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[2014] 3 R.C.F. 404

T-2090-10

2013 CF 109

Doris Tremblay (demandeur/défendeur reconventionnel)

c.

Orio Canada Inc. (défenderesse/demanderesse reconventionnelle)

Répertorié : Tremblay c. Orio Canada Inc.

Cour fédérale, juge Boivin—Montréal, 8 janvier; Ottawa, 31 janvier 2013.

Note de l’arrêtiste : Cette décision a été confirmée en appel (A-86-13, 2013 CAF 225). Les motifs du jugement, ayant été prononcé le 25 septembre 2013, seront publiés dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

Droit d’auteur — Violation — Requête pour procès sommaire en vertu des règles 213 à 219 des Règles des Cours fédérales — Le demandeur, défendeur reconventionnel (le demandeur) a allégué être titulaire des droits d’auteur dans un programme d’ordinateur qui s’intitule « SAM », et a soutenu que la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (la défenderesse) a violé ses droits d’auteur en permettant qu’on en fasse une copie, qu’on le modifie, et en l’installant, le vendant et le distribuant auprès de ses clients, le tout en violation de la Loi sur le droit d’auteur (la Loi) — Le demandeur demandait diverses déclarations quant à ses droits d’auteur présumés ainsi qu’une ordonnance de la Cour enjoignant, entre autres, à la défenderesse de supprimer et de détruire ses copies du logiciel SAM modifié retravaillé — Le demandeur, un consultant en informatique, a effectué du travail sur le logiciel SAM de la défenderesse en vertu d’une entente verbale; il a créé le « logiciel SAM modifié » — Lorsque la relation entre le demandeur et la défenderesse a pris fin, une autre société tierce recherchée par la défenderesse a créé le « logiciel SAM modifié retravaillé » — Le demandeur a affirmé ne pas avoir autorisé la défenderesse à faire des copies du code source du « logiciel SAM modifié » — Le logiciel retravaillé contenait une partie substantielle du code source développé par le demandeur — Il s’agissait de savoir si le demandeur est titulaire des droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié »; si les droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié » ont été cédés; et s’il y a eu violation des droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié » — D’après la preuve aux présentes, le demandeur constituait l’auteur du « logiciel SAM modifié » — Pour ce qui est de savoir si les droits d’auteur ont été cédés conformément à l’art. 13(4) de la Loi, le libellé de la clause que le demandeur a insérée dans ses soumissions auprès de la défenderesse constituait une cession de ses droits d’auteur au profit de la défenderesse — Cependant, le demandeur n’a pas signé de document écrit comme l’exige l’art. 13(4) de la Loi — Par conséquent, étant donné l’absence de la signature du demandeur, celui-ci n’a pas cédé les droits d’auteur du « logiciel SAM modifié » — Néanmoins, sur la base de la preuve et du comportement des parties, le demandeur a octroyé une licence d’utilisation implicite à la défenderesse dans le logiciel SAM modifié — Par conséquent, la prétention du demandeur comme quoi ses droits d’auteur ont été violés en vertu de l’art. 27 de la Loi pour cause d’absence de consentement de sa part n’a pas été retenue compte tenu du consentement de la part du demandeur — Requête accueillie en partie.

Il s’agissait d’une requête pour procès sommaire déposée en vertu des règles 213 à 219 des Règles des Cours fédérales. Le demandeur et défendeur reconventionnel (le demandeur) a allégué être titulaire des droits d’auteur dans un programme d’ordinateur qui s’intitule « SAM », et a soutenu que la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (la défenderesse) a violé ses droits d’auteur en permettant qu’on en fasse une copie, qu’on le modifie, et en l’installant, le vendant et le distribuant auprès de ses clients, le tout en violation de la Loi sur le droit d’auteur. Le demandeur demandait diverses déclarations quant à ses droits d’auteur présumés ainsi qu’une ordonnance de la Cour enjoignant à la défenderesse de supprimer et de détruire ses copies du logiciel SAM modifié retravaillé et de cesser de l’offrir en vente et de l’installer. La défenderesse, quant à elle, estimait qu’elle était titulaire des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié et demandait un jugement sommaire en sa faveur et une ordonnance rejetant la demande du demandeur.

Le demandeur est consultant en informatique et exploite une entreprise non incorporée de consultation en informatique, alors que la défenderesse est une société commerciale qui a pour activité principale la commercialisation d’un logiciel de gestion de rendez-vous dans le domaine de la mécanique automobile, soit le logiciel SAM (Service Appointment Monitor). La défenderesse a conclu une entente verbale avec le demandeur pour que ce dernier effectue du travail sur le logiciel SAM (le logiciel). Le président de la défenderesse estimait toutefois être le concepteur et créateur du logiciel SAM. Le demandeur et ses employés ont fourni des services informatiques à la défenderesse en travaillant sur le logiciel SAM de 2006 à 2009. Ils ont créé le « logiciel SAM modifié », qui était presque deux fois plus volumineux que la version initiale du logiciel SAM. Le demandeur facturait la défenderesse pour le travail de programmation effectué sur le logiciel SAM. Lorsque la relation entre le demandeur et la défenderesse a pris fin, le code source complet du « logiciel SAM modifié » se trouvait sur le serveur de la défenderesse. La défenderesse a commencé à travailler avec une autre société pour poursuivre le développement du logiciel, en lui remettant une copie du code source du « logiciel SAM modifié » et en lui donnant accès au serveur. Cette autre société aurait poursuivi le développement à partir du « logiciel SAM modifié », créant ainsi le « logiciel SAM modifié retravaillé ». Le demandeur a affirmé ne pas avoir autorisé la défenderesse à faire une copie du code source du « logiciel SAM modifié ». La défenderesse vend et installe des copies du « logiciel SAM modifié retravaillé » chez ses clients; ce logiciel contient une partie substantielle du code source développé par le demandeur et ses employés.

Il s’agissait de savoir si le demandeur est titulaire des droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié »; si les droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié » ont été cédés et s’il y a eu violation des droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié ».

Jugement : la requête doit être accueillie en partie.

L’alinéa 34.1(1)b) de la Loi énonce une présomption suivant laquelle, dans toute procédure où un défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur, l’auteur de l’œuvre est présumé être titulaire de ce droit d’auteur jusqu’à preuve contraire. La Loi ne définit pas le terme « auteur ». L’existence en soi d’un droit d’auteur dans le logiciel SAM n’était pas contestée en l’espèce. De plus, rien dans la preuve n’indiquait de façon significative que les modifications faites au logiciel SAM par le demandeur étaient négligeables, non originales ou purement mécaniques. En ce qui a trait au « logiciel SAM modifié », compte tenu de la jurisprudence suivant laquelle l’auteur est celui qui a donné corps à une œuvre et non celui qui en a eu l’idée sans la concrétiser, c’est le demandeur, par le biais de ses employés, qui était l’auteur dans la présente affaire. Par conséquent, la conclusion voulant que le demandeur soit l’auteur du « logiciel SAM modifié » s’imposait.

Quant à la question de savoir s’il y a eu cession des droits d’auteur en l’espèce conformément au paragraphe 13(4) de la Loi, la clause que le demandeur a incluse dans ses soumissions à la défenderesse a été prise en considération. Le paragraphe 13(4) prévoit que la cession ou la concession n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit. L’exigence de l’écrit et de la signature est une condition de fond, et non une simple question de preuve. En somme, le paragraphe 13(4) de la Loi ne requiert nullement comme condition de validité que celles-ci soient rédigées en des termes particuliers; il énonce plutôt une condition conjonctive, à savoir un écrit et une signature. Le libellé de cette clause équivalait à une cession des droits d’auteur du demandeur au profit de la défenderesse. En l’espèce, il y avait un écrit qui démontrait une intention de la part du demandeur de céder ses droits à la société défenderesse. Toutefois, cet écrit n’a pas été signé tel que l’exige le paragraphe 13(4) de la Loi. Le demandeur a admis avoir pris l’initiative d’intégrer la clause en cause à l’ensemble de ses soumissions présentées à la défenderesse.

