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DES-1-00

2001 CFPI 1095

Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et Solliciteur général du Canada (demandeurs)

c.

Mohamed Zeki Mahjoub (défendeur)

Répertorié : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub (1re inst.)

Section de première instance, juge Nadon—Toronto, 26, 27 et 28 février, 1er, 2, 5, 6 et 7 mars et 8 mai; Ottawa, 5 octobre 2001.

Citoyenneté et Immigration — Exclusion et renvoi — Personnes non admissibles — Le défendeur est un citoyen de l’Égypte et serait membre d’une organisation terroriste islamique de l’Égypte — Il a travaillé pour une grande société qui se trouvait au Soudan et qui appartenait à Oussama ben Laden, mais il a nié être membre de groupes terroristes — La ministre et le solliciteur général ont remis en application de l’art. 40.1 de la Loi sur l’immigration, une attestation portant que le défendeur se serait livré à des actes de terrorisme ou qu’il serait membre d’une organisation qui s’est livrée à des actes de terrorisme — La question est de savoir si l’attestation est raisonnable — Pour décider s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne appartient à une catégorie inadmissible en vertu de l’art. 19(1) de la Loi, la Cour doit appliquer la norme de la prépondérance des probabilités — Le Parlement voulait que la sécurité nationale l’emporte sur les droits des personnes soupçonnées de se livrer à des actes de terrorisme — Examen de la jurisprudence concernant le sens du mot « terrorisme » — Le mot « terrorisme » doit être interprété d’une façon large et non restrictive — Les organisations que le SCRS a mentionnées se sont livrées et continuent à se livrer à des actes de terrorisme pour poursuivre leurs objectifs politiques — Le défendeur est membre desdites organisations — Le défendeur a menti à plusieurs occasions au cours de son témoignage — L’attestation est raisonnable.

Il s’agit d’une demande concernant la question de savoir si l’attestation qu’ont délivrée la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le solliciteur général en application du paragraphe 40.1(1) de la Loi sur l’immigration et selon laquelle le défendeur se serait livré à des actes de terrorisme devrait être annulée. Le défendeur est un citoyen d’Égypte qui a étudié en agriculture à une université située au Caire. Après avoir obtenu son diplôme en 1985, il est allé en Arabie Saoudite, puis au Soudan, afin de se trouver un emploi comme ingénieur agronome. Il s’est trouvé un emploi pour une grande société appartenant à Oussama ben Laden. Même s’il n’avait absolument aucune expérience de travail, il a été désigné à titre de personne responsable de 4 000 travailleurs qui étaient affectés à un grand projet de déboisement. Le défendeur a occupé ce poste de février 1992 à mai 1993 et a alors quitté son emploi en raison de différends concernant le salaire et les frais de déplacement qu’il touchait. Il a nié avoir revu ben Laden ou lui avoir parlé depuis son départ et il ignorait également que, pendant la période au cours de laquelle il a exercé cet emploi, son employeur participait à des activités de terrorisme. Le défendeur a ajouté qu’en raison de la détérioration des relations entre l’Égypte et le Soudan, il ne pouvait plus rester au Soudan et est donc venu au Canada en décembre 1995. Selon le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le défendeur était un membre haut placé d’une organisation terroriste islamique de l’Égypte, le Vanguard of Conquest (VOC), qui est une aile radicale du Jihad islamique égyptien ou l’Al Jihad (AJ), laquelle organisation prône l’utilisation de la violence pour créer un État islamique en Égypte. En avril 1999, le défendeur a été accusé et condamné, in absentia, à 15 années d’emprisonnement par le plus haut tribunal militaire égyptien par suite de sa participation à différentes activités de l’AJ. Cependant, il a nié avoir été membre des organisations susmentionnées et a affirmé qu’il ne s’était jamais livré à des actes de terrorisme ou de subversion. La seule question à trancher était de savoir si l’attestation déposée par la ministre et le solliciteur général était raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d’information dont la Cour disposait.

Jugement : l’attestation était raisonnable.

Pour décider si la ministre et le solliciteur général ont prouvé qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne appartient à une catégorie inadmissible décrite au paragraphe 19(1) de la Loi sur l’immigration, la Cour doit appliquer la norme de la prépondérance des probabilités et tenir compte de l’objet de l’article 40.1 de la Loi. Le Parlement voulait que la sécurité nationale l’emporte au moment de décider si certaines personnes devraient être renvoyées du Canada et était disposé à restreindre les droits des personnes qui sont soupçonnées de constituer une menace envers la sécurité ou les intérêts du Canada ou dont la présence met en danger la vie ou la sécurité de personnes au Canada. Même si le Parlement n’a pas défini le mot « terrorisme » dans la Loi sur l’immigration et que les juges de la Cour fédérale n’en sont pas encore arrivés à un consensus au sujet du sens de ce mot, la question a été examinée dans un certain nombre de décisions qu’elle a rendues et la Cour doit décider si, en l’occurrence, il y a des motifs raisonnables de croire que le défendeur a commis ou commettra des actes de terrorisme ou qu’il est ou a été membre d’une organisation terroriste. Le mot « terroriste » doit être interprété de façon large et non restrictive et couvrira inévitablement les connotations politiques qu’il comporte. Le fait de tuer des civils innocents pour poursuivre des objectifs politiques ne peut être considéré que comme un acte de terrorisme. Un terroriste est une personne qui tue sans discrimination et sans faire de distinction entre les innocents et les coupables ou entre les soldats et les civils. Le défendeur n’a pas fourni beaucoup de renseignements à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au sujet de l’emploi qu’il a exercé au Soudan et ne lui a pas révélé les renseignements qui figurent dans son affidavit et qu’il a confirmés au cours de son témoignage lors de l’audience tenue en l’espèce. Il existe des motifs raisonnables de croire que les groupes AJ et VOC se sont livrés et continuent à se livrer à des actes de terrorisme pour poursuivre leurs objectifs politiques. Ainsi, ils sont responsables du bombardement de l’ambassade américaine située à Dar es Salaam, en Tanzanie et de l’attaque au cours de laquelle 58 touristes ont été tués à Luxor, en Égypte; de plus, le VOC avait publié un avertissement selon lequel les Américains et les Sionistes du monde entier seraient attaqués. Il est indubitable que ces organisations et leurs membres sont prêts à tuer autant de civils innocents qu’il le faudra pour faire valoir leur point de vue.

Il existe également des motifs raisonnables de croire que le défendeur est ou a été membre de ces organisations. Il n’était pas crédible et il s’est parjuré sur au moins un sujet. Effectivement, il a admis qu’il s’était parjuré lorsqu’il a dit qu’il ne connaissait aucune personne du nom de Marzouq. Le défendeur a également menti au sujet de son emploi du nom d’emprunt « Mahmoud Shaker». La Cour n’a pas cru l’explication qu’il a donnée au sujet de la raison pour laquelle il n’a pas divulgué l’emploi de ce nom. Le défendeur a divulgué son nom d’emprunt dans son affidavit simplement parce qu’il savait, à ce moment-là, que le SCRS avait appris qu’il avait été connu sous ce nom. Il a également dit au cours de son témoignage qu’il savait qu’environ 50 membres d’Al-Qaida travaillaient au projet du Soudan, mais qu’il ignorait ce qu’était Al-Qaida. L’affirmation du défendeur selon laquelle il n’a pas discuté de politique lorsqu’il se trouvait au Soudan n’était pas crédible. Le défendeur a menti sur plusieurs sujets afin de dissimuler les noms des personnes qui pourraient le lier aux organisations au sujet desquelles la ministre a des motifs raisonnables de croire qu’elles se sont livrées et se livreront à des actes de terrorisme. Il existe des motifs raisonnables de croire que le défendeur était et est membre de l’AJ et du VOC. L’attestation déposée par la ministre et le solliciteur général était raisonnable.

LOIS ET RÈGLEMENTS

An Act declaring the Rights and Liberties of the Subject, and settling the Succession of the Crown, 1688, 1 Will. & Mary, Sess. 2, ch. 2 (R.-U.).

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1 [L.R.C. (1985), appendice II, no 5].

Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 3 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2), 19(1)c.1)(ii) (édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), c.2) (édicté, idem; L.C. 1996, ch. 19, art. 83), d) (mod. par L.C. 1992, ch. 47, art. 77), e) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), f) (mod., idem), g), j) (mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 55), k) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), l) (mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 55), (2)a.1)(ii) (édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11), 38.1 (édicté, idem, art. 28), 40.1(1) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31), (2) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31), (3) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.) ch. 29, art. 4), (4) (édicté, idem), (5) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.) ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31), (5.1) (édicté, idem), (6) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.) ch. 29, art. 4), (7) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 31), 53(1)b) (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 12).

JURISPRUDENCE

Décisions appliquées :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Singh (1998), 151 F.T.R. 101; 44 Imm. L.R. (2d) 309 (C.F. 1re inst.); Baroud (Re) (1995), 98 F.T.R. 99 (C.F. 1re inst.); Ahani (Re) (1998), 146 F.T.R. 223; 42 Imm. L.R. (2d) 219 (C.F. 1re inst.).

Décisions examinées :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub (2001), 13 Imm. L.R. (3d) 33 (C.F. 1re inst.); Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1995), 32 C.R.R. (2d) 95; 100 F.T.R. 261 (1re inst.); conf. par (1996), 37 C.R.R. (2d) 181; 201 N.R. 233 (C.A.F.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée, [1997] 2 R.C.S. v; Procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216; (1975), 54 D.L.R. (3d) 277; 7 N.R. 271 (C.A.); Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 592 (2000), 18 Admin. L.R. (3d) 159; 5 Imm. L.R. (3d) 1; 252 N.R. 1 (C.A.).

DOCTRINE

O’Sullivan, John. « Call Them What They Are— Terrorists » National Post (27 septembre 2001).

DEMANDE visant à décider si une attestation qu’ont signée la ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le solliciteur général en vertu du paragraphe 40.1(1) de la Loi sur l’immigration et selon laquelle le défendeur était une personne qui pouvait s’être livrée à des actes de terrorisme devrait être annulée. L’attestation était raisonnable.

ONT COMPARU :

Robert F. Batt et J. Daniel Roussy pour les demandeurs.

Rocco Galati et Roger Rodrigues pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le sous-procureur général du Canada pour les demandeurs.

Galati, Rodrigues & Associates, Toronto, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Nadon : La ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (ministre) et le solliciteur général du Canada (solliciteur général) sont d’avis que le défendeur est une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire que, pendant son séjour au Canada, elle travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force et est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force ou se livrera à des actes de terrorisme. La ministre et le solliciteur général sont également d’avis que le défendeur est une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée à des actes de terrorisme ou qu’elle est ou était membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée à des actes de terrorisme.

[2]        Par conséquent, le 27 juin 2000, conformément à l’alinéa 40.1(3)a) de la Loi sur l’immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4)] (la Loi), la ministre a transmis à la Cour fédérale un double de l’attestation énonçant l’avis susmentionné conformément au paragraphe 40.1(1) [édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 31], après l’avoir signé le 12 juin 2000 et l’avoir fait signer par le solliciteur général le 17 mai 2000, pour qu’il soit décidé si l’attestation doit être annulée.

