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IMM-1750-12

2013 CF 258

Gautam Chandidas, Rekha Chandidas, Karan Chandidas, Kunal Chandidas, Rhea Chandidas (demandeurs)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Kane—Toronto, 2 octobre 2012; Ottawa, 8 mars 2013.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Motifs d’ordre humanitaire — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a conclu que les demandeurs n’avaient pas invoqué des raisons d’ordre humanitaire (CH) suffisantes en vertu de l’art. 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour justifier une dispense de l’obligation de demander la résidence permanente de l’extérieur du Canada — Une fatwa a été prononcée contre le demandeur principal, un citoyen de l’Inde, pour avoir fermé son usine à la suite d’une grève d’employés musulmans — L’agent a mené une analyse de l’intérêt supérieur de la fille du demandeur qui souffre de leucémie — L’agent a qualifié de discutables et hypothétiques certains motifs invoqués par l’oncologue — L’agent a conclu, entre autres, qu’il y avait peu d’éléments de preuve pour démontrer que les soins que la fille recevrait en Inde seraient inférieurs à ceux qu’elle pourrait recevoir au Canada — L’agent n’était pas convaincu que le retour en Inde lui causerait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives — Il s’agissait de savoir si l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent était raisonnable — L’agent n’a pas procédé à une analyse appropriée en omettant de tenir compte des obstacles au traitement en Inde — La démarche en trois étapes de la décision Williams c. Canada (Citoyenneté et Immigration) est applicable en l’espèce — L’agent n’a pas tenu compte des répercussions concrètes d’une décision négative en réponse à la demande CH, c’est-à-dire, tenter de recevoir un traitement de suivi en Inde — L’agent aurait dû préciser en quoi consistait l’intérêt supérieur de la fille et examiner la mesure dans laquelle la nécessité de suivi et de rétablissement complet serait compromise par un retour en Inde, et il aurait dû tenir compte de ce facteur dans son examen général de la demande CH — L’agent ne s’est pas demandé si la maladie et le traitement de la fille avaient joué un rôle dans l’établissement des demandeurs au Canada et il n’a pas motivé sa conclusion suivant laquelle le degré d’établissement de la famille n’était pas plus élevé que celui auquel on se serait attendu — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a conclu que les demandeurs n’avaient pas invoqué des raisons d’ordre humanitaire (CH) suffisantes en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour justifier une dispense de l’obligation de demander la résidence permanente de l’extérieur du Canada.

Le demandeur principal, un citoyen de l’Inde, était propriétaire d’une fabrique de vêtements à New Delhi et employait de nombreux musulmans. Il a refusé d’accéder à la demande des employés qui exigeaient du temps libre pour faire leurs prières quotidiennes. À la suite d’une grève, il a fermé sa fabrique. En représailles, il a été enlevé et menacé et une fatwa a été prononcée par une mosquée locale, demandant qu’il soit tué. Les demandeurs ont fui au Canada et ont demandé l’asile. Cette demande a été rejetée. Les demandeurs ont présenté par la suite une demande de résidence permanente depuis le Canada en invoquant des raisons d’ordre humanitaire. L’agent a procédé à l’analyse de l’intérêt supérieur de la fille du demandeur, qui était traitée pour une leucémie récurrente à Toronto, et il a conclu qu’il serait dans l’intérêt supérieur de la fille que celle-ci demeure avec sa famille. L’agent a accepté le diagnostic posé par l’oncologue traitant, soit que la survie des malades et l’issue des traitements contre le cancer étaient bien meilleures dans les pays développés, mais a estimé que certaines de ses conclusions étaient « discutables et hypothétiques », notamment celles relatives aux résultats des traitements contre le cancer, à la logistique du transfert des données entre le Canada et l’Inde, ainsi qu’au stress psychologique et à la souffrance émotionnelle que la fille aurait à subir si elle devait retourner en Inde. L’agent a conclu, entre autres, que le demandeur avait soumis peu d’éléments de preuve pour démontrer que les soins que sa fille recevrait en Inde pour traiter sa leucémie seraient inférieurs à ceux qu’elle pourrait recevoir au Canada. L’agent a reconnu que les demandeurs s’étaient bien intégrés dans la collectivité et que leur retour en Inde leur causerait certaines difficultés, mais il n’était pas convaincu, après avoir tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, que les difficultés en question seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives.

Il s’agissait de savoir principalement si les conclusions tirées par l’agent au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant étaient raisonnables.

Jugement : la demande doit être accueillie.

L’agent n’a pas procédé à une analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’agent a mal compris ou a ignoré les éléments de preuve qui insistaient sur la nécessité pour la fille de poursuivre son traitement de suivi à Toronto et qui expliquaient que les possibilités de traitement étaient très limitées en Inde. L’agent n’a pas tenu compte des obstacles au traitement des enfants atteints du cancer en Inde. La démarche en trois étapes pour guider les décideurs chargés d’analyser l’intérêt supérieur de l’enfant proposée dans la décision Williams c. Canada (Citoyenneté et Immigration) était applicable dans la présente cause. L’agent n’a pas appliqué les principes dégagés dans la jurisprudence; il n’a pas identifié et défini l’intérêt supérieur de la fille et il ne s’est pas montré réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. L’agent n’a pas précisé en quoi consistait l’intérêt supérieur de la fille, se contentant de déclarer ce qui est évident, c’est-à-dire qu’elle devrait demeurer avec ses parents. Le point de départ de l’analyse de l’intérêt supérieur de la fille consisterait plutôt à se demander en quoi consisterait la meilleure façon d’assurer son traitement de suivi et son rétablissement. L’agent aurait dû tenir compte des répercussions concrètes d’une décision négative en réponse à la demande CH, lesquelles, dans le cas qui nous intéresse, se matérialiseraient par un retour en Inde pour tenter de recevoir un traitement de suivi dans un hôpital inconnu, avec des médecins inconnus et de se tailler une place parmi une foule d’autres patients ayant eux aussi besoin de soins avec un nombre de médecins et de spécialistes peu nombreux. Conformément au cadre d’analyse proposée dans le jugement Williams, l’agent aurait d’abord dû préciser en quoi consistait l’intérêt supérieur de la fille, pour ensuite examiner la mesure dans laquelle la nécessité de son suivi et de son rétablissement complet serait compromise par son retour en Inde. Enfin, l’agent aurait dû tenir compte de ce facteur dans son examen général de la demande CH. L’agent n’a pas tenu compte du fait que les demandeurs s’étaient intégrés avec succès dans leur collectivité, dans leur milieu scolaire et dans leur milieu de travail au cours de la période pendant laquelle leur fille était traitée pour sa leucémie. L’agent ne s’est pas demandé si, dans ces conditions, le degré d’établissement des membres de la famille était plus élevé que ce à quoi on pouvait s’attendre et que le fait d’exiger que les demandeurs sollicitent un visa de résidence permanente depuis l’étranger leur imposerait des difficultés supérieures à celles inhérentes à l’obligation de devoir quitter le Canada. L’agent ne s’est pas non plus demandé si la maladie et le traitement de la fille avaient joué un rôle dans l’établissement de la famille au Canada, et il n’a pas motivé suffisamment sa conclusion suivant laquelle le degré d’établissement de la famille n’était pas plus élevé que celui auquel on se serait attendu.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 25(1), 38, 72.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555; Kolosovs c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 165; Williams c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166; Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565.

