Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[2001] 3 C.F. 566

A-13-00

2001 CAF 162

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (appelant)

c.

L’Alliance de la fonction publique du Canada et la Commission canadienne des droits de la personne (intimées)

Répertorié : Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada (C.A.)

Cour d’appel, juges Stone, Létourneau et Rothstein, J.C.A.Ottawa, 3, 4, 5 avril et 24 mai 2001.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — Quo warranto — L’AFPC a déposé une plainte dans laquelle elle alléguait que le gouvernement des T.N.-O. pratiquait de la discrimination dans la classification et la rémunération de ses employés féminins — La CCDP a constitué un Tribunal des droits de la personne pour qu’il fasse enquête sur les aspects des plaintes liés aux art. 7 et 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne — La Loi a été modifiée afin de corriger les problèmes relatifs à l’indépendance institutionnelle — Le gouvernement des T.N.-O. a néanmoins contesté l’indépendance institutionnelle et l’impartialité du Tribunal — Il a demandé un bref de quo warranto car le mandat des membres du Tribunal était terminé — Les membres dont la compétence était contestée n’ont pas été nommés membres du nouveau Tribunal — Ils possédaient le pouvoir légal d’achever l’audition de la plainte conformément à l’art. 33(3) de la disposition transitoire — Ils n’ont pas fait preuve de partialité institutionnelle ou personnelle dans la conduite des audiences — Le caractère impératif des directives émises en vertu de l’art. 27(3) de la Loi ne compromet pas l’indépendance institutionnelle et l’impartialité des membres.

Droits de la personne — L’AFPC a allégué que le gouvernement des T.N.-O. pratiquait de la discrimination dans la rémunération de groupes principalement composés de femmes — La CCDP a constitué un Tribunal pour qu’il fasse enquête sur les aspects des plaintes liés aux art. 7 et 11 de la LCDP — La Loi a été modifiée afin de corriger les problèmes relatifs à l’indépendance institutionnelle — Le gouvernement des T.N.-O. a néanmoins contesté l’indépendance institutionnelle et l’impartialité du Tribunal — Les membres dont la compétence était contestée n’ont pas été nommés membres du nouveau Tribunal — Ils possédaient le pouvoir légal d’achever l’audition de la plainte contre l’appelant conformément à l’art. 33(3) de la disposition transitoire — Le gouvernement des T.N.-O. avait la qualité voulue pour soutenir que les règles de la justice naturelle s’appliquaient en l’espèce.

Déclaration des droits — Il s’agissait de savoir si le gouvernement des T.N.-O. pouvait invoquer utilement les exigences relatives à une audition équitable garantie par l’art. 2e) de la Déclaration canadienne des droits — Le gouvernement aurait le droit de demander que ses droits et obligations soient déterminés par un tribunal indépendant et impartial s’il démontre qu’il bénéficie de la protection qu’accorde l’art. 2e) — Il n’a pas invoqué la Déclaration canadienne des droits à titre de moyen de défense pour ce qui est de l’examen au fond de la plainte, mais il a demandé simplement que cette plainte soit examinée au fond par un tribunal indépendant et impartial — Le mot « personne » figurant à l’art. 2e) inclut la Couronne — Le gouvernement avait droit à une audition équitable en vertu de l’art. 2e).

Pratique — Parties — Qualité pour agir — Le juge des requêtes a statué que le gouvernement des T.N.-O. n’avait pas la qualité pour prétendre que la LCDP crée un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle — Le gouvernement n’était pas d’accord avec l’interprétation à donner à la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais il n’a pas contesté sa validité — Il possédait la qualité pour agir devant les tribunaux dans le but de faire reconnaître ses pouvoirs législatifs et en assurer l’exercice et pour se défendre dans le cas où il serait poursuivi en cas d’excès de pouvoir ou d’exercice illégal de ses pouvoirs — Le juge des requêtes a commis une erreur en lui refusant la qualité pour agir devant les tribunaux.

