiennent qu'elles sont parties aux procédures en vertu du texte du paragraphe 84(3) qui permet de communiquer les renseignements confidentiels fournis au sous-ministre dans la procédure à «l'avocat d'une partie à la procédure pour laquelle ils ont été fournis ou à toute procédure prévue à la présente loi qui en découle». Je suis d'avis que les requérantes sont parties à «toute procédure prévue à la présente loi qui en découle» et qu'à ce titre, elles pourraient avoir droit aux renseignements confidentiels. L'argument de la Couronne à cet égard ne peut donc être retenu. [Non souligné dans l'original.]

[27]J'ai du mal à comprendre ce paragraphe parce que, à mon avis, l'expression «toute procédure [. . .] qui en découle» vise les procédures au cours desquelles des renseignements confidentiels sont fournis au Commissaire. Dans Electrohome, les renseignements confidentiels avaient été obtenus au cours de l'enquête. Par conséquent, ni la plainte, ni l'enquête ne pouvaient être qualifiées de «procédure [. . .] qui en découle».

[28]J'estime qu'aux termes du paragraphe 84(3), l'avocat de Dofasco, en qualité de plaignante, et l'avocat des sociétés ayant appuyé la plainte ont uniquement droit aux renseignements confidentiels fournis au cours de l'enquête dans les cas suivants:

(i) ils sont traités comme des parties à l'enquête, ou

(ii) ils sont traités comme des parties à une procédure qui découle de l'enquête.

D'après les faits de la présente espèce, le cas (ii) ne s'applique pas à une affaire qui en est à l'étape de l'enquête. Par conséquent, la seule question en litige est de savoir si Dofasco et les sociétés ayant appuyé la plainte peuvent être considérées comme des parties à l'enquête et la décision Electrohome ne porte pas directement sur cette question. J'estime, par conséquent, qu'Electrohome ne peut être invoqué utilement par les producteurs nationaux.

Historique législatif

[29]J'ai reproduit ici les parties importantes de la section C de la partie I du mémoire des faits et du droit des demanderesses. Les soulignés figuraient dans le mémoire.

Examen parlementaire de la LMSI

Le 17 mai 1996, le ministre des Finances a demandé au Comité permanent des finances et au Comité des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes d'examiner conjointement la LMSI et de conseiller le gouvernement sur l'opportunité de modifier cette loi. Le Comité permanent des finances a alors constitué le sous-comité de l'examen de la LMSI et le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international a demandé à son sous-comité des différends commerciaux de travailler conjointement avec le sous-comité de l'examen de la LMSI à l'examen de la LMSI (appelés ensemble les «sous-comités»).

Dans l'exercice de leur mandat consistant à présenter un rapport au Parlement en décembre 1996, les sous-comités ont tenu neuf audiences, entendu 32 témoins à titre individuel ou de représentant et ont reçu des mémoires préparés par huit autres individus et groupes. Les sous-comités ont également recueilli les observations des agences responsables de l'administration de la LMSI.

Après avoir achevé leurs travaux, les sous-comités en sont arrivés à la conclusion que la LMSI donnait de bons résultats, qu'il était donc souhaitable de préserver cette loi et le processus prévu par elle, mais qu'il convenait de lui apporter certaines modifications mentionnées dans le rapport des sous-comités de décembre 1996 (le rapport):

Plusieurs intervenants ont proposé des changements à la LMSI. Les sous-comités sont d'avis que ces propositions ne sont pas des objections à la loi; il s'agit plutôt de tentatives de modifier l'équilibre entre les producteurs et les utilisateurs en aval des produits importés et les consommateurs. En outre, elles abordent la question des écarts entre les mécanismes de recours commerciaux du Canada et des États-Unis ou tentent d'améliorer les procédures d'application de la loi. Ces propositions sont examinées ci-après.

