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 [2014] 3 R.C.F. 620

IMM-1748-12

2013 CF 257

Gautam Chandidas, Rekha Chandidas, Karan Chandidas, Kunal Chandidas, Rhea Chandidas (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Kane—Toronto, 2 octobre 2012; Ottawa, 8 mars 2013.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Renvoi de réfugiés — Demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a refusé l’examen des risques avant renvoi (ERAR) — Une fatwa a été prononcée contre le demandeur principal, un citoyen de l’Inde, pour avoir fermé son usine à la suite d’une grève d’employés musulmans — Les demandeurs ont soutenu qu’ils n’avaient pas de possibilité de refuge intérieur (PRI) en Inde, puisque le centre de traitement de Mumbai ne fournirait pas à la fille atteinte de leucémie le traitement dont elle avait besoin — L’agent a tenu compte d’une réponse à une demande d’information (RDI) accessible au public — Il a conclu que les demandeurs avaient une PRI et que la fille avait accès à un traitement à Mumbai — Il s’agissait de savoir si l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale en se fondant sur la RDI, s’il a omis de prendre en compte l’intérêt supérieur de la fille et si la conclusion de l’agent au sujet de la PRI était raisonnable — L’omission de divulguer une RDI ne constitue pas un manquement à l’obligation d’équité procédurale — L’art. 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés limite uniquement la capacité des demandeurs de présenter de nouveaux éléments de preuve et n’empêche pas l’agent d’utiliser des renseignements qui ne sont pas « nouveaux » — L’art. 113 de la Loi place le demandeur devant un dilemme lorsque l’agent se fonde sur des éléments nouveaux et que le demandeur ne peut pas réfuter ces éléments nouveaux — En l’espèce, la RDI contenait des renseignements généraux et objectifs au sujet des fatwas — L’agent s’est livré à une analyse partielle de l’intérêt supérieur de la fille — La preuve en l’espèce évoquait des obstacles au traitement des enfants atteints du cancer en Inde — La conclusion de l’agent selon laquelle il existait peu d’éléments de preuve indiquant que le traitement médical ne pouvait être offert à Mumbai n’était pas raisonnable — Le deuxième volet du critère de la PRI n’a pas été respecté — La preuve a établi qu’il existait des obstacles au traitement en Inde et que la fille avait besoin de soins spécialisés — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a refusé l’examen des risques avant renvoi (ERAR) sollicité par les demandeurs et jugé que les demandeurs ne seraient pas exposés au risque d’être persécutés ou torturés, à une menace à leur vie ou au risque de traitement ou peines cruels ou inusités s’ils retournaient dans leur pays de nationalité.

Le demandeur principal, un citoyen de l’Inde, était propriétaire d’une fabrique de vêtements à New Delhi et employait de nombreux musulmans. Il a refusé d’accéder à la demande des employés qui exigeaient du temps libre pour faire leurs prières quotidiennes. À la suite d’une grève, il a fermé sa fabrique. En représailles, il a été enlevé et menacé et une fatwa a été prononcée par une mosquée locale, demandant qu’il soit tué. Suivant le rejet de leur demande d’asile, les demandeurs ont sollicité un ERAR. Ils ont soutenu, entre autres, qu’ils n’avaient pas de possibilité de refuge intérieur (PRI). En raison du traitement pour une leucémie de leur fille, les demandeurs ont expliqué que le seul centre de traitement possible se trouvait à Mumbai, ville où le demandeur principal pourrait être retrouvé par des musulmans voulant exécuter la fatwa. Cependant, les demandeurs ont également affirmé que ce centre de traitement ne fournirait pas à leur fille le traitement dont elle avait besoin.

Pour évaluer le risque futur, l’agent a examiné les documents actuels relatifs à la situation dans le pays, y compris une réponse à une demande d’information (RDI) qui portait sur les fatwas en général. L’agent a conclu que les demandeurs avaient une PRI raisonnable et viable à Mumbai parce que peu d’éléments de preuve indiquaient que l’autorité qui avait prononcé la fatwa avait suffisamment d’influence pour mettre en danger le demandeur principal s’il se trouvait dans cette ville. L’agent a également conclu que les demandeurs s’adapteraient à un nouvel environnement et que leur fille aurait accès à un traitement à Mumbai.

Il s’agissait de savoir si l’agent avait manqué à son obligation d’équité procédurale en se fondant sur la RDI, un document public, mais qui n’a pas été divulgué aux demandeurs, s’il a omis de prendre en compte l’intérêt supérieur de la fille et si la conclusion de l’agent au sujet de la PRI était raisonnable

Jugement : la demande doit être accueillie.