décisions examinées :

Mihura Torres c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 818; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

décisions citées :

Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 257; Terigho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 835; Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202; Correia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 782; Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409; Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1292; Webb c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1060; Tindale c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 236; Doumbouya c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1186; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 11.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a conclu que les demandeurs n’avaient pas invoqué des raisons d’ordre humanitaire suffisantes en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour justifier une dispense de l’obligation de demander la résidence permanente de l’extérieur du Canada. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Jeremiah Eastman pour les demandeurs.

Kevin Doyle pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Eastman Law Office, Toronto, pour les demandeurs.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1]        La juge Kane : La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision en date du 12 janvier 2012 par laquelle un agent principal d’immigration (l’agent) a conclu que les demandeurs n’avaient pas invoqué des raisons d’ordre humanitaire suffisantes en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi pour justifier une dispense de l’obligation de demander la résidence permanente de l’extérieur du Canada.

Contexte

[2]        La famille Chandidas cherche à demeurer au Canada où elle vit depuis 2007. Bien que la présente demande de contrôle judiciaire se rapporte à la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, d’autres instances en immigration ont été introduites et il est donc utile de retracer l’histoire des Chandidas depuis leur arrivée au Canada.

[3]        Gautam Chandidas, le demandeur principal [ou le demandeur], est un citoyen indien qui est arrivé au Canada muni d’un visa de visiteur en août 2007. Sa femme, ses deux fils et sa fille sont pour leur part arrivés au Canada en novembre 2007.

[4]        Les demandeurs ont demandé l’asile en mai 2008 en se fondant sur la crainte de persécution qu’éprouvait le demandeur principal en raison de ce qu’il avait vécu en Inde. M. Chandidas, un hindou, était propriétaire d’une fabrique de vêtements à New Delhi et employait de nombreux musulmans. Les employés musulmans exigeaient du temps libre pour faire leurs prières quotidiennes, demande à laquelle M. Chandidas n’a pas accédé en raison des exigences de la production. À la suite d’une grève, il a fermé sa fabrique. En représailles, il a été enlevé à deux reprises et menacé. Une fatwa a été prononcée par une mosquée locale, demandant qu’il soit tué. M. Chandidas s’est enfui et affirme que sa famille et lui ne peuvent retourner en Inde.

[5]        La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile du demandeur, estimant que ses affirmations n’étaient pas crédibles, qu’une fatwa n’avait pas été prononcée et que les demandeurs n’avaient pas de crainte subjective d’être persécutés. L’autorisation d’introduire une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable a été refusée le 8 septembre 2011.

[6]        En novembre 2011, le demandeur a sollicité un examen des risques avant renvoi (ERAR), en réitérant les risques allégués dans la demande d’asile. Le demandeur soutenait que sa famille et lui n’avaient pas de possibilité de refuge intérieur en Inde en raison la santé de sa fille Rhea, qui était atteinte d’une leucémie lymphoblastique aiguë, étant donné que le seul centre de traitement possible se trouvait à Mumbai, ville où le demandeur pourrait être retrouvé par des musulmans voulant mettre la fatwa à exécution.

[7]        Le 12 janvier 2012, l’agent chargé de l’ERAR a rejeté la demande. L’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision relative à l’ERAR a été accordée et la demande a été instruite le 2 octobre 2012 en même temps que la présente demande. Des motifs de jugement distincts ont été rendus et répertoriés sous la référence Chandidas c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 257.

[8]        En juillet 2010, avant la demande d’ERAR, les demandeurs avaient présenté une demande de résidence permanente depuis le Canada en invoquant des raisons d’ordre humanitaire. Ils demandaient à être dispensés de la formalité habituelle les obligeant à présenter leur demande de résidence permanente depuis l’étranger. Leur demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire (demande CH) reposait sur l’intérêt supérieur de leur enfant et sur leur établissement au Canada. Les demandeurs signalaient également leur crainte d’être persécutés en Inde. Leur demande CH a été refusée par le même agent qui avait refusé la demande d’ERAR, et ce, le même jour, soit le 12 janvier 2012.

[9]        Le 13 mars 2012, la Cour a accueilli la requête en sursis du renvoi des demandeurs du Canada.

Décision contrôlée

[10]      Dans la décision négative qui a été rendue relativement à la demande CH qui est en cause dans la présente affaire, l’agent résume les demandes d’asile antérieures des demandeurs ainsi que la demande d’ERAR en plus de signaler la demande d’ERAR en cours. L’agent examine et mentionne la preuve présentée par les demandeurs au sujet de leur degré d’établissement et de l’intérêt supérieur de l’enfant et tire certaines conclusions préliminaires. L’agent revient ensuite sur ces questions pour ensuite rejeter en bloc la demande CH.