[3]        Plus précisément, la ministre et le solliciteur général ont exprimé l’avis, à la lumière des renseignements secrets dont ils ont eu connaissance, que le défendeur est une personne appartenant à l’une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(ii) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11], aux divisions 19(1)e)(iv)(B) [mod., idem] et (C) [mod., idem], au sous-alinéa 19(1)f)(ii) [mod., idem] et à la division 19(1)f)(iii)(B) [mod., idem] de la Loi.

[4]        Le 30 juin 2000, conformément à l’alinéa 40.1(4)a) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4] de la Loi, j’ai examiné à huis clos les renseignements secrets en matière de sécurité dont la ministre et le solliciteur général ont eu connaissance et j’ai entendu les avocats qui les représentaient au sujet des questions soulevées dans les renseignements en question. Ni le défendeur non plus que son avocat n’étaient présents au cours de l’audience susmentionnée, au motif que la communication des renseignements en cause porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes.

[5]        À la fin de l’audience, j’ai ordonné, conformément aux alinéas 40.1(4)b) [édicté, idem] et c) [édicté, idem] de la Loi, que soit fourni au défendeur un résumé des renseignements dont je dispose afin de lui permettre d’être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu à l’attestation, et qu’il ait la possibilité d’être entendu à Toronto, à compter du lundi 11 septembre 2000, à 10 h, jusqu’au vendredi 15 septembre 2000.

[6]        À la fin d’août 2000, le défendeur a demandé que soit ajournée l’audience devant avoir lieu au cours de la semaine du 11 septembre 2000 et que cette dernière date soit réservée à l’audition des demandes qu’il avait l’intention de présenter.

[7]        Le 11 septembre 2000, le défendeur a déposé un avis de requête daté du 7 septembre 2000 afin d’obtenir, notamment, une ordonnance fixant une date d’audition de différentes requêtes préliminaires qui visaient à obtenir les ordonnances suivantes :

1. une ordonnance enjoignant à la ministre de fournir d’autres renseignements et témoins à des fins d’examen et d’interrogatoire;

2. une ordonnance exigeant la communication des bandes et notes des entrevues que le défendeur a passées auprès d’agents du SCRS et de la GRC lors de sa détention;

3. une ordonnance exigeant la communication des renseignements secrets en matière de sécurité;

4. une ordonnance accordant au défendeur une mise en liberté provisoire;

5. une ordonnance exigeant l’examen de certaines questions constitutionnelles afin d’obtenir les réparations suivantes :

(i) une déclaration portant que l’ensemble de l’article 40.1 et les paragraphes 40.1(1), (2) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31], (3), (4) et (5.1) [édicté, idem] n’ont pas force exécutoire parce qu’ils vont à l’encontre de différentes dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1 [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]], de la Bill of Rights de l’Angleterre [An Act declaring the Rights and Liberties of the Subject and settling the Succession of the Crown, 1688, 1 Will. & Mary, Sess. 2, ch. 2 (R.-U.)] et de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] (la Charte);

(ii) l’annulation de l’attestation;

(iii) les dépens.

[8]        Le 11 septembre 2000, j’ai ordonné que l’audition de la requête du défendeur en date du 7 septembre 2000 soit reportée aux 26 et 27 octobre 2000. Par la suite, l’audition a été reportée aux 9 et 10 novembre 2000 et, enfin, aux 16 et 17 janvier 2001.

[9]        Les 16 et 17 janvier 2001, j’ai entendu les demandes du défendeur, notamment le témoignage d’un employé du Service au sujet des questions liées au paragraphe 40.1(5.1) de la Loi. Le 23 janvier 2001, j’ai décidé par ordonnance qu’un juge désigné ne pourrait examiner et trancher les arguments concernant la constitutionnalité des dispositions législatives. Par conséquent, la demande du défendeur concernant la question constitutionnelle a été rejetée [Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub (2001), 13 Imm. L.R. (3d) 33 (C.F. 1re inst.)].

[10]      Le 16 février 2001, j’ai également rejeté la demande du défendeur en vue d’obtenir la communication de renseignements supplémentaires et la présence d’autres témoins à des fins d’examen et d’interrogatoire.

[11]      Le 26 février 2001, l’audience qui devait avoir lieu à l’origine au cours de la semaine du 11 septembre 2000 a débuté à Toronto et s’y est poursuivie jusqu’au 7 mars 2001. Différentes personnes ont témoigné, y compris le défendeur et son épouse, Mona Elfouli ainsi que six employés du Service, en l’occurrence Michel, David, Mary, George, Scott et Greg. J’ai également entendu le témoignage de M. Abdulwahad Abdulhamib, traducteur engagé en sous-traitance par CIC.

[12]      Après la présentation de la preuve, les parties ont convenu de reporter leurs plaidoiries respectives à une date ultérieure. Les dates des 8, 9, 10 et 11 mai 2001 ont été retenues à cette fin. Finalement, j’ai entendu les plaidoiries des parties le 8 mai 2001.

[13]      La présente affaire concerne l’application des paragraphes 40.1(1) à (7) de la Loi, dont je reproduis le texte ci-après [paragraphes 40.1(5) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4; L.C. 1992, ch. 49, art. 31), (6) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 29, art. 4), (7) (édicté, idem; L.C. 1992, ch. 49, art. 31)] :

40.1 (1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, le ministre et le solliciteur général du Canada peuvent, s’ils sont d’avis, à la lumière de renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont ils ont eu connaissance, qu’une personne qui n’est ni citoyen canadien ni résident permanent appartiendrait à l’une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), aux alinéas 19(1)c.2), d), e), f), g), j), k) ou l) ou au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii), signer et remettre une attestation à cet effet à un agent d’immigration, un agent principal ou un arbitre.

(2) En cas de remise de l’attestation visée au paragraphe (1) :

a) l’enquête prévue par ailleurs aux termes de la présente loi sur l’intéressé ne peut être ouverte tant que la décision visée à l’alinéa (4)d) n’a pas été rendue;

b) l’agent principal ou l’arbitre doit, par dérogation aux articles 23 ou 103 mais sous réserve du paragraphe (7.1), retenir l’intéressé ou prendre une mesure à cet effet contre lui en attendant la décision.

(3) En cas de remise de l’attestation prévue au paragraphe (1), le ministre est tenu :

a) d’une part, d’en transmettre sans délai un double à la Cour fédérale pour qu’il soit décidé si l’attestation doit être annulée;

b) d’autre part, dans les trois jours suivant la remise, d’envoyer un avis à l’intéressé l’informant de la remise et du fait que, à la suite du renvoi à la Cour fédérale, il pourrait faire l’objet d’une mesure d’expulsion.

(4) Lorsque la Cour fédérale est saisie de l’attestation, le juge en chef de celle-ci ou le juge de celle-ci qu’il délègue pour l’application du présent article :

a) examine dans les sept jours, à huis clos, les renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont le ministre et le solliciteur général ont eu connaissance et recueille les autres éléments de preuve ou d’information présentés par ces derniers ou en leur nom; il peut en outre, à la demande du ministre ou du solliciteur général, recueillir tout ou partie de ces éléments en l’absence de l’intéressé et du conseiller le représentant, lorsque, à son avis, leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

b) fournit à l’intéressé un résumé des informations dont il dispose, à l’exception de celles dont la communication pourrait, à son avis, porter atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, afin de permettre à celui-ci d’être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu à l’attestation;

c) donne à l’intéressé la possibilité d’être entendu;

d) décide si l’attestation est raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d’information à sa disposition, et, dans le cas contraire, annule l’attestation;

e) avise le ministre, le solliciteur général et l’intéressé de la décision rendue aux termes de l’alinéa d).

(5) Pour l’application du paragraphe (4), le juge en chef ou son délégué peut, sous réserve du paragraphe (5.1), recevoir et admettre les éléments de preuve ou d’information qu’il juge utiles, indépendamment de leur recevabilité devant les tribunaux, et peut se fonder sur ceux-ci pour se déterminer.

(5.1) Pour l’application du paragraphe (4) :

a) le ministre ou le solliciteur général du Canada peuvent présenter au juge en chef ou à son délégué, à huis clos et en l’absence de l’intéressé et du conseiller le représentant, une demande en vue de faire admettre en preuve des renseignements obtenus sous le sceau du secret auprès du gouvernement d’un État étranger, d’une organisation internationale mise sur pied par des États étrangers ou de l’un de leurs organismes;

b) le juge en chef ou son délégué, à huis clos et en l’absence de l’intéressé et du conseiller le représentant :

i) étudie les renseignements,

(ii) accorde au représentant du ministre ou du solliciteur général la possibilité de lui présenter ses arguments sur la pertinence des renseignements et le fait qu’ils ne devraient pas être communiqués à l’intéressé parce que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes;

c) ces renseignements doivent être remis au représentant du ministre ou du solliciteur général et ne peuvent servir de fondement à la décision visée à l’alinéa (4)d), si :

(i) soit le juge en chef ou son délégué détermine que les renseignements ne sont pas pertinents ou, s’ils le sont, devraient faire partie du résumé mentionné à l’alinéa (4)b),

(ii) soit le ministre ou le solliciteur général retire sa demande;

d) si le juge en chef ou son délégué décide qu’ils sont pertinents mais que cette communication porterait atteinte à la sécurité nationale ou à celle de personnes, les renseignements ne font pas partie du résumé mais peuvent servir de fondement à la décision visée à l’alinéa (4)d).

(6) La décision visée à l’alinéa (4)d) ne peut être portée en appel ni être revue par aucun tribunal.

(7) Toute attestation qui n’est pas annulée en application de l’alinéa (4)d) établit de façon concluante le fait que la personne qui y est nommée appartient à l’une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), aux alinéas 19(1)c.2), d), e), f), g), j), k) ou l) ou au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) et l’intéressé doit, par dérogation aux articles 23 ou 103 mais sous réserve du paragraphe (7.1), continuer d’être retenu jusqu’à son renvoi du Canada.

[14]      La seule question à trancher en l’espèce, selon la disposition de l’alinéa 40.1(4)d) de la Loi, est de savoir si l’attestation déposée par la ministre et par le solliciteur général est raisonnable, compte tenu des éléments de preuve et d’information dont je dispose à titre de juge désigné par le juge en chef de la Cour fédérale. Dans l’affaire Ahani c. Canada, [1995] 3 C.F. 669 (1re inst.)[1], Mme le juge McGillis formule la question comme suit (page 685) :

L’instance prévue à l’article 40.1 de la Loi sur l’immigration vise seulement et exclusivement à déterminer le caractère raisonnable de l’attestation ministérielle qui certifie que la personne qui y est nommée appartient à une catégorie déterminée de personnes non admissibles. Cet article de la loi ne traite pas de la question de l’expulsion.

