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 [2014] 3 R.C.F. 355

T-897-12

2013 CF 336

Nanakmeet Kaur Kandola représentée par son tuteur légal, Malkiat Singh Kandola (demanderesse)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Kandola c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Blanchard—Vancouver, 14 février; Ottawa, 4 avril 2013.

*Note de l’arrêtiste : Cette décision a été infirmée en appel (A-154-13, 2014 CAF 85). Les motifs du jugement, qui ont été prononcés le 31 mars 2014, seront publiés dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Citoyens — Contrôle judiciaire visant une décision par laquelle un agent de citoyenneté a refusé la demande d’inscription de la demanderesse en tant que citoyenne canadienne née à l’étranger — La demanderesse, une mineure, est née en Inde et a été conçue au moyen d’une fécondation in vitro — Un embryon provenant de donneurs anonymes a été implanté dans le ventre de sa mère naturelle — Le tuteur de la demanderesse, un citoyen canadien, est marié à la mère naturelle indienne de la demanderesse — Ils sont tous deux enregistrés comme les parents de la demanderesse et sont inscrits ainsi dans son acte de naissance de l’Inde — L’agent de citoyenneté a refusé la demande au motif que pour établir la citoyenneté d’un enfant né à l’étranger d’un père ou d’une mère canadienne, le droit canadien se fonde sur la preuve d’un lien de sang (ou lien génétique) entre le père ou la mère et l’enfant, lequel peut être prouvé par une analyse de l’ADN, et que la politique actuelle sur la citoyenneté ne reconnaît que les père ou mère génétiques — Il s’agissait de savoir si l’agent de citoyenneté a commis une erreur lorsqu’il a interprété l’art. 3(1)b) de la Loi sur la citoyenneté et qu’il a exigé l’existence d’un lien génétique avec les parents pour la citoyenneté acquise par filiation, excluant ainsi la demanderesse — En vertu de l’art. 3(1)b) de la Loi, le seul moyen de la demanderesse pour obtenir la citoyenneté était le droit conféré par la loi — Le tuteur de la demanderesse est un « père » aux fins de l’art. 3(1)b) de la Loi — La Loi n’exige pas expressément de lien génétique entre un père ou une mère et un enfant dans les cas de légitimation — L’art. 2 de la Loi dispose : « Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi […] “enfant” Tout enfant, y compris l’enfant adopté ou légitimé conformément au droit du lieu de l’adoption ou de la légitimation » — En l’espèce, le dossier suffisait à établir une relation de père ou mère à enfant sous le régime du droit indien — Pour les besoins de la présente demande, la demanderesse est l’enfant légitimée de sa mère naturelle et de son tuteur légal canadien sous le régime du droit indien; par conséquent, elle est incluse dans la définition du terme « enfant » pour l’application de la Loi — La demanderesse ne devrait pas être soumise à un traitement différent, au motif qu’elle est une enfant légitimée et non pas adoptée — En l’espèce, les termes « père ou mère » et « enfant » « correspondent » ou sont naturellement liés — Les termes « père ou mère » contenus à l’art. 3(1)b) de la Loi ont été interprétés comme incluant les pères ou mère reconnus légalement d’un enfant légitimé en conformité avec les lois de l’endroit où la légitimation a eu lieu : en l’espèce, il s’agissait de l’Inde — Vu que l’un des parents de la demanderesse (son tuteur légal) est un citoyen canadien par application de l’art. 3(1)b) de la Loi, la demande de la demanderesse ne pouvait pas être refusée au motif que la demanderesse n’a pas de lien génétique avec son père canadien — En conséquence, l’agent de citoyenneté a commis une erreur dans son interprétation de la Loi lorsqu’il a exigé un tel lien génétique — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire visant une décision par laquelle un agent de citoyenneté a refusé la demande d’inscription de la demanderesse en tant que citoyenne canadienne née à l’étranger. La demanderesse a demandé que la décision soit annulée et que sa demande soit réexaminée. La demanderesse, une mineure, est née en Inde et a été conçue au moyen d’une fécondation in vitro. Un embryon, obtenu par fertilisation in vitro à partir de l’ovule d’une donneuse anonyme et du sperme d’un donneur anonyme, a été implanté dans le ventre de sa mère naturelle. Le tuteur de la demanderesse, un citoyen canadien, et sa mère naturelle indienne sont mariés. Ils sont enregistrés comme les parents de la demanderesse, et c’est ainsi qu’ils sont inscrits dans son acte de naissance. Le tuteur de la demanderesse a présenté une demande de certificat de citoyenneté en Inde pour le compte de la demanderesse, mais cette demande a été refusée. Il a également informé l’agent de citoyenneté qui a rendu la décision de l’existence d’une présomption en droit indien selon laquelle l’enfant né d’une femme mariée est présumé être l’enfant de son époux. L’agent de citoyenneté a refusé la demande au motif que pour établir la citoyenneté d’un enfant né à l’étranger d’un père ou d’une mère canadienne, le droit canadien se fonde sur la preuve d’un lien de sang (ou lien génétique) entre le père ou la mère et l’enfant, lequel peut être prouvé par une analyse de l’ADN. De plus, aux fins de la reconnaissance de cette source de citoyenneté, la politique actuelle sur la citoyenneté ne reconnaît que les père ou mère génétiques.

