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A-719-98

2001 CAF 228

William Fredrick McCague (appelant)

c.

Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre de la Défense nationale (intimée)

Répertorié : McCague c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (C.A.)

Cour d’appel, juges Isaac, Sexton et Sharlow, J.C.A. —Toronto, 2 avril; Ottawa, 4 juillet 2001.

Forces armées — Pensions — Appel de la décision de la C.F. 1re inst. portant que l’art. 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (la LPRFC) avait été appliqué correctement pour réduire la pension autrement payable à l’appelant au moment de sa retraite de la force de réserve des Forces canadiennes — Au moment de sa retraite de la force régulière à l’âge de 40 ans en 1981, l’appelant a vu sa pension réduite de 30 p. 100 en vertu de l’art. 19(1)c) (5 p. 100 pour chaque année entière séparant son âge à la retraite de l’âge de la retraite obligatoire alors applicable à son grade) — Pendant les 12 années suivantes, il a servi dans la force de réserve en exerçant différentes fonctions à temps plein et à temps partiel — Il a servi à temps plein du mois de juillet 1994 au mois de janvier 1996 — Par application de l’art. 41(2), il était réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière pour l’application de la LPRFC — Il était tenu de contribuer au régime de pension pour sa période de service à temps plein — Appel rejeté (le juge Sharlow, J.C.A., dissidente) — La LPRFC vise à assurer le versement de prestations aux personnes qui se retirent de la force régulière — Elle pénalise, par la réduction de leur pension, celles qui se retirent avant la fin d’une période d’engagement particulière — Elle ne prévoit pas qu’un membre est réputé se retirer une deuxième fois à la fin de son service dans la force de réserve — Cette interprétation est conforme au texte législatif, favorise la réalisation de son objet et produit un résultat raisonnable et juste — La pension de l’appelant a augmenté même après la réduction de 30 p. 100 — En moins de six ans à compter de la date de sa retraite de la force de réserve, l’avantage pécuniaire qu’il retirerait dépasserait le montant des contributions qu’il s’était engagé à verser relativement à son service dans la force de réserve — Sa période de service supplémentaire et ses contributions additionnelles étaient donc avantageuses pour lui.

Fin de non-recevoir — Au moment de sa retraite de la force régulière des Forces canadiennes en 1981, avant l’âge obligatoire de la retraite, l’appelant a vu sa pension réduite de 30 p. 100 par application de l’art. 19(1)c) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes — Avant le début de la période de service à temps plein de l’appelant dans la force de réserve entre les mois de juillet 1994 et de janvier 1996, la Direction des services de la solde du ministère de la Défense nationale lui a affirmé que, s’il accomplissait du service à temps plein dans la force de réserve après avoir atteint l’âge de 54 ans, son âge de la retraite serait établi à 55 ans pour l’application de l’art. 19(1) et sa pension calculée à nouveau ne serait assujettie à aucune réduction — Contrairement à cette affirmation, sa pension au moment de sa libération de la force de réserve a été réduite de 30 p. 100 — Le principe de la préclusion ne peut empêcher la Couronne d’appliquer l’interprétation juste d’un texte législatif — Il appartient aux tribunaux de déterminer quelle est l’interprétation juste d’un texte législatif — Après avoir déterminé quelle est l’interprétation juste, la Cour est tenue de l’appliquer.

Interprétation des lois — Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (LPRFC) — L’art. 19(1)c) prévoit une réduction de la pension de 5 p. 100 pour chaque année entière séparant l’âge à la retraite de l’âge de la retraite obligatoire — Par application de l’art. 41(2), une personne qui est admissible à une pension pour avoir servi dans la force régulière est réputée, à l’expiration d’une période continue d’un an de service à temps plein dans la force de réserve, s’être enrôlée à nouveau dans la force régulière pour l’application de la LPRFC — L’approche contextuelle d’interprétation législative veut que la Cour examine le texte de la disposition, le régime législatif et d’autres indices de l’intention du législateur — Si les différents facteurs mènent à des solutions différentes, la Cour doit soupeser les facteurs concurrents et évaluer les interprétations possibles en regard de leur plausibilité, de leur efficacité et de leur acceptabilité — L’appelant soutenait que son nouvel enrôlement réputé emportait sa retraite réputée à la fin de cette période de service — L’interprétation prônée par l’appelant menait à des résultats insolites et absurdes — L’approche contextuelle moderne appuyait l’interprétation préconisée par le ministre et retenue par le juge des requêtes — Appel rejeté.

Il s’agissait d’un appel de la décision de la Section de première instance portant que la Couronne avait appliqué correctement le sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (la LPRFC) pour réduire de 30 p. 100 la pension qui aurait été autrement payable à l’appelant au moment de sa retraite de la force de réserve en 1996. L’appelant avait servi dans la force régulière des Forces canadiennes de 1961 jusqu’au moment de sa retraite en 1981, à l’âge de 40 ans. Le sous-alinéa 19(1)c)(i) de la LPRFC prévoit qu’un contributeur qui, n’ayant pas atteint l’âge de la retraite, cesse d’être membre de la force régulière, a droit, s’il a servi dans la force régulière pendant 20 ans ou plus et moins de 25 ans, s’il s’agit d’un officier, à une annuité immédiate réduite de 5 p. 100 multiplié par le nombre d’années entières obtenu en soustrayant son âge au moment de sa retraite de l’âge de retraite applicable à son grade. L’expression « âge de la retraite » est défini comme l’âge de la retraite applicable, conformément aux règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale, aux différents grades de contributeur. Les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORR) constituent des règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Selon l’article 15.17 des ORR, l’âge de la retraite est l’âge fixé à l’égard du grade dans le tableau pertinent. Selon ce tableau, l’appelant devait prendre sa retraite à 47 ans. Six années entières séparaient donc l’âge auquel l’appelant a pris sa retraite de la force régulière de l’âge de la retraite obligatoire alors applicable à son grade et sa pension a été réduite de 30 p. 100 conformément au sous-alinéa 19(1)c)(i).

Après sa retraite, l’appelant a servi dans la force de réserve en exerçant différentes fonctions à temps partiel et à temps plein pendant 12 ans. Le 1er juillet 1994, il a commencé à servir à temps plein jusqu’au mois de janvier 1996. Selon le paragraphe 41(2), une personne admissible à une pension pour avoir servi dans la force régulière qui passe à la force de réserve est réputée, à l’expiration d’une période continue d’un an de service à temps plein, s’être enrôlée à nouveau dans la force régulière au commencement de cette période pour l’application de la LPRFC. L’appelant était réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière et il était tenu de contribuer au régime de pension pour sa période de service à temps plein dans la force de réserve. Une fois réputé s’être enrôlé à nouveau, l’appelant s’est prévalu de son droit de verser des contributions additionnelles facultatives à son compte de pension de retraite pour augmenter son service ouvrant droit à pension en y incluant ses autres périodes de service à temps partiel et à temps plein dans la force de réserve postérieures au 17 novembre 1981. L’appelant a terminé sa dernière période de service ouvrant droit à pension moins d’un an avant d’atteindre l’âge de la retraite obligatoire de 55 ans applicable à tous les officiers de la force de réserve.

Avant que l’appelant commence sa période continue de service à temps plein de plus d’un an, la Direction des services de la solde du ministère de la Défense nationale lui a affirmé que l’âge de sa retraite serait établi à 55 ans pour l’application du paragraphe 19(1) de sorte que, s’il terminait sa période de service à temps plein dans la force de réserve après avoir atteint l’âge de 54 ans, sa pension calculée à nouveau ne serait assujettie à aucune réduction. Contrairement à cette affirmation, sa pension a été calculée à nouveau en tenant compte de son nombre accru d’années de service ouvrant droit à pension et de l’augmentation de sa solde annuelle moyenne pour ses « six années les mieux rémunérées», mais l’intimé a continué à réduire la pension de l’appelant de 30 p. 100.

L’appelant a soutenu que du fait de son nouvel enrôlement réputé dans la force régulière, il était aussi réputé, pour l’application de la LPRFC, avoir pris sa retraite de la force régulière à la fin de sa dernière période de service à temps plein dans la force de réserve. Comme l’écart entre son âge à la date de sa retraite et son âge de la retraite obligatoire était inférieur à un an, il prétendait qu’aucune réduction n’aurait dû être appliquée à sa pension. La demande de contrôle judiciaire de la décision de réduire sa pension calculée à nouveau de 30 p. 100 a été rejetée.

Les questions en litige étaient les suivantes : 1) Quelle est l’interprétation juste des dispositions pertinentes de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes? 2) Le principe de la préclusion interdit-il à l’intimée d’appliquer une nouvelle interprétation de la Loi à la situation de l’appelant?

Arrêt (le juge Sharlow, J.C.A., dissidente) : l’appel est rejeté.