L’omission de divulguer une RDI accessible au public ne constituait pas un manquement à l’obligation d’équité procédurale. L’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés limite uniquement la capacité des demandeurs de présenter de nouveaux éléments de preuve; il n’empêche pas l’agent d’utiliser des renseignements qui ne sont pas « nouveaux ». L’information était accessible au public et les demandeurs auraient pu l’obtenir. Il peut arriver que l’article 113 place le demandeur devant un dilemme lorsque l’agent se fonde sur des éléments nouveaux et que le demaneur ne peut pas réfuter ces éléments nouveaux. En l’espèce, la RDI était une information accessible au public et contenait des renseignements généraux et objectifs au sujet des fatwas.

L’agent n’était certes pas tenu d’effectuer une analyse complète de l’intérêt supérieur de la fille dans le contexte de l’ERAR, mais il s’est livré à une analyse partielle de son intérêt supérieur pour décider que Mumbai constituait une PRI. La preuve en l’espèce indiquait qu’il existait des obstacles au traitement d’enfants atteints du cancer en Inde, dont le manque d’infrastructures et un personnel insuffisant. La conclusion de l’agent selon laquelle il existait peu d’éléments de preuve indiquant que le traitement médical ne pouvait être offert à Mumbai n’était pas raisonnable.

En raison des circonstances personnelles de la famille du demandeur, le deuxième volet du critère de la PRI n’a pas été respecté. Selon le critère à deux volets relatif à la PRI, 1) la Commission (ou dans ce cas, l’agent) doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté dans la PRI proposée, et 2) que les conditions dans le pays où existe la PRI proposée doivent être telles qu’il ne serait pas déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, que le demandeur y cherche refuge. La preuve a établi qu’il existait des obstacles au traitement en Inde et a fait ressortir le fait que la fille avait été traitée pour une leucémie récurrente qui exige un traitement spécialisé et des soins de suivi. La conclusion selon laquelle les demandeurs ont fourni peu d’éléments de preuve montrant que le traitement médical ne serait pas accessible à Mumbai était déraisonnable.

L’ERAR a été renvoyé pour nouvel examen par un autre agent d’immigration.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(3)f), 25, 72(1), 96, 97, 113.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, [1992] R.T Can. no 3.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.).

décisions examinées :

Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 258; Asmelash c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1732; Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F.; Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296; Hamam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1296.

décisions citées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.); Mandida c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 491; de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2006] 3 R.C.F. 655; Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.); Gunaratnam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 122; Hernandez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1301; Holder c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 337.

DOCTRINE CITÉE

U.S. Department of State. 2010 Human Rights Reports: India. Washington : Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor, en ligne : ˂http://www.state.gov/documents/organization
/160058.pdf˃.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a refusé l’examen des risques avant renvoi sollicité par les demandeurs et jugé que les demandeurs ne seraient pas exposés au risque d’être persécutés ou torturés, à une menace à leur vie ou au risque de traitement ou peine cruels ou inusités s’ils retournaient dans leur pays de nationalité. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Jeremiah Eastman pour les demandeurs.

Kevin Doyle pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Eastman Law Office, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

  Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Kane : La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée aux termes de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision du 12 janvier 2012, par laquelle un agent principal d’immigration (l’agent) a refusé l’examen des risques avant renvoi (ERAR) sollicité par les demandeurs et jugé que les demandeurs ne seraient pas exposés au risque d’être persécutés ou torturés, à une menace à leur vie ou au risque de traitement ou peine cruels ou inusités s’ils retournaient dans leur pays de nationalité, l’Inde.

Le contexte

[2]        La famille Chandidas demande le contrôle judiciaire de la décision défavorable de l’agent chargé de l’ERAR dont elle a fait l’objet. Je décris brièvement la période que les Chandidas ont passée au Canada de façon à replacer la présente demande dans son contexte.

[3]        Gautam Chandidas, le demandeur principal [ou le demandeur], est un citoyen indien qui est arrivé au Canada avec un visa de visiteur en août 2007. Sa femme, ses deux fils et sa fille sont arrivés en novembre 2007.