Il s’agissait de savoir si l’agent de citoyenneté a commis une erreur lorsqu’il a interprété l’alinéa 3(1)b) de la Loi sur la citoyenneté et qu’il a exigé l’existence d’un lien génétique avec les parents pour la citoyenneté acquise par filiation, excluant ainsi la demanderesse.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Le seul moyen de la demanderesse pour obtenir la citoyenneté était le droit conféré par l’alinéa 3(1)b) de la Loi. Il fallait donc déterminer si le tuteur légal de la demanderesse est un père pour l’application de cette disposition. La Loi n’exige pas expressément de lien génétique entre un père ou une mère et un enfant dans les cas de légitimation. Il s’agissait d’une question d’interprétation de la signification des termes « père ou mère » contenus dans la Loi. Le défendeur a soutenu que depuis les modifications apportées par le projet de loi C-14, les enfants nés à l’étranger et adoptés après le 14 février 1977 par des citoyens canadiens ont droit à la citoyenneté de la même façon que les enfants biologiques nés à l’étranger de citoyens canadiens et qu’en faisant expressément référence aux enfants adoptés, le législateur avait l’intention de conférer aux termes « père ou mère » contenus dans la Loi une interprétation restrictive exigeant une relation de sang entre le père ou la mère et l’enfant. Bien que cet argument ne soit pas dénué de fondement, il omettait de tenir compte d’un point important, à savoir le fait que le législateur a estimé nécessaire de définir le terme « enfant » dans la Loi. L’article 2 de la Loi dispose : « “enfant” Tout enfant, y compris l’enfant adopté ou légitimé conformément au droit du lieu de l’adoption ou de la légitimation ». Par conséquent, lorsqu’il définit ainsi le terme « enfant », le législateur donne un indice de ce qu’il entend par parents légitimes d’un tel enfant. En l’espèce, le dossier établissait que le tuteur de la demanderesse, un citoyen canadien, et la mère naturelle indienne de la demanderesse étaient mariés et étaient enregistrés comme les parents de la demanderesse et étaient inscrits ainsi dans son acte de naissance. Le dossier suffisait à établir cette relation sous le régime du droit indien. Pour les besoins de la présente demande, la demanderesse est l’enfant légitimée de sa mère naturelle et de son tuteur légal canadien sous le régime du droit indien.

En tant qu’enfant légitimée, la demanderesse est donc incluse dans la définition du terme « enfant » pour l’application de la Loi. Il a également été conclu qu’elle ne devrait pas être soumise à un traitement différent, au motif qu’elle est une enfant légitimée et non pas adoptée. Vu la façon dont les termes « père ou mère » sont définis pour l’application de l’alinéa 3(1)b), si le législateur avait eu l’intention de traiter différemment un enfant légitimé d’un enfant adopté, il l’aurait fait de façon expresse, et n’aurait pas inclus l’enfant légitimé dans la même définition. Les deux sont définis comme des « enfant[s] » pour l’application de la Loi.

En l’espèce, les termes « père ou mère » et « enfant » « correspondent » ou sont naturellement liés. Si un enfant mineur est « adopté » ou « légitimé », une relation de père ou mère à enfant découle nécessairement de cet acte. En raison de la nature de la relation, il serait incongru de reconnaître un enfant dans de telles circonstances, mais pas le père ou la mère de l’enfant. Sur la base de la définition du terme « enfant » dans la Loi, et vu le caractère correspondant des termes « père ou mère » et « enfant », il serait incompatible avec l’objet et l’esprit de la Loi de ne pas reconnaître les père ou mère de ce même enfant comme des père ou mère pour l’application de la Loi. Le législateur voulait que ces termes « correspondent » puisqu’il n’a pas adopté une définition précise pour les termes « père ou mère ».