Le juge Sexton, J.C.A. (avec l’appui du juge Isaac, J.C.A., souscrivant) : Le régime législatif est confus à outrance et il est urgent de le modifier.

1) L’approche contextuelle de l’interprétation de la loi veut que la Cour examine une vaste gamme de facteurs, tels le texte de la disposition à interpréter, le régime législatif dans lequel elle s’insère et d’autres indices de l’intention du législateur. Si les différents facteurs mènent à des solutions différentes, la Cour doit soupeser les facteurs concurrents et évaluer les interprétations possibles en regard de leur plausibilité, de leur efficacité et de leur acceptabilité.

Étant donné que la Loi définit les termes « force régulière » et « membre de la force régulière » sans définir les expressions équivalentes pour la force de réserve; que « [t]out membre de la force régulière » est tenu de contribuer au régime; et que, pour avoir droit à des prestations en vertu de ces dispositions, il faut obligatoirement que le bénéficiaire éventuel de la pension ait pris sa retraite de la force régulière, la Loi doit avoir pour objet de doter d’un régime de pension les membres de la force régulière des Forces canadiennes. Règle générale, elle ne vise pas à assurer des prestations aux membres de la force de réserve, parce que la plupart des membres de la force de réserve accomplissent un service à temps partiel, même s’il arrive que des membres de la force de réserve accomplissent des périodes de service à temps plein. Le paragraphe 41(2) traite de cette situation exceptionnelle et permet à l’intéressé d’augmenter ses prestations en vertu de la LPRFC en accroissant ses années de service ouvrant droit à pension et, peut-être, en augmentant sa solde annuelle moyenne pour ses six années les mieux rémunérées. Il ne prévoit pas explicitement une deuxième retraite réputée et le nouvel enrôlement réputé pour l’application de la Loi n’emporte pas, par déduction nécessaire, une retraite réputée à la fin de la période de service à temps plein du membre de la force de réserve.

L’objet de l’alinéa 19(1)c) est nébuleux, tout comme l’incidence de la définition légale de l’âge de la retraite sur les paragraphes 19(1) et 41(2). La Cour a supposé que l’alinéa 19(1)c) vise à dissuader les membres en service de quitter les Forces canadiennes avant la fin de leur engagement contractuel.

Quoi qu’il en soit, lorsque les différents indices mènent vers des conclusions qui peuvent être contraires, la méthode contextuelle exige que la Cour tienne compte des conséquences des interprétations concurrentes. L’interprétation juste sera celle dont les conséquences seront raisonnables et justes. L’interprétation prônée par l’appelant ne satisfait pas à ce critère car elle mène à des résultats insolites et absurdes, illustrés par des exemples. Selon l’interprétation de l’appelant, un officier qui entre en service dans la force régulière à l’âge de 20 ans, sert pendant 20 ans et se retire six ans avant l’âge fixé pour la retraite, avec une pension réduite de 30 p. 100, pourrait s’enrôler à nouveau à l’âge de 53 ans, servir à temps plein pendant un an et un jour avant de quitter l’armée moins de un an avant l’âge de la retraite obligatoire applicable aux officiers de la force de réserve et avoir droit à une pension non réduite, après avoir servi pendant 21 ans. Un autre officier qui a servi pendant 27 ans, qui se retire à l’âge de la retraite obligatoire avec une pension non réduite, qui passe à la force de réserve immédiatement et qui sert à temps plein pendant un an et un jour avant de quitter les Forces canadiennes à l’âge de 48 ans, six ans avant d’avoir atteint 55 ans, soit l’âge de la retraite obligatoire, serait assujetti à une réduction de 30 p. 100. Le législateur ne peut avoir voulu des résultats aussi absurdes et injustes. L’approche contextuelle moderne appuie l’interprétation de la LPRFC préconisée par le ministre et retenue par le juge des requêtes. L’appelant a réussi à hausser sa pension, malgré la réduction de 30 p. 100. L’avantage pécuniaire qu’il retirera dépassera le montant des contributions qu’il a faites relativement à son service dans la force de réserve. Par conséquent, sa période de service supplémentaire et ses contributions additionnelles étaient très avantageuses pour l’appelant.

2) Le principe de la préclusion ne peut empêcher la Couronne d’appliquer l’interprétation juste d’un texte législatif. C’est aux tribunaux qu’il appartient de déterminer quelle est son interprétation juste. Après avoir déterminé quelle était l’interprétation juste, la Couronne et la Cour sont tenues de l’appliquer.

Le juge Sharlow, J.C.A. (dissidente) : Selon la définition figurant au paragraphe 2(1), l’expression « âge de la retraite » s’entend de l’âge applicable conformément aux règlements. Les ORR sont des règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. L’article 15.17 traite de l’âge de la retraite obligatoire applicable aux officiers. Selon le paragraphe 15.17(4), les officiers de la force de réserve doivent être libérés lorsqu’ils atteignent l’âge approprié prescrit aux termes du sous-alinéa (1)a) (soit l’âge applicable à leur grade fixé dans le tableau), à moins que le chef d’état-major ne le prescrive autrement. Le chef d’état-major a prescrit un âge de la retraite obligatoire applicable aux officiers de la force de réserve au moyen de l’OAFC 49-10. La Couronne a fait valoir que l’âge de la retraite obligatoire applicable aux officiers de la force de réserve n’est pas fixé par les ORR, mais par l’OAFC 49-10, qui n’est pas un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Il s’ensuivrait qu’une personne n’a aucun « âge de la retraite » au sens de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes lorsqu’elle se retire de la force de réserve. Par conséquent, l’«âge de la retraite applicable à son grade » fixé par les ORR demeure 47 ans, pour l’appelant, et ne peut jamais changer. S’il en est ainsi, la réduction de 30 p. 100 de la pension ne peut jamais être modifiée par des années de service ultérieur dans la force de réserve. L’interprétation de la Couronne vide de tout sens la mention, au paragraphe 15.17(4) de « l’âge approprié prescrit aux termes du sous-alinéa (1)a) » qui doit renvoyer aux tableaux ajoutés à l’article 15.17. Le paragraphe 15.17(4) prévoit clairement l’inclusion des officiers de la force de réserve dans ces tableaux. C’est ce qu’il faut nécessairement déduire du libellé du paragraphe 15.17(4), et cette inclusion est aussi compatible avec la définition du terme « officier » énoncée dans les ORR, qui inclut les officiers de la force régulière et les officiers de la force de réserve. L’interprétation prônée par la Couronne produit aussi un résultat insolite dans le cas d’une personne qui se trouve dans la situation de l’appelant, parce que sa pension ne peut jamais atteindre plus de 70 p. 100 de la pension qui correspondrait à ses 25 années et 308 jours de service ouvrant droit à pension (qui correspondent approximativement aux années de service ouvrant droit à pension qu’il aurait accumulées s’il s’était retiré à l’âge de 47 ans de la force régulière). Après s’être retiré de la force régulière, l’appelant a accompli approximativement six années de service ouvrant droit à pension dans la force de réserve. Il est injuste que ses contributions postérieures à 1981, accumulées à 100 p. 100 du taux légal, doivent entraîner une pension qui ne peut jamais dépasser 70 p. 100 de la pension qu’il aurait reçue s’il avait servi dans la force régulière pendant six années additionnelles.

Le fondement légal de la fixation de l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve est le paragraphe 15.17(4) des ORR, qui constitue un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Un officier de la force de réserve qui, par application du paragraphe 41(2), est réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière, peut de ce fait se voir attribuer un nouvel « âge de la retraite » pour l’application de la LPRFC. Le service de l’appelant en qualité d’officier de la force de réserve a créé un « âge de retraite applicable à son grade » le 17 janvier 1996 différent de son « âge de retraite applicable à son grade » le 17 novembre 1981. L’OAFC 49-10 aurait obligé l’appelant à se retirer de la force de réserve au moment de son 55e anniversaire. Comme, le 17 janvier 1996, l’appelant allait atteindre 55 ans, soit l’âge de sa retraite obligatoire, dans moins d’un an, sa pension n’aurait pas dû être réduite. Selon cette interprétation de l’article 15.17, il n’est pas pertinent que l’OAFC 49-10 ne soit pas en soi un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale.

Le chef d’état-major a exercé le pouvoir que lui confère le paragraphe 15.17(4) des ORR de fixer l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve en promulguant une ordonnance dans l’OAFC, c’est-à-dire en recourant à la méthode appropriée pour l’exercice de ce pouvoir. Cependant, la façon dont le chef d’état-major a exercé son pouvoir ne change rien au fait que c’est dans un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale qu’il tire le pouvoir de fixer l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve.