[11]      L’agent a reconnu que les demandeurs avaient réussi à s’établir au Canada depuis leur arrivée, quatre ans plus tôt, sur le plan du travail, des études et de la participation à la vie de la collectivité. M. Chandidas a réussi dans le domaine de la vente immobilière et a lancé sa propre société de gestion. Son fils aîné fréquente l’université et son fils plus jeune termine ses études secondaires. Mme Chandidas a poursuivi ses études, a étudié le français et a exercé un emploi, mais elle s’est plus récemment consacrée aux soins de leur fille cadette, Rhea, qui est traitée pour une leucémie lymphoblastique aiguë (LLA). L’agent a souligné que l’on pouvait s’attendre à ce type d’intégration après quatre ans passés au Canada.

[12]      L’agent a également relevé que les demandeurs avaient de la famille tant en Inde qu’au Canada et que leur retour en Inde favoriserait la réunification de la famille.

[13]      En ce qui concerne l’intérêt supérieur de l’enfant, Rhea, qui était âgée de huit ans au moment de la décision et qui était traitée pour une LLA récurrente à l’Hospital for Sick Children (SickKids) de Toronto depuis août 2009 (après avoir été diagnostiquée à l’âge de deux ans et demi en Inde), l’agent a conclu qu’il serait dans l’intérêt supérieur de Rhea que celle‑ci demeure avec sa famille.

[14]      L’agent a accepté l’argument des demandeurs suivant lequel Rhea ne pourrait obtenir des soins d’une qualité équivalente en Inde, que le traitement qu’elle recevait à l’Hospital for Sick Children était le meilleur et qu’elle ne pourrait recevoir des soins d’aussi bonne qualité en Inde, où son retour serait susceptible d’entraîner son décès prématuré.

[15]      L’agent a toutefois pris acte du rapport de l’India Pediatric Oncology Initiative Meeting qui était confirmé par la Jiv Daya Foundation et a constaté que ce rapport [traduction] « n’a rien d’une dénonciation cinglante du système médical indien en ce qui concerne l’oncologie pédiatrique ».

[16]      L’agent a également mentionné la lettre du 9 février 2010 de l’oncologiste qui soignait Rhea, le Dr Truong, qui était d’avis que Rhea devait continuer à se faire traiter à l’Hospital for Sick Children et qui signalait notamment qu’il était bien connu que la survie des malades et l’issue des traitements contre le cancer étaient bien meilleures dans les pays développés comme le Canada. L’agent a accepté le diagnostic posé par le Dr Truong, mais a estimé que certaines de ses conclusions étaient [traduction] « discutables et hypothétiques » notamment celles relatives aux résultats des traitements contre le cancer, à la logistique du transfert des données entre le Canada et l’Inde, ainsi qu’au stress psychologique et à la souffrance émotionnelle que Rhea aurait à subir si elle devait retourner en Inde. L’agent a remis en question les compétences du Dr Truong pour procéder à une analyse clinique psychologique de Rhea et a fait observer que le Dr Truong avait peut‑être évalué la situation de Rhea en fonction de sa propre expérience [traduction] « mais qu’il ne s’ensuit pas pour autant que la fille du demandeur vit présentement une période de bouleversement émotif ».

[17]      L’agent a conclu que le demandeur avait [traduction] « soumis peu d’éléments de preuve pour démontrer que les soins que sa fille recevrait en Inde pour traiter sa leucémie lymphoblastique aiguë seraient de loin inférieurs à ceux qu’elle pourrait recevoir au Canada » au point de mettre en danger la vie de Rhea.

[18]      L’agent avait d’abord déclaré que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment de renseignements au sujet de l’état de santé actuel de Rhea dans les observations qu’il avait soumises. L’agent a par la suite précisé que les renseignements en question avaient été fournis par l’Hospital for Sick Children (le Dr Naqvi et Mme Wendy Shama (travailleuse sociale)) et qu’ils lui avaient été remis par les avocats des demandeurs, le 10 janvier 2012, l’avant‑veille de sa décision. L’agent a fait observer que la lettre indiquait que Rhea avait terminé sa chimiothérapie active en décembre 2011 (le mois précédent) et qu’elle continuait à se présenter à l’hôpital pour son suivi médical, et que la lettre précisait également que, comme Rhea avait eu une rechute de leucémie, elle était exposée à des risques plus élevés et nécessitait un suivi régulier et actif à la clinique.

[19]      L’agent a ensuite conclu que Rhea pouvait également se faire soigner en Inde, comme en témoignait le fait qu’elle s’était déjà fait soigner avec succès en Inde.

[20]      En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, l’agent s’en est tenu au cas de Rhea, étant donné que les deux fils étaient âgés de plus de 18 ans. Comme nous l’avons déjà signalé, l’agent a conclu que l’intérêt supérieur de Rhea était qu’elle demeure avec ses parents. L’agent a également conclu que le demandeur ne l’avait pas convaincu que l’intérêt supérieur de Rhea était qu’elle demeure au Canada. Pour arriver à cette conclusion, l’agent s’est fondé sur le fait qu’il ne disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que Rhea ne serait pas en mesure d’obtenir des soins adéquats et d’avoir accès à un traitement pour sa LLA en Inde; l’agent disposait de peu d’éléments de preuve démontrant que les soins médicaux en Inde étaient à ce point inférieurs pour que Rhea y soit en danger et, comme Rhea avait déjà été soignée en Inde, elle pouvait y être soignée de nouveau.

[21]      L’agent a reconnu que la famille Chandidas se trouvait au Canada depuis quatre ans, qu’elle s’était bien intégrée dans la collectivité et s’en tirait bien financièrement, et que son retour en Inde lui causerait certaines difficultés. Malgré tout, l’agent n’était pas convaincu, après avoir tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants du demandeur, que les difficultés en question seraient inhabituelles et injustifiées ou excessives. Les circonstances n’étaient pas suffisamment impérieuses pour justifier d’accorder une dispense en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi.

Dispositions législatives applicables

[22]      Le paragraphe 25(1) de la Loi dispose :

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

Séjour pour motifs d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Questions en litige

[23]      Le demandeur invoque quatre moyens à l’appui de la demande de contrôle judiciaire. Il affirme en premier lieu que l’agent a violé les principes d’équité procédurale en rendant sa décision avant de recevoir l’évaluation de Rhea du médecin désigné alors que ce rapport avait été demandé par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration; il soutient que l’agent a violé les principes d’équité procédurale en ne donnant pas aux demandeurs la possibilité de réfuter les conclusions de l’agent sur l’évaluation du Dr Truong au sujet de l’état psychologique de Rhea et du taux de survie des personnes atteintes de cancer au Canada et ailleurs; il affirme que les conclusions tirées par l’agent au sujet de l’intérêt supérieur de l’enfant n’étaient pas raisonnables et, enfin, il soutient que la conclusion de l’agent suivant laquelle le degré d’établissement des demandeurs n’était pas suffisant pour conclure à l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives était déraisonnable.