Même si l’admission du demandeur aurait pu traduire une intention, il était difficile de conclure en l’espèce, à la lecture du libellé du paragraphe 13(4) de la Loi, que cette intention du demandeur puisse servir à contourner la condition conjonctive de l’écrit et de la signature imposée par la Loi. Le législateur n’a pas fait référence au concept d’intention à ce paragraphe, mais exige expressément un écrit et une signature afin que la cession des droits d’auteur soit cristallisée. N’eût été l’absence de signature du demandeur, il y aurait eu cession des droits d’auteur au sens de la Loi, mais dans les circonstances, le demandeur n’a pas cédé ses droits d’auteur dans le « logiciel SAM modifié ». Quoiqu’elle puisse paraître rigide, cette conclusion était conforme aux exigences formalistes de la Loi. Néanmoins, sur la base du dossier et de la preuve, le demandeur a octroyé une licence d’utilisation implicite à la défenderesse dans le « logiciel SAM modifié ». Cette conclusion se fondait sur le facteur déterminant selon lequel le demandeur était l’auteur du libellé de la clause en cause, et cette dernière a été inscrite dans les soumissions à l’initiative du demandeur et non de la défenderesse.

Ainsi, le demandeur a implicitement consenti à une licence au profit de la défenderesse afin que cette dernière puisse utiliser le « logiciel SAM modifié ». Une licence implicite peut s’inférer du comportement des parties et n’a pas à être consignée par écrit, ce qui était le cas en l’espèce. Il s’ensuit que la prétention du demandeur comme quoi ses droits d’auteur ont été violés en vertu de l’article 27 de la Loi pour cause d’absence de consentement de sa part ne pouvait donc être retenue car il y a eu consentement de la part du demandeur.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi de 1921 concernant le droit d’auteur, S.C. 1921, ch. 24.

Loi de 1923 modifiant la Loi du droit d’auteur, S.C. 1923, ch. 10, art. 5.

Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, art. 2 « œuvre littéraire », « programme d’ordinateur », 3, 5, 13, 27, 34.1.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, conclue à Berne le 9 septembre 1886, dans sa version revise par l’Acte de Paris de 1971, [1998] R.T. Can. no 18.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339.

décision différenciée :

Harmony Consulting Ltd. c. G.A. Foss Transport Ltd., 2011 CF 340, conf. par 2012 CAF 226.

décisions examinées :

Tremblay c. Orio Canada Inc., 2011 CF 1437; Wenzel Downhole Tools Ltd. v. National-Oilwell Canada Ltd., 2010 FC 966; Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., [1982] 1 C.F. 638 (1re inst.); Amusements Wiltron inc. c. Mainville, [1991] R.J.Q. 1930 (C.S. Qué.); Mensys Business Solution Centre Ltd. c. Drummond (Municipalité régionale de comté), 2002 CanLII 41481, [2002] R.J.Q. 765 (C.S. Qué.).

décisions CITÉES :

J.L. de Ball Canada Inc. c. 421254 Ontario Ltd., 1999 CanLII 9222 (C.F. 1re inst.); Hanis v. Teevan, 1998 CanLII 7126, 162 D.L.R. (4th) 414 (C.A. Ont.); Matrox Electronic Systems Ltd. v. Gaudreau, [1993] R.J.Q. 2449 (C.S. Qué.); Teva Canada Limited c. Wyeth LLC and Pfizer Canada Inc., 2011 CF 1169, infirmée par 2012 CAF 141; Inspiration Management Ltd. v. McDermid St. Lawrence Ltd., 1989 CanLII 229, 36 B.C.L.R. (2d) 202 (C.A. C.-B.); Dahl et al. v. Royal Bank of Canada et al., 2005 BCSC 1263, 46 B.C.L.R. (4th) 342; Milliken & Co. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc., [1998] 3 C.F. 103 (1re inst.); Céjibé Communication inc. c. Construction Cleary (1992) inc., [1998] J.Q. no 3520 (C.S.) (QL); Silverson v. Neon Products Ltd., [1978] 6 W.W.R. 512 (C.S. C.-B.); Cselko Associates Inc. v. Zellers Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 56 (Div. gén. Ont.).

DOCTRINE CITÉE

McKeown, John S. Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Design, 4e éd. Toronto : Carswell, 2003.

Tamaro, Normand. La Loi sur le droit d’auteur : commentée et annotée, 8e éd. Scarborough, Ont. : Carswell, 2009.

REQUÊTE pour procès sommaire par le demandeur et défendeur reconventionnel qui demande diverses déclarations concernant ses droits d’auteur présumés dans un programme d’ordinateur qui s’intitule « SAM », ainsi qu’une ordonnance enjoignant à la défenderesse de supprimer et de détruire ses copies du logiciel SAM modifié retravaillé et de cesser de l’offrir en vente et de l’installer. Requête accordée en partie.

ONT COMPARU

Pascal Lauzon pour le demandeur/défendeur reconventionnel.

André J. Bélanger pour la défenderesse/demanderesse reconventionnelle.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

BCF s.c.n.c.r.l., Montréal, pour le demandeur/défendeur reconventionnel.

André J. Bélanger, Montréal, pour la défenderesse/demanderesse reconventionnelle.

Voici les motifs du jugement et du jugement rendus en français par

Le juge Boivin :

Introduction

[1]        La Cour est saisie d’une requête pour procès sommaire en vertu des règles 213 à 219 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles). Le demandeur et défendeur reconventionnel allègue être titulaire des droits d’auteur dans un programme d’ordinateur qui s’intitule « SAM », et soutient que la défenderesse et demanderesse reconventionnelle a violé ses droits d’auteur en permettant qu’on en fasse une copie, qu’on le modifie, et en l’installant, le vendant, et le distribuant auprès de ses clients, le tout en violation de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42 (la Loi).

[2]        Le demandeur et défendeur reconventionnel recherche une déclaration suivant laquelle : i) il est titulaire des droits d’auteur dans les développements et améliorations du logiciel SAM effectués entre avril 2006 et juin 2009 (le logiciel SAM modifié); ii) la défenderesse a violé ses droits d’auteur en permettant et en autorisant à un tiers de faire une copie du code source du logiciel SAM modifié, lequel a par la suite été modifié par ce tiers (le logiciel SAM modifié retravaillé); et iii) la défenderesse a violé ses droits d’auteur en possédant, en offrant en vente et en installant le logiciel SAM modifié chez ses clients depuis août 2009. La requête du demandeur et défendeur reconventionnel vise également l’obtention d’une ordonnance de cette Cour enjoignant la défenderesse et demanderesse reconventionnelle à supprimer et à détruire ses copies du logiciel SAM modifié retravaillé et à cesser de l’offrir en vente et de l’installer.

[3]        La défenderesse et demanderesse reconventionnelle, quant à elle, estime qu’elle est titulaire des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié. Se portant demanderesse reconventionnelle, elle requiert un jugement sommaire en sa faveur et une ordonnance rejetant la demande du demandeur, déclarant qu’elle est titulaire des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié et ses modules, et ordonnant au demandeur et défendeur reconventionnel dans les cinq jours de la signification du jugement de lui remettre le logiciel SAM modifié et ses modules complémentaires. Subsidiairement, la défenderesse et demanderesse reconventionnelle recherche une ordonnance déclarant qu’elle jouit d’une licence d’exploitation du logiciel SAM modifié et de ses modules, l’autorisant à les commercialiser et à les reproduire gratuitement pendant une période illimitée.

Contexte factuel

[4]        De façon générale, les faits dans le présent dossier sont admis par les parties. M. Doris Tremblay est le demandeur et défendeur reconventionnel dans la présente requête (le demandeur). Il est consultant en informatique et fait affaire sous le nom de Service Informatique Professionnel, une entreprise non incorporée de consultation en informatique. Orio Canada Inc. (Orio) est la défenderesse et demanderesse reconventionnelle (la défenderesse) dans le présent dossier. La défenderesse est une société commerciale qui a pour activité principale la commercialisation d’un logiciel de gestion de rendez-vous dans le domaine de la mécanique automobile, soit le logiciel SAM (Service Appointment Monitor). M. François Gagné est le président de la société défenderesse (affidavit de François Gagné, réponse à l’avis de requête, onglet 2). En avril 2006, la défenderesse a conclu une entente verbale avec le demandeur pour que ce dernier effectue du travail sur le logiciel SAM (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, page 153).