Cette interprétation est compatible avec le texte législatif et mène à un résultat raisonnable et juste en ce qui concerne l’appelant. L’objet du paragraphe 42(1) de la LPRFC, qui consiste à donner l’occasion d’accumuler des années additionnelles de service ouvrant droit à pension après la retraite de la force régulière devrait avoir droit au même respect que le sous-alinéa 19(1)c)(i). L’interprétation proposée par l’appelant établit un équilibre raisonnable entre les deux objectifs de ces dispositions, ce qui n’est pas le cas de l’interprétation prônée par la Couronne.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, art. 2(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 39, art. 175), 15(1) (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 60), (3) (mod., idem), 18.

Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-17, art. 2(1), « âge de la retraite », « contributeur » (mod. par L.C. 1999, ch. 34, art. 115), « force régulière », « membre de la force régulière » (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 61), « officier », 4 (mod. par L.C. 1999, ch. 34, art. 116), 5 (mod. par L.C. 1992, ch. 46, art. 33), 6 (mod., idem, art. 34), 15 (mod., idem, art. 40; 1999, ch. 26, art. 14; ch. 34, art. 127), 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 41(2) (mod. par L.C. 1992, ch. 46, art. 46).

Loi sur les prestations d’adaptation pour les travailleurs, L.C. 1980-81-82-83, ch. 89.

Ordonnances administratives des Forces canadiennes, 49-10, annexe E, art. 6.

Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (Révision de 1994), art. 1.23, 15.17.

JURISPRUDENCE

décisions appliquées :

Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27; (1998), 36 O.R. (3d) 418; 154 D.L.R. (4th) 193; 50 C.B.R. (3d) 163; 33 C.C.E.L. (2d) 173; 221 N.R. 241; 106 O.A.C. 1; Merck & Co. c. Nu-Pharm Inc. (2000), 5 C.P.R. (4th) 138; 254 N.R. 68 (C.A.F.); Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Lidder, [1992] 2 C.F. 621 (1992), 6 Admin. L.R. (2d) 62; 16 Imm. L.R. (2d) 241; 136 N.R. 254 (C.A.); Granger c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, [1986] 3 C.F. 70 (1986), 29 D.L.R. (4th) 501; 69 N.R. 212 (C.A.); conf. par [1989] 1 R.C.S. 141; (1989), 91 N.R. 63.

DOCTRINE

Eskridge, W. N. et P. P. Frickey, « Statutory Interpretation as Practical Reasoning » (1990), 42 Stan. L. Rev. 321.

Hall, Geof R. « Statutory Interpretation in the Supreme Court of Canada : The Triumph of a Common Law Methodology » (1998), 21 Advocates’ Q. 38.

Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. Toronto : Butterworths, 1994.

Sullivan, R. « Statutory Interpretation in the Supreme Court of Canada » (1998-99), 30 Ottawa L. Rev. 175.

APPEL de la décision de la Section de première instance de la Cour fédérale portant que la Couronne avait appliqué correctement le sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes pour réduire de 30 p. 100 la pension qui aurait été autrement payable à l’appelant au moment de sa retraite de la force de réserve des Forces canadiennes en 1996 (McCague c. Canada (Ministre de la défense nationale) (1998), 155 F.T.R. 201 (C.F. 1re inst.)). Appel rejeté (le juge Sharlow, J.C.A., dissidente).

ont comparu :

Robert J. Fenn pour l’appelant.

Ian R. Dick pour l’intimée.

avocats inscrits au dossier :

Rohmer & Fenn, Richmond Hill, Ontario, pour l’appelant.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Sexton, J.C.A. : Il s’agit d’un appel de la décision de la Section de première instance publiée sous l’intitulé McCague c. Canada (Ministre de la Défense nationale)[1]. Le juge des requêtes a statué que la Couronne intimée avait appliqué correctement le sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (la LPRFC)[2], pour réduire de 30 p. 100 la pension qui aurait autrement été payable à l’appelant au moment de sa retraite de la force de réserve des Forces canadiennes en 1996. L’appel soulève des questions concernant l’interprétation juste de la LPRFC et la question de savoir s’il est possible que le principe de la préclusion interdise à l’intimée de modifier son interprétation de la loi.

Les faits

[2]        Les faits ne sont pas contestés. Le 8 septembre 1961, l’appelant est entré dans la force régulière des Forces canadiennes. Il a pris sa retraite le 17 novembre 1981, après avoir atteint le grade de major. Il aurait alors eu droit à une pension annuelle de 12 423,25 $, avant l’application du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la LPRFC, que voici :

19. (1) Un contributeur qui, n’ayant pas atteint l’âge de retraite, cesse d’être membre de la force régulière […] a droit […] à une prestation déterminée comme suit :

[…]

c) s’il a servi dans la force régulière pendant vingt ans ou plus et moins de vingt-cinq ans, il est admissible :

(i) s’il s’agit d’un officier, à une annuité immédiate réduite de cinq pour cent multiplié par le nombre d’années entières obtenu en soustrayant son âge au moment de sa retraite de l’âge de retraite applicable à son grade.

[3]        Au moment de sa retraite de la force régulière, le 17 novembre 1981, l’appelant avait 40 ans. Son « âge de la retraite » pour l’application de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes devait être établi en conformité avec la définition de cette expression énoncée au paragraphe 2(1), qui dispose :

2. […]

« âge de la retraite » Âge de la retraite applicable, conformément aux règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale, aux différents grades de contributeur.

[4]        Les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (Révision de 1994) (ORR) constituent des règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5. L’article 15.7 des ORR fixe l’âge obligatoire de la retraite des officiers. La disposition de l’article 15.7 qui s’appliquait à l’appelant le 17 novembre 1981 se lit comme suit :

15.17 […]

(1) Sauf lorsque le ministre le prescrit autrement en vertu de l’alinéa (2), l’âge de la retraite d’un officier est le moins élevé des âges qui suivent :

a) l’âge fixé à l’égard de son grade dans le tableau pertinent ajouté au présent article;

[5]        Selon le tableau applicable à l’appelant, il devait alors obligatoirement prendre sa retraite à l’âge de 47 ans. Six années entières séparaient donc l’âge auquel l’appelant a pris sa retraite de la force régulière et l’âge de la retraite obligatoire alors applicable à son grade. Par conséquent, la pension annuelle de l’appelant devait, par application du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, être réduite de 5 p. 100 pour chacune de ces six années. La pension annuelle à laquelle il aurait eu droit a été réduite de 30 p. 100, pour passer de 12 423,25 $ à 8 696,28 $. La réduction annuelle s’établissait donc à 3 726,97 $. Il est entendu que cette réduction de 30 p. 100 a été correctement appliquée à l’appelant au moment de sa retraite en 1981.

[6]        Au moment où il a pris sa retraite de la force régulière, l’appelant est passé à la force de réserve. Pendant les 12 années suivantes, il a servi en exerçant différentes fonctions à temps plein et à temps partiel. Le 1er juillet 1994, après avoir atteint le grade de colonel, l’appelant a commencé à servir à temps plein jusqu’au 17 janvier 1996. Étant donné que sa période de service continu et à temps plein dépassait un an, il était réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière par application du paragraphe 41(2) [mod. par L.C. 1992, ch. 46, art. 46] de la LPRFC, libellé comme suit :

41. […]

(2) Pour l’application de la présente loi, la personne qui, avant la date d’entrée en vigueur du présent paragraphe, est devenue admissible à une annuité selon la présente loi ou à une pension selon la partie V de l’ancienne loi pour avoir servi dans la force régulière et qui après l’être devenue et avant cette date s’enrôle dans la force de réserve ou y est mutée, est réputée, à l’expiration de toute période continue d’un an de service à plein temps dans cette force, commençant avant la date d’entrée en vigueur du présent paragraphe, s’être enrôlée de nouveau dans la force régulière au commencement de cette période, et, en pareil cas, les dispositions de l’article 5 sont réputées s’être appliquées pour cette période. Cependant, le présent article n’a pas pour effet d’exiger le remboursement par la personne de la fraction de cette annuité ou pension qu’elle avait le droit de recevoir durant cette période aux termes de la présente loi ou de l’ancienne loi. [Soulignement ajouté.]

[7]        Compte tenu de son « nouvel enrôlement réputé » dans la force régulière, l’appelant était tenu de contribuer au régime de pension (accumulant ainsi de nouvelles années de service ouvrant droit à pension) pour sa période de service à temps plein dans la réserve débutant en juillet 1994. Il a payé les contributions requises au moyen d’un versement unique de 6 763,05 $ à la fin de son service.

[8]        Une fois réputé s’être enrôlé à nouveau, l’appelant avait aussi le droit de verser des contributions additionnelles facultatives à son compte de pension de retraite pour augmenter son service ouvrant droit à pension en vertu de l’article 6 [mod., idem, art. 34] de la LPRFC en y incluant ses autres périodes de service à temps partiel et à temps plein dans la force de réserve postérieures au 17 novembre 1981. Il s’est prévalu de ce droit et s’est engagé à verser des contributions au moyen de déductions de 139,16 $ par mois pratiquées sur le paiement de sa pension jusqu’en août 2040.