[15]      Selon le paragraphe 40.1(1), la ministre et le solliciteur général peuvent, s’ils sont d’avis, à la lumière de renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité dont ils ont eu connaissance, qu’une personne qui n’est ni citoyen canadien ni résident permanent appartiendrait à l’une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) [édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11], aux alinéas 19(1)c.2) [édicté, idem; L.C. 1996, ch. 19, art. 83], d) [mod. par L.C. 1992, ch. 47, art. 77], e) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11], f) [mod., idem], g), j) [mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 55], k) [mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 11] ou l) [mod. par L.C. 2000, ch. 24, art. 55] ou au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii) [édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 11], signer et remettre une attestation à cet effet à un agent d’immigration, un agent principal ou un arbitre.

[16]      Dans la présente affaire, comme je l’ai déjà mentionné, la ministre et le solliciteur général ont signé et remis une attestation indiquant qu’à leur avis, le défendeur est une personne appartenant à l’une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(ii), aux divisions 19(1)e)(iv)(B) et (C), au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et à la division 19(1)f)(iii)(B) de la Loi. Voici le texte de ces dispositions :

19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

e) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

[…]

(ii) soit, pendant leur séjour au Canada, travailleront ou inciteront au renversement d’un gouvernement par la force,

[…]

(iv) soit sont membres d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle :

[…]

(B) soit travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force,

(C) soit commettra des actes de terrorisme;

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elles :

[…]

(ii) soit se sont livrées à des actes de terrorisme,

(iii) soit sont ou ont été membres d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée :

[…]

(B) soit à des actes de terrorisme,

[17]      Il appert clairement du libellé de ces dispositions que la ministre et le solliciteur général doivent prouver, à la satisfaction de la Cour, qu’il existe des motifs raisonnables de croire ce qui suit :

1. que la personne, pendant son séjour au Canada, travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force;

2. que la personne s’est livrée à des actes de terrorisme;

3. que la personne est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle travaillera ou incitera au renversement d’un gouvernement par la force;

4. que la personne est ou était membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée à des actes de terrorisme.

Il va sans dire que les motifs allégués dans l’attestation doivent être lus de façon disjonctive. Tant et aussi longtemps que les ministres réussissent à prouver l’un des motifs qu’ils ont invoqués, l’attestation sera considérée comme une attestation raisonnable.

[18]      Dans l’arrêt Procureur général du Canada c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.), le juge Thurlow (alors juge de la Cour d’appel fédérale), explique aux pages 225 et 226 le fardeau qui incombe au ministre en ce qui a trait à l’expression « il y a raisonnablement lieu de croire » :

Toutefois, lorsque la preuve a pour but d’établir s’il y a raisonnablement lieu de croire que le fait existe et non d’établir l’existence du fait lui-même, il me semble qu’exiger la preuve du fait lui-même et en arriver à déterminer s’il a été établi, revient à demander la preuve d’un fait différent de celui qu’il faut établir. Il me semble aussi que l’emploi dans la loi de l’expression « il y a raisonnablement lieu de croire » implique que le fait lui-même n’a pas besoin d’être établi et que la preuve qui ne parvient pas à établir le caractère subversif de l’organisation sera suffisante si elle démontre qu’il y a raisonnablement lieu de croire que cette organisation préconise le renversement par la force, etc. Dans une affaire dont la solution est incertaine, l’omission de faire cette distinction et de trancher la question précise dictée par le libellé de la loi peut expliquer la différence dans les résultats d’une enquête ou d’un appel.

Le juge Thurlow poursuit ensuite en ces termes aux pages 228 et 229 :

Le paragraphe 5l) ne prévoit pas un type de preuve mais un critère à appliquer pour déterminer l’admissibilité d’un étranger au Canada, et la question à trancher consistait à déterminer s’il y avait raisonnablement lieu de croire qu’on préconisait le renversement par la force, etc., et non pas si on le préconisait effectivement, etc. Indubitablement, apporter la preuve de l’inexistence d’un fait constitue une façon de démontrer qu’il n’y a pas raisonnablement lieu de croire en l’existence de ce fait. Mais, même lorsque l’intimé avait fourni un commencement de preuve déniant l’existence du fait lui-même, il n’en résultait pas qu’il incombait au Ministre de démontrer autre chose que l’existence de motifs raisonnables de croire à l’existence du fait. En résumé, à la lumière de cette affaire, il me semble que, même après le commencement de preuve déniant le fait lui-même, le Ministre était simplement tenu d’apporter des preuves démontrant l’existence de motifs raisonnables de croire le fait et il ne lui était pas nécessaire d’aller plus avant et d’établir l’existence réelle du caractère subversif de l’organisation. Selon moi, dans les circonstances de l’affaire, cela rend invalide la décision de la Commission.

[19]      Je suis d’avis que, pour décider si la ministre et le solliciteur général ont prouvé qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne est une personne appartenant à une catégorie décrite au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), à l’alinéa 19(1)c.2), d), e), f), g), j), k) ou l) ou au sous-alinéa 19(2)a.1)(ii), la norme qui s’applique est celle de la prépondérance des probabilités. Dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Singh (1998), 151 F.T.R. 101 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein (alors juge de la Section de première instance de la Cour fédérale) formule les remarques suivantes auxquelles je souscris pleinement, aux paragraphes 2 et 3 :

Dans les procédures fondées sur l’article 40.1, les décisions se rapportant aux alinéas 19(1)e) et f) exigent la preuve de l’existence de « motifs raisonnables de croire » certains faits par opposition à l’existence des faits eux-mêmes. Lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne est membre d’une organisation, il doit également exister des motifs raisonnables de croire que l’organisation commet des actes de subversion ou de terrorisme. Voir Farahi-Mahdavieh (1993), 63 F.T.R. 120, aux paragraphes 11 et 12. Pour que l’existence de pareils motifs soit établie, les motifs doivent avoir un fondement objectif. Voir R. c. Zeolkowski, [1989] 1 R.C.S. 1378, à la page 1385.

La norme de preuve est celle de la prépondérance des probabilités. Voir Farahi-Mahdavieh, supra, et Al Yamani v. Canada (1995), 103 F.T.R. 105, aux paragraphes 64 et 65.

[20]      Pour trancher la question en l’espèce, qui découle de l’avis qu’ont exprimé la ministre et le solliciteur général en application du paragraphe 40.1(1) de la Loi, il importe d’examiner l’objet des dispositions de l’article 40.1. L’article 38.1 [édicté par L.C. 1992, ch. 49, art. 28] de la Loi, qui figure sous la rubrique « Sûreté et sécurité publiques », énonce l’objet de la présente instance en ces termes :

38.1 Attendu que les personnes qui ne sont ni citoyen canadien ni résident permanent ne peuvent prétendre au droit de venir ou de demeurer au Canada, que les résidents permanents ne peuvent y prétendre que de façon limitée et que la coopération avec les gouvernements et organismes étrangers est essentielle au maintien de la sécurité nationale, les articles 39 à 40.2 ont pour but :

a) de permettre au gouvernement fédéral de s’acquitter de son obligation de renvoyer les personnes qui menacent la sécurité du Canada ou dont la présence au pays est contraire à ses intérêts ou met en danger la vie ou sécurité de personnes au Canada;

b) d’assurer la protection des renseignements secrets en matière de sécurité ou de criminalité;

c) de permettre le renvoi rapide des personnes dont il a été décidé qu’elles appartiennent à une catégorie non admissible visée aux articles 39 ou 40.1.

[21]      Il est indubitable que le Parlement voulait que la sécurité nationale l’emporte au moment de décider si certaines personnes devraient être renvoyées du Canada parce que ces personnes menacent la sécurité du Canada ou que leur présence au pays est contraire aux intérêts de celui-ci ou met en danger la vie ou la sécurité de personnes au Canada.

[22]      À mon avis, cette préoccupation du Parlement explique tout à fait la raison pour laquelle l’article 40.1 est rédigé de cette façon. Le Parlement était disposé à restreindre les droits des personnes qui sont soupçonnées de constituer une menace envers la sécurité ou les intérêts du Canada ou dont la présence met en danger la vie ou la sécurité de personnes au Canada. À cet égard, dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 2 C.F. 592 le juge Robertson, de la Cour d’appel fédérale, formule les remarques suivantes aux paragraphes 61 et 62 :

Il ressort clairement de l’analyse contextuelle que les dispositions de la Loi sur l’immigration et de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, jouent un rôle dans la définition de ce qui constitue un danger pour la sécurité du Canada. En termes généraux, l’objet de ces dispositions législatives consiste à exclure du Canada les personnes qui sont ou ont été membres d’une organisation terroriste et qui peuvent se livrer à des activités répréhensibles au Canada ou à l’étranger, mais à partir du Canada. Tous savent que des actes de terrorisme ont été commis au Canada; par exemple, le désastre d’Air India. La possibilité que des organisations terroristes puissent exercer leurs activités à partir du Canada n’est pas purement hypothétique, comme on le verra plus loin, dans l’exposé fait au paragraphe 109. De plus, la « sécurité du Canada » ne saurait se limiter aux cas où la sécurité personnelle des Canadiens est en cause. Elle doit logiquement inclure les cas où l’intégrité des relations et obligations internationales du Canada est touchée. Il faut reconnaître que le terrorisme ne peut être combattu que grâce à l’effort collectif des nations. L’efficacité de cet effort collectif est atténuée chaque fois qu’une nation fournit aux organisations terroristes une conjoncture favorable pour exercer leurs activités à partir d’un pays étranger et toucher indirectement le but qu’elles ne peuvent atteindre de façon aussi efficace et efficiente dans le pays visé par les attaques terroristes.

Pour déterminer si une personne représente une menace pour la sécurité au Canada, il faut premièrement se demander si elle appartient à une catégorie non admissible prévue par l’article 19 de la Loi sur l’immigration. C’est le critère minimal à appliquer. En l’espèce, l’appelant appartient à la catégorie des « terroristes présumés ». Je m’arrête ici pour souligner le fait qu’une personne ne constitue pas un danger pour la sécurité du Canada du seul fait qu’elle appartient à une catégorie non admissible. S’il en était autrement, il ne serait pas nécessaire que le ministre délivre une lettre d’opinion en vertu de l’alinéa 53(1)b). En supposant qu’une personne appartienne à une catégorie non admissible décrite à l’article 19, l’étape suivante consiste à déterminer si cette personne peut être considérée comme constituant un danger pour la sécurité du Canada.