En outre, l’interprétation faite par le défendeur de la Loi était incompatible avec le texte de la Loi. La définition du terme « enfant » à l’article 2 de la Loi inclut les enfants adoptés ou légitimés. L’alinéa 3(1)b) de la Loi prévoit qu’une personne est citoyenne canadienne si elle est « née à l’étranger […] d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance » (dans la version anglaise, « born outside Canada … and at the time of his birth one of his parents, other than a parent who adopted him, was a citizen » (non souligné dans l’original). Vu que le législateur a créé une exception uniquement pour les père ou mère adoptifs à cet alinéa, il est possible d’inférer que tout autre type de père ou mère suffit à satisfaire aux exigences de l’alinéa 3(1)b). Si le législateur avait aussi eu l’intention d’exclure les père ou mère légitimés, il aurait dû le faire expressément. De plus, la légitimation rend l’adoption impossible. Par conséquent, si la légitimation par un processus étranger d’un père ou d’une mère ayant la qualité de citoyen n’entraîne pas soit une relation de « père ou mère », soit une relation de « père ou mère adoptif » avec l’enfant, et que la légitimation exclut l’adoption, l’obtention de la citoyenneté canadienne pour l’enfant n’est pas possible sauf au moyen de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, ou par le processus d’acquisition de la citoyenneté conçu pour les étrangers. Un tel résultat rendrait sans effet la partie « légitimation » de la définition du terme « enfant », et cela aurait un effet discriminatoire à l’égard des enfants légitimés qui ne sont pas génétiquement liés à leurs parents. La Loi ne peut pas être interprétée de cette façon.

Par conséquent, les termes « père ou mère » contenus à l’alinéa 3(1)b) de la Loi ont été interprétés comme incluant les pères ou mère reconnus légalement d’un enfant légitimé en conformité avec les lois de l’endroit où la légitimation a eu lieu : en l’espèce, il s’agissait de l’Inde. Cette interprétation était conforme à l’approche bien établie relative à l’interprétation des lois, tandis que l’interprétation restrictive faite par le défendeur de ces termes ne l’était pas.

Vu que l’un des parents de la demanderesse, son tuteur légal, est un citoyen canadien, par application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi, la demande de la demanderesse ne pouvait pas être refusée au motif que la demanderesse n’a pas de lien génétique avec son père canadien. En conséquence, l’agent de citoyenneté a commis une erreur dans son interprétation de la Loi lorsqu’il a exigé un tel lien génétique et qu’il a refusé de considérer les père ou mère par légitimation comme les père ou mère pour l’application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 10.

Loi d’interprétation, L.R.O. 1990, ch. I.11, art. 10.

Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption), L.C. 2007, ch. 24.

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 2 « enfant », 3(1)b), 5.1.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1.

Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, art. 2 « parent ». 

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règle 317.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; Gingell c. R., [1976] 2 R.C.S. 86.

décisions différenciées :

Valois-d’Orleans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1009; Azziz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 663.

décisions examinées :

Canada (Procureur général) c. McKenna, [1999] 1 C.F. 401 (C.A.); Taylor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1053.

décisions citées :

R. c. Ahmad, 2011 CSC 6, [2011] 1 R.C.S. 110; Fondation David Suzuki c. Canada (Pêches et Océans), 2012 CAF 40, [2013] 4 R.C.F. 155; Takeda Canada Inc. c. Canada (Santé), 2013 CAF 13, [2014] 3 R.C.F. 70; Ogg-Moss c. R., [1984] 2 R.C.S. 173.

DOCTRINE CITÉE

Citoyenneté et Immigration Canada. Bulletin opérationnel 381. « Évaluation de la filiation aux fins d’attribution de la citoyenneté dans les cas où interviennent des techniques de procréation assistée, y compris la maternité de substitution », 8 mars 2012, en ligne : <http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/bulletins/2012/bo381.asp>.

DEMANDE de contrôle judiciaire visant une décision par laquelle un agent de citoyenneté a refusé la demande d’inscription de la demanderesse en tant que citoyenne canadienne née à l’étranger. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Charles E. D. Groos pour la demanderesse.

Kimberly Sutcliffe pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Charles E. D. Groos, Vancouver, pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

  Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        Le juge Blanchard : La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse, Nanakmeet Kaur Kandola, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F‑7, contre une décision datée du 25 avril 2012, par laquelle un agent de citoyenneté (l’agent) a refusé la demande d’inscription de la demanderesse en tant que citoyenne canadienne née à l’étranger.

[2]        La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision de refuser son inscription et son immatriculant en tant que citoyenne canadienne, et obligeant le défendeur à procéder à un nouvel examen de la demande [traduction] « au motif que, vu le présent dossier, il n’y a aucune raison de la refuser ».