[5]        Une première version préliminaire du logiciel SAM avait été développée en 2002-2003 par le frère de M. François Gagné, président de la société défenderesse. M. François Gagné estime toutefois être le concepteur et créateur du logiciel SAM, ayant conçu les caractéristiques essentielles initiales au développement du logiciel (affidavit de François Gagné, paragraphe 3). Une deuxième version du logiciel SAM a été développée par la société tierce Openpole au cours des années 2005–2006, à la demande de la défenderesse (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, page 151).

[6]        En avril 2006, la défenderesse a voulu poursuivre le développement du logiciel SAM avec un autre programmeur, d’où la naissance de la relation d’affaires entre le demandeur et la défenderesse suivant une entente verbale pour lesdits services. À cette fin, la société tierce Openpole a remis les codes sources du logiciel SAM à l’employée du demandeur, Julie Gaudreault (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, page 154).

[7]        Le demandeur et ses employés, plus particulièrement Mme Julie Gaudreault, ont fourni des services informatiques à la défenderesse en travaillant sur le logiciel SAM d’avril 2006 à juin 2009 (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, pages 154 et 155). La nouvelle version du code source tel que programmée par le demandeur et ses employés, « SAM modifié », est presque deux fois plus volumineuse que la version initiale de SAM, passant de 412 fichiers, 224 dossiers et 1 273 pages à 669 fichiers, 286 dossiers et 2 453 pages (dossier de requête pour procès sommaire, affidavit de Doris Tremblay, page 21). Le demandeur y a également ajouté des modules complémentaires, à la demande de M. François Gagné (« Afficheur », « E-mail », « Essence », « Estimateur », « Feuille de route », « Matériel d’atelier » et « Outil d’estimation »; réponse à l’avis de requête pour procès sommaire, affidavit de Julie Gaudreault, onglet 12).

[8]        Le demandeur facturait la défenderesse pour le travail de programmation effectué sur le logiciel SAM et recevait une rémunération à un taux horaire. En tout, le demandeur a reçu plus de 73 000 $ pour son travail d’avril 2006 à juin 2009 (défense amendée et demande reconventionnelle, paragraphe 22).

[9]        La relation d’affaires entre le demandeur et la défenderesse a pris fin en juin 2009. À ce moment, le code source complet du logiciel SAM modifié se trouvait sur le serveur de la défenderesse à Blainville (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, page 168). À partir de juillet 2009, la défenderesse a poursuivi le développement du logiciel SAM modifié avec une autre société, Groupe Énode (Énode). La défenderesse a remis une copie du code source du logiciel SAM modifié à Énode en lui donnant accès au serveur de Blainville (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, pages 169 et 171). Cette société aurait poursuivi le développement à partir du logiciel SAM modifié, créant ainsi le « logiciel SAM modifié retravaillé ». Le demandeur affirme ne pas avoir autorisé la défenderesse à faire une copie du code source du logiciel SAM modifié (dossier de requête pour procès sommaire, affidavit de Doris Tremblay, page 22).

[10]      Depuis le mois d’août 2009 et jusqu’à ce jour, la défenderesse vend et installe des copies du logiciel SAM modifié retravaillé chez ses clients. Ce logiciel contient une partie substantielle du code source développé par le demandeur et ses employés (dossier de requête pour procès sommaire, admission de la défenderesse, page 145 ; pièce MAD-3 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné du 26 mars 2012, pages 204 et 205). Le demandeur a été mis en demeure par la défenderesse le 21 juillet 2009, le sommant de remettre les codes source du logiciel SAM modifié (défense amendée et demande reconventionnelle, paragraphe 35). La défenderesse a également été mise en demeure le 18 décembre 2009 et le 10 juin 2010, le demandeur la sommant de cesser ses activités en lien avec le logiciel SAM.

[11]      Une ordonnance, en date du 7 décembre 2011, du protonotaire Morneau a été émise dans le dossier, permettant au demandeur d’amender sa déclaration pour inclure le fait que la défenderesse ait permis à Énode de faire une copie du logiciel SAM modifié, fait qui fut découvert lors de l’interrogatoire préalable du président de la défenderesse. La Cour a également ordonné que les parties s’entendent sur un projet d’ordonnance de protection afin que certains documents soient produits sous le sceau de la confidentialité (soit les factures de la société défenderesse à ses clients de mai 2006 à novembre 2011) (Tremblay c. Orio Canada Inc., 2011 CF 1437).

Questions en litige

[12]      La présente affaire soulève trois questions en litige :

a. Qui est titulaire des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié?

b. Les droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié ont-ils été cédés?

c. Y a-t-il eu violation des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié?

Dispositions législatives pertinentes

[13]      Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes à ce litige, ainsi que les Règles pertinentes portant sur les jugements et procès sommaires, sont reproduites en annexe au présent jugement.

Arguments des parties

Arguments du demandeur

[14]      Le demandeur allègue qu’il a développé une version intégrale du code source qui a été copiée, utilisée et installée par la défenderesse sans son autorisation. Le demandeur soutient que puisqu’il est le titulaire des droits d’auteurs, il y a clairement eu violation de ses droits au sens des articles 3 et 27 de la Loi. Le demandeur rappelle que la défenderesse ne nie pas l’existence des droits d’auteur — elle prétend plutôt en être la titulaire. Le demandeur précise que l’alinéa 34.1(1)b) de la Loi énonce ainsi une présomption de propriété en sa faveur.

[15]      Le demandeur précise également que ses employés ont fait le travail de développement sur le logiciel SAM original pour en arriver au logiciel SAM modifié, qu’ils sont donc les auteurs du programme et présumés être titulaires du droit d’auteur jusqu’à preuve du contraire. En vertu du paragraphe 13(3) de la Loi, le demandeur lui-même, à titre d’employeur, est le titulaire du droit d’auteur sur le travail réalisé par ses employés. Le demandeur prétend qu’il n’a jamais cédé ses droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié puisque, suivant le paragraphe 13(4) de la Loi, seule une cession écrite et signée par le demandeur en faveur de la défenderesse aurait pu avoir cet effet. Le demandeur soutient que la condition voulant que la cession se fasse par écrit et soit signée est une condition de fond (citant J.L. de Ball Canada Inc. c. 421254 Ontario Ltd., 1999 CanLII 9222 (C.F 1re inst.).

[16]      Le demandeur souligne que le président de la défenderesse n’est pas programmeur et ne possède pas les connaissances nécessaires pour mettre sous forme de code les idées qu’il aurait pu avoir. Selon le demandeur, seuls ses employés, des programmeurs, peuvent être les auteurs du logiciel SAM modifié et les instructions du président de la défenderesse, M. François Gagné, n’étaient que des demandes par lesquelles il exprimait le résultat qu’il désirait obtenir (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, page 155; cahier des autorités pour la requête, voir Normand Tamaro, La Loi sur le droit d’auteur : commentée et annotée, 8e éd., Scarborough, Ont. : Carswell, 2009, aux pages 359 à 374, onglet 10 (Tamaro); cahier des autorités pour la requête, John S. McKeown, Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Design, 4e éd., Toronto : Carswell, 2003, aux pages 17-2 à 17-7, onglet 9 (Fox)).

[17]      Le demandeur prétend aussi que la jurisprudence confirme clairement que l’auteur d’un programme d’ordinateur est le programmeur, et non la personne qui a eu l’idée du logiciel (citant Hanis v. Teevan, 1998 CanLII 7126, 162 D.L.R. (4th) 414 (C.A. Ont.) (Hanis), au paragraphe 49 et Matrox Electronic Systems Ltd. v. Gaudreau, [1993] R.J.Q. 2449 (C.S. Qué.) (Matrox), aux paragraphes 27 à 30).