[4]        Les demandeurs ont demandé l’asile en mai 2008 en se fondant sur la crainte de persécution qu’éprouvait le demandeur principal en raison de ce qu’il avait vécu en Inde. M. Chandidas, un Hindou, était propriétaire d’une fabrique de vêtements à New Delhi et employait de nombreux musulmans. Les employés musulmans exigeaient du temps libre pour faire leurs prières quotidiennes, demande qu’il a rejetée en raison des exigences de la production. À la suite d’une grève, il a fermé sa fabrique. En représailles, il a été enlevé à deux reprises et menacé. Une fatwa a été prononcée par une mosquée locale, demandant qu’il soit tué. M. Chandidas s’est enfui et affirme que sa famille et lui ne peuvent retourner en Inde.

[5]        La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission [ou la CISR]) a rejeté la demande d’asile du demandeur, et elle a jugé que ses affirmations n’étaient pas crédibles, qu’une fatwa n’avait pas été prononcée et que les demandeurs n’avaient pas de crainte subjective d’être persécutés. L’autorisation de la demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable a été rejetée le 8 septembre 2011.

[6]        En novembre 2011, les demandeurs ont sollicité un ERAR, fondé sur les risques mentionnés dans la demande d’asile. Le demandeur principal soutenait que sa famille et lui n’avaient pas de possibilité de refuge intérieur.

[7]        Le 12 janvier 2012, l’agent chargé de l’ERAR a rejeté la demande.

[8]        En juillet 2010, avant la demande d’ERAR, les demandeurs avaient présenté une demande de résidence permanente, depuis le Canada, pour des motifs d’ordre humanitaire fondés sur l’intérêt supérieur de leur enfant (ISE) et sur leur établissement au Canada. La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été refusée par le même agent qui avait refusé la demande d’ERAR et ce le même jour, soit le 12 janvier 2012. La demande de contrôle judiciaire de la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été entendue en même temps que la demande actuelle et la Cour y a fait droit. Des motifs de jugement distincts ont été rendus et se trouvent dans la décision Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 258.

[9]        Le 13 mars 2012, la Cour a accueilli la requête de sursis du renvoi des demandeurs du Canada.

La décision contestée

[10]      L’agent a jugé que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Mumbai et que, par conséquent, ils ne seraient pas exposés au risque d’être persécutés ou torturés, ni à une menace à leur vie ou au risque de traitement ou peine cruels ou inusités s’ils retournaient en Inde. L’agent a conclu que les demandeurs n’étaient pas des personnes à protéger au sens des articles 96 ou 97 de la Loi.

[11]      L’agent en est arrivé à cette conclusion après avoir tenu compte de la prétention du demandeur principal selon laquelle une fatwa avait été prononcée contre lui et sa famille n’avait pas de PRI. En raison du traitement et des soins de suivi que nécessitait la santé de leur fille Rhea pour une leucémie lymphoblastique aiguë récidivante (LLA), les demandeurs ont expliqué que le seul centre de traitement possible se trouvait à Mumbai, ville où le demandeur principal pourrait être retrouvé par des musulmans voulant exécuter la fatwa. Cependant, les demandeurs ont également affirmé que ce centre de traitement ne fournirait pas à Rhea le traitement dont elle avait besoin, ce qui mettrait en danger la santé de l’enfant et peut‑être même, sa vie.

[12]      L’agent a rejeté certains documents présentés par les demandeurs au motif qu’ils ne constituaient pas des « éléments de preuve » nouveaux au sens de l’alinéa 113a) de la Loi, puisqu’ils étaient antérieurs à la demande d’asile des demandeurs. Ces documents sont des articles de journaux concernant les fatwas ainsi que le dysfonctionnement des forces policières et l’impunité des policiers en Inde.

[13]      L’agent a toutefois accepté d’autres documents à titre d’éléments de preuve nouveaux, tout en notant qu’ils devraient être exclus conformément à l’alinéa 113a) de la Loi. Ces documents concernaient la possibilité d’une PRI, aspect que la Commission n’avait pas examiné. L’agent a accepté une lettre du Dr Truong du SickKids Hospital [Hospital for Sick Children] de Toronto, qui décrivait le traitement nécessaire ainsi qu’un résumé de l’India Pediatric Oncology Initiative Meeting appuyé par la Jiv Daya Foundation, qui décrivait les obstacles au traitement du cancer des enfants en Inde. L’agent a également accepté une copie d’une lettre récente non signée provenant du gestionnaire de patrimoine du demandeur principal en Inde, qui affirmait que la fatwa prononcée contre lui était toujours en vigueur.