Faits

[3]        La demanderesse est née le 3 juin 2009 à Chandigarh, en Inde. Elle a été conçue au moyen d’une fécondation in vitro (la FIV). Un embryon, obtenu par fertilisation in vitro à partir de l’ovule d’une donneuse anonyme et du sperme d’un donneur anonyme, a été implanté dans le ventre de sa mère naturelle. Le tuteur de la demanderesse, un citoyen canadien, et sa mère naturelle indienne sont mariés. Ils sont enregistrés comme les parents de la demanderesse, et c’est ainsi qu’ils sont inscrits dans son acte de naissance de l’Inde.

[4]        Dans une procédure distincte, le tuteur de la demanderesse a avisé les fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) des circonstances de la naissance. CIC a été mis au courant des problèmes de fertilité de son épouse lors d’une entrevue tenue le 7 janvier 2009, au cours de laquelle CIC procédait à l’examen de la demande de parrainage de l’épouse pour l’obtention de son visa de résidence permanente.

[5]        Le 30 septembre 2011, le tuteur de la demanderesse a présenté une demande de certificat de citoyenneté (la preuve de citoyenneté), pour le compte de la demanderesse, au Haut‑commissariat du Canada à New Delhi. Selon le défendeur, le tuteur avait auparavant présenté une demande, laquelle avait aussi été refusée.

[6]        Le 19 avril 2012, dans des observations additionnelles, le tuteur de la demanderesse a informé l’agent qui a rendu la décision de l’existence d’une présomption en droit indien selon laquelle l’enfant né d’une femme mariée est présumé être l’enfant de son époux.

[7]        Après que la décision eut été rendue le 25 avril 2012, le tuteur de la demanderesse a déposé une requête auprès de l’agent en vertu de la règle 317 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, pour l’obtention de documents que la demanderesse n’avait pas, mais qui étaient au dossier. Les documents envoyés ne contenaient ni les observations du 19 avril 2012, ni aucune politique de CIC selon laquelle les agents devraient reconnaître uniquement les parents génétiques.

DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

[8]        L’agent a refusé la demande dans une lettre datée du 25 avril 2012. Je reproduis ci‑dessous les extraits de la lettre dans lesquels l’agent explique les motifs de son refus :

[traduction] L’article 3 de la Loi sur la citoyenneté établit quelles personnes ont qualité de citoyen canadien. L’alinéa pertinent qui concerne la demande de votre enfant est l’alinéa 3(1)b), aux termes duquel a qualité de citoyen canadien toute personne « née à l’étranger après le 14 février 1977 d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance ».

Pour établir la citoyenneté d’un enfant né à l’étranger d’un père ou d’une mère canadienne (citoyenneté acquise par filiation), le droit canadien se fonde sur la preuve d’un lien de sang (ou lien génétique) entre le père ou la mère et l’enfant, lequel peut être prouvé par une analyse de l’ADN. Ce principe du jus sanguinis (le droit du sang) a de profondes racines historiques tant au Canada qu’à l’échelle internationale, et il ressort clairement de l’historique législatif de la Loi sur la citoyenneté que l’intention du législateur a toujours été de faire référence aux termes « père ou mère » comme étant les père ou mère génériques pour la citoyenneté acquise par filiation. Pour établir la citoyenneté, il faut prouver l’existence non seulement d’un lien génétique entre le père ou la mère et enfant, mais aussi d’un lien parental ou d’une intention de relation parentale avec l’enfant. La présente politique de citoyenneté est simplement un reflet du droit actuel, et elle vise à clarifier le droit à la lumière des nouvelles techniques de procréation assistée.

Pour établir la citoyenneté d’un enfant né à l’étranger d’un père ou d’une mère canadienne (citoyenneté acquise par filiation), la politique actuelle sur la citoyenneté ne reconnaît que les père ou mère génétiques (les père ou mère qui ont un lien génétique avec l’enfant concerné). Dans tous les cas où des renseignements donnent à penser qu’un père ou une mère, par lesquels une demande de citoyenneté acquise par filiation est présentée, n’est pas le père ou la mère génétique, une preuve génétique est demandée.

La preuve par analyse de l’ADN que vous avez fournie concernant Nanakmeet établit avec une certitude inférieure à 99,8 % qu’elle est votre fille, ce qui est la norme acceptable pour l’établissement de la citoyenneté. Par conséquent, vous n’êtes pas le parent génétique de Nanakmeet.

Comme vous n’êtes pas le parent génétique de Nanakmeet, vous pouvez envisager d’autres possibilités relatives à l’adoption internationale pour régulariser la relation parentale aux fins du dépôt d’une demande de citoyenneté canadienne ou d’immigration (pour de plus amples renseignements, visitez le site Web de CIC à l’adresse suivante : http://www.cic.gc.ca/francais/immigrer/adoption/index .asp).