Le juge Robertson ajoute les commentaires suivants au paragraphe 109 :

Dans l’arrêt Kindler, précité, la Cour suprême a confirmé, à la majorité, que le fait de permettre aux fugitifs de rester au Canada au motif qu’ils pourraient encourir la peine de mort dans un État étranger aurait pour effet de créer un refuge sûr pour ces personnes. La minorité a exprimé l’opinion qu’aucune preuve n’étayait cette conclusion. En l’espèce, il existe une preuve à l’appui de la thèse selon laquelle le Canada est effectivement devenu un refuge pour les organisations terroristes. Si l’on s’en remet à la preuve offerte par le procureur général, la plupart des principales organisations terroristes internationales sont déjà présentes au Canada. On peut présumer que cela est dû au exigences peu sévères auxquelles il faut satisfaire pour être admis au pays en qualité de réfugié au sens de la Convention. Selon la preuve présentée par le SCRS au Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement, il y a « plus de groupes terroristes internationaux actifs au Canada que dans tout autre pays au monde, à la seule exception peut-être des États-Unis ». (Soumission donnée au Comité spécial du Sénat sur la sécurité et le renseignement par le directeur Ward Elcock, le 24 juin 1998, Dossier d’appel, à la page 544). À la page 2 de son rapport, le Comité spécial a déclaré (Dossier d’appel, à la page 634) :

D’une façon générale, le Canada et les Canadiens ne constituent pas des cibles importantes d’attaques terroristes. Le Canada demeure toutefois une « antichambre » pour les groupes terroristes—un endroit où ils peuvent collecter des fonds, acheter des armes et exercer d’autres fonctions à l’appui de leur organisation et des activités terroristes qu’ils mènent ailleurs. La plupart des grandes organisations terroristes internationales ont une présence au Canada. Sa situation géographique fait également du Canada un point de transit privilégié pour les terroristes désireux d’entrer aux États-Unis, principale cible des attaques terroristes de par le monde. En 1997, plus du tiers de toutes les attaques ont été dirigées contre des cibles américaines.

[23]      Dans l’affaire Suresh, précitée, la question était de savoir s’il était contraire à la Charte d’expulser M. Suresh vers un pays lorsqu’il existait des motifs raisonnables de croire que son refoulement l’exposerait au risque d’être soumis à la torture. Plus précisément, il s’agissait de savoir si le gouvernement pouvait expulser M. Suresh, qui était un réfugié au sens de la Convention, vers le pays même d’où il s’était enfui, soit le Sri Lanka. Conformément à l’alinéa 53(1)b) [mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 12] de la Loi[2], la ministre avait formulé l’avis selon lequel M. Suresh constituait un danger pour la sécurité du Canada.

[24]      Dans la présente affaire, la ministre et le solliciteur général sont d’avis, notamment, que le défendeur est une personne dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée à des actes de terrorisme ou qu’elle est ou était membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée ou se livrera à des actes de terrorisme. Même si le mot « terrorisme » n’est pas défini dans la Loi et que les juges de la Cour fédérale n’en sont pas arrivés à un consensus au sujet du sens de ce mot, certains juges ont formulé des commentaires à ce sujet. Dans l’affaire Baroud (Re) (1995), 98 F.T.R. 99 (C.F. 1re inst.), le juge Denault s’exprime comme suit aux paragraphes 28 à 30 :

Quant à savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que le Fatah et la Force 17 se livrent ou se sont livrés à des actes de terrorisme, je suis conscient du fait que les termes « terrorisme » et « terroriste » ne sont pas définis dans la Loi. L’avocate des ministres affirme dans son mémoire écrit que [traduction] « Tout comme la beauté, l’image du terrorisme est, dans une certaine mesure, dans le regard de celui qui l’observe ». Bien que, de façon générale, je sois d’accord avec cette affirmation, elle n’empêche pas la Cour d’examiner la question de savoir si, en l’espèce, il y a des motifs raisonnables de croire qu’une personne ou des organisations se sont livrées à des actes de terrorisme. En outre, je n’accepte pas la prétention de l’avocate des ministres selon laquelle la définition de l’expression « menaces envers la sécurité du Canada » qui se trouve à l’article 2 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, L.R.C. (1985), ch. C-23, devrait s’appliquer pour décrire une organisation terroriste en l’espèce. Bien qu’il puisse être indiqué, en certaines circonstances, de se référer à une définition contenue dans une loi différente pour bien établir l’intention du législateur quant au sens d’un terme ou d’une expression en particulier, je ne pense pas que ce soit le cas en l’espèce.

Étant donné que le législateur n’a pas défini le terme « terrorisme » en ce qui a trait à la Loi sur l’immigration, il n’appartient pas à la Cour de le définir. Toutefois, aux fins de la présente instance, je dois décider s’il existe des motifs raisonnables de croire que les deux organisations en cause se sont livrées à des actes de terrorisme. Selon M. Graff, l’une des méthodes servant à définir le terme « terrorisme » consisterait à examiner chaque acte dont on soutient qu’il est un acte de terrorisme et à apprécier la légitimité de son objectif, de l’utilisation de la violence, des formes de violence et des cibles visées. Bien que les inquiétudes de M. Graff quant à l’attribution du qualificatif terroriste à une organisation soient légitimes, pareille définition du terme « terrorisme » outrepasse la portée de la présente instance.

Je suis d’avis que l’objet des sous-alinéas 19(1)f)(ii) et 19(1)f)(iii) de la Loi consiste, en termes très généraux, à éviter l’arrivée de personnes considérées comme un danger pour la société. Le terme « terrorisme » doit donc recevoir une interprétation non restrictive et aura, inévitablement, une connotation politique. À cet égard, je n’accepte pas l’argument de l’avocate de l’intimé selon lequel les renseignements divulgués sur lesquels le Service s’est fondé ne sont ni fiables, ni impartiaux. Je suis convaincu qu’il existe, à la lumière des éléments de preuve et d’information qui m’ont été soumis, des motifs raisonnables de croire que le Fatah et la Force 17 se sont livrés à des actes de terrorisme.

[25]      De plus, dans l’affaire Suresh, précitée, le juge Robertson a formulé les remarques suivantes au sujet de la question de savoir si les mots « actes de terrorisme » employés à l’article 19 de la Loi étaient imprécis au point de rendre cette disposition inconstitutionnelle, aux paragraphes 65 à 69 :

L’appelant soutient aussi que l’expression « actes de terrorisme » utilisée à l’article 19 de la Loi sur l’immigration est vague au point d’être inconstitutionnelle. Si c’était le cas, l’alinéa 53(1)b) devrait être écarté dans la mesure où cette disposition est liée à la première. À mon humble avis, cet argument revient encore une fois à attaquer la conclusion du juge Teitelbaum selon laquelle les LTTE constituent une organisation terroriste. Je m’interromps ici pour noter que la Cour d’appel du District de Columbia, aux États-Unis, a confirmé la désignation, par le Secrétaire d’État, des LTTE comme une organisation terroriste sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire : Liberation Tigers of Tamil Eelam v. United States Department of State, no 97-1670 (D.C. Cir. 25 juin 1999) [[1999] CADC—QL 156]. Toutefois, selon la perception de l’appelant, si on ne peut définir le terrorisme, il est nécessairement impossible de qualifier une organisation d’organisation de nature terroriste. Toujours par souci de vider la question, j’examinerai cet argument.

L’appelant soutient qu’il n’existe pas de consensus international quant à la signification de l’expression « terrorisme». Il fait aussi valoir que les Nations Unies ont abandonné tout effort de définition du terrorisme pour créer plutôt des conventions qui interdisent des comportements répréhensibles précis et définis qui, de l’avis de la communauté internationale, méritent que l’on s’y attaque à l’échelle internationale. Du point de vue de l’appelant, il serait donc impossible de donner une définition juridique du terrorisme. Je ne partage pas son avis.

Je reconnais que les nations peuvent être incapables de parvenir à un consensus sur la définition exacte du terrorisme. Mais on ne saurait en déduire qu’elles ne s’entendent pas relativement à certains types de comportements. À tout le moins, je ne puis concevoir qu’une personne conteste sérieusement la croyance que le meurtre de civils innocents, qui constitue un crime contre l’humanité, constitue effectivement du terrorisme. Comme je l’ai déjà dit, les efforts déployés par une organisation dans le but de réaliser des objectifs politiques comme l’autodétermination et le recours à la violence dirigée contre des civils innocents aux fins de l’atteinte de ces objectifs sont deux choses bien différentes. Il se peut que les codes internationaux des droits de la personne ne condamnent pas les pertes de vie imputables à une guerre civile, c’est-à-dire entre deux factions armées. Je ne connais toutefois aucun document, international ou non, qui tolère la mutilation et l’assassinat de civils innocents. Les documents présentés à la Cour sont truffés d’exemples de tels actes de terrorismes commis par les LTTE, comme je l’ai déjà expliqué dans les présents motifs.

Par ailleurs, la Cour suprême affirme que l’un des objectifs de la doctrine de l’imprécision consiste à garantir que les personnes soient suffisamment averties ou informées que certains actes sont assujettis à des limites légales. Il est clair qu’en l’espèce l’appelant—et idéalement les Canadiens en général—doivent être tenus pour avoir reçu un avertissement suffisant que le fait d’appuyer directement ou indirectement la violence dirigée contre des civils innocents, sans égard au but ultime poursuivi, est simplement inacceptable.

En résumé, je ne retiens pas la prétention voulant que l’expression « actes de terrorisme » soit essentiellement ambiguë et que sa signification ne puisse être établie à la suite d’une analyse juridique. Cela vaut même si toute la portée de ce terme, dans ses moindres détails, doit être établie progressivement. On trouve une définition large de l’expression « actes de terrorisme » dans Antiterrorism and Effective Death Penalty Act of 1996, 8 U.S.C. § 1189 (Supp. II 1996).

[26]      Par ailleurs, dans l’affaire Ahani (Re) (1998), 146 F.T.R. 223 (C.F. 1re inst.), le juge Denault a eu à nouveau l’occasion d’examiner le sens du mot « terrorisme » et s’est exprimé comme suit au paragraphe 21 :

Je reconnais que, dans la Loi sur l’immigration, on ne trouve aucune définition des termes « membre », « organisation » ou « terrorisme », mais il appartient à la Cour de voir s’il y a, en l’occurrence, des motifs raisonnables de croire que l’intimé a commis ou commettra des actes de terrorisme ou qu’il est ou a été membre d’une telle organisation. J’estime qu’il n’appartient pas à la Cour de définir ces termes étant donné que le législateur a décidé de ne pas lui-même les définir. L’avocat de l’intimé a fait valoir que le terme « membre » doit être interprété de manière disjonctive et non pas copulative, afin que puisse être établi un lien entre la responsabilité découlant de l’appartenance et le comportement prohibé. Je conviens qu’il y a lieu de retenir une interprétation disjonctive afin que la responsabilité de la personne, telle qu’elle ressort de son appartenance à ce type d’organisation, puisse être éventuellement rattachée aux activités mêmes de l’organisation, mais je n’admets pas qu’il faille donner de ce mot une interprétation restrictive. Il y a lieu, au contraire, de lui donner une interprétation large. En ce qui concerne le mot « terrorisme », je conviens avec l’avocat de l’intimé que ce mot ne peut guère recevoir une définition juridique susceptible d’être appliquée de manière neutre et non discriminatoire, mais j’estime tout de même qu’il y a lieu de l’interpréter de manière non restrictive.