[14]      L’agent a indiqué qu’il avait attribué une force probante importante aux conclusions de la Commission, d’après lesquelles les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque de persécution. L’agent a souligné que le demandeur principal reprenait les mêmes risques : il craint les musulmans en Inde en raison de la fatwa prononcée contre lui et il craint être assassiné; l’absence de protection de l’État en raison de l’importance de la communauté musulmane en Inde. L’agent a attribué une force probante minime à la lettre fournie par le demandeur principal à titre de nouvel élément de preuve indiquant que la fatwa était toujours en vigueur.

[15]      L’agent n’a toutefois pas expressément conclu qu’aucune fatwa n’avait été prononcée contre le demandeur.

[16]      Pour évaluer le risque futur, l’agent a examiné les documents actuels relatifs à la situation dans le pays. Ces documents sont notamment un rapport de 2010 du Département d’État des États‑Unis [2010 Human Rights Reports : India. Washington : Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor] décrivant le système politique démocratique de l’Inde, ainsi qu’une réponse à une demande d’information (RDI) de 2007 préparée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui portait sur les fatwas en général.

[17]      L’agent a conclu que les demandeurs avaient une PRI raisonnable et viable à Mumbai parce que peu d’éléments de preuve indiquaient que l’autorité qui avait prononcé la fatwa avait suffisamment d’influence pour mettre en danger le demandeur principal s’il se trouvait dans cette ville. L’agent a également conclu que les demandeurs s’adapteraient à un nouvel environnement et que Rhea aurait accès à un traitement pour sa LLA à Mumbai.

Les questions en litige

[18]      La présente demande soulève trois questions : l’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale en se fondant sur la RDI, un document public, mais qui n’a pas été divulgué au demandeur? L’agent a‑t‑il omis de prendre en compte l’intérêt supérieur de Rhea, comme l’exige l’alinéa 3(3)f) de la Loi (qui énonce que l’interprétation et la mise en œuvre de la Loi doivent avoir pour effet de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire)? La conclusion de l’agent en matière de PRI était‑elle raisonnable?

[19]      Il est bien établi que les questions mixtes de fait et de droit sont examinées selon la norme de la raisonnabilité et que les questions de droit et d’équité procédurale le sont selon la norme de la décision correcte : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 51.

[20]      Ces trois questions sont examinées ci‑dessous, mais j’estime que la question déterminante est la conclusion relative à la PRI. La conclusion relative à la PRI n’est pas raisonnable, compte tenu du fait que l’enfant, Rhea, a besoin d’un traitement approprié pour sa LLA. Il importe de souligner que la demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été accueillie dans la décision Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 258 [précitée], et que dans cette décision, l’évaluation de l’ISE effectuée par l’agent a été jugée insuffisante. Les éléments de preuve concernant la gravité de la LLA et les obstacles à l’accès au traitement en Inde faisaient partie du dossier dont disposait l’agent dans les deux demandes. Les obstacles au traitement rendaient la PRI à Mumbai déraisonnable.

L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale en se fondant sur la RDI, un document public, mais qui n’a pas été divulgué aux demandeurs?

[21]      Les demandeurs soutiennent que l’agent a manqué à son obligation d’équité en ne divulguant pas d’éléments de preuve extrinsèques, c’est‑à‑dire la RDI de 2007 au sujet des fatwas, sur lesquelles l’agent s’est fondé pour décider que la fatwa ne serait pas en vigueur au‑delà de la région où se trouvait l’ancienne fabrique du demandeur principal et non à Mumbai, et en ne donnant pas aux demandeurs la possibilité de répondre à cet argument.

[22]      Les demandeurs soutiennent qu’ils ne pouvaient s’appuyer sur ce document en raison de l’alinéa 113a) de la Loi, qui interdit aux demandeurs d’ERAR de se fonder sur des éléments de preuve antérieurs au rejet de leur demande d’asile (dans la présente affaire, le 11 mai 2011). Les demandeurs soutiennent que cette disposition les empêche de présenter des arguments susceptibles de réfuter les éléments de preuve utilisés par l’agent parce que ces éléments étaient antérieurs à la décision relative à la demande d’asile et ne constituaient pas des éléments « nouveaux ».

[23]      Le défendeur soutient qu’il n’y a pas eu manquement à l’obligation d’équité procédurale, étant donné que l’agent n’était pas tenu d’informer les demandeurs qu’il se fonderait sur des sources publiques concernant la situation générale dans le pays : Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.), au paragraphe 27.

[24]      L’alinéa 113a) de la Loi concerne directement les demandes d’ERAR et dispose :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet; [Non souligné dans l’original.]