Il s’agissait d’un appel formé contre une décision de la Section de première instance selon laquelle l’appelant n’avait pas la qualité pour prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) ou de l’un de ses règlements d’application créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle. L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a déposé le 28 mars 1989 une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) dans laquelle elle alléguait que l’appelant pratiquait de la discrimination dans la classification et la rémunération de groupes principalement composés de femmes, en violation des articles 7, 10 et 11 de la Loi. La CCDP a constitué un Tribunal des droits de la personne pour qu’il fasse enquête sur les aspects des plaintes liés aux articles 7 et 11. Dans sa première demande de contrôle judiciaire, l’appelant a soutenu que la CCDP n’avait pas le pouvoir d’examiner la plainte et qu’il existait une crainte raisonnable de partialité de sa part. La Loi a été modifiée en juin 1998. Ces modifications n’ont pas empêché l’appelant de contester à nouveau l’indépendance institutionnelle et l’impartialité du tribunal. Le juge des requêtes a rejeté la quatrième demande de contrôle judiciaire de l’appelant et a conclu que ce dernier faisait partie de la Couronne fédérale et que, par conséquent, il n’avait pas la qualité pour prétendre que la Loi canadienne sur les droits de la personne crée un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle. Trois questions principales ont été soulevées en appel : 1) l’appelant avait-il qualité pour soutenir que les dispositions de la Loi créent un régime qui est contraire aux exigences de la justice naturelle? 2) la rémunération à la journée des trois membres investis du pouvoir d’entendre la plainte et le caractère impératif des directives émises en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi compromettent-ils l’indépendance institutionnelle et l’impartialité de ces membres? et 3) l’applicabilité de la Déclaration canadienne des droits.

Arrêt (motifs concordants du juge Rothstein, J.C.A.) : l’appel doit être accueilli.

Le juge Létourneau, J.C.A. : 1) Il y a eu une méprise et une erreur de qualification au sujet du but que recherchait l’appelant en demandant le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. L’appelant ne contestait pas la validité de la Loi; cependant, il soutenait que les paragraphes 27(3) et 48.2(2) de la Loi ont pour effet de le priver de son droit reconnu par la common law d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial. La position qu’a adoptée l’appelant au sujet de ces paragraphes porte davantage sur l’interprétation et l’effet de la Loi que sur sa validité. L’appelant possédait, pour ce qui est de l’exercice de ces pouvoirs législatifs, la qualité pour agir devant les tribunaux dans le but de faire reconnaître ces pouvoirs et en assurer l’exercice et pour se défendre dans le cas où il serait poursuivi en cas d’excès de pouvoir ou d’exercice illégal de ces pouvoirs. La qualité que possède l’appelant comporte également le droit de demander, comme le prévoient les règles de la justice naturelle, à un tribunal indépendant et impartial d’appliquer et d’interpréter une loi dont la validité n’est pas contestée. Le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu’il a refusé à l’appelant la qualité nécessaire pour soutenir devant les tribunaux que les règles de la justice naturelle s’appliquent aux faits de l’espèce et que, par conséquent, il peut en demander l’application. L’argument de l’appelant selon lequel les membres du Tribunal n’avaient pas le pouvoir d’entendre la plainte présentée contre lui et devraient être révoqués par un bref de quo warranto puisqu’ils occupaient désormais leur poste sans droit était mal fondé et découlait d’une méprise au sujet de l’intention du législateur et des dispositions qu’il avait adoptées. Les trois membres dont les pouvoirs étaient contestés n’avaient pas été nommés membres du nouveau Tribunal. L’appelant soutenait à tort que le mandat des trois membres devait être prolongé et que cette prolongation devait être approuvée par le président du Tribunal canadien des droits de la personne conformément au paragraphe 48.2(2) de la Loi modifiée. Cette disposition ne s’applique pas aux membres du Comité du tribunal des droits de la personne puisqu’ils n’étaient pas membres du Tribunal canadien des droits de la personne à qui ce paragraphe devait s’appliquer. Les anciens membres du Comité du tribunal des droits de la personne n’avaient pas le droit de siéger indéfiniment; ils avaient simplement le pouvoir d’achever leur enquête sur les plaintes dont ils étaient saisis. De plus, ils n’avaient pas besoin de l’approbation du président pour terminer l’examen de la plainte déposée contre l’appelant parce qu’ils avaient le pouvoir légal de le faire conformément au paragraphe 33(3) de la disposition transitoire.