[27]      À l’instar du juge Denault, je conviens que le mot « terrorisme » doit être interprété de façon large et non restrictive. À mon avis, compte tenu de l’objet des instances fondées sur l’article 40.1, lequel objet est énoncé à l’article 38.1 de la Loi, ainsi que des objectifs généraux de la politique canadienne en matière d’immigration qui sont formulés à l’article 3 [mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 2], c’est là la seule interprétation sensée. De plus, comme l’a dit le juge Robertson dans l’arrêt Suresh, précité, j’estime que le fait de tuer des civils innocents pour poursuivre des objectifs politiques ne peut être considéré que comme un acte de terrorisme. Je fais également miennes, sans hésitation, les remarques que le juge Rothstein a formulées au paragraphe 22 des motifs du jugement qu’il a rendu dans l’affaire Singh, précitée :

Dans son témoignage, Lawrence Brooks, superviseur de la Direction du contre-terrorisme au SCRS, a exprimé l’avis selon lequel le terrorisme comprend [traduction] « la violence fondée sur des raisons politiques, qui n’a souvent aucune cible précise, […] une bombe dans un marché ou des tentatives d’assassinat ». Aux fins qui nous occupent, il n’est pas nécessaire de donner une définition plus précise du terrorisme. Une organisation politique qui fait éclater des bombes, qui tue des gens innocents et qui commet des assassinats se livre certainement à des activités terroristes.

[28]      Par ailleurs, je souscris à l’avis que John O’Sullivan [dans un article intitulé « Call Them What They Are—Terrorists »] a exprimé dans l’édition du jeudi 27 septembre 2001 du National Post :

[traduction] Un terroriste est un homme qui tue sans discrimination et sans faire de distinction entre les innocents et les coupables ou entre les soldats et les civils. L’objectif qu’il vise par ces manœuvres, qu’il s’agisse de placer des bombes dans des restaurants ou de pirater des avions et les diriger vers des tours à bureaux, peut être louable ou non.

Il se peut qu’il s’agisse d’un terroriste nazi ou antinazi, d’un communiste ou d’un anticommuniste, d’une personne en faveur des Palestiniens ou des Israéliens. Il se peut que nous soyons tout à fait opposés à ses idées politiques ou que nous souhaitions qu’elles soient reconnues. Cependant, c’est au plan des méthodes que le terroriste doit toujours être condamné. Effectivement, toute description objective du terroriste équivaut à une condamnation—même si sa cause est vraiment une lutte pour la liberté avec laquelle nous sympathisons.

[29]      En ce qui a trait à l’appartenance d’une personne à une organisation « dont il existe des motifs raisonnables de croire » qu’elle se livrera ou s’est livrée à des actes de terrorisme, le juge Rothstein s’exprime comme suit au paragraphe 52 de l’arrêt Singh :

Les dispositions en cause traitent de la subversion et du terrorisme. Le contexte, en ce qui concerne la législation en matière d’immigration, est la sécurité publique et la sécurité nationale, soit les principales préoccupations du gouvernement. Il va sans dire que les organisations terroristes ne donnent pas de cartes de membres. Il n’existe aucun critère formel pour avoir qualité de membre et les membres ne sont donc pas facilement identifiables. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration peut, si cela n’est pas préjudiciable à l’intérêt national, exclure un individu de l’application de la division 19(1)f)(iii)(B). Je crois qu’il est évident que le législateur voulait que le mot « membre » soit interprété d’une façon libérale, sans restriction aucune. Je ne souscris pas à l’avis selon lequel une personne n’est pas un membre au sens de la disposition si elle a adhéré à l’organisation une fois que cette dernière a mis fin à ses activités terroristes. Si le fait qu’une personne est membre a peu d’importance, le ministre a le pouvoir discrétionnaire de l’exclure de l’application de la disposition.

[30]      Compte tenu de ces principes et définitions, j’en arrive maintenant aux faits et aux questions à trancher. Le 4 juillet 2000, mon ordonnance du 30 juin 2000 et le document résumant les renseignements dont je disposais à la date de celle-ci ont été signifiés au défendeur. Ce document renferme un résumé des renseignements que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a fournis à la ministre et au solliciteur général et à la lumière desquels ceux-ci ont formé l’avis que le défendeur était une personne appartenant à l’une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(ii), aux divisions 19(1)e)(iv)(B) et (C), au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et à la division 19(1)f)(iii)(B) de la Loi.

[31]      Comme il l’indique au paragraphe 1 de son résumé, le SCRS est d’avis que le défendeur est un membre haut placé d’une organisation terroriste islamique de l’Égypte, le Vanguard of Conquest (le VOC), qui est une aile radicale du Jihad islamique égyptien ou de l’Al Jihad (AJ). Selon le SCRS, l’AJ est l’un des groupes qui se sont séparés de la section égyptienne de la Fraternité musulmane (la FM) au cours des années 1970 pour former une organisation plus extrémiste et militante. Selon le SCRS, l’AJ prône l’utilisation de la violence pour créer un État islamique en Égypte. Par conséquent, le SCRS croit que le défendeur appartient à l’une des catégories inadmissibles visées au sous-alinéa 19(1)e)(ii), aux divisions 19(1)e)(iv)(B) et (C), au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et à la division 19(1)f)(iii)(B) de la Loi.

[32]      Le résumé a pour but d’énoncer les raisons pour lesquelles le SCRS croit que le défendeur a) pendant son séjour au Canada, travaillera ou incitera au renversement du gouvernement de l’Égypte par la force; b) est membre du VOC, faction de l’AJ, soit une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle travaillera ou incitera au renversement du gouvernement de l’Égypte par la force et se livrera à des actes de terrorisme; c) est membre du VOC, faction de l’AJ, soit une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée ou se livrera à des actes de terrorisme; d) s’est livré à des actes de terrorisme.

[33]      Dans un affidavit en date du 6 septembre 2000 qui comporte 118 paragraphes (29 pages), le défendeur présente sa réponse au résumé. Plus précisément, il déclare qu’il est arrivé au Canada le 31 décembre 1995 et qu’il a immédiatement revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Il ajoute que l’audition de sa demande de statut de réfugié a eu lieu le 24 octobre 1996 et que, ce jour-là, la section du statut de réfugié au sens de la Convention de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a déclaré qu’il était un réfugié au sens de la Convention.

[34]      Le défendeur déclare qu’il n’a jamais fait partie de l’AJ ou de la FM et qu’il n’a jamais été sciemment associé ou n’a correspondu avec des membres de ces organisations ni ne leur a parlé ou ne les a rencontrés. De plus, il n’a jamais été membre ou adepte du VOC ni associé à cette organisation ou à des individus ayant des liens avec elle. Il ajoute qu’il n’a jamais été membre, associé ou adepte des groupes appelés Armée de libération des lieux saints et Front islamique mondial pour le Jihad contre les Juifs et les Américains et qu’il n’a jamais été sciemment associé ou n’a correspondu avec des personnes liées à ces groupes ni n’a rencontré de telles personnes ou ne leur a parlé. Au cours de son témoignage à Toronto, le défendeur a nié à nouveau avoir été membre desdites organisations et affirmé qu’il ne s’était jamais livré à des actes de terrorisme ou de subversion.

[35]      Le défendeur commente ensuite un certain nombre de paragraphes du résumé du SCRS. Il répond, notamment, aux différents sommaires des entrevues menées auprès de lui par des agents du SCRS, plus précisément les entrevues qui ont eu lieu les 8 août et 24 octobre 1997, les 13 et 20 janvier 1998, le 5 octobre 1998 et le 31 mars 1999.

[36]      Le défendeur, qui est citoyen d’Égypte, est né à Al-Sharkiya, en Égypte, le 3 avril 1960. Il s’est spécialisé en agriculture à l’université Al-Azhar, située au Caire, et a obtenu son diplôme en 1985. Au cours de cette même année, il a commencé son service obligatoire d’un an dans l’armée égyptienne. En avril 1999, il a été accusé et condamné, in absentia, à 15 années d’emprisonnement par le plus haut tribunal militaire égyptien par suite de sa participation à différents actes et activités de l’AJ.

[37]      En réponse à la question 37 du Formulaire de renseignements personnels (FRP) déposé au soutien de sa demande de statut de réfugié au Canada, le défendeur a raconté les faits suivants. Il soutient qu’il a été torturé par les services secrets de l’armée égyptienne pendant environ cinq mois, d’avril à août 1986, parce qu’il s’était lié d’amitié avec un collègue universitaire du nom d’Ahmed Ismael Abonar. Selon le défendeur, son ami, qui a quitté l’Égypte en 1985 pour poursuivre des études universitaires aux États-Unis, lui a demandé son adresse avant de partir afin de pouvoir rester en contact avec lui.

[38]      Le défendeur mentionne que ce n’est qu’à la fin d’août 1986 qu’il a appris pourquoi il était « persécuté » par les services secrets de l’armée. C’est seulement lorsque les autorités ont commencé à l’interroger au sujet de son ami qu’il a compris pourquoi elles le recherchaient. Il a appris de ses persécuteurs que son ex-collègue universitaire avait été arrêté et était accusé de faire partie de la FM.

[39]      À la fin d’août 1986, le défendeur a été remis en liberté et a ensuite terminé son service militaire obligatoire en décembre 1986. Il a alors été libéré de l’armée et, à compter de ce moment jusqu’à ce qu’il quitte l’Égypte en 1991, il a constamment été harcelé par les services de sécurité de l’État.

[40]      En juin 1991, grâce à une exemption qui l’auto-risait à quitter l’Égypte pour faire un pèlerinage, il a pu sortir du pays pour se rendre en Arabie Saoudite. De là, il est allé au Soudan en août 1991, où aucun visa n’était exigé des Égyptiens qui voulaient entrer dans ce pays. Le défendeur souligne qu’étant donné qu’il avait un diplôme en agriculture, il avait bon espoir de se trouver un emploi au Soudan et de vivre en paix dans ce pays. Il ajoute ensuite ce qui suit :

[traduction] Lorsque je suis arrivé au Soudan, j’ai constaté que la vie était très difficile et que les conditions de vie étaient éprouvantes, surtout pour une personne qui n’était pas habituée à la chaleur. Malgré les problèmes, j’ai préféré rester là-bas plutôt que de retourner en Égypte. Je me suis dit que je pouvais supporter la chaleur, mais pas la torture. Il était très difficile pour une personne de se trouver un emploi au Soudan, même pour les Soudanais. Étant donné que les salaires sont très bas, après avoir travaillé sur une ferme de février 1992 à mai 1993, j’ai préféré acheter et vendre des produits sur le marché.

Je ne connaissais pas beaucoup la société soudanaise et j’ai trouvé une grande collectivité égyptienne qui travaillait dans plusieurs régions depuis que le Soudan était devenu indépendant. Ainsi, il y a la section de Khartoum de l’université du Caire ainsi que les installations d’irrigation égyptiennes au Soudan. J’ai été choqué lorsque j’ai appris qu’une bonne partie des employés de ces établissements collaboraient avec les services secrets de l’Égypte.

Dirigé par Mohammed Hosni Mubarak, le gouvernement égyptien n’était pas heureux de la conduite du gouvernement soudanais. Lorsque je me trouvais au Soudan, j’ai compris dès le départ que j’étais surveillé de très près par les Égyptiens, surtout lorsque j’étais au marché. Je préférais ne pas adresser la parole aux Égyptiens. En raison de ce qui m’était arrivé en Égypte, je me méfiais de mon entourage, surtout des Égyptiens.