[9]        L’appelant a terminé sa dernière période de service ouvrant droit à pension le 17 janvier 1996, moins d’un an avant d’atteindre l’âge de la retraite obligatoire de 55 ans applicable à tous les officiers de la force de réserve. Sa pension a été calculée à nouveau en tenant compte de son nombre accru d’années de service ouvrant droit à pension et de l’augmentation de sa solde annuelle moyenne pour ses « six années les mieux rémunérées». Ce calcul, selon lequel le montant de sa pension s’établissait à 31 657,31 $, n’est pas contesté.

[10]      Toutefois, l’intimée a continué, en accord avec son interprétation de la LPRFC, à réduire de 30 p. 100 la pension annuelle de l’appelant, qui s’établissait à 22 160,11 $ après la réduction. C’est cette décision sur laquelle les parties ne s’entendent pas.

La décision portée en appel

[11]      L’appelant a demandé le contrôle judiciaire de la décision de réduire de 30 p. 100 sa pension établie à l’issue du nouveau calcul. Il a fait valoir que, du fait de son nouvel enrôlement réputé dans la force régulière, il était aussi réputé, pour l’application de la LPRFC, avoir pris sa retraite de la force régulière à la fin de sa dernière période de service à temps plein dans la force de réserve, en janvier 1996. Comme l’écart entre son âge à la date de sa retraite et son âge de la retraite obligatoire était inférieur à un an, il prétendait qu’aucune réduction n’aurait dû être appliquée à sa pension.

[12]      Subsidiairement, il soutenait qu’il avait pris la décision de servir pendant une période de plus de un an de service continu et à temps plein parce que le personnel du MDN lui avait dit que, selon l’interprétation attribuée à la Loi par le Ministère, la réduction de 30 p. 100 appliquée à sa pension serait supprimée. Il a fait valoir que le principe de la préclusion interdisait au MDN d’attribuer à la Loi une interprétation différente, qui porterait atteinte à son droit à pension.

[13]      Le juge en chef adjoint a retenu la méthode contextuelle d’interprétation de la LPRFC. Il a statué que l’appelant ne pouvait pas être réputé avoir pris sa retraite de la force régulière en 1996 parce que l’expression « âge de la retraite », employée dans la LPRFC, renvoyait uniquement aux membres de la force régulière et non de la force de réserve. Il a conclu que l’appelant ne s’est retiré qu’une fois de la force régulière—en 1981—et que l’application permanente de la réduction de 30 p. 100 était fondée sur l’interprétation juste de la Loi. Il a aussi rejeté l’argument fondé sur la préclusion en précisant que l’interprétation que la Couronne attribue à une loi ne peut donner lieu à l’application de la doctrine de la préclusion et que, quoi qu’il en soit, l’interprétation retenue n’était pas défavorable à l’appelant, puisque celui-ci n’avait jamais reçu de pension non réduite.

Les questions en litige

[14]      L’appelant interjette appel devant notre Cour en soutenant que le juge des requêtes a commis une erreur relativement aux deux questions qui lui étaient soumises :

1.    Quelle est l’interprétation juste des dispositions pertinentes de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes?

2.    Le principe de la préclusion interdit-il à l’intimée d’appliquer une nouvelle interprétation de la Loi à la situation de l’appelant?

Analyse

L’interprétation juste de la LPRFC

[15]      La principale question en litige dans l’appel touche l’interprétation juste des parties de la LPRFC qui s’appliquent à la situation de l’appelant. Le caractère confus à outrance du régime législatif et l’urgence de le modifier compliquent, selon moi, l’examen de cette question. Je dois toutefois interpréter la loi telle qu’elle est présentement édictée. Pour les motifs exposés dans les paragraphes qui suivent, je suis d’accord, pour l’essentiel, avec le juge des requêtes quant à la méthode et à l’interprétation qu’il a retenues.

[16]      Les théoriciens et les praticiens critiquent depuis longtemps les tribunaux canadiens pour l’absence d’uniformité et de cohérence dans leur choix d’une méthode pour interpréter les textes législatifs[3]. Or, depuis l’arrêt récent Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re)[4], la Cour suprême applique, à la majorité, en l’étoffant plus ou moins selon le cas, la « méthode contextuelle moderne » préconisée par le juge L’Heureux-Dubé. Cette méthode est maintenant largement acceptée. Notre Cour l’a fait sienne[5] et, de fait, le juge de première instance l’a utilisée comme fondement de son analyse.

[17]      L’énoncé peut-être le mieux connu de la méthode contextuelle figure dans l’ouvrage intitulé Driedger on the Construction of Statutes :

[traduction] La règle moderne. Il n’existe qu’une seule règle d’interprétation moderne : les tribunaux sont tenus d’interpréter un texte législatif dans son contexte global, en tenant compte de l’objet du texte en question, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d’interprétation, ainsi que des sources acceptables d’aide extérieure. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d’un texte législatif. Cela fait, ils doivent ensuite adopter l’interprétation qui est appropriée. L’interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a) de sa plausibilité, c’est-à-dire sa conformité avec le texte législatif, b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l’objet du texte législatif, et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste[6].

[18]      La méthode contextuelle veut que la Cour examine une vaste gamme de facteurs tels le texte de la disposition à interpréter, le régime législatif dans lequel elle s’insère et d’autres indices de l’intention du législateur. Si les différents facteurs mènent à des solutions différentes, la Cour doit soupeser les facteurs concurrents et évaluer les interprétations possibles en regard des critères généraux énoncés dans le passage précité. C’est à la Cour qu’il revient en définitive de rendre une décision et d’exposer les motifs sur lesquels elle l’appuie.

[19]      Selon moi, il convient que j’examine d’abord le régime établi par la LPRFC dans son ensemble, comme point de départ de mon analyse. Il ressort clairement de son interprétation que cette Loi a pour objet de doter d’un régime de pension les membres de la force régulière des Forces canadiennes—ceux qui s’engagent pour de longues périodes de service continu et à temps plein.

[20]      Plusieurs indices étayent cette conclusion. L’article de la Loi énonçant les définitions qui lui sont applicables définit les termes « force régulière » et « membre de la force régulière » [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 61] sans définir les expressions équivalentes pour la force de réserve. Le terme « officier » est défini comme s’entendant uniquement des officiers de la force régulière. L’article 5 [mod. par L.C. 1992, ch. 46, art. 33] prévoit que « [t]out membre de la force régulière » est tenu de contribuer au régime. Les articles 16 à 22 de la Loi établissent des règles spécifiques en ce qui concerne le droit aux prestations au moment de la retraite. Pour avoir droit à des prestations en vertu de ces dispositions, il faut obligatoirement que le bénéficiaire éventuel de la pension ait pris sa retraite de la force régulière. En effet, le droit à des prestations est, exception faite des cas d’incapacité ou de réduction de la force, lié à des modalités de service précises qui ne visent que les membres de la force régulière. Par exemple, le paragraphe 17(1) traite des prestations payables à la retraite après un « engagement de durée intermédiaire». Les membres de la force de réserve ne sont pas assujettis à ces modalités de service, mais plutôt à trois catégories de contrats de durée relativement limitée.

[21]      Ainsi, règle générale, la LPRFC ne vise pas à assurer des prestations aux membres de la force de réserve. Il est logique qu’il en soit ainsi, parce que la plupart des membres de la force de réserve accomplisse un service à temps partiel, ne travaillant qu’un certain nombre de jours sur une période définie, et ne peuvent être forcés d’accomplir leur service à temps plein contre leur gré. Il arrive que des membres de la force de réserve accomplissent des périodes de service à temps plein. Dans des circonstances exceptionnelles, ces périodes de service à temps plein peuvent dépasser un an.

[22]      Le paragraphe 41(2) de la Loi traite de cette situation exceptionnelle—celle d’un membre de la force de réserve qui reçoit une pension en vertu de la LPRFC et qui accomplit une période de service continu et à temps plein dépassant un an. En pareil cas, le paragraphe 41(2) prévoit que l’intéressé est réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière, uniquement pour l’application de la LPRFC. Il s’ensuit que l’intéressé recommence à participer au régime de pension de la force régulière et qu’il peut augmenter ses prestations en vertu de la LPRFC comme l’a fait l’appelant—en accroissant ses années de service ouvrant droit à pension et, peut-être, en augmentant sa solde annuelle moyenne pour ses « six années les mieux rémunérées». De cette façon, l’appelant a augmenté le montant net de sa pension (après la réduction de 30 p. 100) qui est passé de 8 696,28 $ à 22 160,11 $.