Une des modifications recommandées par les sous-comités touchait la politique du sous-ministre du Revenu national (le prédécesseur du défendeur) au sujet de la divulgation de renseignements confidentiels aux avocats. Les sous-comités font dans le rapport les commentaires suivants au sujet des observations de l'ACPA:

L'Association canadienne des producteurs d'acier propose que la LMSI soit modifiée pour permettre aux avocats un accès plus large à l'information confidentielle recueillie par Revenu Canada dans ses enquêtes sur les cas de droits antidumping ou compensateurs. Il y a deux choses qui militent en faveur d'un accès élargi. D'abord, cela permettrait aux parties intéressées de réfuter les arguments présentés, ce qui améliorerait la qualité et la fiabilité de la preuve. Ensuite, cela assurerait une procédure plus équitable et se traduirait par un rapprochement avec la politique appliquée par les États-Unis aux producteurs canadiens qui exportent dans ce pays.

Le rapport fait également état des arguments avancés contre la divulgation aux avocats des renseignements confidentiels obtenus par Revenu Canada (maintenant l'ADRC) dans ses enquêtes sur les droits antidumping et compensateurs:

Cette proposition a toutefois soulevé plusieurs objections. On a fait valoir qu'une communication plus large d'informations confidentielles pourrait rendre les parties plus réticentes et prolongerait l'enquête tout en rendant la procédure plus contradictoire, ce qui ferait augmenter les coûts considérablement. En plus, les délais prévus par la LMSI devraient sans doute être prolongés pour permettre l'examen des réfutations des arguments présentés, et la LMSI devrait être modifiée pour prévoir des sanctions afin d'empêcher la communication non autorisée d'informations confidentielles par les avocats.

Les sous-comités ont néanmoins conclu que Revenu Canada devait élargir l'accès aux documents et a expliqué de la façon suivante la raison d'être de cette recommandation:

Les Sous-comités reconnaissent que Revenu Canada a adopté une pratique raisonnable pour le traitement de l'information confidentielle. Toutefois, la très grande majorité des exportations canadiennes se font aux États-Unis, et dans ce pays, l'habitude de donner accès aux informations confidentielles se traduit souvent par une augmentation de l'information demandée aux exportateurs canadiens qui font l'objet d'une enquête aux États-Unis. Pour que les règles soient les mêmes pour tout le monde, les sous-comités recommandent que la LMSI soit modifiée pour donner aux avocats un plus large accès aux informations confidentielles recueillies par Revenu Canada dans ses enquêtes en matière de droits antidumping ou compensateurs. Les sous-comités notent que cette recommandation contribue à l'équilibre général dans ce rapport.

Les sous-comités ont poursuivi en notant dans le rapport que la mise en oeuvre de la recommandation au sujet de l'élargissement de l'accès des avocats aux renseignements confidentiels dans les enquêtes sur les droits antidumping et compensateurs devrait «prévoir l'introduction dans la LMSI de dispositions imposant des sanctions en cas de communication non autorisée de renseignements confidentiels par les avocats».

Le gouvernement canadien a appuyé la recommandation des sous-comités selon lesquels il y avait lieu de modifier la LMSI pour élargir l'accès des avocats aux renseignements confidentiels dans les enquêtes sur les droits antidumping et compensateurs effectuées par Revenu Canada. Le gouvernement a fait les remarques qui suivent pour appuyer cette recommandation:

La LMSI et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE) confèrent respectivement au sous-ministre du Revenu national et au TCCE le pouvoir discrétionnaire d'autoriser un accès restreint à l'information confidentielle aux avocats d'une partie. Cependant, bien que le TCCE permette régulièrement à des avocats d'accéder à l'information confidentielle recueillie au cours des enquêtes en matière de dommages menées en vertu de la LMSI, la politique de Revenu Canada a consisté à permettre aux avocats d'accéder à cette information confidentielle seulement lorsqu'il est d'avis qu'un résumé non confidentiel ne permet pas de bien comprendre l'essentiel de l'information.