[41]      Le défendeur poursuit en disant qu’en raison du climat politique qui se détériorait entre l’Égypte et le Soudan, il a décidé qu’il ne pouvait rester plus longtemps au Soudan et il est donc arrivé au Canada le 31 décembre 1995. Il termine sa réponse à la question 37 du FRP par les commentaires suivants :

[traduction] En plus des raisons qui m’ont poussé à quitter l’Égypte en premier lieu, j’ajoute que je ne puis retourner là-bas, parce que je viens du Soudan. Je ne puis y retourner pour toutes les raisons indiquées ci-dessus. J’ai peur de me faire tuer ou de subir un procès devant le tribunal militaire et je crains également que les autorités égyptiennes ne croient qu’en raison du temps que j’ai passé au Soudan, je pourrais travailler comme agent soudanais. J’ai subi toutes ces épreuves en Égypte parce que mon nom a été associé à l’un de mes anciens collègues universitaires. Étant donné que les autorités savent maintenant que j’ai passé toutes ces années au Soudan, il serait très difficile de les convaincre que je ne suis pas un agent soudanais et que je suis allé au Soudan simplement pour y vivre. Si je suis venu au Canada et que j’ai demandé l’asile, c’est notamment parce que je craignais que les relations entre les gouvernements soudanais et égyptien ne s’améliorent et que le Soudan ne me remette entre les mains de l’Égypte. Ma situation au Soudan était précaire, surtout après que j’ai perdu mes documents, et ma présence est devenue illégale là-bas, parce que j’aurais dû me présenter chaque année à l’ambassade égyptienne pour lui faire savoir que je vivais toujours au Soudan. J’aurais également dû me présenter au bureau des services de sécurité du Soudan au moins une ou deux fois par année. Récemment, les forces de sécurité soudanaises ont interrogé des Égyptiens qui vivaient là-bas en raison des menaces égyptiennes de renversement à l’endroit du régime soudanais.

Après avoir demandé l’asile ici au Canada, je crains également pour la sécurité de ma mère et de toute ma famille, surtout mes frères. Je crains qu’ils ne soient persécutés, détenus et torturés, parce que c’est ainsi que procèdent les autorités égyptiennes depuis bon nombre d’années. Je vous assure que les services de sécurité de l’État détiendraient et interrogeraient ma mère et mes frères, parce qu’il n’y a aucune loi en Égypte qui protège les citoyens contre l’État et ses forces de sécurité. Il est très facile en Égypte de porter des accusations ou de créer une accusation malgré l’absence totale de renseignements et d’inciter une personne à avouer des actes dont elle est faussement accusée pour empêcher d’autres tortures, tant pour elle-même que pour sa famille. Je crains donc également pour la sécurité de ma famille.

[42]      Comme l’indique sa réponse à la question 37 du FRP, le défendeur n’a pas donné beaucoup de détails au sujet du travail qu’il a accompli au Soudan. En fait, les renseignements qu’il a donnés à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié sont contenus dans moins d’un paragraphe.

[43]      Cependant, dans son affidavit du 6 septembre 2000, il a donné beaucoup plus de renseignements à ce sujet. Plus précisément, aux paragraphes 39 à 59, le défendeur relate les faits suivants, qu’il a répétés devant moi au cours de l’audience tenue à Toronto :

[traduction]

39.  En ce qui concerne Oussama ben Laden, j’aimerais dire ce qui suit. Avant de quitter l’Égypte, je n’avais aucun lien avec Oussama ben Laden. Lorsque j’ai quitté l’Égypte, je suis allé en Arabie Saoudite et, de là, je me suis rendu au Soudan. Pendant les cinq premiers mois où je suis resté au Soudan, je n’avais pas d’emploi et j’essayais de me trouver un emploi comme ingénieur agronome. Au cours des cinq premiers mois, j’ai pu subvenir à mes besoins grâce à une somme d’environ 3 000 $US que j’avais économisée en Égypte. Lorsque j’étais au Soudan, j’ai vécu à Khartoum. Pendant les trois ou quatre premiers jours, je suis resté dans une chambre d’hôtel et j’ai ensuite déménagé dans une petite maison que j’ai habitée moyennant un loyer d’environ 50 $US par mois.

40.  J’ai décidé de quitter l’Arabie Saoudite et de me rendre au Soudan, parce qu’au cours de mes études universitaires, je m’étais fait des amis parmi les étudiants du Soudan et j’avais entendu dire que ce pays avait besoin d’ingénieurs agronomes. Les besoins du Soudan dans le domaine sont semblables à ceux de l’Égypte; cependant, comme le Soudan est un pays beaucoup plus grand, je croyais que j’avais de bonnes chances de me trouver un emploi là-bas. De plus, je n’avais nullement l’intention de retourner en Égypte et je devais donc aller à un endroit où je pourrais me trouver du travail pour subvenir à mes besoins.

41.  Lorsque je me cherchais un emploi au Soudan, je suis allé voir plusieurs employeurs possibles; cependant, les salaires offerts étaient très bas. De plus, comme je n’étais pas Soudanais, je devais avoir accumulé un certain nombre d’années d’expérience, ce qui n’était pas le cas.

42.  Oussama ben Laden est propriétaire d’une entreprise située au Soudan et appelée Al-Thimar Al-Mubaraka Agricultural Company. Il s’agit de l’une des nombreuses succursales d’une grande société qui œuvre dans le domaine de l’irrigation, de l’agriculture, du commerce, des travaux de voirie, etc. La société compte environ 10 000 employés et environ 4 000 personnes, dont environ 85 p. 100 étaient des Soudanais, faisaient partie du personnel de la succursale où je travaillais.

43.  Lorsque je me cherchais un emploi au Soudan, la présence d’Oussama ben Laden dans ce pays était suivie de très près par les médias, qui présentaient également des comptes rendus quotidiens des activités et projets commerciaux auxquels il participait. Un certain vendredi, je suis allé à la mosquée pour la prière habituelle du vendredi et j’ai fait la connaissance d’une personne à laquelle j’ai mentionné que je me cherchais un emploi comme ingénieur agronome. Je lui ai également dit que j’avais suivi une formation académique dans le domaine de la mise en valeur des terres. J’ai appris plus tard que l’homme que j’avais rencontré à la mosquée était un employé de l’une des entreprises d’Oussama ben Laden.

44.  Un des plus grands projets d’Oussama ben Laden au Soudan à l’époque comportait des travaux de déboisement et de préparation du sol à la culture du blé, du tournesol, du maïs et de certains légumes. L’homme que j’ai rencontré à la mosquée m’a dit qu’il essaierait de parler à Oussama ben Laden au sujet de la possibilité que je travaille pour l’une des entreprises de celui-ci. Environ deux ou trois semaines après notre première rencontre à la Mosquée, l’homme m’a dit qu’il fixerait un rendez-vous afin que je puisse rencontrer Oussama ben Laden.

45.  Le rendez-vous a été fixé et je devais rencontrer Oussama ben Laden à son bureau situé à Khartoum.

46.  Oussama ben Laden m’a rencontré personnellement et m’a dit qu’il avait interrogé plusieurs personnes qui avaient les mêmes titres de compétence que moi, mais dont le domaine de spécialisation était différent. Il m’a dit qu’il avait interrogé deux Égyptiens et qu’il préférait interroger lui-même les personnes appelées à diriger les projets et à occuper des postes comme chefs ou chefs adjoints de projet. Il a ajouté qu’il avait besoin d’évaluer les personnes lui-même et qu’il ne suffit pas d’évaluer les titres de compétence d’une personne.

47.  Ma première entrevue avec Oussama ben Laden a duré environ une heure et demie ou deux heures. Il m’a posé plusieurs questions au sujet de mon domaine de spécialisation et de mon expérience de travail antérieure. J’ai été honnête et je lui ai dit que je n’avais aucune expérience, mais que j’étais prêt à étudier le projet et à lui dire si j’étais en mesure ou non de faire le travail. Ben Laden m’a dit de prendre une semaine pour étudier le projet et lui faire savoir si j’étais en mesure de faire le travail ou non.

48.  Par la suite, ben Laden m’a dit qu’il prendrait des dispositions pour que j’examine les installations du projet en compagnie d’une personne.

49.  J’ai fait le tour des installations du projet avec la personne qui avait pour tâche de m’accompagner dans le véhicule automobile de celle-ci. J’ai eu le sentiment que le projet était majeur pour une personne qui n’avait aucune expérience de travail; cependant, au même moment, le projet représentait un défi pour moi, une façon de prouver mes capacités et un moyen de m’ouvrir des portes pour l’avenir.

50.  Après une semaine, j’ai rencontré le directeur général de l’entreprise de ben Laden et je lui ai fait connaître par écrit ma décision; j’ai également discuté des aspects techniques du projet. C’est ainsi que j’ai commencé à travailler à titre de directeur général adjoint du projet agricole al-Damazin au Soudan.

51.  Dans le cadre de mes fonctions, je devais être responsable des activités quotidiennes du projet. Il s’agissait d’un projet agricole et j’étais responsable de l’irrigation (pluie), du personnel, de l’emploi et des rapports à remettre au directeur général de la société, qui travaillait également sur les lieux. J’avais environ 4000 personnes sous ma responsabilité; dans la majorité des cas, il s’agissait d’employés temporaires ou saisonniers. Le chantier du projet dont j’étais responsable couvrait une superficie d’environ 1 000 000 d’acres. J’ai occupé ce poste jusqu’en mai 1993.

52.  Au cours de la période où j’ai exercé cet emploi, j’ai rencontré Oussama ben Laden à trois autres occasions, soit une fois à Khartoum et deux autres fois au chantier du projet où je travaillais. La rencontre tenue à Khartoum visait uniquement à donner à Oussama ben Laden un compte rendu des activités quotidiennes poursuivies dans le cadre du projet. La rencontre a eu lieu dans son bureau de Khartoum et a duré de une heure et demie à deux heures. Les deux rencontres qui se sont déroulées au chantier du projet ont eu lieu lorsqu’Oussama ben Laden s’est rendu sur place.

53.  J’ai décidé de cesser de travailler pour l’entreprise d’Oussama ben Laden. Même si je m’étais entendu sur le salaire avec lui après avoir commencé à travailler pour son entreprise, j’ai appris que d’autres personnes affectées à d’autres projets touchaient un salaire plus élevé que le mien, même si leurs fonctions et leurs responsabilités étaient moins importantes que les miennes. Au cours de mon emploi, je travaillais pendant des périodes de dix heures, mais je travaillais régulièrement huit heures en surtemps.

54.  Un autre problème concernait les frais de transport et de déplacement. Ben Laden a d’abord accepté de payer mes frais de transport. Cependant, étant donné que je ne voyageais nulle part, j’ai demandé un paiement en remplacement de ces frais; ben Laden a refusé d’acquiescer à ma demande, prétextant l’absence de fonds à cette fin. Cependant, pour moi, il s’agissait d’une question de principe.