Dans le cas où l’adoption n’est pas possible parce que vous êtes déjà considéré comme le parent légal dans le territoire étranger où l’enfant est né (y compris parce que votre nom figure sur le certificat de naissance), ou pour d’autres raisons, votre retour au Canada pourrait être facilité par des mesures de traitement de demandes d’immigration discrétionnaires, comme le recours à un permis de résidence temporaire pour votre enfant. Une fois au Canada, vous pouvez soumettre, pour le compte de votre enfant, une demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaires, ou une demande d’attribution discrétionnaire de la citoyenneté.

La demande de certificat de citoyenneté pour votre enfant a donc été rejetée […]

position de la demanderesse

[9]        La demanderesse soutient que le défendeur a omis d’interpréter les dispositions applicables de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C‑29 (la Loi), conformément à l’article 10 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I‑21, qui exige que l’interprétation des lois évolue avec les progrès technologiques. La demanderesse soutient que l’interprétation faite par le défendeur ne tient pas compte de la FIV, et que le défendeur a refusé à la demanderesse des droits que [traduction] « le législateur avait l’intention de conférer aux êtres humains créés selon les mêmes moyens qu’elle ».

[10]      La demanderesse soulève les deux questions qui suivent. La première question est de savoir si, lorsqu’ils interprètent légalement l’alinéa 3(1)b) de la Loi, les fonctionnaires peuvent restreindre la citoyenneté acquise par filiation aux personnes qui ont un lien génétique direct à un père ou une mère canadienne. La seconde question est de savoir si les fonctionnaires peuvent [traduction] « de façon absolue écarter les avantages de la présomption de légitimité d’un enfant né d’une femme mariée ».

[11]      La demanderesse allègue qu’elle est la fille légitime de sa mère naturelle et de son tuteur. Elle maintient que pour l’application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi, ils doivent être considérés comme ses parents.

[12]      La demanderesse allègue que le maintien de l’interprétation faite par l’agent des termes père ou mère contredit la présomption de légitimité de la common law, sans base légale pour ce faire, et est incompatible avec le droit indien, avec la signification ordinaire des termes « père ou mère » contenus à l’alinéa 3(1)b) [de la Loi], et avec la définition de « parent » à l’article 2 du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93‑246. Elle allègue en outre que la définition de l’agent repose aussi sur l’intention du législateur de restreindre la définition fondée sur le jus sanguinis, ce qui ne tient pas compte des avancées technologiques de la procréation assistée, et n’est pas compatible avec le caractère évolutif de la Constitution.

position du défendeur

[13]      Selon le défendeur, le droit canadien exige l’existence d’un lien du sang ou d’un lien génétique entre un père ou une mère et un enfant dans une demande de citoyenneté acquise par filiation. À l’appui de sa position, le défendeur se fonde sur le Bulletin opérationnel 381 [« Évaluation de la filiation aux fins d’attribution de la citoyenneté dans les cas ou interviennent des techniques de procréation assistée, y compris la maternité de substitution » ] (le Bulletin), daté du 8 mars 2012, et sur les principes d’interprétation des lois.

[14]      Le défendeur soutient que le Bulletin [traduction] « examine expressément le cas des personnes reconnues comme parents en l’absence de lien génétique ». Le Bulletin déclare que les enfants nés au moyen de la procréation assistée ou d’un accord de maternité de substitution sans lien génétique à des parents canadiens ne sont pas admissibles à la citoyenneté.

[15]      Le défendeur avance que dans de tels cas, les parents doivent demander l’adoption pour obtenir la citoyenneté pour leur enfant. Lorsque les parents qui ont l’intention d’adopter ne peuvent pas le faire, comme c’est le cas en l’espèce parce que les noms des parents qui souhaitent adopter figurent dans le certificat de naissance de l’enfant, alors le retour au Canada peut être facilité par des mesures de traitement discrétionnaires en matière de citoyenneté ou d’immigration.

[16]      En ce qui concerne la politique, le défendeur allègue que les techniques de procréation assistée font naître des préoccupations en immigration. Il existe une possibilité d’obtenir facilement de faux documents qui seront présentés comme des éléments de preuve d’une naissance obtenue grâce aux techniques de procréation assistée, et cela peut facilement expliquer les résultats des analyses de l’ADN n’établissant pas l’existence d’un matériel génétique partagé avec les parents. Il existe aussi une possibilité de traite de personnes ou de gain matériel indu. Le défendeur avance que l’interprétation faite par le ministre, et l’application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi relativement à l’exigence d’un lien de sang pour la citoyenneté acquise par filiation repose en partie sur les facteurs politiques ci‑dessus.