Outre que l'adoption de cette recommandation favoriserait une plus grande uniformité dans le traitement de l'information confidentielle tout au long du processus de l'enquête, elle permettrait d'assurer une procédure plus équitable dans le processus de la LMSI et améliorerait la qualité et la fiabilité générales de la preuve sur laquelle les décisions de la LMSI se fondent puisque les parties pourraient ainsi réfuter les arguments présentés en s'appuyant sur des données plus probantes. On pourrait mettre cette recommandation en oeuvre en modifiant la loi de manière à demander que l'information confidentielle soit communiquée à l'avocat d'une partie (sous réserve de conditions appropriées et d'engagements de protection).

On a fait valoir qu'un accès plus large à l'information confidentielle pourrait nécessiter une prolongation des délais actuellement prévus par la LMSI afin de permettre à Revenu Canada d'examiner les réfutations des arguments présentés. Cependant, le gouvernement croit qu'il devrait être possible de traiter ces exposés à l'intérieur des délais prescrits.

Enfin, on pourrait atténuer les préoccupations selon lesquelles les parties seraient plus réticentes face à la communication de renseignements délicats sur les entreprises si les avocats de leurs concurrents pouvaient couramment accéder à de tels renseignements si l'on prévoyait des sanctions en cas de communication non autorisée de renseignements confidentiels par des avocats. À cet égard, le gouvernement adhère au point de vue des sous-comités selon lequel une libéralisation de la politique de communication de renseignements confidentiels aux avocats aux fins du processus de la LMSI devrait être accompagnée de sanctions réglementaires appropriées en cas de communication non autorisée de renseignements confidentiels par des avocats.

La LMSI a été modifiée par la suite le 1er décembre 1998 par le projet de loi C-35, qui a reçu la sanction royale le 25 mars 1999. Le paragraphe 84(3) de la LMSI est entré en vigueur le 15 avril 2000.

Les lignes directrices

[30]Le Commissaire soutient que les Lignes directrices sur les dispositions de la Loi sur les mesures spéciales d'imporation concernant la communication de renseignements confidentiels d'avril 2000 (les Lignes directrices) interprètent de façon restrictive le paragraphe 84(3) de la LMSI de façon à encourager les exportateurs à collaborer à l'enquête. Aucun élément n'indique cependant que des exportateurs aient manifesté de l'inquiétude à l'idée que leurs renseignements confidentiels pourraient être communiqués à d'autres personnes.

[31]Les Lignes directrices ont été élaborées pour préparer l'entrée en vigueur des modifications apportées à la LMSI le 15 avril 2000. Étant donné que la LMSI ne définit ni la notion de «parties», ni celle de «procédure» dans le contexte d'une enquête, les Lignes directrices ont comblé cette lacune en énonçant ce qui suit:

Parties et procédures

La désignation des personnes qui sont des parties aux diverses procédures LMSI menées par le Commissaire et la détermination des procédures prévues par la Loi et des procédures qui en découlent sont des éléments clés pour l'application des dispositions relatives à la communication de renseignements puisque ceux-ci ne peuvent être communiqués qu'à l'avocat agissant au nom d'une partie à la procédure pour laquelle ils ont été initialement communiqués ou d'une partie à une procédure en découlant.

Pour qu'une personne soit considérée comme une «partie» à une procédure LMSI menée par le Commissaire, il faut qu'elle ait un intérêt direct dans le résultat de la procédure et qu'elle participe activement à cette procédure.

Les procédures LMSI, y compris celles considérées comme des procédures découlant d'une procédure antérieure, et les parties à chacune de ces procédures sont précisées à l'annexe 1 ci-jointe.

[32]L'annexe I des Lignes directrices recense en tout 14 procédures différentes relevant de la LMSI. Les trois premières intéressent la présente affaire et sont reproduites dans l'annexe «A» des présents motifs. Les Lignes directrices énoncent que seuls les plaignants sont des parties à une plainte et que les sociétés qui appuient les plaignants ne sont pas des parties à l'étape de l'étude de la plainte. Au cours d'une enquête, seuls les exportateurs qui participent «activement» à celle-ci en fournissant des renseignements à la suite d'une «demande de renseignements» sont considérés comme étant des parties. Les producteurs nationaux, y compris les plaignants, ne sont pas considérés comme des parties même si, comme c'est le cas ici, elles fournissent des données à l'appui d'une plainte et donnent volontairement suite aux demandes faites par le Commissaire de fournir des états financiers et des données relatives aux coûts et à la rentabilité concernant le marché intérieur.