55.  Finalement, j’ai décidé que, si ben Laden acceptait de me payer équitablement, je resterais; dans le cas contraire, je démissionnerais. Le problème est resté en plan pendant environ un mois. J’ai démissionné lorsque j’ai reçu une réponse négative à ma demande par l’entremise du directeur général de la société. J’ai remis ma démission par écrit, parce que je ne pouvais accepter un emploi pour lequel je touchais un salaire inférieur à celui d’autres personnes dont les fonctions et les responsabilités étaient moins importantes que les miennes.

56.  Après avoir démissionné, je n’ai jamais revu Oussama ben Laden et je ne lui ai pas reparlé non plus.

57.  Après ma démission, j’ai quitté mon emploi et quelques-uns de mes collègues ont tenté de convaincre Oussama ben Laden de me reprendre, parce que le projet dont j’étais responsable allait très mal. Plus tard, Oussama ben Laden a compris qu’il avait besoin de moi; il m’a fait parvenir des messages par l’entremise de mes collègues et m’a demandé de revenir en m’offrant un salaire plus élevé et de plus grands avantages. Cependant, je ne suis pas retourné, parce que j’avais dit à ben Laden au cours de notre discussion précédente que, si je démissionnais, je ne reviendrais pas. C’est la dernière fois que j’ai communiqué avec Oussama ben Laden.

58.  Lorsque j’ai travaillé au projet du Soudan, j’ai entendu des commentaires d’autres employés du bureau au sujet de la réputation d’Oussama ben Laden. J’ai entendu dire que ben Laden était allé en Afghanistan, où il comptait un nombre élevé d’employés, de même qu’au Soudan. J’ai entendu dire qu’il appuyait les moudjahuddin en Afghanistan et que les relations qu’il entretenait avec l’Arabie Saoudite n’étaient pas bonnes. J’ai également entendu dire qu’il était très riche, compte tenu du type de projets auxquels il participait, et qu’il venait également d’une famille très riche. Pendant la période d’environ un an au cours de laquelle j’ai travaillé pour son entreprise, je n’ai jamais entendu dire qu’il participait à des activités terroristes. Ce n’est qu’après que les médias ont parlé des explosions survenues en Afrique que cette information a été publiée.

59.  En raison des fonctions que j’ai exercées pour la société de ben Laden, je me suis familiarisé davantage avec le milieu commercial du marché soudanais. Plus tard, j’ai commencé à travailler pour moi-même. J’ai acheté et vendu du bois, du miel, du beurre clarifié et des produits de la terre. Cependant, avant de lancer ma propre entreprise, j’ai dû faire des recherches et établir des liens commerciaux de mai à septembre 1993. J’ai exploité ma propre entreprise de septembre 1993 à août 1995.

[44]      Dans son long compte rendu, le défendeur explique qu’il s’est trouvé un emploi au Soudan pour une société appartenant à Oussama ben Laden. Plus précisément, il déclare qu’il a été engagé pour travailler à titre de directeur général adjoint du projet agricole Al-Damazin au Soudan. Même s’il n’avait absolument aucune expérience de travail, il a été désigné à titre de personne responsable de 4 000 personnes, dont la majorité étaient, comme il le mentionne, des travailleurs temporaires ou saisonniers. Le projet dont il était responsable couvrait une superficie d’environ 1 000 000 d’acres. Le défendeur a occupé ce poste de février 1992 à mai 1993 et a alors quitté cet emploi.

[45]      Le défendeur déclare qu’il a quitté l’emploi qu’il exerçait pour ben Laden parce qu’il a appris que son employeur versait un salaire plus élevé à d’autres employés dont les fonctions et les responsabilités étaient moins importantes que les siennes. Le défendeur indique également qu’il ne s’entendait pas avec son employeur au sujet de ses frais de transport. Par conséquent, étant donné que ben Laden a refusé d’augmenter le salaire et les avantages qu’il lui offrait, il a quitté son emploi. Après quelque temps, d’après le défendeur, ben Laden a changé d’idée et lui a fait savoir qu’il était disposé à verser un salaire plus élevé au défendeur et à lui offrir des avantages plus intéressants. Le défendeur a répondu par la négative à cette offre. Lorsqu’il a témoigné devant moi, le défendeur a indiqué clairement qu’il n’est pas retourné à l’emploi qu’il exerçait pour ben Laden pour une question de principe.

[46]      Le défendeur a dit au cours de son témoignage que ben Laden lui versait un salaire de 1 500 $US par mois. Il a ajouté que les employés qui touchaient un salaire plus élevé alors que leurs responsabilités étaient inférieures gagnaient environ 2 500 $US par mois. Après avoir quitté l’emploi qu’il exerçait auprès de ben Laden, le défendeur a mis cinq mois à démarrer sa propre entreprise qui, comme il l’a expliqué dans son FRP, était spécialisée dans l’achat et la vente de marchandises sur le marché, soit principalement du bois et du charbon. Le défendeur a dit au cours de son témoignage qu’il tirait un revenu mensuel de 350 $ à 400 $. Il convient de souligner que le revenu annuel par tête au Soudan est inférieur à 150 $US.

[47]      Si j’ai reproduit les paragraphes 39 à 59 de l’affidavit du défendeur, c’est notamment pour démontrer que celui-ci n’a pas fourni beaucoup de renseignements à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au sujet de l’emploi qu’il a exercé au Soudan. Même si la transcription de l’audience tenue devant celle-ci n’est pas disponible, je suis bien certain qu’il ne lui a pas révélé les renseignements qui figurent maintenant dans son affidavit et qu’il a confirmés au cours de son témoignage à Toronto. Lorsqu’il a témoigné devant moi, le défendeur n’a pas dit qu’il avait fourni ces renseignements à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié au cours de l’audition de sa revendication du statut de réfugié.

[48]      Pour les raisons indiquées ci-après, je suis d’avis que, à la lumière des éléments de preuve et des renseignements dont je dispose, l’attestation qu’ont déposée la ministre et le solliciteur général est raisonnable. Je suis convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AJ et le VOC se sont livrés à des actes de terrorisme et que le défendeur était et est membre de l’une ou de plusieurs de ces organisations.

[49]      D’abord, j’aimerais souligner que le défendeur n’a nullement soutenu au cours de son témoignage que l’AJ ou le VOC n’était pas une organisation qui se livrait ou s’était livrée à des actes de terrorisme. Bien au contraire, M. Galati, son avocat, a indiqué clairement que son client n’approuvait pas ces actes de terrorisme que les organisations musulmanes radicales avaient commis.

[50]      En tout état de cause, la preuve indique de façon plus qu’évidente à mon avis que les organisations susmentionnées se sont livrées et continuent à se livrer à des actes de terrorisme pour poursuivre leurs objectifs politiques. La partie du résumé du SCRS qui concerne les activités des différents groupes islamiques, notamment le VOC, est appuyée d’un index bibliographique composé des volumes A-1, A-2 et B. Les données contenues dans ces volumes indiquent la mesure dans laquelle les différents groupes islamiques ont poursuivi des activités terroristes un peu partout dans le monde, notamment au Moyen-Orient. L’annexe B jointe au résumé du SCRS présente une description chronologique des activités terroristes et d’autres incidents mettant en cause l’AJ, le VOC et la FM. Cette description fait état d’un certain nombre d’événements qui sont survenus entre le 6 octobre 1981 et mai 1999. Bien entendu, elle ne couvre pas les événements qui se sont produits le 11 septembre 2001.

[51]      Plus haut dans les présents motifs, j’ai fait allusion à un certain nombre de décisions dans lesquelles la Cour avait tenté de définir le mot « terrorisme». Compte tenu de ces décisions, je n’hésite nullement à conclure que l’AJ et le VOC se sont livrés à des actes de terrorisme et continuent à le faire.

[52]      Aux fins du présent jugement, il suffit de donner quelques exemples d’actes de terrorisme auxquels ces groupes se sont livrés. En août 1998, plus de 200 personnes ont été tuées et 5 000 personnes, blessées lors du bombardement des ambassades des États-Unis situées à Nairobi, au Kenya et à Dar es Salaam, en Tanzanie. En novembre 1997, 58 touristes ont été tués à Luxor, en Égypte, et le VOC a publié un avertissement selon lequel des ordres d’attaquer les Américains et les Sionistes du monde entier avaient été donnés. En août 1993, des membres du VOC ont tenté d’assassiner le ministre de l’intérieur de l’Égypte en tirant sur son escorte de protection motorisée et en faisant exploser une bombe artisanale. En février 1993, cinq membres de l’AJ ont été arrêtés au Caire par suite de l’explosion qui est survenue dans un café et au cours de laquelle quatre personnes ont trouvé la mort et 20 autres ont été blessées. Enfin, il faut également se rappeler que le 6 octobre 1981, des membres de l’AJ ont assassiné le président de l’Égypte, Anwar Sadat.

[53]      De plus, ces organisations ont publié des communiqués de menaces à l’endroit des Sionistes et des Américains. Un examen de la preuve documentaire indique sans l’ombre d’un doute que ces organisations et leurs membres sont prêts à tuer autant de civils innocents qu’il le faudra pour faire valoir leur point de vue. La raison d’être qu’ils semblent invoquer, s’il y en a une, serait la suivante : étant donné que leur cause est louable, les moyens qu’ils emploient sont justifiés.

[54]      Par conséquent, je n’ai aucun mal à admettre qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AJ et le VOC sont des organisations dont il existe des motifs raisonnables de croire qu’elles se sont livrées et se livreront à des actes de terrorisme.

[55]      J’en arrive maintenant à la question de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que le défendeur est ou a été membre de ces organisations. À mon avis, la réponse à cette question est positive.

[56]      Même si le défendeur a signé sous serment son affidavit daté du 6 septembre 2000 et qu’il a également témoigné sous serment devant moi à Toronto, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il n’est pas digne de foi. De plus, le défendeur s’est parjuré sur au moins un sujet. Dans l’ensemble, j’estime que l’obligation de dire la vérité n’était pas la préoccupation principale du défendeur en l’espèce.

[57]      D’abord, le défendeur a admis qu’il s’était parjuré lorsqu’il a dit qu’il ne connaissait aucune personne du nom de Marzouq. Il a nié connaître M. Marzouq non seulement dans son affidavit daté du 6 septembre 2000, mais également lorsqu’il a été interrogé par des représentants du SCRS. Il a nié à nouveau ce fait lorsqu’il a été interrogé et contre-interrogé à Toronto. Cependant, le 5 mars 2001, il a été rappelé à la barre par son avocat et a alors admis qu’il avait menti devant la Cour le vendredi précédent au sujet de liens qu’il avait avec M. Marzouq. Je devrais peut-être dire que, même si le défendeur n’avait pas avoué qu’il s’était parjuré, il m’apparaissait évident qu’il mentait lorsqu’il a dit qu’il ne connaissait pas M. Marzouq.