[18]      En ce qui concerne la question des actes de violation des droits d’auteurs, le demandeur allègue deux types de violation, soit : i) le fait d’avoir permis et autorisé une copie du code source par une tierce société, Énode; et ii) le fait de détenir, vendre et installer le logiciel SAM développé à partir de la copie effectuée par Énode.

Arguments de la défenderesse

[19]      Selon la défenderesse, il s’agit d’une affaire simple qui ne nécessite pas de longs arguments juridiques. En effet, son argumentaire écrit tient sur une page.

[20]      La défenderesse prétend qu’elle est la seule détentrice de tous les droits liés au logiciel SAM, qu’il était déjà fonctionnel en avril 2006 et installé chez plusieurs concessionnaires, et que le demandeur était au courant qu’elle utilisait le logiciel SAM à seule fin de commercialisation. La défenderesse affirme que dès le début des relations entre elle et le demandeur, ce dernier lui a cédé à l’avance tous les droits relatifs aux futurs développements du logiciel SAM.

[21]      Selon la défenderesse, l’entente verbale d’avril 2006 entre elle et le demandeur a été formalisée par écrit dans diverses soumissions. La défenderesse allègue qu’en rédigeant ses soumissions, le demandeur savait que la défenderesse utilisait le logiciel SAM à des fins commerciales, et non personnelles (réponse à l’avis de requête et demande reconventionnelle, pièce BS-1 de l’affidavit de Brigitte Sauvageau, interrogatoire de Doris Tremblay, onglet 4, page 11). La défenderesse prétend que la clause écrite dans les soumissions constitue une cession de tous droits auxquels aurait pu prétendre le demandeur.

[22]      La défenderesse rappelle que le demandeur connaissait plusieurs de ses clients, ayant lui-même effectué des opérations de correction directement sur les serveurs de ces derniers. Selon la défenderesse, les droits d’auteurs sur le logiciel SAM modifié et ses modules lui appartiennent en totalité.

[23]      Subsidiairement, la défenderesse avance que le demandeur lui a accordé une licence ou un droit de commercialisation du logiciel SAM et de ses modules. La défenderesse rappelle que d’avril 2006 à juin 2009, pendant leur relation d’affaires, le demandeur n’a jamais exigé de royauté (redevances), ni indiqué à la défenderesse qu’il en exigerait à l’avenir.

Analyse

A.        La requête pour procès sommaire

[24]      Les dispositions prévoyant la tenue de procès sommaires ont été ajoutées aux Règles en 2009. La Cour a énoncé certains principes généraux concernant les procès sommaires dans les arrêts Teva Canada Limited c. Wyeth LLC and Pfizer Canada Inc., 2011 CF 1169 (Teva), aux paragraphes 28 à 36, infirmée pour d’autres motifs par 2012 CAF 141 et Wenzel Downhole Tools Ltd. v. National-Oilwell Canada Ltd., 2010 FC 966 (Wenzel Downhole), aux paragraphes 33 à 39. Le fardeau de démontrer que le procès sommaire est un recours approprié incombe au demandeur (Teva, précité, au paragraphe 35). Afin de décider si un dossier se prête à un procès sommaire, un juge peut considérer, entre autres, la complexité d’une affaire, sa nature urgente, les coûts d’aller de l’avant avec un procès régulier par rapport aux montants en jeu (Inspiration Management Ltd. v. McDermid St. Lawrence Ltd., 1989 CanLII 229, 36 B.C.L.R. (2d) 202 (C.A. C.-B.)), ainsi que la question de savoir si le litige est prolongé, si le procès sommaire prendrait du temps, si la crédibilité est un enjeu, si le procès sommaire comporte un risque important de gaspillage d’efforts et d’énergie ou si le procès sommaire aurait pour effet de morceler le litige (Wenzel Downhole, précité, au paragraphe 37, citant Dahl et al. v. Royal Bank of Canada et al., 2005 BCSC 1263, 46 B.C.L.R. (4th) 342, au paragraphe 12).

[25]      Les faits qui sous-tendent la présente affaire n’étant pas contestés, la crédibilité des parties n’est pas en cause et la preuve documentaire présentée par les parties, tels les affidavits et autres documents produits dans le cours normal des affaires, est suffisante pour permettre à la Cour d’en venir à une conclusion (Teva, précité, au paragraphe 32).

[26]      En début d’audience devant cette Cour, les parties ont notamment confirmé leur souhait et leur volonté de procéder par voie de requête pour procès sommaire. Le demandeur avance, et la Cour est en accord, que les faits sont clairs et que le litige entre les parties est circonscrit et relève strictement des effets juridiques découlant de ces faits. Selon le demandeur, la Cour peut rendre jugement sur les faits présentés en preuve devant elle à cette étape. Le demandeur estime qu’un procès sommaire permettrait un jugement sur le fond rapide et à moindre coût, ce qui est important pour les parties qui ont des ressources modestes. De plus, la Cour note que la présente affaire est circonscrite dans le temps (2006 à 2009) et limité au logiciel en cause (SAM modifié). En l’espèce, la Cour est d’avis que les circonstances de la présente affaire se prêtent à une requête pour procès sommaire conformément aux règles 213 à 219.

B.        La question de la propriété des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié

[27]      Tout d’abord, la Cour rappelle que le droit applicable au droit d’auteur est statutaire; conséquemment, les droits et recours se trouvent dans la Loi (CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339 (CCH), au paragraphe 9). Bien qu’on puisse enregistrer un droit d’auteur, cela n’est pas nécessaire au Canada : il suffit que l’auteur soit Canadien, ou citoyen de tout autre pays signataire de la Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques conclue à Berne le 9 septembre 1886 [dans sa version révisée par l’Acte de Paris de 1971,  [1998] R.T. Can. no 18], et que l’œuvre soit d’abord publiée dans un tel pays, si la publication est pertinente.

[28]      L’article 3 de la Loi énonce le contenu du droit d’auteur, et inclut, entre autres, le droit exclusif de produire ou reproduire l’œuvre en question. L’article 5 de la Loi indique quelles sont les œuvres pouvant faire l’objet d’un droit d’auteur, et précise qu’il doit s’agir d’une « œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale ». Bien que la Loi ne définisse pas le terme « originale », la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la question dans l’arrêt CCH, précité. Suite à une constatation de l’état contradictoire de la jurisprudence, la Cour suprême du Canada a conclu qu’une œuvre « originale » émane d’un auteur, n’est pas une copie d’une autre œuvre, et est « le produit de l’exercice du talent et du jugement d’un auteur. Cet exercice ne doit pas être négligeable au point qu’on puisse le qualifier d’entreprise purement mécanique. » (CCH, précité, au paragraphe 25).

[29]      La jurisprudence précise également que le droit d’auteur « protège l’expression des idées dans ces œuvres, et non les idées comme telles » (CCH, précité, au paragraphe 8). Une œuvre doit donc être fixée sous une forme matérielle pour être protégée, comme l’indique par exemple la définition de « programme d’ordinateur » [à l’article 2]. La définition d’ « œuvre littéraire » à l’article 2 de la Loi inclut expressément les programmes d’ordinateur, et un « programme d’ordinateur » est défini comme étant un « [e]nsemble d’instructions ou d’énoncés destiné, quelle que soit la façon dont ils sont exprimés, fixés, incorporés ou emmagasinés, à être utilisé directement ou indirectement dans un ordinateur en vue d’un résultat particulier ». Dans le cas présent, il est clair et non contesté par les parties qu’il existe des droits d’auteurs dans le logiciel SAM modifié. La question qui se pose est de définir qui en est le ou la titulaire.

[30]      L’alinéa 34.1(1)b) de la Loi énonce une présomption suivant laquelle, dans toute procédure où un défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur, l’auteur de l’œuvre est présumé être titulaire de ce droit d’auteur jusqu’à preuve contraire. De plus, l’article 13 de la Loi énonce les éléments pertinents à la possession du droit d’auteur. En vertu du paragraphe 13(1), l’auteur de l’œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur. Cependant, en vertu du paragraphe 13(3), si « l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service ou d’apprentissage, et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi, l’employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d’auteur ». Le paragraphe 13(4) stipule qu’un titulaire du droit d’auteur peut le céder ou en concéder un intérêt quelconque par une licence, mais il doit le faire au moyen d’un document écrit et signé.