[23]      Comme je l’ai déjà mentionné, le droit aux prestations prévues par la LPRFC est, au vu de ses dispositions, fondé uniquement sur la retraite de la force régulière. Le paragraphe 41(2) ne prévoit pas explicitement une deuxième retraite réputée. La question se pose donc de savoir si un nouvel enrôlement réputé pour l’application de la Loi emporte, par déduction nécessaire, une retraite réputée à la fin de la période de service à temps plein du membre de la force de réserve. Je suis d’avis que ce n’est pas le cas.

[24]      Le paragraphe 19(1), soit la disposition en vertu de laquelle l’appelant a acquis le droit à une pension en 1981, vise les personnes qui se retirent à un autre moment que la fin d’un engagement particulier précisé et pour des raisons autres que l’invalidité ou des mesures d’encouragement à la retraite anticipée. Il prévoit que la pension est réduite d’un pourcentage déterminé selon l’écart entre l’âge de l’intéressé au moment de sa retraite et l’âge de la retraite obligatoire applicable à son grade.

[25]      J’estime que l’objet de l’alinéa 19(1)c), qui réduit le droit à pension selon l’âge de l’intéressé plutôt que selon ses contributions au régime de pension, est nébuleux. Je constate que l’article 17, à l’opposé, ne prévoit pas de réduction semblable lorsqu’une personne se retire à la fin d’un engagement de durée intermédiaire, mais avant d’avoir atteint l’âge de la retraite obligatoire. Je ne puis que supposer que le paragraphe 19(1) vise à dissuader les membres en service de quitter les Forces canadiennes avant la fin de leur engagement contractuel.

[26]      L’incidence de la définition légale de l’«âge de la retraite » sur les paragraphes 19(1) et 41(2) n’est pas claire non plus. La LPRFC définit l’âge de la retraite en renvoyant aux règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. La disposition réglementaire applicable est l’article 15.17 des ORR. Selon le paragraphe 4 de cette disposition, l’âge de la retraite des officiers de la force de réserve est le même que celui des officiers de la force régulière, « [à] moins que le chef d’état-major de la défense ne le prescrive autrement [CEMD]». [Soulignement ajouté.]

[27]      Le CEMD a effectivement prescrit autrement l’âge de la retraite des officiers de la force de réserve. Il l’a fait au moyen d’une Ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAFC) 49-10. Cette ordonnance fixe l’âge de la retraite des officiers de la force de réserve à 55 ans. Cette ordonnance administrative, bien que prise en vertu d’un pouvoir conféré au CEMD par un règlement, ne constitue pas elle-même un règlement pris sous le régime de la LDN[7]. Par conséquent, l’expression « âge de la retraite » dans la LPRFC ne peut s’entendre de l’âge de la retraite de la force de réserve, mais seulement de l’âge de la retraite de la force régulière.

[28]      Quoi qu’il en soit, lorsque, comme en l’espèce, les différents indices mènent vers des conclusions qui peuvent être contraires, la méthode contextuelle moderne m’oblige à tenir compte des conséquences des interprétations concurrentes. L’interprétation juste sera celle dont les conséquences seront raisonnables et justes. À mon avis, l’interprétation que l’appelant demande à la Cour de retenir ne satisfait pas à ce critère car elle mène à des résultats insolites et absurdes.

[29]      Prenons les deux exemples suivants, dont chacun vise un officier qui, comme l’appelant, entre en service dans la force régulière à l’âge de 20 ans. Le premier, comme l’appelant, se retire de la force régulière à l’âge de 40 ans, soit six années entières avant d’atteindre son âge de la retraite, dans des circonstances qui entraînent une réduction de 30 p. 100 de sa pension. Il demeure à l’écart des Forces canadiennes pendant les 13 années suivantes, puis, à l’âge de 53 ans, il s’enrôle dans la force de réserve et accomplit une période de service continu et à temps plein d’une durée de un an et un jour avant de quitter à nouveau l’armée moins d’un an avant d’atteindre l’âge de la retraite obligatoire pour les officiers de réserve. Compte tenu de la durée de sa période de service à temps plein, cet officier est réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière pour l’application de la LPRFC et contribue au régime pour ses 366 jours de service additionnel. Selon l’interprétation proposée par l’appelant, cette personne, qui a servi pendant 21 ans au total, aurait droit à une pension non réduite, sa période de service additionnel de un an et un jour de l’âge de 53 ans à l’âge de 54 ans suffisant pour effacer la réduction qui lui avait été imposée pour s’être retiré six années entières avant son « âge de la retraite».

[30]      Le deuxième officier sert pendant une période totale de 27 ans, se retire à l’âge de la retraite obligatoire et touche une pension non réduite. Il passe immédiatement à la force de réserve et accomplit une période de service à temps plein d’une durée de un an et un jour avant de quitter définitivement les Forces canadiennes à l’âge de 48 ans, soit six années entières avant l’âge obligatoire de la retraite applicable aux officiers de la force de réserve, soit 55 ans. Selon la thèse de l’appelant, cette personne, qui avait droit à une pension non réduite à l’âge de 47 ans, serait soudainement assujettie à une réduction de 30 p. 100 de ses prestations pour avoir servi une année supplémentaire (soit 28 ans au total).

[31]      Je crois que le législateur ne peut avoir eu l’intention que les dispositions qu’il a édictées produisent des résultats aussi absurdes et injustes.

[32]      En résumé, je crois que la LPRFC vise essentiellement à assurer le versement de prestations aux personnes qui se retirent de la force régulière. Elle pénalise, par la réduction de leur pension, celles qui se retirent avant la fin d’une période d’engagement particulière. Elle ne prévoit pas qu’un membre est réputé se retirer à la fin de son service dans la force de réserve.

[33]      J’estime que la méthode contextuelle appuie l’interprétation de la LPRFC prônée par l’intimée et retenue par le juge des requêtes. Cette interprétation est conforme au texte législatif, favorise la réalisation de son objet et produit un résultat raisonnable et juste. En l’espèce, l’appelant a réussi à hausser sa pension en la faisant passer de 8 696,28 $ à 22 160,11 $, malgré la réduction de 30 p. 100. Cette augmentation résulte des contributions additionnelles qu’il a versées et dont le montant, qui s’élève à ce jour approximativement à 15 000 $, atteindra éventuellement 80 000 $ environ au total (s’il survit jusqu’à l’âge de 99 ans). Par conséquent, en moins de six ans à compter de la date de sa retraite de la force de réserve (ou six mois à compter de la date des présents motifs), l’avantage pécuniaire qu’il retirera dépassera le montant des contributions qu’il s’est engagé à verser relativement à son service dans la force de réserve. La période de service supplémentaire et les contributions additionnelles de l’appelant sont donc extrêmement avantageuses pour l’appelant.

Le principe de la préclusion s’applique-t-il à l’interprétation que l’intimée attribue à la LPRFC?

[34]      L’appelant soutient avoir consulté les fonctionnaires de la Direction des services de la solde du ministère de la Défense nationale avant de commencer sa période de service continu et à temps plein d’une durée de plus de un an, pour s’enquérir des conséquences de ce service sur les droits que lui confèrent la LPRFC. Il affirme qu’on lui a répondu que, pour l’application du paragraphe 19(1) de la Loi, l’intimée établirait son âge de la retraite à 55 ans, de sorte que s’il terminait sa période de service à temps plein après avoir atteint l’âge de 54 ans, sa pension, calculée à nouveau, ne serait assujettie à aucune réduction.

[35]      L’intimée reconnaît qu’avant 1996, elle n’attribuait pas aux dispositions pertinentes de la Loi l’interprétation que j’ai retenue plus haut et ne nie pas que l’appelant a reçu l’avis susmentionné. Comme l’intimée a adopté une nouvelle interprétation de la LPRFC, l’appelant fait valoir que le principe de la préclusion devrait empêcher l’intimée d’appliquer son interprétation plus récente (et juste) à sa situation.

[36]      Bien qu’il ne soit pas clair que le principe de la préclusion ne puisse jamais lier la Couronne dans d’autres circonstances, notre Cour a conclu, de façon constante, que le principe de la préclusion ne pouvait empêcher la Couronne d’appliquer l’interprétation juste d’un texte législatif. Dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Lidder[8], le juge Marceau de la Cour d’appel a affirmé, au nom de la Cour, unanime sur ce point :

On ne saurait invoquer la théorie de la fin de non-recevoir pour empêcher l’exercice d’une obligation prévue par la loi […] ni pour conférer un statut défini par la loi à une personne qui n’est pas, à l’évidence, visée par la définition légale. En fait, le bon sens dicterait qu’on ne puisse omettre d’appliquer la règle en raison de la déclaration fausse, de la négligence ou de la simple présentation inexacte des faits de la part d’un fonctionnaire gouvernemental[9].