[58]      Le défendeur a avoué s’être parjuré parce qu’il voulait m’expliquer pourquoi il avait menti la semaine précédente. Son explication n’était pas plus convaincante que sa dénégation antérieure. Le défendeur a expliqué qu’il avait parlé à M. Marzouq au sujet de la réclamation qu’il avait formulée contre Air Canada après avoir perdu son bagage par suite du vol qui l’a mené au Canada vers la fin de décembre 1995. Le défendeur a dit au cours de son témoignage qu’il avait entendu parler de M. Marzouq environ une semaine après son arrivée au Canada, étant donné qu’il s’agissait d’un ami ou d’une connaissance des personnes avec lesquelles il a vécu à son arrivée à Toronto. Même si M. Marzouq vivait en Colombie-Britannique, le défendeur a dit qu’il croyait que cette personne pourrait lui venir en aide relativement à la demande qu’il avait déposée auprès d’Air Canada, dont le bureau des réclamations se trouvait à Montréal. En fait, je ne crois tout simplement pas l’expli-cation que le défendeur a donnée au sujet de son mensonge précédent. À mon avis, il a purement et simplement fabriqué cette explication par suite du contre-interrogatoire qui indiquait clairement qu’il avait menti lorsqu’il a nié connaître M. Marzouq.

[59]      Le témoignage du défendeur n’était pas convaincant non plus au sujet d’un Irakien du nom de Mubarak Al-Duri, soit la personne dont il relevait lorsqu’il travaillait pour ben Laden au Soudan. M. Al-Duri est la personne qui, selon le défendeur, a signé sa lettre de références produite comme pièce 15. Il s’agit d’une lettre écrite sur le papier à lettre de l’Al-Thimar Al-Mubaraka Agricultural Company. Le défendeur a dit au cours de son témoignage qu’il n’avait eu aucun contact avec M. Al-Duri depuis son départ du Soudan en décembre 1995. Or, lorsque le défendeur a été arrêté, il avait en sa possession un bout de papier sur lequel figuraient les numéros de téléphone résidentiel et cellulaire de M. Al-Duri. Le défendeur a soutenu qu’il ne se rappelait pas les pays dans lesquels ces numéros de téléphone se trouvaient. À mon avis, il ne voulait pas se rappeler dans quel pays M. Al-Duri vivait. Je suis convaincu que le défendeur ne m’a pas dit la vérité au sujet de l’identité de M. Al-Duri et au sujet du lien entre cette personne, ben Laden et lui-même.

[60]      J’en arrive maintenant au témoignage du défendeur au sujet de son nom d’emprunt « Mahmoud Shaker ». Tant dans son affidavit que devant moi, le défendeur a admis qu’il avait employé le nom « Mahmoud Shaker » lorsqu’il habitait au Soudan. Il a expliqué qu’il a commencé à utiliser ce nom après sa première rencontre avec ben Laden, parce qu’il vivait et travaillait illégalement au Soudan. Il a dit que son employeur était au courant de son statut illégal et ne s’opposait pas à ce qu’il emploie un nom d’emprunt. Cependant, le défendeur souligne que son vrai nom figure dans les registres de l’entreprise. Il a également expliqué qu’étant donné que bon nombre des travailleurs du Soudan étaient des Égyptiens et qu’il craignait que certains d’entre eux ne travaillent pour les services secrets de l’Égypte, il se sentait mieux protégé en utilisant un nom d’emprunt. Le défendeur a précisé qu’il n’avait jamais dit à son épouse qu’il avait été connu sous le nom de « Mahmoud Shaker ». Dans le dernier paragraphe de son affidavit (paragraphe 118), le défendeur formule l’allégation suivante :

[traduction]

118.   Je n’ai pas informé le SCRS de mon nom d’emprunt au Soudan, parce que j’ai utilisé ce nom alors que je travaillais pour une entreprise qui appartenait à Oussama ben Laden et que je croyais que, si je divulguais ce renseignement au SCRS, ma liberté serait gravement compromise. Cependant, je suis maintenant sous serment et je veux dire toute la vérité.

[61]      Dans son affidavit, le défendeur admet qu’au cours de l’entrevue du 8 août 1997 menée auprès du SCRS, il a nié avoir employé le nom « Mahmoud Shaker ». Je ne crois pas l’explication que le défendeur a donnée au sujet de la raison pour laquelle il n’a pas divulgué l’emploi du nom « Mahmoud Shaker ». À mon avis, le défendeur a divulgué son nom d’emprunt dans son affidavit simplement parce qu’il savait, à ce moment-là, que le SCRS avait appris qu’il avait été connu sous le nom de « Mahmoud Shaker ». Selon moi, la divulgation faite par le défendeur ne découlait pas d’un désir de sa part de dire la vérité.

[62]      De plus, le défendeur avait des liens avec Oussama ben Laden. D’abord, il a admis dans son affidavit et confirmé au cours de son témoignage qu’il avait travaillé pour ben Laden et qu’il l’avait rencontré à quelques occasions au Soudan. Il a dit que, même s’il savait qu’environ 50 personnes d’Al-Qaida travaillaient sur la ferme, il ignorait ce qu’était Al-Qaida. Comme je l’ai déjà mentionné, même s’il n’avait aucune expérience de travail, le défendeur a apparemment été désigné responsable de 4 000 personnes dans le cadre d’un projet qui était exploité sur une superficie d’environ 1 000 000 d’acres et où travaillait environ 40 p. 100 de la main-d’œuvre de ben Laden.

[63]      Le défendeur a également dit que, lorsqu’il se trouvait au Soudan, il n’a pas discuté de politique. À mon avis, le témoignage du défendeur n’est tout simplement pas crédible. Le défendeur, qui est diplômé de l’université Al-Azhar, une des universités les plus anciennes et les plus respectées du milieu islamique et un grand centre d’apprentissage islamique, voudrait me faire croire que, lorsqu’il était au Soudan, il n’a jamais, vraiment jamais, discuté de politique avec qui que ce soit. À mon avis, encore là, le défendeur ne m’a pas dit la vérité. Je souligne à nouveau qu’en réponse à la question 37 du FRP qu’il a déposé devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le défendeur a été très avare de renseignements. Sa réponse concernait principalement les incidents de torture dont il soutient avoir été victime en Égypte; cependant, il a donné très peu de détails au sujet des autres faits dont je suis maintenant saisi. J’aimerais également souligner que, lorsque le défendeur est arrivé au Canada en 1995, il n’avait pas son passeport. Il a dit devant moi qu’il avait en fait deux passeports égyptiens, mais qu’il les avait perdus tous les deux. Le FRP du défendeur indique à lui seul qu’il n’a pu passer quatre années sans discuter de politique.

[64]      Le défendeur n’a pas dit la vérité au sujet de M. Marzouq, de M. Al-Duri, de son nom d’emprunt « Mahmoud Shaker » ainsi que des activités qu’il a véritablement poursuivies lorsqu’il se trouvait au Soudan. Le défendeur est-il effectivement toujours resté au Soudan entre août 1991 et décembre 1995? Nous n’avons pas vu ses passeports et aucun document ne nous indique donc, comme il le soutient, qu’il est resté dans ce pays et n’est pas allé dans d’autres pays comme le Pakistan et le Kenya.

[65]      Je dois me demander pourquoi le défendeur ne m’a pas dit la vérité. Pour répondre à cette question, il convient de rappeler l’existence de camps de formation de terroristes qui se trouvent au Soudan et qui sont financés par Oussama ben Laden. Dans l’acte d’accusation qu’a signé le procureur américain du district sud de New York contre Oussama ben Laden et 20 autres personnes (produit comme pièce 19), il est fait mention, à la page 13, de la société agricole pour laquelle le défendeur a travaillé au Soudan. Selon l’acte d’accusation, les entreprises de ben Laden, notamment l’Al-Thimar Al-Mubaraka Agricultural Company, ont été mises sur pied pour constituer une source de revenus à Al-Qaida et pour faciliter l’obtention d’explosifs, d’armes et de produits chimiques ainsi que les déplacements des membres d’Al-Qaida.

[66]      Je dois également mentionner que le défendeur a vécu à Toronto à l’origine avec les beaux-parents d’Ahmad Saeed Kahdr, qui a été arrêté par les autorités pakistanaises parce qu’il était soupçonné d’avoir participé à l’attentat à la voiture piégée à l’ambassade de l’Égypte située au Pakistan en 1995. Comme toute personne qui a lu les journaux au cours des dernières semaines le sait, M. Kahdr a travaillé à titre de directeur régional de Human Concern International, qui est un organisme de secours canadien situé à Peshawar, au Pakistan, et a été accusé d’avoir transféré des sommes d’argent de l’Afghanistan à l’organisme en question pour financer l’opération de bombardement.

[67]      À l’origine, lorsque le défendeur a été interrogé par le SCRS, il a nié connaître M. Kahdr. Cependant, il a fini par admettre qu’il le connaissait. Encore là, cette partie du témoignage du défendeur n’est pas crédible.

[68]      J’ai fait savoir clairement au défendeur qu’à mon avis, il avait menti sur plusieurs sujets. À mon avis, il a menti afin de dissimuler les noms des personnes qui pourraient le lier aux organisations au sujet desquelles la ministre a des motifs raisonnables de croire qu’elles se sont livrées et se livreront à des actes de terrorisme. Les renseignements que j’ai eu l’occasion d’examiner à huis clos et que je suis maintenant autorisé à divulguer appuient fortement l’opinion selon laquelle il existe des motifs raisonnables de croire que le défendeur était et est membre de l’AJ et du VOC. Les renseignements confidentiels indiquent de manière concluante les raisons pour lesquelles le défendeur a constamment refusé de dire la vérité au sujet de différentes questions. Conjuguée aux efforts que le défendeur a déployés pour duper la Cour, la preuve devient accablante. Si le défendeur avait dit la vérité, ses liens avec l’AJ et le VOC auraient été très clairs.

[69]      Il est évident que le défendeur a une formation supérieure et une très forte personnalité. Il me l’a amplement démontré au cours de son témoignage. Tant dans son affidavit que devant moi, le défendeur a tenté de se décrire comme une « victime » des circonstances en Égypte, au Soudan et, jusqu’à un certain point, au Canada. Je n’ai pas été convaincu par cette preuve et je ne suis donc pas disposé à l’accepter.

[70]      Pour tous les motifs exposés ci-dessus, j’en arrive donc à la conclusion, à la lumière des éléments de preuve et des renseignements dont je dispose, que l’attestation déposée par la ministre et le solliciteur général est raisonnable.



[1] La Cour d’appel fédérale a confirmé la décision de Mme le juge McGillis dans un jugement publié à (1996), 37 C.R.C. (2d) 181. La Cour suprême du Canada a refusé la demande d’autorisation d’interjeter appel [[1997] 2 R.C.S. v].

[2] L’art. 53(1)b) de la Loi est ainsi libellé :

53. (1) Par dérogation aux paragraphes 52(2) et (3), la personne à qui le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements, ou dont la revendication a été jugée irrecevable en application de l’alinéa 46.01(1)a), ne peut être renvoyée dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, sauf si, selon le cas :

[…]

b) elle appartient à l’une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)e), f), g), j), k) ou l) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour la sécurité du Canada.

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