[31]      La Loi ne définit pas le terme « auteur ». Tel qu’indiqué dans Fox, précité, à la page 17-2.1, « There is no copyright in an idea, but only in the form in which the idea is ultimately expressed, whether it is a written production or a picture. The author is the person who has clothed the idea with form » [notes en bas de page omises] (la Cour souligne).

[32]      La question à examiner est donc celle de cerner qui a exercé son talent et son jugement pour donner une forme d’expression à l’idée, pour la fixer sous une forme matérielle (CCH, précité, aux paragraphes 8 et 25; Fox, précité, à la page 17-7). Dans Tamaro, précité, à la page 364, l’auteur indique qu’il « n’est pas suffisant d’agir à titre de secrétaire; il faut participer effectivement à la création de l’œuvre et non à sa seule expression sous la dictée de quelqu’un d’autre ». L’auteur ajoute ce qui suit en lien avec les cas particuliers de programmeurs recevant des instructions, à la page 372 :

Il faut toutefois bien comprendre qu’au sens strict, un concept correspond à une idée. C’est ainsi qu’en rapport avec un logiciel de télécommunication, la Cour déclare que n’est pas auteur au sens du droit d’auteur celui qui fournit sous forme de notes des idées et un concept général à des programmeurs. Les auteurs sont plutôt les programmeurs qui expriment ces idées et ce concept en langage informatique. Conformément aux principes reconnus par le droit d’auteur, les auteurs sont ceux qui, grâce à leurs habiletés, donnent corps à une œuvre : Hanis c Teevan […] [Citations omises; la Cour souligne.]

[33]      En l’espèce, tel que mentionné précédemment, l’existence en soi d’un droit d’auteur dans le logiciel SAM n’est pas contestée. De plus, rien dans la preuve n’indique de façon significative que les modifications faites au logiciel SAM par le demandeur étaient négligeables, non originales, ou purement mécaniques, contrairement au cas de Harmony Consulting Ltd. c. G.A. Foss Transport Ltd., 2011 CF 340, conf. par 2012 CAF 226, où un expert avait témoigné comme quoi les modifications effectuées par le programmeur étaient excessivement simples et n’étaient donc pas protégées par le droit d’auteur.

[34]      En ce qui a trait au logiciel SAM modifié, compte tenu de la jurisprudence suivant laquelle l’auteur est celui qui a donné corps a une œuvre et non celui qui en a eu l’idée sans la concrétiser, force est de conclure que c’est le demandeur, par le biais de ses employés, qui soit l’auteur dans la présente affaire. En effet, M. Gagné, président de la société défenderesse, a admis sans détour qu’il n’est pas programmeur et n’aurait pu effectuer ce travail lui-même (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, pages 152, 153, 155, 159 et 160). Aucun affidavit n’a été déposé de la part de la défenderesse détaillant la nature exacte des instructions données au demandeur. De surcroît, la défenderesse n’a pas présenté d’arguments précis sur la question de la titularité des droits d’auteur. Son argumentaire tant à l’écrit qu’à l’oral a ciblé l’unique question de la cession des droits ou la concession d’une licence. Ainsi, au regard de la jurisprudence et de la preuve au dossier, la conclusion voulant que le demandeur (par l’entremise du travail de ses employés) soit l’auteur du logiciel SAM modifié s’impose.

C.        Y a-t-il eu cession des droits d’auteur?

[35]      Compte tenu de la conclusion précédente selon laquelle le demandeur est titulaire des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié par son travail de programmation, la question qui se pose, et qui se retrouve au cœur du présent litige, est de savoir s’il y a eu cession des droits d’auteur en l’espèce. À cet égard, la Cour doit se pencher sur la clause que le demandeur a inclus dans ses soumissions à la défenderesse (dont un exemple daté du 12 avril 2007 a été déposé en preuve, pièce BS-2 de l’affidavit de Brigitte Sauvageau, réponse à l’avis de requête pour procès sommaire, onglet 5, page 3) : La clause se lit comme suit :

Tout le développement fait pour Orio Canada inc. deviendra la propriété exclusive de celui-ci et ne pourra donc pas être commercialisé ou réutilisé par Service Informatique Professionnel ou tout autre intervenant.

[36]      Plus précisément, la question soulevée est celle de savoir si cette clause, insérée par le demandeur dans ses soumissions, constitue une cession de ses droits d’auteur au profit de la défenderesse en vertu de l’alinéa 13(4) de la Loi.

[37]      Le paragraphe 13(4) de la Loi se lit comme suit :

13. […]

(4) Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l’objet, ou par son agent dûment autorisé. [La Cour souligne.]

Cession et licences

[38]      L’exigence de l’écrit et de la signature imposée à ce paragraphe est demeurée inchangée depuis son adoption en 1921 ([Loi de 1921 concernant le droit d’auteur] S.C. 1921, ch. 24) et sa mise en vigueur en 1924 ([Loi de 1923 modifiant la Loi du droit d’auteur] S.C. 1923, ch. 10, art. 5). Le but visé par ce paragraphe fut discuté notamment dans l’arrêt Mensys Business Solution Centre Ltd. c. Drummond (Municipalité régionale de comté), 2002 CanLII 41481, [2002] R.J.Q. 765 (C.S. Qué.) (Mensys), où le juge Mercure a énoncé ce qui suit (aux paragraphes 29 et 38) :

La jurisprudence et la doctrine retiennent les principes suivants en ce qui a trait à l’exigence de l’écrit comme condition essentielle à la cession du droit d’auteur :

- l’absence de tout écrit est fatale en ce qu’elle empêche la personne qui se prétend cessionnaire de faire la preuve de la cession. Une cession verbale n’est pas valide;

- l’exigence d’un écrit est une condition de fond et non une simple règle de preuve ou de procédure;

- l’écrit n’a pas à prévoir explicitement la cession. Il suffit qu’il soit signé par l’auteur et que l’on puisse raisonnablement inférer la cession du droit d’auteur du texte de l’écrit;

- une preuve testimoniale peut être admise pour permettre au Tribunal d’interpréter l’écrit et de décider s’il emporte cession du droit d’auteur;

- l’écrit peut être rédigé et signé postérieurement à la cession du droit d’auteur.

[…]

Le but visé par l’exigence d’un écrit signé prévue à l’article 13 (4) est de protéger le premier titulaire du droit d’auteur mais certes pas les tiers en leur permettant d’échapper plus facilement à des poursuites pour violation des droits d’auteur. [Notes en bas de page omises ; la Cour souligne.]

[39]      L’exigence de l’écrit et de la signature est une condition de fond, et non une simple question de preuve, tel qu’indiqué dans la décision Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., [1982] 1 C.F. 638 (1re inst.) (Motel 6), aux pages 647 et 648 :

J’admets avec l’avocat de la demanderesse que l’article [13(4)] est une condition de fond et non une règle de preuve. Par conséquent, l’acte de cession lui-même n’a pas nécessairement à être produit si la preuve établit son existence et sa conformité avec cet article. Toutefois, la preuve est loin d’établir par prépondérance l’existence d’une cession écrite, encore moins d’une cession signée par […], ou d’établir qui a bien pu être le cessionnaire. Elle a simplement établi la possibilité des trois conclusions tout aussi logiques les unes que les autres que j’ai mentionnées. La preuve qui donne lieu simplement à ce type de suppositions sans pencher pour l’existence réelle d’une cession conforme à la loi ne satisfait pas aux exigences de l’article [13(4)].

[40]      Le demandeur s’appuie également sur l’affaire Amusements Wiltron inc. c. Mainville, [1991] R.J.Q. 1930 (Wiltron), où le juge Macerola de la Cour supérieure du Québec a indiqué ce qui suit, aux paragraphes 37 à 39 :

Wiltron ne peut prétendre détenir des droits d’auteur sur ce jeu de poker puisqu’aucune cession de droit d’auteur n’a été faite par écrit.