La pratique des États-Unis

[33]Le Code of Federal Regulations des États-Unis, chapitre II, United States International Trade Communission, 19 C.F.R. Part 351 qui traite des droits antidumping et compensateurs définit, à l'article 351.102, l'expression «partie à une procédure». Elle se lit ainsi:

[traduction]

Art. 351.102 Définitions.

[. . .]

Partie à une procédure. «Partie à une procédure» Toute partie intéressée qui participe activement, en présentant des observations écrites contenant des informations factuelles ou des arguments écrits, à une étape de la procédure. La participation à une étape antérieure de la procédure ne donne pas à une partie intéressée le statut de «partie à une procédure» au cours d'une étape ultérieure.

Il définit également l'expression «étape de la procédure» de la façon suivante:

[traduction]

Étape de la procédure

1) Cas général. Une procédure de droits antidumping ou compensateurs comprend une ou plusieurs étapes. «Étape d'une procédure» ou «étape de la procédure» désigne une partie d'une procédure susceptible d'être examinée aux termes de l'article 516A de la Loi.

2) Exemples. L'enquête sur les droits antidumping ou compensateurs ou l'examen d'une ordonnance ou d'une enquête suspendue ou une enquête sur la portée menée aux termes de l'Art. 351.225, constituent chacune une étape d'une procédure.

[34]Si l'on compare ces dispositions aux définitions et exemples donnés dans les lignes directrices, on constate que les définitions américaines sont plus larges. Aux É.-U., une partie doit avoir un intérêt dans la procédure. Au Canada, cet intérêt doit être direct. En outre, aux É.-U., elle doit participer activement en présentant des arguments juridiques ou factuels à une étape de la procédure. Au Canada, une participation active est également exigée, mais le seuil est plus élevé. Cette participation ne peut être volontaire. Par exemple, les producteurs nationaux qui appuient une plainte en présentant des preuves supplémentaires ou à qui l'on demande de fournir au Commissaire des données au cours d'une enquête ne sont pas considérés comme des parties. Seuls les exportateurs qui sont tenus de donner suite à une «demande de renseignements» officielle du Commissaire se voient reconnaître la qualité de partie.

[35]Cette comparaison est pertinente parce que, comme nous l'avons noté plus haut, lorsque le législateur a modifié le paragraphe 84(3) de la LMSI le 15 avril 2000 [L.C. 1999, ch. 12, art. 44], il avait l'intention de rapprocher les dispositions de la LMSI en matière de divulgation de la pratique américaine selon laquelle il est bien établi que les avocats des parties intéressées ont accès aux renseignements confidentiels obtenus au cours des enquêtes de dumping, que ces parties aient un intérêt «direct» ou non, et que leur participation active soit volontaire ou non.

La question en litige

[36]Il n'est pas contesté que l'enquête dont il s'agit était une procédure relevant de la LMSI. Par conséquent, la question en litige peut être formulée de la façon suivante. La plaignante et les sociétés ayant appuyé la plainte sont-elles des parties à l'enquête aux fins du paragraphe 84(3) de la LMSI?

[37]Le paragraphe 84(3), sous sa forme modifiée, se lit actuellement comme suit:

84. [. . .]

(3) Malgré le paragraphe (1), les renseignements auxquels ce paragraphe s'applique sont, sur réception d'une demande écrite et sur paiement des droits réglementaires, communiqués par le commissaire, de la manière et au moment prévus par lui, à l'avocat d'une partie à la procédure pour laquelle ils ont été fournis ou à toute procédure prévue à la présente loi qui en découle; malgré toute autre loi ou règle de droit, les renseignements ne peuvent être utilisés par l'avocat que dans le cadre de ces procédures, sous réserve des conditions que le commissaire juge indiquées pour empêcher que les renseignements ne soient communiqués sans le consentement écrit de la personne qui les a fournis, de manière à pouvoir être utilisés par:

a) toute partie à ces procédures, y compris celle qui est représentée par cet avocat;

b) tout concurrent de la personne à l'entreprise ou aux activités de laquelle ils se rapportent. [Je souligne.]