Norme de contrôle

[24]      Bien qu’aucune des parties n’ait formulé d’observation sur la norme de contrôle applicable, il n’y a pas de débat à ce sujet. La Cour suprême du Canada a jugé qu’il n’y a que deux normes de contrôle : la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), au paragraphe 34. L’équité procédurale est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte. Les conclusions factuelles et les questions mixtes de fait et de droit sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable.

[25]      Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à laquelle la norme de la raisonnabilité s’applique, la juridiction de révision ne peut substituer la solution qu’elle aurait proposée à celle qui a été retenue, mais que son rôle consiste plutôt à déterminer si la solution qui a été retenue fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, « si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (Khosa), au paragraphe 59).

[26]      La norme de contrôle judiciaire qui s’applique dans le cas des décisions rendues en vertu de l’article 25 est celle de la décision raisonnable (Terigho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 835, au paragraphe 6).

Équité procédurale

L’examen médical réglementaire

[27]      Le demandeur affirme que l’agent a rendu sa décision sans tenir compte de l’ensemble de la preuve médicale qui existait. La décision a été rendue le 12 janvier 2012 sans que l’agent ait en main les résultats de l’examen médical réglementaire de Rhea, qui avait été expressément demandé le 11 décembre 2011 par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Cette évaluation a été effectuée et a été soumise à CIC le 13 janvier 2012. Le demandeur affirme qu’il s’agissait de renseignements qui étaient pertinents pour la demande CH et dont l’agent aurait dû tenir compte.

[28]      Le défendeur affirme que l’agent disposait de renseignements à jour au sujet de l’état de santé de Rhea en janvier 2012, en l’occurrence la lettre de l’Hospital for SickKids que l’avocat des demandeurs avait produite.

[29]      Le défendeur signale également que la demande d’examen médical par un médecin désigné ne visait pas la demande CH. Elle est exigée, aux termes de l’article 38 de la Loi, pour déterminer si des candidats à l’immigration sont interdits de territoire pour motifs sanitaires. Les résultats de l’examen médical réglementaire n’étaient toujours pas connus au moment de la décision, mais si l’examen s’était soldé par une interdiction de territoire pour motifs sanitaires, les demandeurs auraient eu la possibilité de répondre.

[30]      Le défendeur affirme également que l’agent n’a pas fondé son rejet de la demande CH sur un constat d’interdiction de territoire pour motifs sanitaires, mais sur sa conclusion que les demandeurs ne seraient pas confrontés à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient retourner en Inde. L’examen d’une demande CH ne se fait qu’en fonction de la preuve présentée par les demandeurs en vue de démontrer les difficultés auxquelles ils seraient confrontés et en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le défendeur affirme qu’à la lumière de ces facteurs, aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis en l’espèce.

[31]      À titre subsidiaire, le défendeur affirme que, si l’omission de tenir compte des résultats de l’examen médical réglementaire équivaut à un manquement à l’équité procédurale, ce manquement ne tire pas à conséquence parce que la décision n’était pas fondée sur une éventuelle interdiction de territoire pour motifs sanitaires. Qui plus est, le défendeur affirme qu’un manquement à l’équité procédurale n’entraîne pas automatiquement l’annulation de la décision et que, lorsque le résultat serait inévitable, une décision ne devrait pas être annulée (Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada‑Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202; Correia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 782; Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409; Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501).

[32]      Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que l’omission de tenir compte des résultats de l’examen médical réglementaire n’a pas entraîné de manquement à l’équité procédurale.

[33]      Il ressort du dossier que deux demandes distinctes portant sur les mêmes renseignements médicaux ont été présentées au sujet de Rhea. Une première demande d’examen médical réglementaire a été envoyée le 13 décembre 2011 par la Direction générale de la santé de CIC. L’agent chargé d’examiner la demande CH a, le 22 décembre 2011, invité les demandeurs à lui soumettre une lettre du médecin et de l’oncologiste qui traitait Rhea pour décrire l’état de santé actuel de Rhea et, le cas échéant, le plan de traitement proposé, et de fournir ces renseignements au plus tard le 11 janvier 2012. Ces dates sont le fruit du hasard. Les demandes ont été présentées par des agents différents à des fins différentes.

[34]      L’examen médical réglementaire a pour objet de vérifier si l’état de santé d’un demandeur fait en sorte qu’il doit être interdit de territoire. Aucun constat de ce genre n’avait été fait au moment de la décision relative à la demande CH et celle‑ci ne reposait pas sur ce fondement.

[35]      L’agent chargé d’examiner la demande CH a reçu du Dr Naqvi les renseignements concernant l’état de santé actuel de Rhea qu’il avait demandés et il en a tenu compte pour se prononcer sur ladite demande. Les demandeurs étaient au courant de ces renseignements étant donné qu’ils les avaient transmis à l’agent.

La lettre du Dr Truong

[36]      Le demandeur affirme que l’agent avait l’obligation de lui faire part de ses réserves au sujet de la lettre de novembre 2011 du Dr Truong. L’agent a qualifié de [traduction] « discutables et hypothétiques » les motifs invoqués par l’oncologue pour justifier son opinion que Rhea devait continuer à être traitée au Canada. Il a souligné que, s’il était [traduction] « bien connu que la survie des malades et l’issue des traitements contre le cancer [sont] bien meilleures dans les pays développés comme le Canada, le demandeur avait présenté peu d’éléments de preuve pour démontrer que c’est le cas en Inde, d’autant plus que les obstacles au traitement qui y existent sont, pour la plupart des patients, attribuables à des facteurs socioéconomiques, suivant les notes de l’India Pediatric Oncology Initiative Meeting soumises par le demandeur ».

[37]      L’agent a également fait remarquer que [traduction] « il y a peu d’éléments tendant à établir que l’oncologue possède les qualités requises pour procéder à une analyse clinique psychologique de la fille du demandeur ».