[17]      Le défendeur allègue que les principes de l’interprétation des lois étayent le Bulletin. Il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; et R. c. Ahmad, 2011 CSC 6, [2011] 1 R.C.S. 110, au paragraphe 28). Selon le défendeur, le sens ordinaire d’une disposition est présumé être le sens que le législateur avait l’intention de lui conférer, et il devrait être accepté par les tribunaux s’il n’y a aucune raison de le rejeter. Le défendeur allègue que, dans la version anglaise de la Loi, la distinction entre « parent » et « parent who adopted » à l’alinéa 3(1)b) établit que le terme « parent » a un sens strict et [traduction] « doit être interprété selon son acception traditionnelle — nécessitant un lien de sang entre le parent et l’enfant ».

[18]      De plus, le défendeur maintient que la citoyenneté [traduction] « a traditionnellement été un concept strict », et que la Loi prévoit seulement trois moyens pour devenir citoyen : le jus soli (le droit du sol), le jus sanguinis (le droit du sang), et la naturalisation. Bien que la procréation assistée ne fût pas disponible en 1977, lorsque le projet de loi C‑14 [Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (adoption), L.C. 2007, ch. 24] a été édicté pour inclure les enfants adoptés, la définition de la notion de parents en droit provincial incluait les parents adoptifs; selon le défendeur, le législateur avait donc l’intention de conférer aux termes le sens de leur définition traditionnelle qui repose sur le jus sanguinis.

[19]      Le défendeur allègue que la jurisprudence appuie sa position. Au paragraphe 16 de la décision Valois‑D’Orleans c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1009, la Cour fédérale a affirmé que « [d]ans son état actuel, la Loi, sauf dans le cas d’un parent adoptif, ne déroge pas au sens ordinaire voulant qu’un parent est une personne qui est liée par le sang avec l’enfant ». De façon semblable, au paragraphe 73 de la décision Azziz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 663, la Cour a déclaré que alinéa 3(1)b) « vise uniquement l’enfant naturel de l’un ou l’autre parent ayant le statut de citoyen canadien au moment de la naissance ». Aussi, aux paragraphes 57 et 85 de l’arrêt Canada (Procureur général) c. McKenna, [1999] 1 C.F. 401 (C.A.), la Cour d’appel fédérale s’est référée au droit automatique à la citoyenneté qu’ont les enfants « s’ils sont nés d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen », et le juge Linden, dissident, s’est référé à un lien « résult[ant] du droit du sang ou du droit du sol ». La décision Taylor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1053, fait aussi référence aux « citoyens canadiens de naissance », et aux « parents biologiques ».

QUESTIONS EN LITIGE

[20]      Selon moi, la question déterminante en l’espèce est de savoir si l’agent a commis une erreur lorsqu’il a interprété l’alinéa 3(1)b) de la Loi et qu’il a exigé l’existence d’un lien génétique avec les parents pour la citoyenneté acquise par filiation, excluant ainsi la demanderesse.

NORME DE CONTRÔLE

[21]      La question a trait à l’interprétation de la Loi par le ministre. Une telle question commande l’application de la norme de la décision correcte. Voir : Fondation David Suzuki c. Canada (Pêches et Océans), 2012 CAF 40, [2013] 4 R.C.F. 155, au paragraphe 6; et Takeda Canada Inc c. Canada (Santé), 2013 CAF 13, [2014] 3 R.C.F. 70, au paragraphe 29.

ANALYSE

[22]      En droit canadien, il existe trois moyens possibles pour l’obtention de la citoyenneté :

a. le jus soli, lorsqu’une personne est née en sol canadien,

b. le jus sanguinis, lorsqu’une personne a du « sang » canadien ou un parent génétique canadien,

c. la naturalisation, conformément aux lois du Canada, nommément la Loi sur la citoyenneté.

Voir : la décision Valois-d’Orleans, au paragraphe 12, et l’arrêt McKenna, au paragraphe 18.

[23]      La demanderesse n’est pas née en sol canadien, et elle ne prétend pas avoir de lien génétique avec son seul parent visé qui est Canadien. Par conséquent, son droit à la citoyenneté ne peut trouver son origine ni dans une allégation relative au jus soli ni dans une allégation relative au jus sanguinis.

[24]      Pour la demanderesse, le moyen restant est le droit à la citoyenneté conféré par la loi. Je reproduis ci‑dessous les dispositions de la Loi qui s’appliquent :

3. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne :

[…]

b) née à l’étranger après le 14 février 1977 d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance;

[…]

Citoyens

5.1 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était un enfant mineur […]

Cas de personnes adoptées — mineurs

[25]      En l’espèce, la question déterminante est de savoir si le tuteur légal de la demanderesse est un père pour l’application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi. La Loi n’exige pas expressément de lien génétique entre un père ou une mère et un enfant dans les cas de légitimation. Il s’agit d’une question d’interprétation de la signification des termes « père ou mère » contenus dans la Loi.