Interprétation législative

[38]Dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, le juge Iacobucci de la Cour suprême du Canada a formulé l'observation suivante au sujet de l'approche qu'il convient d'adopter pour interpréter une disposition législative. Il a déclaré au paragraphe 21 de la décision unanime de la Cour:

Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit:

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[39]Il a également examiné l'article 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219. Cette disposition ne s'applique pas en l'espèce mais l'article 12 de la Loi d'interprétation fédérale, L.R.C. (1985), ch. I-21 est semblable et énonce:

12. Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Conclusions

[40]Il faut partir de l'objectif recherché par la LMSI. Cet objectif a été fort bien formulé dans la décision Electrohome dans les termes suivants [à la page 354]:

De façon générale, la Loi sur les mesures spéciales d'importation vise à protéger les fabricants et producteurs canadiens contre le dumping de marchandises sur le marché canadien, dumping découlant de l'importation de marchandises au Canada à des prix inférieurs à ceux auxquels elles seraient vendues sur le marché du pays d'origine. La Loi protège le marché intérieur si l'on établit que les marchandises sous-évaluées ont causé ou menacent de causer un préjudice à la production des mêmes marchandises au Canada. Des droits anti-dumping peuvent être imposés sur ces importations afin de neutraliser l'avantage qu'entraîne le dumping quant au prix.

Résumée simplement, la LMSI est une loi à portée économique qui a été adoptée en partie pour régler les plaintes concernant le dumping de marchandises au Canada.

[41]À mon avis, la procédure principale est le règlement de la plainte. Il est possible de la régler de différentes façons. D'un côté, la plainte peut être rejetée sans qu'une enquête soit ouverte et de l'autre, elle peut déboucher sur une enquête qui établit la marge de dumping et impose des droits provisoires et ensuite, sur une décision du TCCI qui établit que le dumping a causé un préjudice et impose des droits définitifs.

[42]Les lignes directrices, qui n'ont pas force de loi, énoncent que Dofasco et les sociétés ayant appuyé la plainte ne sont pas parties à l'enquête. Le Commissaire justifie cette conclusion parce que (i) ces sociétés ne sont pas «directement» intéressées dans le sens que leur intérêt, bien qu'important, est uniquement de nature économique et ne porte pas sur des questions juridiques et (ii) parce que leur participation à l'enquête est uniquement volontaire.

[43]Le Commissaire soutient cette position même s'il existe les éléments suivants:

- Dofasco et les sociétés ayant appuyé la plainte ont été invitées à évaluer la marge au moment du dépôt de la plainte;

- Dofasco et les sociétés ayant appuyé la plainte ont volontairement fourni des renseignements à la demande du Commissaire au cours de l'enquête;

- les avocats des producteurs nationaux sont les mieux placés pour fournir des renseignements concernant le marché intérieur et sur la fiabilité des renseignements confidentiels transmis par les exportateurs;

- l'enquête fixe le montant de la marge ce qui influence en pratique la probabilité que le TCCI conclue à l'existence d'un préjudice et impose des droits;

- la plaignante et les sociétés ayant appuyé la plainte ont le droit de participer à l'audience du TCCI sur la question du préjudice;

- le Commissaire reconnaît que les producteurs nationaux ont un intérêt important dans l'issue de l'enquête.

[44]Il ressort clairement de l'historique des modifications apportées récemment à la LMSI (i) que la divulgation doit être élargie (parce qu'elle est devenue impérative et non facultative), (ii) qu'il faut respecter le caractère confidentiel des renseignements (l'accès demeure limité aux avocats et les dispositions prévoient de graves pénalités), (iii) que le paragraphe 84(3) de la LMSI a pour but d'harmoniser la LMSI avec la pratique des États-Unis selon laquelle les avocats des parties intéressées (et non pas «directement» intéressées) qui participent volontairement à une enquête ont accès aux renseignements confidentiels et (iv) que le législateur estimait que les renseignements fournis par les producteurs nationaux amélioreraient la qualité des preuves au moyen desquelles le Commissaire évalue la marge de dumping.