Examen de la demande

[25]      Dans la décision Asmelash c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1732, la Cour a examiné la façon dont s’applique l’équité procédurale à l’égard de la divulgation de documents publics. Le juge Blais, maintenant juge en chef de la Cour d’appel fédérale, a déclaré ce qui suit [aux paragraphes 14 et 15] :

Dans la décision Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1997) 125 F.T.R. 297, [1997] A.C.F. no 120, le juge MacKay confirme, au paragraphe 13, qu’un agent des visas n’a pas l’obligation de communiquer l’information disponible à partir d’une source publique si elle est antérieure à la date de toute observation de la part du requérant :

Je note que, dans l’affaire Nadarajah, le juge Rothstein a considéré la preuve documentaire en question dans cette affaire comme provenant de sources dont disposait le public, et qu’il a fait état de la décision rendue par le juge Rouleau dans l’affaire Quintanilla c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, non publiée, IMM‑1390‑95, 22 janvier 1996 (C.F. 1re inst.). Dans cette dernière affaire, où la preuve documentaire de la situation du pays d’origine examinée dans une évaluation au titre de la CDNRSRC est un document auquel le public pouvait avoir accès, le juge Rouleau a conclu qu’il n’existait aucune obligation d’informer le requérant, avant qu’une décision ne fût prise, de documents particuliers concernant la situation du pays d’origine qui étaient examinés. Ce même principe a été appliqué dans l’affaire Nadarajah par le juge Rothstein, et j’estime qu’il s’applique en l’espèce, du moins pour ce qui est de documents publiés et disponibles à partir de sources publiques antérieurement à la date de toute observation de la part du requérant.

Dans la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2003) F.T.R. 297, [2002] 4 C.F. 193, la juge Hansen, aux paragraphes 33 à 36, pousse plus loin l’analyse en concluant que la distinction entre preuve intrinsèque et preuve extrinsèque n’est plus déterminante pour savoir si l’obligation d’équité impose la communication de la preuve. Elle affirme que, lorsqu’il est question d’équité procédurale en matière de communication de la preuve, la préoccupation dominante consiste à savoir si la personne a connaissance ou est présumée avoir connaissance du document, de l’avis ou du rapport :

Je tire le principe général suivant de l’arrêt Mancia. La preuve extrinsèque doit être communiquée à la demanderesse. L’équité ne requiert toutefois pas la communication d’éléments de preuve non extrinsèques, comme les rapports sur la situation générale du pays, à moins que ces éléments n’aient été rendus accessibles après que la demanderesse eut déposé ses observations et à moins qu’ils respectent les autres critères formulés dans cet arrêt.

D’après moi, ces deux « règles » reposent sur le même fondement. L’équité exige que les documents, les rapports et les avis dont la demanderesse n’a pas connaissance ou n’est pas présumée avoir connaissance soient communiqués.

À mon avis, le fondement de la règle établie dans Mancia résiste aux arrêts Haghighi et Bhagwandass. Énoncé de façon générale, le principe qui sous‑tend ces arrêts veut que l’obligation d’équité oblige la communication d’un document, d’un rapport ou d’un avis si cette communication est nécessaire pour fournir à la personne une possibilité significative et équitable de présenter l’ensemble de sa preuve au décideur.

Par conséquent, même si la distinction entre la preuve extrinsèque et la preuve non extrinsèque n’est clairement plus déterminante quant à la question de savoir si l’obligation d’équité exige la communication, le fondement de la règle de l’arrêt Mancia demeure. J’en arrive à cette conclusion parce que même dans les arrêts récents, qui appliquent le cadre postérieur à l’arrêt Baker pour définir l’obligation d’équité, la préoccupation dominante relativement à la communication consiste à savoir si la personne a connaissance ou est présumée avoir connaissance du document, de l’avis ou du rapport. [Non souligné dans l’original.]

[26]      La préoccupation des demandeurs concerne le fait qu’ils n’ont pas pu présenter d’éléments de preuve (anciens ou nouveaux) pour réfuter l’information contenue dans la RDI parce qu’ils ne savaient pas que l’agent allait se fonder sur cette information. Les demandeurs font remarquer que s’ils avaient su que l’agent allait se fonder sur la RDI et s’ils avaient obtenu des éléments de preuve susceptibles de réfuter ces documents qui étaient antérieurs à la décision de la CISR (par exemple, qui touchaient la même période que celle dont il s’agissait dans la RDI), ils n’auraient pas été en mesure de soulever cet aspect en raison de l’article 113 de la Loi, ce qui est inéquitable.