[37]      Il appartient aux tribunaux, et non aux fonctionnaires, de déterminer quelle est l’interprétation juste d’un texte législatif. Après avoir déterminé quelle était l’interprétation juste, la Cour est tenue de l’appliquer (et cela vaut aussi pour la Couronne). Dans l’affaire Granger c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada[10] la Cour était saisie d’une situation très semblable à celle qui nous est soumise. La Commission intimée avait dit à l’appelant que, selon son interprétation de la Loi sur les prestations d’adaptation pour les travailleurs[11], le montant des prestations de pension versées directement dans un RÉER ne serait pas déduit des prestations qui lui étaient payables en vertu de cette loi. Après que l’appelant a fait un choix irrévocable selon lequel ses prestations de pension seraient versées directement dans son RÉER, l’intimée a modifié son interprétation et commencé à pratiquer des déductions sur le montant des prestations versées à l’appelant en vertu de la loi. Le juge Pratte de la Cour d’appel a statué, au nom de la majorité, que l’intimée ne pouvait être empêchée par le principe de la préclusion d’appliquer son interprétation plus récente, en affirmant [à la page 77] : « Le juge est lié par la loi. Il ne peut, même pour des raisons d’équité, refuser de l’appliquer.»

[38]      Je suis d’avis que les décisions antérieures de notre Cour, et plus particulièrement l’arrêt Granger, sont concluants.

Conclusion

[39]      Je suis d’avis de rejeter l’appel. Toutefois, compte tenu du caractère confus de la Loi qui a rendu l’appel nécessaire, j’estime qu’il ne convient pas d’adjuger les dépens contre l’appelant.

Le juge Isaac, J.C.A. : Je souscris à ces motifs.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[40]      Le juge Sharlow, J.C.A. (dissidente) : J’ai lu attentivement les motifs écrits de mon collègue le juge Sexton, mais je ne souscris malheureusement pas à ses conclusions. Je suis d’accord avec lui quant aux principes d’interprétation législative applicables, mais mon analyse me conduit à une solution contraire à la sienne.

[41]      Je suis toutefois tout à fait d’accord avec lui pour dénoncer le caractère confus à outrance du régime établi par la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-17, et l’urgence de le modifier.

[42]      La question en litige en l’espèce touche l’interprétation juste du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Pour répondre à cette question, il faut interpréter plusieurs autres dispositions de la Loi ainsi que certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale, L.R.C. (1985), ch. N-5, des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORR) et d’une Ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAFC).

[43]      Toutes ces dispositions doivent être interprétées ensemble et en fonction de la totalité de leur contexte législatif. Il faut, si possible, trouver une interprétation conforme au texte législatif et à son objet, qui produit un résultat raisonnable et juste : R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto, Butterworths, 1994), à la page 131).

[44]      La Loi sur la défense nationale régit la constitution et le fonctionnement des Forces canadiennes. Les paragraphes 15(1) [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 60] et (3) [mod., idem] de la Loi sur la défense nationale établissent la « force régulière » et la « force de réserve » comme éléments constitutifs des Forces canadiennes. La force régulière et la force de réserve sont formées chacune d’officiers et de militaires du rang. Voici ce que disent les paragraphes 15(1) et (3) :

15. (1) Est mis sur pied un élément constitutif des Forces canadiennes, appelé « force régulière », formé d’officiers et de militaires du rang enrôlés pour un service continu et à plein temps.

[…]

(3) Est mis sur pied un élément constitutif des Forces canadiennes, appelé « force de réserve », formé d’officiers et de militaires du rang enrôlés mais n’étant pas en service continu et à plein temps lorsqu’ils ne sont pas en service actif.

[45]      Le terme « officier » défini au paragraphe 2(1) [mod. par L.C. 1995, ch. 39, art. 175] de la Loi sur la défense nationale s’applique manifestement tant à la force de réserve qu’à la force régulière. Voici la définition en cause :

2. (1) […]

« officier  » Personne qui est :

a) titulaire d’une commission d’officier de Sa Majesté dans les Forces canadiennes;

b) élève-officier dans les Forces canadiennes;

c) légalement affectée en cette qualité aux Forces canadiennes ou détachée à ce titre auprès de celles-ci.

[46]      La Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes prévoit le paiement de pensions aux « contributeurs » au compte de pension de retraite établi en vertu de l’article 4 [mod. par L.C. 1999, ch. 34, art. 116]. Le régime de pension légal comporte les mêmes éléments que la plupart des régimes de pension. Il prévoit la façon de déterminer le nombre d’années de service ouvrant droit à pension des contributeurs, oblige les contributeurs à verser un pourcentage de leur solde au compte de pension de retraite et prévoit le paiement d’une pension qui est généralement fonction de la solde annuelle reçue pendant une période d’au plus six années de service ouvrant droit à pension (voir l’article 15 [mod. par L.C. 1992, ch. 46, art. 40; 1999, ch. 26, art. 14; ch. 34, art. 127] de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes).

[47]      Le terme « contributeur » est défini comme suit au paragraphe 2(1) [mod. par L.C. 1999, ch. 34, art. 115] pour l’application de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes :

2. (1) […]

« contributeur » personne astreinte par l’article 5 à contribuer au compte de pension de retraite ou à la Caisse de retraite des Forces canadiennes. Sont compris parmi les contributeurs, sauf si le contexte exige une interprétation différente :

a) une personne qui a cessé d’être ainsi astreinte à contribuer au compte ou à la caisse;

b) pour l’application des articles 26 à 35 et 38 à 40, un contributeur selon la partie V de l’ancienne loi, qui est devenu admissible à une pension sous le régime de cette partie, ou qui est décédé.

[48]      L’article 5 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes oblige tout « membre » de la force régulière à contribuer au compte de pension de retraite, sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas pertinentes en l’espèce. Le paragraphe 2(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes définit un « membre de la force régulière » comme un « [o]fficier ou militaire du rang de la force régulière » et un « officier » comme un « Officier breveté ou officier en sous-ordre de la force régulière».

[49]      Par conséquent, tout officier de la force régulière est un « contributeur » au sens de la définition édictée et, compte tenu de l’alinéa a) de la définition, il demeure un « contributeur » après la cessation de son obligation de contribuer.

[50]      Le droit de toucher une pension conféré par la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes est fondé sur la durée du service, la période minimale d’admissibilité étant fixée à 20 ans (voir, par exemple, les alinéas 16c) et 19(1)a) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes). Il semble que la période maximale de service ouvrant droit à pension soit fixée à 35 ans (voir l’article 15).

[51]      Lorsqu’on examine la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes dans son ensemble, il est juste d’inférer que son objet consiste à assurer une pension aux membres de la force régulière qui s’engagent pour une longue période de service continu et à temps plein.

[52]      Dans certaines circonstances, une pension est payable en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes à une personne qui se retire avant la date de la retraite obligatoire applicable à son grade, mais, dans ce cas, une réduction s’applique. Cette réduction vise sans aucun doute à dissuader les retraites anticipées. La disposition concernant la retraite anticipée en cause en l’espèce est le sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, cité plus loin.

[53]      Aucun régime de pension légal ne s’applique aux personnes qui servent uniquement dans la force de réserve. Par exception, toutefois, le paragraphe 41(2) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes permet à un membre de la force régulière qui était admissible à une pension au moment de sa retraite et qui se joint à la force de réserve de faire considérer son service dans la force de réserve comme des années de service ouvrant droit à pension pour l’application de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Ce résultat est possible grâce à une disposition législative selon laquelle cette personne est « réputée » s’être enrôlée à nouveau comme membre de la force régulière.

[54]      Le législateur n’a pas jugé bon de préciser quelle incidence avaient, le cas échéant, les années de service ouvrant droit à pension en vertu du paragraphe 41(2) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes sur un contributeur qui a pris sa retraite anticipée de la force régulière et qui est, de ce fait, assujetti au sous-alinéa 19(1)c). C’est à la Cour que revient la tâche de résoudre ce problème en s’appuyant sur l’application des principes d’interprétation législative. Elle doit faire un choix entre deux interprétations contraires du sous-alinéa 19(1)c)(i), dont l’une est préconisée par l’appelant et l’autre par la Couronne.

[55]      L’un des problèmes qui se posent en l’espèce, et qui ressort de l’exposé qui suit, tient au fait que des résultats insolites peuvent découler de l’interprétation retenue, quelle qu’elle soit. On peut donc difficilement se guider sur la présomption voulant que l’interprétation retenue ne doit pas produire de résultat absurde. Ce problème illustre aussi les graves lacunes du régime législatif et la nécessité criante de le réviser et de le modifier. Entre-temps, il faut néanmoins interpréter les dispositions telles qu’elles sont rédigées.