La compagnie détenait donc un droit précaire dans ce jeu, assimilable à une licence ne conférant pas d’intérêt dans le droit d’auteur et elle doit vivre avec les conséquences que cela comporte.

Wiltron aurait dû, en dépit de la relation amicale entre M. Halwacks et M. Kraml, faire signer un engagement de confidentialité avec clause de non concurrence et une cession de droits d’auteur […]

[41]      En somme, le paragraphe 13(4) de la Loi qui régit les cessions de droits d’auteur et les concessions de licences ne requiert nullement comme condition de validité que celles-ci soient rédigées en des termes particuliers; il énonce plutôt une condition conjonctive, à savoir un écrit et une signature.

[42]      Lors de son interrogatoire au sujet de la clause en cause, le demandeur a clairement reconnu avoir inclus cette clause dans différents mandats « pour l’exclusivité, pour protéger contre la compétition ». Il a confirmé que son intention était qu’elle s’applique à l’ensemble des mandats reçus de la société défenderesse (Orio) (pièce BS-1 de l’affidavit de Brigitte Sauvageau, interrogatoire de M. Doris Tremblay, onglet 4, page 14). Bien que le demandeur ait plaidé que ce libellé de la clause en question s’apparente à une clause de non-concurrence plutôt qu’à une clause de cession des droits d’auteur, l’argument du demandeur n’a pas convaincu cette Cour.

[43]      La Cour rappelle d’abord que la clause en cause se situe sous la rubrique « Propriété » et indique que le développement fait pour Orio (la défenderesse) « deviendra la propriété exclusive » d’Orio (la défenderesse) et ne pourra être « commercialisé ou réutilisé par Service Informatiques Professionnels ou tout autre intervenant ». Le demandeur en interrogatoire a d’ailleurs admis qu’il concédait un droit de commercialisation à la défenderesse (pièce BS-1 de l’affidavit de Brigitte Sauvageau, interrogatoire de M. Doris Tremblay, onglet 4, page 16).

[44]      La Cour est d’avis que le libellé de cette clause équivaut à une cession de droits d’auteur du demandeur au profit de la défenderesse. En effet, un droit d’auteur étant un droit de propriété (article 3 de la Loi), l’emploi des termes « propriété » et « propriété exclusive » ne peut que faire référence aux droits d’auteur. Qui plus est, cette propriété « exclusive » au profit d’Orio, la défenderesse, fait écho à la nature exclusive du droit d’auteur tel que défini à l’article 3 de la Loi. Dans le même sens, la clause en cause mentionne que la « propriété » visée ne peut être commercialisée par l’entreprise du demandeur, Service Informatique Professionnel. En somme, il y a en l’espèce un écrit qui démontre une intention de la part du demandeur de céder ses droits à la société défenderesse. Toutefois, cet écrit n’est pas signé tel que l’exige le paragraphe 13(4) de la Loi.

[45]      Or, le droit d’auteur est un droit statutaire et tel qu’expliqué précédemment, le paragraphe 13(4) exige non seulement un écrit, mais également une signature pour que la cession des droits d’auteur puisse opérer.

[46]      Lors de l’audience devant cette Cour, l’avocat du demandeur a souligné l’absence de signature du demandeur sur la soumission. La défenderesse, quant à elle, a insisté sur le fait que lors de son interrogatoire, le demandeur a admis avoir pris l’initiative d’inclure la clause en cause à l’ensemble de ses soumissions faites à la défenderesse, lui concédant ainsi le droit de commercialiser le logiciel (pièce BS-1 de l’affidavit de Brigitte Sauvageau, onglet 4, pages 14 et 16) :

Q         Vous y êtes, propriété :

« Tout développement fait [pour] Orio Canada inc. deviendra la propriété exclusive de celui-ci et ne pourra donc pas être commercialisé ou réutilisé par Services Informatiques Professionnels ou tout autre intervenant. »

C’est vous qui avez pris l’initiative de mettre cette clause-là?

R          Oui.

Q         Pourquoi?

R          Parce que c’est une annotation utilisée pour différents mandats déjà, pour l’exclusivité, pour protéger contre la compétition.

Q         Est-ce que ça s’appliquait à l’ensemble des mandats que vous avez eus de Orio Canada?

R          Oui, les soumissions qui sont établies là, oui, sûrement.

[…]

Q         Est-ce que ça voulait dire que vous ne lui concédiez pas le droit de le commercialiser?

R          Non.

Q         Non. Ça comprenait le droit de le commercialiser, on s’entend là-dessus?

R          Oui.

[47]      Selon la défenderesse, cette admission a valeur de signature (notes sténographiques de l’audience du 8 janvier 2013, aux pages 128 et 129). S’il est vrai que l’admission du demandeur traduit une intention, il est difficile pour cette Cour à la lecture du libellé du paragraphe 13(4) de la Loi de conclure que cette intention du demandeur, aussi claire semble-t-elle, puisse servir à contourner la condition conjonctive de l’écrit et de la signature imposée par la Loi. En effet, le législateur ne fait pas référence au concept d’intention au paragraphe 13(4) de la Loi mais exige expressément un écrit et une signature afin que la cession des droits d’auteur soit cristallisée. La jurisprudence a confirmé à maintes reprises que cette condition en est une de fond et demeure une condition de validité de la cession (Motel 6; Mensys, précités).

[48]      En l’espèce, la Cour ne peut que constater l’absence de signature. Bien que les parties aient confirmé devant cette Cour que le demandeur a fait parvenir d’autres soumissions à la défenderesse comportant la même clause, la preuve ne permet pas à cette Cour de conclure que les soumissions postérieures au mois d’avril 2007 comporteraient une signature. Qui plus est, la défenderesse n’a soumis aucune preuve supplémentaire devant cette Cour qui pourrait avoir valeur de signature (Milliken & Co. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc., [1998] 3 C.F. 103 (1re inst.)).

[49]      N’eût été de l’absence de signature du demandeur, il y aurait eu cession des droits d’auteur au sens de la Loi, mais dans les circonstances, la Cour ne peut que conclure qu’en vertu du paragraphe 13(4) de la Loi, le demandeur n’a pas cédé ses droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié. En arriver à la conclusion contraire uniquement sur la base du témoignage du demandeur, comme l’a plaidé la défenderesse, aurait pour conséquence de faire fi de l’exigence imposée par le législateur. La conclusion peut paraître rigide, mais elle est conforme aux exigences formalistes de la Loi. Il n’était pas suffisant pour le représentant de la société défenderesse (M. François Gagné) d’éviter de traiter explicitement de la question des droits d’auteur avec le demandeur au motif que, « dans [sa] tête à [lui], c’était très clair » (dossier de requête pour procès sommaire, pièce MAD-2 de l’affidavit de Marie-Anick Décarie, interrogatoire de François Gagné, page 162 (page 50, ligne 4 de l’interrogatoire)).

[50]      La défenderesse a également soumis à titre d’argument additionnel qu’elle a payé les honoraires au demandeur et que ce dernier n’a jamais réclamé de redevances. Pourtant, ce n’est pas parce que la défenderesse a payé le demandeur pour son travail que la défenderesse en détient les droits d’auteur et ce n’est pas parce que le demandeur n’a pas réclamé de redevances qu’il n’en détient pas.

[51]      Cela étant, et bien que la preuve au dossier ne permette pas à cette Cour de conclure que le demandeur ait cédé ses droits d’auteur en vertu des conditions exigées par le paragraphe 13(4) de la Loi, la Cour est néanmoins d’avis, sur la base du dossier et de la preuve, que le demandeur a octroyé une licence d’utilisation implicite à la défenderesse dans le logiciel SAM modifié. Cette conclusion s’impose par déduction nécessaire pour les raisons qui suivent.