[27]      En l’espèce, les demandeurs affirment qu’une fatwa a été prononcée et qu’il leur incombait d’établir ce risque, ce qu’ils ont tenté de faire en présentant, dans les observations présentées à la Commission et dans celles qui ont été présentées à l’agent, la nouvelle lettre du gestionnaire de patrimoine. Il ne devrait pas être surprenant que l’agent décide de s’informer lui‑même des aspects généraux des fatwas.

[28]      À mon avis, l’omission de divulguer une RDI accessible au public ne constitue pas un manquement à l’obligation d’équité procédurale. L’article 113 de la Loi limite uniquement la capacité des demandeurs de présenter de nouveaux éléments de preuve; il n’empêche pas l’agent d’utiliser des renseignements qui ne sont pas « nouveaux ». L’information était accessible au public et les demandeurs auraient pu l’obtenir. Les demandeurs étaient réputés être au courant de cette situation. En outre, ils avaient présenté d’autres éléments nouveaux concernant la fatwa, auxquels l’agent a attribué une faible force probante.

[29]      Il peut arriver que l’article 113 de la Loi place le demandeur devant un dilemme lorsque l’agent se fonde sur des éléments nouveaux (que le demandeur ne connaît pas) et que ce dernier ne peut pas réfuter ces éléments nouveaux. En l’espèce, la RDI était une information accessible au public et contenait des renseignements généraux et objectifs au sujet des fatwas. L’agent a cité quelques passages de ce document, notamment le passage suivant : « Même si une fatwa n’est pas reconnue par le gouvernement, le groupe qui l’a émise la prend au sérieux. Dans ce cas, la fatwa émise contre une personne peut être tout aussi dangereuse que des mesures prises par le gouvernement contre cette personne. » En outre, les demandeurs ont tenté de présenter des éléments de preuve au sujet du risque auquel la fatwa les exposait.

[30]      Dans les circonstances, il n’y a pas eu manquement à l’obligation d’équité procédurale parce que l’agent s’est fondé sur une RDI accessible au public.

L’agent a‑t‑il omis de tenir compte de l’intérêt supérieur de Rhea comme l’exige l’alinéa 3(3)f) de la Loi, qui énonce que l’interprétation et la mise en œuvre de la Loi doivent avoir pour effet de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire?

[31]      Les demandeurs soutiennent que le Canada est signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant [20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. no 3] des Nations Unies (CDENU), et que la Loi doit être interprétée conformément à cette convention; l’agent aurait donc dû effectuer une analyse de l’ISE dans le cadre de l’ERAR.

[32]      Le défendeur soutient que la CDENU n’exige pas que l’intérêt des enfants touchés soit pris en compte dans le cadre de toutes les dispositions de la Loi : Mandida c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 491; de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 436, [2006] 3 R.C.F. 655. La Loi prévoit, à l’article 25, la possibilité de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. Le même agent peut effectuer l’ERAR et l’évaluation de cette même demande, mais ce sont deux processus décisionnels distincts qui font appel à des considérations et à des critères différents.

[33]      Les deux processus décisionnels sont effectivement différents.

[34]      Dans la décision Varga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 R.C.F. 3, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’il n’était pas nécessaire que l’intérêt supérieur de l’enfant soit pris en compte pour chaque décision lorsqu’il existe une autre possibilité d’en tenir compte [au paragraphe 13] :

Ni la Charte ni la Convention relative aux droits de l’enfant […] n’exigent que l’intérêt des enfants touchés soit examiné dans le cadre de toutes les dispositions de la LIPR : de Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 3 R.C.F. 655 (C.A.F.), au paragraphe 105. Si une loi fournit une possibilité réelle d’examiner l’intérêt des enfants touchés, y compris ceux nés au Canada, comme le fait la LIPR en son paragraphe 25(1), cet intérêt n’a pas à être pris en compte dans chaque décision qui peut les toucher défavorablement. Par conséquent, le juge qui a entendu la demande a commis une erreur en interprétant trop largement les dispositions définissant la portée de la tâche incombant à l’agent d’ERAR de manière à y inclure l’obligation de prendre également en compte l’intérêt des enfants nés au Canada des intimés adultes.

[35]      Dans la décision Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296, le juge en chef Lutfy a signalé la différence qui existe entre l’évaluation des facteurs de risque dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et dans celui d’une demande de sursis du renvoi [aux paragraphes 3 et 4] :

Dans une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), le demandeur a le fardeau de convaincre le décideur qu’il y aurait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives à obtenir un visa de résident permanent de l’extérieur du Canada.