[56]      Comme je l’ai mentionné précédemment, la question en litige est celle de l’interprétation juste du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Je reproduis cette disposition ci-dessous, avec le sous-alinéa 19(1)d)(i), qui pourrait aussi avoir une incidence sur les questions en litige :

19. (1) Un contributeur qui, n’ayant pas atteint l’âge de retraite, cesse d’être membre de la force régulière […] a droit, […] à une prestation déterminée comme suit :

[…]

c) s’il a servi dans la force régulière pendant vingt ans ou plus et moins de vingt-cinq ans, il est admissible :

(i) s’il s’agit d’un officier, à une annuité immédiate réduite de cinq pour cent multiplié par le nombre d’années entières obtenu en soustrayant son âge au moment de sa retraite de l’âge de retraite applicable à son grade,

[…]

d) s’il a servi dans la force régulière pendant vingt-cinq ans ou plus, il est admissible :

(i) s’il s’agit d’un officier, à une annuité immédiate réduite de cinq pour cent multiplié par le nombre d’années entières obtenu en soustrayant son âge au moment de sa retraite de l’âge de retraite applicable à son grade,

[57]      La question précise qui se pose en l’espèce est celle de savoir si et comment ces dispositions s’appliquaient à l’appelant le 17 janvier 1996. Pour trancher cette question, il faut déterminer premièrement si, à cette date, l’appelant était toujours un « contributeur » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes (précitée). Il est clair qu’il était un contributeur; il faut donc examiner la deuxième question.

[58]      Cette deuxième question consiste à décider si, le 17 janvier 1996, l’appelant avait cessé d’être un membre de la force régulière. En fait, l’appelant avait cessé d’être membre de la force régulière le 17 novembre 1981. Toutefois, à un moment quelconque avant le 17 janvier 1996, l’appelant est devenu réputé s’être enrôlé à nouveau comme membre de la force régulière pour l’application de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Pour donner effet au nouvel enrôlement réputé de l’appelant comme membre de la force régulière, il faut tenir pour acquis, pour l’application de l’alinéa 19(1)c) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, que l’appelant est devenu membre de la force régulière la première fois où le paragraphe 41(2) s’est appliqué à lui et qu’il a cessé de l’être au moment de sa libération le 17 janvier 1996. Par conséquent, il faut répondre à la deuxième question par l’affirmative et il faut passer à la troisième question.

[59]      La troisième question est celle de savoir si, le 17 janvier 1996, l’appelant avait servi dans la force régulière pendant 20 ans ou plus et moins de 25 ans (alinéa 19(1)c)) ou pendant 25 ou plus (alinéa 19(1)d)). En fait, il a servi dans la force régulière du 8 septembre 1961 au 17 novembre 1981, soit pendant plus de 20 ans, mais moins de 25 ans. Toutefois, si la période pendant laquelle l’appelant est réputé s’être enrôlé à nouveau par application du paragraphe 41(2) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes est prise en compte, il faut tenir pour acquis qu’il a servi dans la force régulière pendant 25 ans ou plus et qu’il est visé par le sous-alinéa 19(1)d)(i). Dans l’un et l’autre cas, il faut répondre par l’affirmative et il faut passer à la quatrième question.

[60]      La quatrième question est identique, que ce soit le sous-alinéa 19(1)c)(i) ou le sous-alinéa 19(1)d)(i) qui s’applique, parce que ces deux dispositions sont identiques. Il faut déterminer si, le 17 janvier 1996, « l’âge de l’appelant au moment de sa retraite » était inférieur à « l’âge de retraite applicable à son grade » et, le cas échéant, à combien d’années entières correspondait l’écart entre ces deux âges. Cet élément est déterminant et les arguments des parties à son égard mènent à des réponses contraires.

[61]      La Couronne soutient que, pour l’application de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, l’appelant ne s’est retiré qu’une fois, soit le 17 novembre 1981, et qu’il existe un seul « âge de la retraite applicable à son grade », soit 47 ans. Si l’interprétation de la Couronne est juste, l’écart entre l’âge de l’appelant au moment de sa « retraite » le 17 novembre 1981 et « l’âge de la retraite applicable à son grade » à cette date correspond à six années entières, de sorte qu’une réduction de 30 p. 100 doit être appliquée à toute pension à laquelle il avait droit le 17 novembre 1981 et par la suite.

[62]      L’interprétation prônée par la Couronne s’arrime à la définition de l’expression « âge de la retraite » édictée dans le paragraphe 2(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, que voici :

2. (1) […]

« âge de la retraite » Âge de la retraite applicable, conformément aux règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale, aux différents grades de contributeur.

[63]      Les ORR sont des règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Leur article 15.17 traite de l’âge de la retraite obligatoire applicable aux officiers. Les dispositions touchant les officiers de la force de réserve se lisent comme suit :

15.17 […]

(1) […] l’âge de la retraite d’un officier est le moins élevé des âges qui suivent :

a) l’âge fixé à l’égard de son grade dans le tableau pertinent ajouté au présent article,

[…]

(4) À moins que le chef d’état-major de la défense ne le prescrive autrement, tout officier de la force de réserve doit être libéré lorsqu’il atteint l’âge approprié prescrit aux termes du sous-alinéa (1)a).

[64]      Le chef d’état-major a prescrit, au moyen de l’article 6 de l’annexe E de l’OAFC 49-10, un âge de la retraite obligatoire applicable aux officiers de la force de réserve. Pour cette raison, la Couronne soutient que l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve n’est pas fixé par les ORR, mais par l’article 6 de l’annexe E de L’OAFC 49-10, qui n’est pas un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Il s’ensuit, selon la Couronne, qu’une personne n’a aucun « âge de la retraite » au sens de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes lorsqu’elle se retire de la force de réserve. Par conséquent, en ce qui concerne l’appelant, « l’âge de la retraite applicable à son grade » fixé par les ORR demeure celui de 47 ans et ne peut jamais changer. S’il en est ainsi, il s’ensuit nécessairement que la réduction de 30 p. 100 de la pension de l’appelant applicable le 17 novembre 1981 en vertu du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes ne peut jamais être modifiée par des années de service ultérieures dans la force de réserve, malgré la présomption édictée au paragraphe 41(2) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

[65]      Selon moi, l’interprétation de la Couronne vide de tout sens la mention, au paragraphe 15.17(4) de « l’âge approprié prescrit aux termes du sous-alinéa (1)a) » qui doit renvoyer aux tableaux ajoutés à l’article 15.17. Le paragraphe 15.17(4) prévoit clairement l’inclusion des officiers de la force de réserve dans ces tableaux. C’est ce qu’il faut nécessairement déduire du libellé du paragraphe 15.17(4), inclusion qui est aussi compatible avec la définition du terme « officier » énoncée dans les ORR, qui inclut les officiers de la force régulière et les officiers de la force de réserve.

[66]      L’interprétation prônée par la Couronne produit aussi un résultat insolite dans le cas d’une personne qui se trouve dans la situation de l’appelant, parce que sa pension ne peut jamais atteindre plus de 70 p. 100 de la pension qui correspondrait à ses 25 années et 308 jours de service ouvrant droit à pension (qui correspondent approximativement aux années de service ouvrant droit à pension qu’il aurait accumulées s’il s’était retiré à l’âge de 47 ans de la force régulière).

[67]      À l’audition, on a laissé entendre que le résultat de l’interprétation prônée par la Couronne n’est pas injuste envers l’appelant parce que sa pension a augmenté pour passer de 8 696,28 $ à 22 160,12 $ et qu’il se trouve en meilleure position que s’il n’avait pas choisi de payer les contributions additionnelles. Sans offenser ceux qui partagent cet avis, je dois dire que je ne puis y souscrire.

[68]      En 1981, l’appelant a pris sa retraite anticipée d’environ six ans de la force régulière, mais il a ensuite accompli approximativement six années de service ouvrant droit à pension dans la force de réserve. Il a versé au compte de pension de retraite, relativement à son service en qualité d’officier de la force de réserve, des contributions dont le taux correspondait au taux fixé par la loi pour six années de service ouvrant droit à pension. Ces contributions n’ont pas été réduites de 30 p. 100.

[69]      J’estime injuste que ses six années de service ouvrant droit à pension et ses contributions postérieures à 1981, accumulées à 100 p. 100 du taux légal, doivent entraîner une pension qui ne peut jamais dépasser 70 p. 100 de la pension qu’il aurait reçue s’il avait servi dans la force régulière pendant six années additionnelles.

[70]      Pour contester l’interprétation proposée par la Couronne, l’appelant soutient que c’est l’article 15.17 des ORR qui fixe l’âge de la retraite obligatoire pour les officiers de la force régulière et pour les officiers de la réserve. Selon moi, cette interprétation est plus compatible avec le texte et l’objet apparent de l’article 15.17 que l’interprétation prônée par la Couronne et, il faut selon moi la privilégier pour cette raison.

[71]      À ce que je comprends du paragraphe 15.17(4) des ORR, il prévoit un choix entre deux méthodes pour déterminer l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve. La première s’appuie sur les tableaux ajoutés à l’article 15.17. La deuxième s’appuie sur l’âge de la retraite obligatoire prescrit par le chef d’état-major exerçant le pouvoir que lui confère le paragraphe 15.17(4).