[52]      Tout d’abord, la Cour constate que la présente affaire comporte un facteur crucial et déterminant : le demandeur est l’auteur du libellé de la clause en cause et cette dernière a été inscrite dans les soumissions à l’initiative du demandeur et non de la défenderesse. Ensuite, la preuve démontre que le demandeur a inclus cette clause de façon répétée dans toutes ses soumissions avec la défenderesse et qu’il a l’habitude de fonctionner de la sorte. Le demandeur a confirmé ces faits dans son interrogatoire en précisant que l’objectif de cette clause était de permettre à la défenderesse de faire la commercialisation du logiciel SAM modifié. La preuve démontre également que le demandeur savait que le logiciel SAM modifié serait installé chez des concessionnaires automobiles. Le demandeur s’est d’ailleurs rendu en personne chez les concessionnaires à quelques reprises. La Cour rappelle aussi qu’il n’est pas contesté que le demandeur a reçu rémunération pour son travail (Céjibé Communication inc. c. Construction Cleary (1992) inc., [1998] J.Q. no 3520 (C.S.) (QL)).

[53]      Ainsi, à la lumière de la preuve, la Cour en arrive à la conclusion que le demandeur a implicitement consenti à une licence au profit de la défenderesse afin que cette dernière puisse utiliser le logiciel SAM modifié. La jurisprudence a reconnu qu’une licence implicite peut s’inférer du comportement des parties et n’a pas à être consignée par écrit (Silverson v. Neon Products Ltd., [1978] 6 W.W.R. 512 (C.S. C.-B.); Cselko Associates Inc. v. Zellers Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 56 (Div. gén.Ont.)). La Cour est d’avis que c’est le cas en l’espèce.

[54]      La Cour abordera donc brièvement la question de la violation du droit d’auteur alléguée par la demanderesse.

D.        Violation du droit d’auteur

[55]      Pour qu’il y ait violation en vertu de l’article 27, la Loi exige qu’un geste ou acte soit posé sans le consentement du titulaire des droits d’auteur en cause.

[56]      L’article 27 de la Loi se lit comme suit :

PARTIE III

VIOLATION DU DROIT D’AUTEUR ET DES DROITS MORAUX, ET CAS D’EXCEPTION

Violation du droit d’auteur

Règle générale

27. (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

Règle générale

(2) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement de tout acte ci-après en ce qui a trait à l’exemplaire d’une œuvre, d’une fixation d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’une fixation d’un signal de communication alors que la personne qui accomplit l’acte sait ou devrait savoir que la production de l’exemplaire constitue une violation de ce droit, ou en constituerait une si l’exemplaire avait été produit au Canada par la personne qui l’a produit :

a) la vente ou la location;

b) la mise en circulation de façon à porter préjudice au titulaire du droit d’auteur;

c) la mise en circulation, la mise ou l’offre en vente ou en location, ou l’exposition en public, dans un but commercial;

d) la possession en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c);

e) l’importation au Canada en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c). [La Cour souligne.]

Violation à une étape ultérieure

[57]      Tel qu’indiqué précédemment, la preuve au dossier démontre que le demandeur a implicitement consenti à ce que la défenderesse utilise le logiciel SAM modifié et lui a accordé une licence d’utilisation. Il s’ensuit que la prétention du demandeur comme quoi ses droits d’auteur ont été violés en vertu de l’article 27 de la Loi pour cause d’absence de consentement de sa part ne peut donc être retenue car il y a eu consentement de la part du demandeur.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1) Le demandeur est le titulaire des droits d’auteur dans le logiciel SAM modifié;

2) Le demandeur n’a pas cédé ses droits d’auteur à la défenderesse dans le logiciel SAM modifié;

3) Le demandeur a accordé une licence implicite d’utilisation à la défenderesse l’autorisant ainsi à utiliser le logiciel SAM modifié;

4) Les droits d’auteur du demandeur n’ont pas été violés par la défenderesse;

5) Vu le résultat de l’instance, chaque partie assumera ses propres dépens.

Annexe

Les dispositions pertinentes de la Loi sur le droit d’auteur en l’espèce sont les suivantes :

DÉFINITIONS ET DISPOSITIONS INTERPRÉTATIVES

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

Définitions

« œuvre littéraire » Y sont assimilés les tableaux, les programmes d’ordinateur et les compilations d’œuvres littéraires.

[…]

« œuvre littéraire » “literary work

« programme d’ordinateur » Ensemble d’instructions ou d’énoncés destiné, quelle que soit la façon dont ils sont exprimés, fixés, incorporés ou emmagasinés, à être utilisé directement ou indirectement dans un ordinateur en vue d’un résultat particulier.

[…]

« programme d’ordinateur » “computer program

PARTIE I

DROIT D’AUTEUR ET DROITS MORAUX SUR LES ŒUVRES

Droit d’auteur

3. (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

a) de produire, reproduire, représenter ou publier une traduction de l’œuvre;

b) s’il s’agit d’une œuvre dramatique, de la transformer en un roman ou en une autre œuvre non dramatique;

c) s’il s’agit d’un roman ou d’une autre œuvre non dramatique, ou d’une œuvre artistique, de transformer cette œuvre en une œuvre dramatique, par voie de représentation publique ou autrement;

d) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique ou musicale, d’en faire un enregistrement sonore, film cinématographique ou autre support, à l’aide desquels l’œuvre peut être reproduite, représentée ou exécutée mécaniquement;

e) s’il s’agit d’une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique, de reproduire, d’adapter et de présenter publiquement l’œuvre en tant qu’œuvre cinématographique;

f) de communiquer au public, par télécommunication, une œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique;

g) de présenter au public lors d’une exposition, à des fins autres que la vente ou la location, une œuvre artistique — autre qu’une carte géographique ou marine, un plan ou un graphique — créée après le 7 juin 1988;

h) de louer un programme d’ordinateur qui peut être reproduit dans le cadre normal de son utilisation, sauf la reproduction effectuée pendant son exécution avec un ordinateur ou autre machine ou appareil;

i) s’il s’agit d’une œuvre musicale, d’en louer tout enregistrement sonore;

j) s’il s’agit d’une œuvre sous forme d’un objet tangible, d’effectuer le transfert de propriété, notamment par vente, de l’objet, dans la mesure où la propriété de celui-ci n’a jamais été transférée au Canada ou à l’étranger avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur.

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

[…]

Droit d’auteur sur l’œuvre

Possession du droit d’auteur

13. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l’auteur d’une œuvre est le premier titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre.

(2) [Abrogé, 2012, ch. 20, art. 7]

Possession du droit d’auteur

(3) Lorsque l’auteur est employé par une autre personne en vertu d’un contrat de louage de service ou d’apprentissage, et que l’œuvre est exécutée dans l’exercice de cet emploi, l’employeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire du droit d’auteur; mais lorsque l’œuvre est un article ou une autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique du même genre, l’auteur, en l’absence de convention contraire, est réputé posséder le droit d’interdire la publication de cette œuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique semblable.

Œuvre exécutée dans l’exercice d’un emploi

(4) Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire, au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait l’objet, ou par son agent dûment autorisé.

Cession et licences

(5) Lorsque, en vertu d’une cession partielle du droit d’auteur, le cessionnaire est investi d’un droit quelconque compris dans le droit d’auteur, sont traités comme titulaires du droit d’auteur, pour l’application de la présente loi, le cessionnaire, en ce qui concerne les droits cédés, et le cédant, en ce qui concerne les droits non cédés, les dispositions de la présente loi recevant leur application en conséquence.

Possession dans le cas de cession partielle

(6) Il est entendu que la cession du droit d’action pour violation du droit d’auteur est réputée avoir toujours pu se faire en relation avec la cession du droit d’auteur ou la concession par licence de l’intérêt dans celui-ci.

Cession d’un droit de recours

(7) Il est entendu que la concession d’une licence exclusive sur un droit d’auteur est réputée toujours avoir valu concession par licence d’un intérêt dans ce droit d’auteur.

[…]

Licence exclusive

PARTIE III

VIOLATION DU DROIT D’AUTEUR ET DES DROITS MORAUX, ET CAS D’EXCEPTION

Violation du droit d’auteur

Règle générale

27. (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

Règle générale

(2) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement de tout acte ci-après en ce qui a trait à l’exemplaire d’une œuvre, d’une fixation d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’une fixation d’un signal de communication alors que la personne qui accomplit l’acte sait ou devrait savoir que la production de l’exemplaire constitue une violation de ce droit, ou en constituerait une si l’exemplaire avait été produit au Canada par la personne qui l’a produit :

a) la vente ou la location;

b) la mise en circulation de façon à porter préjudice au titulaire du droit d’auteur;

c) la mise en circulation, la mise ou l’offre en vente ou en location, ou l’exposition en public, dans un but commercial;

d) la possession en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c);

e) l’importation au Canada en vue de l’un ou l’autre des actes visés aux alinéas a) à c).