[38]      Le demandeur se fonde sur le jugement Mihura Torres c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 818, au paragraphe 38, dans lequel le juge Shore fait observer que lorsque l’agent a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité des renseignements, il a l’obligation de donner au demandeur la possibilité de les dissiper.

[39]      Le défendeur affirme que cette obligation n’existe pas dans le cas du présent demandeur, étant donné que les éléments de preuve n’étaient pas des éléments de preuve extrinsèques et qu’ils ne se rapportaient pas à la crédibilité du témoignage du demandeur. L’agent a attribué moins de valeur à l’avis du médecin, et il lui était parfaitement loisible de le faire.

[40]      Je suis d’accord pour dire que l’omission de l’agent de faire part de ses réserves ou de ses conclusions au sujet de la lettre du Dr Truong aux demandeurs ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale. Les demandeurs étaient au courant de l’existence de la lettre et celle‑ci ne constituait donc pas un élément de preuve extrinsèque. L’agent ne semble pas non plus avoir remis en question la crédibilité du Dr Truong. L’agent a plutôt écarté les renseignements sur lesquels le Dr Truong s’était fondé au sujet de la nécessité pour Rhea de continuer à être soignée au Canada plutôt qu’en Inde.

[41]      Nous reviendrons plus loin sur la façon dont l’agent a analysé cet élément de preuve lorsque nous examinerons la raisonnabilité de sa décision.

Analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant

[42]      Le demandeur affirme que l’agent ne s’est pas montré « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant et qu’il n’a pas analysé correctement cet intérêt.

[43]      Le demandeur affirme également que l’agent a commis plusieurs erreurs en évaluant l’intérêt supérieur de Rhea et notamment les erreurs suivantes : il a conclu à tort que Rhea avait bien été soignée en Inde et qu’elle pouvait de nouveau y être soignée; il n’a pas tenu compte des éléments de preuve suivant lesquels une rechute de LLA commandait des soins différents; il ne s’est pas demandé si l’intérêt supérieur de Rhea commandait qu’elle demeure au Canada pour y bénéficier des soins optimaux de l’Hospital for Sick Children, comme le recommandaient les médecins de l’Hospital for Sick Children, ou si elle devait retourner en Inde pour recevoir des soins de moindre qualité; il n’a pas examiné la question des traitements inférieurs et des résultats de traitement inférieurs en Inde, y compris des taux de guérison inférieurs, du nombre moins élevé d’oncologues pédiatriques et du nombre de patients en hausse; il a retenu certains éléments du Jiv Daya Report tout en ignorant d’autres parties qui dépeignaient la situation peu reluisante des patients; il a mal interprété ou mal compris les données et les facteurs qui créaient des obstacles au traitement des enfants victimes de cancer en Inde; il a omis de tenir compte de certaines parties de la lettre du Dr Truong et en a mal interprété d’autres passages et il n’a pas tenu compte du fait que la lettre de janvier 2012 de SickKids recommandait que le traitement de suivi ait lieu à l’Hospital for Sick Children et nulle part ailleurs.

[44]      Le défendeur signale que les décisions relatives aux demandes CH sont hautement discrétionnaires et fort exceptionnelles et qu’elles ne sont pas conçues pour éliminer toutes les difficultés, mais qu’elles visent à éviter les difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

[45]      Le défendeur affirme que l’agent a appliqué le bon critère et qu’il s’est montré « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de Rhea. Les agents chargés d’examiner les demandes CH sont présumés savoir que l’intérêt supérieur de l’enfant favorise en principe l’octroi de la demande. Leur rôle consiste à déterminer le degré de difficulté que le renvoi des parents causerait à l’enfant (Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, [2003] 2 C.F. 555 (Hawthorne), aux paragraphes 5 et 6). En l’espèce, l’agent était conscient de la maladie de Rhea et a conclu qu’il était dans son intérêt qu’elle demeure avec ses parents. Suivant le défendeur, l’agent ne disposait d’aucun élément de preuve lui permettant de penser que la rechute de la leucémie commandait un traitement différent de celui proposé pour le premier diagnostic. L’agent a conclu de façon raisonnable que le traitement initial reçu en Inde avait été une réussite et qu’il pourrait l’être à l’avenir.

[46]      Le défendeur affirme également que l’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve et qu’il a conclu de façon raisonnable qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le fait pour Rhea de ne pas être soignée à l’Hospital for Sick Children de Toronto [traduction] « pourrait entraîner sa mort prématurée » comme le prétendaient les demandeurs.

[47]      Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que l’agent n’a pas procédé à une analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant en conformité avec les indications fournies par notre Cour. L’agent a mal compris ou a ignoré les éléments de preuve qui insistaient sur la nécessité pour Rhea de poursuivre son traitement de suivi à l’Hospital for Sick Children et qui expliquaient que les possibilités de traitement étaient très limitées en Inde. La conclusion de l’agent suivant laquelle il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que Rhea ne serait pas en mesure d’obtenir des soins et un traitement adéquats pour sa LLA en Inde n’était pas raisonnable.

[48]      Les éléments de preuve que l’agent n’a pas examinés ou qu’il a mal compris étaient pertinents et importants pour l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Dr Truong était le médecin et l’oncologue qui traitait Rhea. Il était le spécialiste et c’est lui qui avait un portrait complet de l’état de santé de Rhea et du traitement qu’elle recevait à SickKids. Comme nous l’avons déjà signalé, l’agent a estimé que certaines des conclusions du Dr Truong étaient [traduction]« discutables et hypothétiques », notamment celles relatives aux résultats des traitements contre le cancer, à la logistique du transfert des données entre le Canada et l’Inde, ainsi qu’au stress psychologique et à la souffrance émotionnelle que Rhea aurait à subir si elle devait retourner en Inde.

[49]      Le Dr Truong n’a pas prétendu être un psychologue, mais il était le médecin traitant de Rhea et il connaissait bien cette dernière et savait ce qu’elle avait vécu. C’est à ce titre qu’il a offert son opinion.