[72]      Selon l’une ou l’autre méthode, le fondement légal de la fixation de l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve est le paragraphe 15.17(4) des ORR, qui constitue un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. Pour ce motif, je conclus que l’âge de la retraite obligatoire d’un officier de la force de réserve est fixé « conformément aux règlements pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale».

[73]      Par conséquent, un officier de la force de réserve qui, par application du paragraphe 41(2), est réputé s’être enrôlé à nouveau dans la force régulière, peut de ce fait se voir attribuer un nouvel « âge de la retraite » pour l’application de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes. Je conclus donc que le service de l’appelant en qualité d’officier de la force de réserve a créé un « âge de retraite applicable à son grade » le 17 janvier 1996 différent de son « âge de retraite applicable à son grade » le 17 novembre 1981.

[74]      Il est bien établi que l’article 6 de l’annexe E de l’OAFC 49-10 aurait obligé l’appelant à se retirer de la force de réserve le 20 août 1996, au moment de son 55e anniversaire, s’il n’avait pas déjà été libéré le 17 janvier 1996. Comme, le 17 janvier 1996, l’appelant allait atteindre l’âge de sa retraite obligatoire, soit 55 ans, dans moins d’un an, sa pension n’aurait pas dû être réduite par application du sous-alinéa 19(1)c)(i) ni du sous-alinéa 19(1)d)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

[75]      Selon cette interprétation de l’article 15.17 des ORR, il n’est pas pertinent que l’article 6 de l’annexe E de l’OAFC 49-10 ne soit pas en soi un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale. L’article 18 de la Loi sur la défense nationale prévoit :

18. (1) Le gouverneur en conseil peut élever au poste de chef d’état-major de la défense un officier dont il fixe le grade. Sous l’autorité du ministre et sous réserve des règlements, cet officier assure la direction et la gestion des Forces canadiennes.

(2) Sauf ordre contraire du gouverneur en conseil, tous les ordres et directives adressés aux Forces canadiennes pour donner effet aux décisions et instructions du gouvernement fédéral ou du ministre émanent, directement ou indirectement, du chef d’état-major de la défense.

[76]      Le paragraphe 18(1) donne au chef d’état-major le pouvoir général de diriger et gérer les Forces canadiennes et le paragraphe 18(2) précise la manière dont le chef d’était-major doit donner effet aux décisions et instructions du gouvernement fédéral ou du ministre. Le chef d’état-major a exercé le pouvoir que lui confère le paragraphe 15.17(4) des ORR de fixer l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve en promulguant une ordonnance dans l’OAFC, c’est-à-dire en recourant à la méthode appropriée pour l’exercice de ce pouvoir (article 1.23 des ORR). Cependant, la façon dont le chef d’état-major a exercé son pouvoir ne change rien au fait que c’est dans un règlement pris sous le régime de la Loi sur la défense nationale qu’il tire le pouvoir de fixer l’âge de la retraite obligatoire des officiers de la force de réserve.

[77]      Je constate que le paragraphe 15.17(4) mentionne qu’un officier de la force de réserve est « libéré » et non qu’il se « retire». Selon moi, le choix de ce terme est sans conséquence. L’article 1.02 des ORR définit le terme « libération » dans les termes suivants :

1.02 […]

« libération » Le fait de mettre fin au service d’un officier ou militaire du rang, de quelque manière que ce soit.

Le mot « retraite » n’est pas défini dans les ORR, mais il ressort clairement du contexte que le mot « libéré » figurant dans l’article 15.17(4) s’entend de la fin du service à la suite de la retraite. Le libellé de l’article 6 de l’annexe E de l’OAFC 49-10, qui mentionne expressément la « retraite », me conforte dans cette opinion.

[78]      Cette interprétation ne porte le flanc à aucune des critiques applicables à celle prônée par la Couronne et elle est compatible avec le texte législatif. Elle mène à un résultat raisonnable et juste en ce qui concerne l’appelant. Le juge Sexton la rejette néanmoins en s’appuyant sur la prétention de la Couronne qu’elle est contraire à l’objet du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, qui consiste à dissuader les retraites anticipées de la force régulière et qu’elle peut mener à des résultats insolites.

[79]      Il me semble que l’objet du paragraphe 42(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, qui consiste à donner l’occasion d’accumuler des années additionnelles de service ouvrant droit à pension après la retraite de la force régulière devrait avoir droit au même respect que le sous-alinéa 19(1)c)(i). Je suis d’avis que l’interprétation proposée par l’appelant établit un équilibre raisonnable entre les deux objectifs de ces dispositions, ce qui n’est pas le cas de l’interprétation prônée par la Couronne.

[80]      La Couronne a cité deux exemples hypothétiques de résultats insolites qui pourraient résulter de l’interprétation de l’appelant. Ces exemples sont bien décrits dans les motifs du juge Sexton et je ne les répeterai pas. Le dossier ne dévoile aucune preuve établissant que ces situations hypothétiques sont survenues, mais je suis disposée à tenir pour acquis qu’elle peuvent être survenues ou survenir un jour.

[81]      En supposant que ces résultats soient insolites, ils peuvent être corrigés de deux façons. L’une consiste à adopter l’interprétation du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes prônée par la Couronne en ne tenant pas compte du résultat injuste qui en découlerait pour l’appelant et les autres personnes se trouvant dans la même situation. L’autre consiste à trouver une solution aux deux situations hypothétiques par l’exercice des pouvoirs substantiels conférés au chef d’état-major et aux autres décideurs des Forces canadiennes.

[82]      Ainsi, il n’est pas obligatoire d’accepter dans la force de réserve à temps plein une personne qui s’est retirée de la force régulière et qui désire se joindre à la force de réserve moins de deux ans avant d’atteindre l’âge de la retraite obligatoire de 55 ans après une période de 13 ans au cours de laquelle elle n’a pas servi dans l’armée. Elle peut aussi être acceptée pour servir à temps plein pour une période inférieure à un an, de façon que le paragraphe 41(2) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes ne trouve jamais application.

[83]      Quant à la personne qui a servi dans la force régulière jusqu’à l’âge de la retraite obligatoire et qui désire ensuite servir dans la réserve, mais risque d’être injustement pénalisée si elle prend une retraite anticipée de la force de réserve, je ne vois aucune raison, sur le plan des principes, pour que le chef d’état-major ne modifie tout simplement pas l’OAFC afin de s’assurer que l’âge de la retraite obligatoire d’une telle personne corresponde à la date à laquelle elle est effectivement libérée de la force de réserve ou à la date où elle atteint l’âge de 55 ans, selon celle de ces dates qui survient la première.

[84]      Pour les motifs exposés, je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens, d’annuler la décision du juge des requêtes et de déclarer que l’appelant a droit à une pension non réduite par application du sous-alinéa 19(1)c)(i) ou du sous-alinéa 19(1)d)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes.

[85]      Compte tenu des conclusions que j’ai tirées sur l’interprétation juste du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la question de la préclusion soulevée par l’appelant. Je dirai toutefois que je suis d’accord avec le juge Sexton pour dire que la Couronne ne peut être empêchée par le principe de la préclusion d’appliquer l’interprétation juste d’un texte législatif.



[1] (1998), 155 F.T.R. 201 (C.F. 1re inst.).

[2] L.R.C. (1985), ch. C-17.

[3] Voir, par ex., R. Sullivan, «   Statutory Interpretation in the Supreme Court of Canada » (1998-99), 30 Ottawa L. Rev. 175; et Geof R. Hall, «   Statutory Interpretation in the Supreme Court of Canada : The Triumph of a Common Law Methodology » (1998), 21 Advocates’ Q. 38. Ces deux auteurs rejettent de façon persuasive les méthodes limitées ou les formules toutes faites pour l’interprétation des lois. Ils favorisent plutôt tous deux une méthode pragmatique et contextuelle qui reflète celle adoptée par les tribunaux qui ont énoncé les règles de la common law. Voir aussi W. N. Eskridge et P. P. Frickey, «   Statutory Interpretation as Practical Reasoning » (1990), 42 Stan. L. Rev. 321, article qui a influencé le raisonnement de Sullivan et de Hall.

[4] [1998] 1 R.C.S. 27, aux par. 21 à 23.

[5] Merck & Co. c. Nu-Pharm Inc. (2000), 5 C.P.R. (4th) 138 (C.A.F.), aux par. 36 et 37.

[6] R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd. (Toronto : Butterworths, 1994), à la p. 131.

[7] C’est l’art. 1.23 des ORR qui confère au CEMD le pouvoir de prendre des ordonnances comme les OAFC.

[8] [1992] 2 C.F. 621 (C.A.).

[9] Ibid., à la page 625.

[10] [1986] 3 C.F. 70 (C.A.); conf. par [1989] 1 R.C.S. 141.

[11] S.C. 1980-81-82-83, ch. 89.

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