Dans un examen des risques avant renvoi en vertu des articles 97, 112 et 113 de la LIPR, la protection peut être accordée à une personne qui, suivant son renvoi du Canada vers son pays de nationalité, serait exposée soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements cruels et inusités. 

[36]      Si les modifications apportées récemment à l’article 25 de la Loi ont précisé que les facteurs de risque mentionnés aux articles 96 et 97 n’ont pas à être pris en compte dans les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire et qu’il est possible de tenir compte d’autres difficultés, cette modification n’est pas en litige dans la présente affaire. Les décisions mentionnées ci‑dessus continuent à faire état de la différence qui existe entre les deux processus.

[37]      De même, dans la décision Hamam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1296, le juge Mandamin a fait remarquer ce qui suit [au paragraphe 41] :

Il appert de la jurisprudence que le risque à examiner dans une demande CH est celui des difficultés, ce qui diffère du risque envisagé dans une demande d’ERAR. Comme le juge [de] Montigny l’a souligné dans la décision Ramirez, « [i]l va sans dire que la notion de “difficultés” dans une demande CH, et la notion de “risque” envisagée dans une ERAR ne sont pas équivalentes et doivent être appréciées selon une norme différente ».

[38]      Les deux examens sont différents et c’est le contexte d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui se prête le mieux à l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans la présente affaire, les demandeurs ont présenté une telle demande qui a été rejetée par le même agent qui a rejeté l’ERAR. L’agent a conclu que le retour en Inde de Rhea répondrait à son intérêt supérieur parce qu’elle pourrait être traitée dans ce pays. Le contrôle judiciaire à l’égard de la décision statuant sur la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été accordé après que la Cour ait conclu que l’agent n’avait pas effectué une analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant et pour d’autres motifs (voir le dossier no IMM‑1750‑12 [2013 CF 258]).

[39]      L’agent n’était certes pas tenu d’effectuer une analyse complète de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le contexte de l’ERAR, mais il s’est livré à une analyse partielle de l’intérêt supérieur de l’enfant pour décider que Mumbai constituait une PRI.

[40]      La lettre du Dr Truong indique qu’[traduction] « il est bien connu que la survie des malades et les résultats d’un cancer sont bien meilleurs dans les pays développés comme le Canada où il existe un réseau d’excellents services de soins préhospitaliers (c.‑à‑d., SMU, ambulance), de prestations de soins de soutien (antibiotiques et produits sanguins) et d’excellents services pour les malades hospitalisés (imagerie diagnostique et accès à des médicaments essentiels) ».

[41]      Le Dr Truong a également déclaré ce qui suit :

[traduction] Le traitement d’une leucémie récurrente est très dur physiquement et psychologiquement pour un jeune enfant. La chimiothérapie est beaucoup plus intensive et exige de nombreuses visites cliniques et de longues périodes d’hospitalisation. Le régime est tellement intense qu’il arrive que des enfants meurent en cours de thérapie. Il y a eu quelques moments au cours du traitement de Rhéa où sa vie a été en danger et où elle a dû être admise à l’unité des soins intensifs. Les soins rapides et de haute qualité qui ont pu lui être offerts ici lui ont permis de récupérer de ces moments sans aucune complication.

Le traitement efficace des enfants atteints d’un cancer exige des soins médicaux de haute qualité, l’accès à des spécialistes en oncologie et dans d’autres spécialités médicales et une équipe pluridisciplinaire comprenant des infirmières, des pharmaciens, des diététiciens et des travailleurs sociaux, pour n’en nommer que quelques‑uns. Il nécessite l’accès à des services d’imagerie diagnostique comme l’imagerie par tomodensitométrie ou par résonance magnétique et un accès à des médicaments essentiels de la chimiothérapie, comme ceux que reçoit actuellement Rhéa. [Souligné dans l’original.]

[42]      Le Jiv Daya Report (India Pediatric Oncology Initiative Meeting) contenait des renseignements qui décrivaient les obstacles auxquels se heurtent les enfants atteints de cancer en Inde pour avoir accès aux traitements. Le rapport indiquait que le taux général de guérison en Inde variait entre 10 et 25 p. 100 contre 70 p. 100 aux États‑Unis. Le rapport indiquait également qu’il y avait plus de 40 000 nouveaux cas d’enfants cancéreux chaque année en Inde et que pour 70 p. 100 d’entre eux, la maladie était déjà très avancée au moment du diagnostic. Il n’y a que 55 oncologues pédiatriques en Inde.