[50]      La lettre du Dr Truong indique qu’[traduction]« il est bien connu que la survie des malades et l’issue des traitements contre le cancer sont bien meilleures dans les pays développés comme le Canada où il existe un réseau d’excellents services de soins préhospitaliers (c.‑à‑d., SMU [services médicaux d’urgence], ambulance), de prestations de soins de soutien (antibiotiques et produits sanguins) et d’excellents services pour les malades hospitalisés (imagerie diagnostique et accès à des médicaments essentiels) ».

[51]      Cette déclaration n’est pas fondée sur des hypothèses. L’agent a toutefois conclu que cette lettre ne démontrait pas que le taux de survie était plus élevé au Canada qu’en Inde. L’agent a remis en question cette affirmation parce qu’il se fondait en partie sur le Jiv Daya Report, qu’il a mal interprété en estimant qu’il indiquait que les obstacles au traitement qui existaient en Inde s’expliquaient uniquement ou principalement par des raisons d’ordre socio‑économique.

[52]      Le Dr Truong explique également ce qui suit :

[traduction] Le traitement d’une leucémie récurrente est très dur physiquement et psychologiquement pour un jeune enfant. La chimiothérapie est beaucoup plus intensive et exige de nombreuses visites cliniques et de longues périodes d’hospitalisation. Le régime est tellement intense qu’il arrive que des enfants meurent en cours de thérapie. Il y a eu quelques moments au cours du traitement de Rhea où sa vie a été en danger et où elle a dû être admise à l’unité des soins intensifs. Les soins rapides et de haute qualité qui ont pu lui être offerts ici lui ont permis de récupérer de ces moments sans aucune complication.

Le traitement efficace des enfants atteints d’un cancer exige des soins médicaux de haute qualité, l’accès à des spécialistes en oncologie et dans d’autres spécialités médicales et une équipe pluridisciplinaire comprenant des infirmières, des pharmaciens, des diététiciens et des travailleurs sociaux, pour n’en nommer que quelques‑uns. Il nécessite l’accès à des services d’imagerie diagnostique comme l’imagerie par tomodensitométrie ou par résonance magnétique et un accès à des médicaments essentiels de la chimiothérapie, comme ceux que reçoit actuellement Rhea. [Souligné dans l’original.]

[53]      La lettre démontre à l’évidence que le traitement des rechutes de LLA est plus intensif, plus risqué et plus difficile pour le patient. Il démontre également que Rhea pourrait continuer à recevoir des soins optimums à SickKids. Bien que l’agent ait reconnu que Rhea a eu une rechute de LLA, il n’a pas tenu compte des répercussions de cette rechute sur le traitement — ou sur tout traitement à venir — ou d’une éventuelle rechute sur son traitement.

[54]      Le Jiv Daya Report comprenait un résumé de l’India Pediatric Oncology Initiative Meeting, qui avait rassemblé des médecins des États‑Unis et de l’Inde pour cerner les problèmes et formuler des recommandations. L’agent a conclu que le rapport [traduction] « n’avait rien d’une dénonciation cinglante du système médical indien en ce qui concerne l’oncologie pédiatrique ». Cinglant ou non, le rapport comprenait des renseignements qui évoquaient les obstacles au traitement des enfants atteints du cancer en Inde dont l’agent n’a pas tenu compte.

[55]      Le rapport indiquait que le taux général de guérison en Inde variait entre 10 et 25 p. 100 contre 70 p. 100 aux États‑Unis. Le rapport indiquait également qu’il y avait plus de 40 000 nouveaux cas d’enfants cancéreux chaque année en Inde et que, pour 70 p. 100 d’entre eux, la maladie était déjà très avancée au moment du diagnostic. Il n’y a que 55 oncologues pédiatriques en exercice en Inde.

[56]      L’agent a conclu que le rapport indiquait que les obstacles au traitement qui existaient en Inde étaient attribuables à des facteurs socio‑économiques. Le rapport ne se limite pas à ce seul obstacle. Il signale plusieurs domaines qui pourraient être améliorés, en faisant observer par exemple que certains patients ont besoin d’aide financière pour se faire soigner ou pour se rendre aux lieux de traitement et que le financement d’une fondation pourrait être utilisé à cette fin. Le rapport précise que [traduction] « les délégués ont discuté des obstacles qui empêchent actuellement d’atteindre des résultats optimaux, c’est‑à‑dire, le manque d’infrastructures, la pénurie de personnel, le manque de formation, les contraintes économiques et d’autres difficultés reliées à la prestation des soins. Le problème récurrent est l’arrivée constante de patients, un nombre de lits insuffisants pour les accueillir et un personnel insuffisant pour les traiter » (non souligné dans l’original).

[57]      La lettre de janvier 2012 du Dr Naqvi et de la travailleuse sociale Wendy Shama, écrite en réponse à la demande présentée par l’agent en vue d’obtenir un rapport sur l’état de santé actuel de Rhea signale ce qui suit :

[traduction] Étant donné qu’elle a déjà eu une rechute de leucémie, elle est exposée à un risque plus élevé de nouvelle rechute et elle nécessitera un suivi régulier et actif de notre clinique. N’hésitez pas à communiquer avec nous pour tout complément d’information […]

[58]      L’agent a pris acte de cette lettre, mais a maintenu que Rhea pouvait continuer à être soignée en Inde. La lettre indique clairement que Rhea est exposée à un risque plus élevé et qu’elle nécessite un suivi actif à [traduction] « notre clinique », c’est‑à‑dire à SickKids où elle était traitée depuis quatre ans.

[59]      La conclusion de l’agent suivant laquelle Rhea pourrait bénéficier de soins adéquats en Inde n’était pas appuyée par les éléments de preuve dont l’agent disposait.

[60]      Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a énoncé les principes fondamentaux en ce qui concerne l’obligation de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’on rend une décision en réponse à une demande CH. Dans un passage bien connu, la Cour suprême écrit ce qui suit, au paragraphe 75 :

[P]our que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.

[61]      Dans le jugement Kolosovs c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 165 (Kolosovs), la Cour a formulé quelques commentaires au sujet du fait que l’agent doit se montrer réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de l’enfant, en faisant observer que ce n’est qu’après que le décideur (en l’occurrence l’agent des visas) s’est fait une bonne idée des conséquences concrètes d’une décision défavorable en matière de raisons d’ordre humanitaire sur l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il pourra faire une analyse sensible de cet intérêt.