[26]      La présente espèce n’a pas trait à une allégation frauduleuse de parentalité ou à quelque autre mauvaise représentation des faits que ce soit. La demanderesse, son tuteur légal et sa mère naturelle ont été honnêtes dès le début en ce qui concerne tous les éléments de la demande. La présente espèce peut donc être distinguée dans les faits de certains précédents cités à la Cour, y compris les décisions Valois‑d’Orleans et Azziz, dans lesquelles il y avait de la fraude et où des questions différentes étaient soulevées.

[27]      Bien que les juges Hughes et Martineau semblent avoir définitivement tranché la question, au paragraphe 16 de la décision Valois‑d’Orleans et au paragraphe 73 de la décision Azziz, il n’était question de légitimation par un territoire étranger dans aucune de ces deux affaires. Ainsi, les déclarations générales faites dans ces deux décisions sont peu utiles, et je dois me pencher sur la Loi elle‑même pour obtenir des indications à cet égard.

[28]      Aux paragraphes 21 et 22 de l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), la Cour suprême a adopté l’approche suivante quant à l’interprétation des lois :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

La Cour suprême s’appuyait aussi sur l’article 10 de la Loi d’interprétation [de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. I.11], qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s’interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables ». L’approche prescrite exige donc de tenir compte des termes de la Loi et de leur sens ordinaire.

[29]      Prima facie, les mots « le père ou la mère » doivent être pris dans leur sens ordinaire, à moins que le contexte de la loi ne commande le sens restreint. Voir : Gingell c. R., [1976] 2 R.C.S. 86.

[30]      D’entrée de jeu, je souligne que la demanderesse est une enfant mineure. Il n’y a aucune contestation sur ce point.

[31]      Le ministre soutient que depuis les modifications apportées par le projet de loi C‑14, les enfants nés à l’étranger et adoptés après le 14 février 1977 par des citoyens canadiens ont droit à la citoyenneté de la même façon que les enfants biologiques nés à l’étranger de citoyens canadiens. Il soutient qu’en faisant expressément référence aux enfants adoptés dans la version anglaise de la Loi, le législateur avait l’intention de conférer aux termes « père ou mère » contenus dans la Loi, une interprétation restrictive exigeant une relation de sang entre le père ou la mère et l’enfant. Autrement, la modification visant à permettre aux parents adoptifs de transmettre à leurs enfants la citoyenneté acquise par filiation serait superflue. Le ministre soutient donc que le législateur avait l’intention d’adopter la définition plus traditionnelle et restrictive des termes « père ou mère » reposant sur le concept du jus sanguinis, et que tout changement à cette définition nécessiterait une modification de la loi.

[32]      L’argument du ministre n’est pas dénué de fondement. Toutefois, il omet de tenir compte d’un point important, à savoir le fait que le législateur a estimé nécessaire de définir le terme « enfant » dans la Loi. L’article 2 de la Loi dispose : « Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi […] “enfant” Tout enfant, y compris l’enfant adopté ou légitimé conformément au droit du lieu de l’adoption ou de la légitimation ». Lorsqu’il définit ainsi le terme « enfant », le législateur donne un indice de ce qu’il entend par parents légitimes d’un tel enfant.

[33]      En l’espèce, le dossier établit que le tuteur de la demanderesse, un citoyen canadien, et la mère naturelle de la demanderesse sont mariés et sont enregistrés comme les parents de la demanderesse. Ils sont inscrits comme ses parents dans son certificat de naissance de l’Inde. En l’absence de preuve contraire, le dossier suffit à établir cette relation sous le régime du droit indien. Il ne semble pas y avoir de contestation sur ce point. Pour les besoins de la demande, je suis convaincu que la demanderesse est l’enfant légitimée de sa mère naturelle et de son tuteur légal canadien sous le régime du droit indien.

[34]      En tant qu’enfant légitimée, la demanderesse est donc incluse dans la définition du terme « enfant » pour l’application de la Loi. Si elle avait été une enfant adoptée, le ministre aurait été obligé, sur demande, de lui attribuer la citoyenneté en application de l’article 5.1 de la Loi. La question consiste donc à savoir si elle devrait être soumise à un traitement différent, au motif qu’elle est une enfant légitimée et non pas adoptée. Selon moi et pour les motifs exposés ci‑dessous, il ne devrait pas en être ainsi.

[35]      Vu la façon dont les termes « père ou mère » sont définis pour l’application de l’alinéa 3(1)b), si le législateur avait eu l’intention de traiter différemment un enfant légitimé d’un enfant adopté, il l’aurait fait de façon expresse, et n’aurait pas inclus l’enfant légitimé dans la même définition. Les deux sont définis comme des « enfant[s] » pour l’application de la Loi.