[43]      Le rapport indiquait que les obstacles au traitement comprenaient le manque d’infrastructures, un personnel insuffisant, un manque de formation, des contraintes économiques et d’autres difficultés reliées à la prestation des soins et que le problème récurrent était l’arrivée constante de patients, un nombre de lits insuffisants pour les accueillir et un personnel insuffisant pour les traiter.

[44]      Les preuves font ressortir le fait que la LLA récurrente nécessite un traitement spécialisé. La conclusion de l’agent selon laquelle il existait peu d’éléments de preuve indiquant que le traitement médical ne pouvait être offert à Mumbai n’est pas raisonnable.

La conclusion de l’agent au sujet de la PRI était‑elle raisonnable?

[45]      Le critère relatif à la PRI est bien établi, et le demandeur a le lourd fardeau de démontrer qu’une PRI proposée est déraisonnable : Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.). Le critère à deux volets relatif à la PRI a été cité dans plusieurs affaires et a été établi dans l’arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.), qui s’applique toujours.

[46]      Le critère est le suivant : premièrement, la Commission (ou dans ce cas, l’agent) doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté dans la PRI proposée, et, deuxièmement, que les conditions dans la partie du pays où il existe une PRI doivent être telles qu’il ne serait pas déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances y compris de sa situation personnelle, que le demandeur y cherche refuge.

[47]      En l’espèce, l’agent a estimé que Mumbai offrait une PRI raisonnable parce qu’aucun individu vivant à l’extérieur du secteur immédiat où se trouvait l’ancienne fabrique du demandeur principal ne se sentirait obligé de mettre en œuvre la fatwa, que le demandeur et sa famille s’adapteraient à Mumbai et que Rhea aurait accès à un traitement dans cette ville.

[48]      Pour les motifs mentionnés ci‑dessus, la conclusion selon laquelle les demandeurs ont fourni peu d’éléments de preuve montrant que le traitement médical ne serait pas accessible à Mumbai est déraisonnable. La preuve établit qu’il existe des obstacles au traitement en Inde et fait ressortir le fait que Rhea a été traitée pour une LLA récurrente qui exige un traitement spécialisé et des soins de suivi.

[49]      En raison des circonstances personnelles de la famille du demandeur, et en particulier, du fait que Rhea ait besoin d’un traitement de qualité et de suivi pour la LLA, le deuxième volet du critère de la PRI n’est pas respecté.

Question proposée aux fins de certification

[50]      Les demanderesses ont proposé que la question suivante soit certifiée :

[traduction] Les principes de l’équité exigent‑ils que l’agent chargé de l’ERAR, avant de statuer de manière définitive à l’égard d’une demande d’ERAR, et lorsqu’il se fonde sur les éléments de preuve mentionnés à l’alinéa 113a) de la LIPR, éléments que le demandeur d’un ERAR ne peut invoquer dans sa demande d’ERAR par l’effet de l’alinéa 113a) de la LIPR, divulgue lesdits éléments de preuve au demandeur d’un ERAR et lui donne la possibilité de réfuter ces preuves?

[51]      Le défendeur répond que la question proposée ne répond pas aux critères en matière de certification parce que ce n’est pas une question grave de portée générale qui permettra de statuer sur l’appel. La question concerne la divulgation d’un document relatif à la situation dans un pays particulier et n’est donc pas une question de portée générale : Gunaratnam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 122. En outre, il est bien établi que les agents chargés des ERAR ne sont pas tenus de divulguer les documents publics concernant la situation dans le pays sur lesquels ils se fondent et qui étaient accessibles au moment où les observations ont été présentées : Mancia, précité; Hernandez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1301; Holder c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 337.

[52]      Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, les demandeurs étaient réputés connaître la RDI qui était accessible au public et, par conséquent, la divulgation n’était pas nécessaire. Les demandeurs ont également tenté de présenter quelques éléments de preuve nouveaux au sujet de la fatwa, auxquels l’agent a attribué une faible force probante. La question proposée aux fins de certification ne reflète pas vraiment la situation hypothétique à laquelle font face les demandeurs. En outre, la réponse à cette question ne déterminerait pas l’issue de l’affaire.

[53]      Aucune question n’est certifiée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1. Il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire et l’ERAR devrait être confié à un autre agent;

2. Aucune question n’est certifiée;

3. Il n’y a pas d’adjudication de dépens.

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