[62]      Dans l’arrêt Hawthorne, précité, au paragraphe 32, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’il ne suffit pas de déclarer que l’intérêt supérieur de l’enfant a été pris en compte :

[U]ne agente ne peut démontrer qu’elle a été « récepti[ve], attenti[ve] et sensible » à l’intérêt supérieur d’un enfant touché par la simple mention dans ses motifs qu’elle a pris en compte l’intérêt de l’enfant d’un demandeur CH (Legault, paragraphe 12). L’intérêt de l’enfant doit plutôt être « bien identifié et défini » (Legault, paragraphe 12) et « examiné avec beaucoup d’attention » (Legault, paragraphe 31).

[63]      La Cour d’appel fédérale a également fait observer que le décideur devrait commencer par s’interroger sur l’intérêt supérieur de l’enfant au lieu d’examiner différents scénarios et de retourner en arrière pour en comparer leurs incidences sur l’enfant (Hawthorne, précité, aux paragraphes 41 et 43).

[64]      Qui plus est, l’agent est présumé savoir que le fait de vivre au Canada offrirait à l’enfant des possibilités qu’il n’aurait par ailleurs pas (Hawthorne, précité, au paragraphe 5) et que le fait de comparer une vie meilleure au Canada avec sa vie dans son pays d’origine ne permet pas de se prononcer de façon déterminante sur l’intérêt supérieur de l’enfant étant donné que cette façon de procéder favorise presque invariablement le Canada (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1292, au paragraphe 28).

[65]      Dans le jugement Williams c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166 (Williams), le juge Russell a passé en revue les principes énoncés dans la jurisprudence et a fait observer, au paragraphe 64, qu’il n’y avait pas de « critère minimal en matière de difficultés » à « satisfaire », mais que le véritable point de départ de l’analyse était l’intérêt supérieur de l’enfant :

Il n’existe pas de norme minimale en matière de besoins fondamentaux qui satisferait au critère de l’intérêt supérieur. De plus, il n’existe pas de critère minimal en matière de difficultés suivant lequel à un certain point dans l’échelle des difficultés et seulement à ce point pourrait‑on considérer que l’intérêt supérieur de l’enfant est « compromis » au point de justifier une décision favorable. La question n’est pas celle de savoir si l’enfant « souffre assez » pour que l’on considère que son « intérêt supérieur » ne sera pas « respecté ». À cette étape initiale de l’analyse, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : « en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant? » [Italiques dans l’original, non souligné dans l’original.]

[66]      Le juge Russell a proposé une démarche en trois étapes pour guider les décideurs chargés d’analyser l’intérêt supérieur de l’enfant (au paragraphe 63) :

Lorsqu’il analyse l’intérêt supérieur d’un enfant, l’agent doit d’abord déterminer en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant, en deuxième lieu, jusqu’à quel point l’intérêt de l’enfant est compromis par une décision éventuelle par rapport à une autre et, enfin, à la lumière de l’analyse susmentionnée, le poids que ce facteur joue lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les facteurs positifs et les facteurs négatifs dont il a été tenu compte lors de l’examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. [Souligné dans l’original.]

[67]      Notre Cour a jugé que le jugement Williams (qui portait sur l’éventuel renvoi du Canada de la mère d’un enfant né au Canada et sur la question de savoir s’il était dans l’intérêt supérieur de cet enfant que l’on autorise sa mère à demeurer au Canada) ne s’appliquait pas dans tous les cas (Webb c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1060, au paragraphe 13. Cela étant, je suis d’avis que le cadre d’analyse proposé dans l’affaire Williams s’applique en l’espèce et qu’il devrait être adapté aux présentes circonstances.

[68]      L’agent n’a pas appliqué les principes dégagés dans la jurisprudence; il n’a pas identifié et défini l’intérêt supérieur de Rhea et il ne s’est pas montré « réceptif, attentif et sensible » à cet intérêt.

[69]      Le point de départ consiste à se demander en quoi consiste l’intérêt supérieur de l’enfant. L’agent s’est contenté, au début de ses motifs, de déclarer qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants (c.‑à‑d., l’intérêt supérieur de Rhea, étant donné que les deux fils avaient plus de 18 ans) de demeurer avec leurs parents. Ce point de départ est un peu étrange, étant donné qu’on ne peut s’attendre à ce qu’une fille de 9 ans demeure seule au Canada; son statut au Canada est indissociable de celui de sa famille. Elle fait partie d’une famille qui s’est engagée à s’assurer qu’elle demeure en bonne santé, et personne n’a jamais laissé entendre qu’elle ne demeurerait pas avec ses parents. L’agent n’a pas précisé en quoi consistait l’intérêt supérieur de Rhea, se contentant de déclarer ce qui est évident, c’est‑à‑dire qu’elle demeurerait avec ses parents.

[70]      On penserait que le point de départ de l’analyse de l’intérêt supérieur de Rhea consisterait plutôt à se demander en quoi consisterait la meilleure façon d’assurer le traitement de suivi et le rétablissement de Rhea.

[71]      Conformément à la décision Kolosovs, l’agent aurait dû tenir compte des répercussions concrètes d’une décision négative en réponse à la demande CH. Dans ces conditions, les répercussions concrètes se matérialiseraient par un retour en Inde pour tenter de recevoir un traitement de suivi dans un hôpital inconnu, avec des médecins inconnus et de se tailler une place parmi une foule d’autres patients ayant eux aussi besoin de soins avec un nombre de médecins et de spécialistes peu nombreux. Cette option aurait dû être mise en balance avec celle consistant à poursuivre le traitement de suivi avec une équipe déjà connue d’oncologues, de travailleurs sociaux et d’autres professionnels de SickKids, qui soignent Rhea depuis quatre ans et que Rhea connaît.

[72]      Conformément au cadre d’analyse proposée dans le jugement Williams, l’agent aurait d’abord dû préciser en quoi consistait l’intérêt supérieur de Rhea, pour ensuite examiner la mesure dans laquelle la nécessité de suivi et de rétablissement complet de Rhea serait compromise par son retour en Inde par rapport à son maintien au Canada. Enfin, l’agent aurait dû tenir compte de ce facteur dans son examen général de la demande CH.