[36]      Les tribunaux se sont servis de la définition du terme « enfant » pour discerner le sens visé des termes « père ou mère » dans des lois qui ne définissent pas de façon expresse ces termes, parce que leurs concepts « correspondent » ou sont naturellement liés. (Voir : Ogg-Moss c. R., [1984] 2 R.C.S. 173.) Le juge en chef Laskin a tenu compte du caractère correspondant de ces termes dans l’arrêt Gingell, à la page 95. Le juge en chef a déclaré que la recherche du sens des mots « père ou mère » dans une loi précise devrait commencer par une étude du mot « enfant » comme il est utilisé dans la même loi.

[37]      En l’espèce, les termes père ou mère et enfant « correspondent ». Si un enfant mineur est « adopté » ou « légitimé », une relation de père ou mère à enfant découle nécessairement de cet acte. En raison de la nature de la relation, laquelle repose essentiellement sur les soins et la dépendance, il serait incongru de reconnaître un enfant dans de telles circonstances, mais pas le père ou la mère de l’enfant.

[38]      Sur la base de la définition du terme « enfant » dans la Loi, et vu le caractère correspondant des termes « père ou mère » et « enfant », il serait incompatible avec l’objet et l’esprit de la Loi de ne pas reconnaître les père ou mère de ce même enfant comme des père ou mère pour l’application de la Loi. Si le législateur n’avait pas voulu que ces termes « correspondent », il aurait adopté une définition précise pour les termes « père ou mère ». Il ne l’a pas fait.

[39]      En outre, l’interprétation faite par le ministre de la Loi est incompatible avec le texte de la Loi. La définition du terme « enfant » à l’article 2 de la Loi inclut les enfants adoptés ou légitimés. L’alinéa 3(1)b) de la Loi dispose qu’il s’agit d’une personne « née à l’étranger […] d’un père ou d’une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance » (dans la version anglaise, « born outside Canada … and at the time of his birth one of his parents, other than a parent who adopted him, was a citizen » (non souligné dans l’original). Vu que le législateur créé une exception uniquement pour les père ou mère adoptifs à cet alinéa, il est possible d’inférer que tout autre type de père ou mère (génétique ou légitimé) suffit à satisfaire aux exigences de l’alinéa 3(1)b). Si le législateur avait aussi eu l’intention d’exclure les père ou mère légitimés, il aurait dû le faire expressément.

[40]      En outre, la légitimation rend l’adoption impossible. Le ministre ne conteste pas ce fait. Par conséquent, si la légitimation par un processus étranger d’un père ou d’une mère ayant la qualité de citoyen n’entraîne pas, soit une relation de « père ou mère », soit une relation de « père ou mère adoptif » avec l’enfant, et que la légitimation exclut l’adoption, l’obtention de la citoyenneté canadienne pour l’enfant n’est pas possible sauf au moyen de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, ou par le processus d’acquisition de la citoyenneté conçu pour les étrangers. Selon moi, un tel résultat rendrait sans effet la partie « légitimation » de la définition du terme « enfant », et cela aurait un effet discriminatoire à l’égard des enfants légitimés qui ne sont pas génétiquement liés à leurs parents. La Loi ne peut pas être interprétée de cette façon.

[41]      Par conséquent, j’interprète les termes « père ou mère » contenus à l’alinéa 3(1)b) de la Loi comme incluant les pères ou mère reconnus légalement d’un enfant légitimé en conformité avec les lois de l’endroit où la légitimation a eu lieu : en l’espèce, il s’agit de l’Inde. L’interprétation ci‑dessus est conforme aux termes de la Loi lus dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur. L’interprétation restrictive faite par le ministre des termes « père ou mère » ne l’est pas.

[42]      Vu que l’un des parents de la demanderesse, son tuteur légal, est un citoyen canadien, par application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi, la demande de la demanderesse ne peut pas être refusée au motif que la demanderesse n’a pas de lien génétique avec son père canadien.

[43]      Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que l’agent de citoyenneté a commis une erreur dans son interprétation de la Loi, lorsqu’il a exigé un tel lien génétique, et qu’il a donc refusé de considérer les père ou mère par légitimation comme les père ou mère pour l’application de l’alinéa 3(1)b) de la Loi.

[44]      La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision de l’agent sera annulée, et l’affaire sera renvoyée au ministre pour être examinée à nouveau par un agent différent, en conformité avec les présents motifs de jugement.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2. La décision de l’agent de citoyenneté est annulée, et l’affaire est renvoyée au ministre pour être examinée à nouveau par un agent différent, en conformité avec les présents motifs de jugement.

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