[45]Pour tous ces motifs, j'ai conclu qu'il y avait lieu d'annuler la décision parce qu'elle se fonde sur les lignes directrices et que celles-ci vont à l'encontre de l'intention du législateur. Par conséquent, la plaignante et les sociétés ayant appuyé la plainte ont le droit d'avoir accès aux renseignements confidentiels aux termes du paragraphe 84(3) de la LMSI pour le motif que, dans les circonstances de l'affaire, elles sont parties à l'enquête au cours de laquelle les renseignements confidentiels ont été transmis.

Identification of SIMA Proceedings Conducted by the Commissioner and the Parties to the Proceedings

        ANNEXE «A»

Annexe 1

Détermination des procédures LMSI menées par le Commissaire et des parties à ces procédures

Proceeding

Parties

Previous Proceeding Giving Rise to the Proceeding

Procédure

Parties

Procédure antérieure dont découle cette procédure

A written complaint filed under SIMA and ending when the complaint has been deemed as properly documented or the inquiry is terminated without the receipt of a properly documented complaint (PDC).

Complainants (i.e. the persons submitting the written complaint).

Only other domestic producers filing the complaint as joint or co-complainants will be considered as parties.

Note: Producers of like goods expressing support for the complaint (with or without the provision of addi-tional evidence) will not be considered as a complainant and, therefore, not a party to the proceeding.

N/A

Procédure commençant au moment du dépôt d'une plainte écrite en vertu de la LMSI et se terminant au moment où le dossier de la plainte est déclaré complet ou au moment de la clôture de l'enquête si les documents reçus ne constituent pas un dossier complet de la plainte (DCP).

Les plaignantes (c.-à-d. les personnes ayant déposé la plainte écrite).

.

s.o.

The evaluation of a PDC leading to the decision to initiate/not initiate an investigation.

N/A

This proceeding arises from the written complaint filed under SIMA.

Évaluation d'un DCP menant à la décision d'ouvrir ou de ne pas ouvrir une enquête.

s.o.

Cette procédure découle de la plainte écrite déposée en vertu de la LMSI.

The dumping or subsidy investigation from initiation to the final determination, suspension due to the acceptance of an undertaking or termination.

Exporters and importers who actively participate in the proceeding, generally by submitting a complete or substantially complete response to the Request for Information.

The government of the country of export in a subsidy investigation.

In an investigation using sampling, a non-sampled exporter who provides a substantially complete submis-sion that will be used in the investigation will be considered as a party to the proceeding.

Note: A complainant, the government of the country of export, non-exporting foreign producers providing information, and persons submitting information on a courtesy basis are not parties to the proceeding.

This proceeding normally arises out of the evaluation of a PDC and the decision to initiate an investigation.

However, when the investigation is initiated on the Commissioner's own initiative, the investigation will normally not be regarded as arising out of a previous proceeding.

Enquête sur le dumping ou sur le subventionne-ment commençant au moment de l'ouverture de l'enquête et se terminant au moment de la décision définitive, de la suspension de l'enquête à la suite de l'acceptation d'un engagement ou de la clôture de l'enquête.

Les exportateurs et les importateurs qui participent acti-vement à la procédure, ce qu'ils font généralement en présentant une réponse complète ou à peu près complète à la Demande de renseignements.

Le gouvernement du pays d'exportation, dans une enquête sur le subventionne-ment.

.

Nota: Les plaignantes, le gouvernement

du pays d'exportation, les producteurs étrangers qui fournissent des renseignements mais ne sont pas des exportateurs et les personnes qui présentent des renseignements à titre gracieux ne sont pas des parties à la procédure.

Cette procédure découle générale-ment de l'évalua-tion d'un DCP et de la décision d'ouvrir une enquête. Toutefois, si le Commissaire ouvrait une enquête de sa propre initiative, cette enquête ne serait pas nor-malement considérée comme une procédure découlant d'une procédure antérieure.

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