[73]      Comme nous l’avons déjà signalé, il n’appartient pas à notre Cour, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, de substituer son opinion à celle du premier tribunal quant à l’issue préférable (Khosa, précité, au paragraphe 59). La Cour doit plutôt déterminer si la décision est raisonnable en ce sens qu’elle appartient aux issues possibles et acceptables (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). En l’espèce, l’omission de l’agent de bien cerner l’intérêt supérieur de Rhea comme les décisions Hawthorne et Williams l’exigeaient, fait en sorte que sa décision était déraisonnable.

Degré d’établissement au Canada

[74]      L’agent a examiné à fond le degré d’établissement des membres de la famille au Canada en mentionnant leur travail, leur revenu, les attaches familiales, les cours suivis, les établissements d’enseignement fréquentés et la participation à la vie de la collectivité. L’agent a ensuite déclaré que le degré d’établissement correspondait à celui auquel on pouvait s’attendre après quatre ans.

[75]      Le demandeur affirme que les conclusions tirées par l’agent au sujet du degré d’établissement de la famille au Canada étaient déraisonnables. Le demandeur affirme que l’agent n’a pas apprécié les éléments de preuve présentés au sujet de leur établissement — qu’il qualifie d’« extraordinaire » —, soulignant que l’agent s’est contenté de déclarer : [traduction] « À mon avis, ces facteurs ne sont pas suffisants pour équivaloir à des difficultés inusitées et injustifiées ou excessives », sans expliquer pourquoi il arrivait à cette conclusion.

[76]      Le défendeur affirme que l’agent a raisonnablement conclu que les demandeurs avaient atteint le degré d’établissement dont on pouvait s’attendre après avoir passé quatre ans au Canada, et que l’agent a reconnu que le retour des demandeurs en Inde leur causerait certaines difficultés. Le défendeur affirme que les demandeurs demandent en fait tout simplement à notre Cour de réévaluer la preuve.

[77]      À mon avis, même après avoir examiné les motifs dans leur ensemble, la conclusion tirée par l’agent au sujet du degré d’établissement n’a pas été adéquatement expliquée et, par conséquent, elle n’est pas raisonnable. Les demandeurs ne demandent pas à la Cour de réévaluer la preuve; ils demandent à l’agent de motiver sa conclusion.

[78]      Dans le jugement Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, la juge Mactavish déclare, au paragraphe 20 :

En l’espèce par contre, l’agente a examiné la preuve de l’établissement au Canada produite par les demandeurs au soutien de leurs demandes et a simplement conclu que cette preuve n’était pas suffisante. Il ressort de ses motifs qu’elle ne pensait pas que les demandeurs subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils devaient présenter leurs demandes de résidence permanente de l’extérieur du Canada. Ces motifs n’indiquent pas cependant pourquoi elle est arrivée à cette conclusion. [Italique dans l’original.]

[79]      Le juge Rennie a récemment fait écho à ce raisonnement dans le jugement Tindale c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 236, au paragraphe 11.

[80]      Dans le même ordre d’idées, dans le cas qui nous occupe, l’agent n’a fourni aucune raison pour expliquer pourquoi les éléments de preuve présentés au sujet du degré d’établissement étaient insuffisants. L’agent a examiné en détail le degré d’établissement des membres de la famille en parlant de leur travail, de leur revenu, des attaches familiales, des cours suivis, des établissements d’enseignement fréquentés et de leur participation à la vie de la collectivité dans divers passages de sa décision. L’agent ne précise pas en quoi consisterait pour lui un établissement extraordinaire ou exceptionnel. Il se contente d’affirmer que c’est ce à quoi il s’attendrait et que les membres de la famille ne seraient pas confrontés à des difficultés inusitées et injustifiées ou excessives s’ils étaient contraints de demander un visa depuis l’étranger. Bien que certains pourraient y voir un raisonnement, force est d’admettre qu’il ne s’agit de rien de plus que d’un énoncé informatif.

[81]      Notre Cour a défini les « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives » comme des difficultés qui vont au‑delà de celles qui sont inhérentes au fait d’avoir à quitter le Canada (Doumbouya c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1186; Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 11, au paragraphe 20).

[82]      En l’espèce, l’agent n’a pas tenu compte du fait que les membres de cette famille s’étaient intégrés avec succès dans leur collectivité, dans leur milieu scolaire et dans leur milieu de travail au cours de la période pendant laquelle leur jeune fille, Rhea, était traitée pour sa LLA, ce qui avait nécessité de nombreuses hospitalisations, des rendez‑vous médicaux ainsi que l’appui, l’attention et le concours de toute la famille. L’agent ne s’est pas demandé si, dans ces conditions, le degré d’établissement des membres de la famille était plus élevé que ce à quoi on pouvait s’attendre et que le fait d’exiger que les membres de la famille Chandidas demandent un visa de résidence permanente depuis l’étranger leur imposerait des difficultés supérieures à celles inhérentes à l’obligation de devoir quitter le Canada.

[83]      L’omission de l’agent d’expliquer sa conclusion négative malgré les facteurs d’établissement positifs qu’il avait examinés à fond, combinée à son omission d’examiner sérieusement la situation particulière des Chandidas rendent déraisonnable la conclusion qu’il a tirée au sujet du degré d’établissement de la famille.

Conclusion

[84]      La décision de l’agent ne satisfait pas aux exigences de justification, de transparence et d’intelligibilité. L’agent a omis de tenir compte d’éléments de preuve cruciaux et il a mal interprété d’autres éléments de preuve concernant le besoin de traitement de suivi de Rhea et les possibilités limitées de traitement en Inde. L’agent n’a pas procédé à une analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant, analyse qui est essentielle dans toute demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. L’agent ne s’est pas non plus demandé si la maladie et le traitement de Rhea avaient joué un rôle dans l’établissement de la famille au Canada, et il n’a pas motivé suffisamment sa conclusion suivant laquelle le degré d’établissement de la famille n’était pas plus élevé que celui auquel on se serait attendu. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et la demande CH devrait être renvoyée pour être examinée par un autre agent.

JUGEMENT

LA COUR :

1. Accueille la demande de contrôle judiciaire et renvoie la demande fondée sur des raisons d’ordre.

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