[…]

Violation à une étape ultérieure

PARTIE IV

RECOURS

Recours civils

Violation du droit d’auteur et des droits moraux

[…]

34.1 (1) Dans toute procédure civile engagée en vertu de la présente loi où le défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur :

a) l’œuvre, la prestation, l’enregistrement sonore ou le signal de communication, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, présumé être protégé par le droit d’auteur;

b) l’auteur, l’artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d’auteur.

Présomption de propriété

(2) Dans toute contestation de cette nature, lorsque aucun acte de cession du droit d’auteur ni aucune licence concédant un intérêt dans le droit d’auteur n’a été enregistré sous l’autorité de la présente loi :

a) si un nom paraissant être celui de l’auteur de l’œuvre, de l’artiste-interprète de la prestation, du producteur de l’enregistrement sonore ou du radiodiffuseur du signal de communication y est imprimé ou autrement indiqué, de la manière habituelle, la personne dont le nom est ainsi imprimé ou indiqué est, jusqu’à preuve contraire, présumée être l’auteur, l’artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur;

b) si aucun nom n’est imprimé ou indiqué de cette façon, ou si le nom ainsi imprimé ou indiqué n’est pas le véritable nom de l’auteur, de l’artiste-interprète, du producteur ou du radiodiffuseur, selon le cas, ou le nom sous lequel il est généralement connu, et si un nom paraissant être celui de l’éditeur ou du titulaire du droit d’auteur y est imprimé ou autrement indiqué de la manière habituelle, la personne dont le nom est ainsi imprimé ou indiqué est, jusqu’à preuve contraire, présumée être le titulaire du droit d’auteur en question;

c) si un nom paraissant être celui du producteur d’une œuvre cinématographique y est indiqué de la manière habituelle, cette personne est présumée, jusqu’à preuve contraire, être le producteur de l’œuvre.

Aucun enregistrement

Les dispositions suivantes des Règles des Cours fédérales concernant les jugements sommaires sont pertinentes pour le cas en l’espèce :

Jugement et procès sommaires

Requête et signification

213. (1) Une partie peut présenter une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire à l’égard de toutes ou d’une partie des questions que soulèvent les actes de procédure. Le cas échéant, elle la présente après le dépôt de la défense du défendeur et avant que les heures, date et lieu de l’instruction soient fixés.

Requête d’une partie

(2) Si une partie présente l’une de ces requêtes en jugement sommaire ou en procès sommaire, elle ne peut présenter de nouveau l’une ou l’autre de ces requêtes à moins d’obtenir l’autorisation de la Cour.

Nouvelle requête

(3) La requête en jugement sommaire ou en procès sommaire dans une action est présentée par signification et dépôt d’un avis de requête et d’un dossier de requête au moins vingt jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis.

Obligations du requérant

(4) La partie qui reçoit signification de la requête signifie et dépose un dossier de réponse au moins dix jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis de requête.

Obligations de l’autre partie

Jugement sommaire

214. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée sur un élément qui pourrait être produit ultérieurement en preuve dans l’instance. Elle doit énoncer les faits précis et produire les éléments de preuve démontrant l’existence d’une véritable question litigieuse.

Faits et éléments de preuve nécessaires

215. (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

Absence de véritable question litigieuse

(2) Si la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

a) la somme à laquelle le requérant a droit, elle peut ordonner l’instruction de cette question ou rendre un jugement sommaire assorti d’un renvoi pour détermination de la somme conformément à la règle 153;

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

Somme d’argent ou point de droit

(3) Si la Cour est convaincue qu’il existe une véritable question de fait ou de droit litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut :

a) néanmoins trancher cette question par voie de procès sommaire et rendre toute ordonnance nécessaire pour le déroulement de ce procès;

b) rejeter la requête en tout ou en partie et ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

Pouvoirs de la Cour

Procès sommaire

216. (1) Le dossier de requête en procès sommaire contient la totalité des éléments de preuve sur lesquels une partie compte se fonder, notamment :

a) les affidavits;

b) les aveux visés à la règle 256;

c) les affidavits et les déclarations des témoins experts établis conformément au paragraphe 258(5);

d) les éléments de preuve admissibles en vertu des règles 288 et 289.

Dossier de requête en procès sommaire

(2) Des affidavits ou déclarations supplémentaires ne peuvent être signifiés que si, selon le cas :

a) s’agissant du requérant, ces affidavits ou déclarations seraient admissibles en contre-preuve à l’instruction et leurs signification et dépôt sont faits au moins cinq jours avant la date de l’audition de la requête indiquée dans l’avis de requête;

b) la Cour l’autorise.

Affidavits ou déclarations supplémentaires

(3) La Cour peut rendre toute ordonnance nécessaire au déroulement du procès sommaire, notamment pour obliger le déclarant d’un affidavit ou le témoin expert ayant fait une déclaration à se présenter à un contre-interrogatoire devant la Cour.

Déroulement du procès sommaire

(4) La Cour peut tirer des conclusions défavorables du fait qu’une partie ne procède pas au contre-interrogatoire du déclarant d’un affidavit ou ne dépose pas de preuve contradictoire.

Conclusions défavorables

(5) La Cour rejette la requête si, selon le cas :

a) les questions soulevées ne se prêtent pas à la tenue d’un procès sommaire;

b) un procès sommaire n’est pas susceptible de contribuer efficacement au règlement de l’action.

Rejet de la requête

(6) Si la Cour est convaincue de la suffisance de la preuve pour trancher l’affaire, indépendamment des sommes en cause, de la complexité des questions en litige et de l’existence d’une preuve contradictoire, elle peut rendre un jugement sur l’ensemble des questions ou sur une question en particulier à moins qu’elle ne soit d’avis qu’il serait injuste de trancher les questions en litige dans le cadre de la requête.

Jugement sur l’ensemble des questions ou sur une question en particulier

(7) Au moment de rendre son jugement, la Cour peut rendre toute ordonnance nécessaire afin de statuer sur l’action, notamment :

a) ordonner une instruction portant sur la détermination de la somme à laquelle a droit le requérant ou le renvoi de cette détermination conformément à la règle 153;

b) imposer les conditions concernant l’exécution forcée du jugement;

c) adjuger les dépens.

Ordonnance pour statuer sur l’action

(8) Si la requête en procès sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l’action ou toute question litigieuse non tranchée par jugement sommaire soit instruite ou que l’action se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

Instruction ou instance à gestion spéciale

Dispositions générales

217. Le demandeur qui obtient un jugement au titre des règles 215 ou 216 peut poursuivre le même défendeur pour une autre réparation ou poursuivre un autre défendeur pour toute réparation.

Droits du demandeur obtenant jugement

218. Si le jugement visé aux règles 215 ou 216 est refusé ou n’est accordé qu’en partie, la Cour peut, par ordonnance, préciser les faits substantiels qui ne sont pas en litige et déterminer les questions à instruire, ainsi que :

a) ordonner la consignation à la Cour d’une somme d’argent représentant la totalité ou une partie de la réclamation;

b) ordonner la fourniture d’un cautionnement pour dépens;

c) limiter la nature et l’étendue de l’interrogatoire préalable aux questions non visées par les affidavits déposés à l’appui de la requête en jugement sommaire ou en procès sommaire, ou par tout contre-interrogatoire s’y rapportant, et permettre leur utilisation à l’instruction de la même manière qu’un interrogatoire préalable.

Pouvoirs de la Cour

219. Au moment de rendre un jugement en application des règles 215 ou 216, la Cour peut ordonner de surseoir à l’exécution forcée du jugement jusqu’à la détermination de toute autre question soulevée dans l’action ou dans une demande reconventionnelle ou une mise en cause.

Sursis d’exécution

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