2) L’indépendance judiciaire n’est pas compromise par le fait que les salaires des juges sont fixés par décret. Le fait que le gouvernement fixe la rémunération des juges avant qu’ils ne soient nommés est un facteur qui joue un rôle important dans l’appréciation de l’indépendance d’un tribunal. Les règles constitutionnelles ou de la common law en matière d’indépendance et d’impartialité applicables aux cours ne s’appliquent pas avec la même rigueur aux tribunaux administratifs. Les trois membres de ce tribunal exerçaient pour l’essentiel des fonctions juridictionnelles, mais ils ne constituaient pas une juridiction même si le tribunal y ressemblait beaucoup. Il y a lieu de faire preuve d’une certaine souplesse à l’endroit des tribunaux administratifs. Une personne raisonnable informée du fait que les trois membres étaient rémunérés à la journée pour leur travail conformément à un barème fixé par le gouverneur en conseil avant leur nomination et qui examinerait la question de façon réaliste et concrète, ne conclurait pas qu’ils ne constituaient pas un tribunal indépendant et impartial sur le plan organique ou qu’ils faisaient preuve d’une partialité institutionnelle ou personnelle dans la conduite des audiences. Il n’était pas possible de déduire de la simple possibilité qu’une des parties pose des gestes irréguliers qu’une crainte raisonnable de partialité de la part des trois membres chargés d’entendre la plainte existerait. Une supposition fantaisiste ne suffit pas à créer dans l’esprit d’une personne raisonnable et bien informée une crainte raisonnable de partialité.

Les anciens paragraphes 27(2) et (3) de la Loi étaient les dispositions en vigueur au moment où l’AFPC a déposé sa plainte contre l’appelant. Le législateur avait l’intention que les nouveaux paragraphes 27(2) et (3), dont la portée a été restreinte, continuent de s’appliquer aux enquêtes relatives à une catégorie de cas, comme en l’espèce, qui ont été commencées avant la modification et poursuivies par la suite, d’autant plus que la modification de 1998 avait un objet réparateur et visait à éviter toute atteinte aux règles de la justice naturelle. Le paragraphe 27(3) de la Loi, tel qu’il s’applique aujourd’hui, ne compromet pas l’indépendance et l’impartialité des membres du tribunal qui entendent des plaintes relatives aux droits de la personne.

3) Les organismes administratifs peuvent être tenus, en vertu du droit commun, de se conformer aux principes de justice naturelle et ces principes visent à assurer l’impartialité et l’indépendance du décideur. Il s’agissait de savoir si l’appelant pouvait invoquer utilement les exigences relatives à une audition équitable garantie par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. L’appelant aurait le droit de demander que ses droits et obligations soient déterminés par un tribunal indépendant et impartial s’il démontre qu’il bénéficie de la protection qu’accorde cette disposition. L’appelant avait fait l’objet d’une plainte et il demandait simplement que cette plainte soit examinée au fond par un tribunal indépendant et impartial; il n’a pas invoqué la Déclaration canadienne des droits à titre de moyen de défense pour ce qui est de l’examen au fond de la plainte. Compte tenu de la portée limitée de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, la Déclaration canadienne des droits peut jouer un rôle supplétif important lorsqu’il s’agit de la détermination de droits et d’obligations par un tribunal administratif ou civil. Compte tenu de ce rôle important et de l’importance pour un plaideur de voir ses droits et ses obligations déterminés au cours d’une audition impartiale, il n’y a aucune raison impérieuse pour laquelle le mot « personne » figurant à l’alinéa 2e) ne viserait pas la Couronne. L’appelant avait droit à une audition équitable aux termes de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. Lorsqu’il y a incompatibilité entre une disposition législative fédérale et l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, un jugement déclarant inopérante la disposition en cause, et n’ayant d’effet que pour l’espèce dont il s’agit et pour ses circonstances particulières, constitue la réparation appropriée. Si l’argument de l’appelant selon lequel le paragraphe 27(3) de la Loi viole l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits devait être retenu, ce paragraphe serait inopérant en l’espèce.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 11d).

Déclaration canadienne des droits, L.R.C. (1985), appendice III, art. 2e).

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 7, 10, 11, 27(2) (mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 20), (3) (mod., idem), 48.2(2) (édicté par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 65; L.C. 1998, ch. 9, art. 27), 49(1),(2) (mod. par L.C. 1998, ch. 9, art. 17), 66 (mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78).

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 92.

Loi de 1990 sur la négociation collective des employés de la Couronne, L.R.O. 1990, ch. C.50.

Loi de 1993 sur la négociation collective des employés de la Couronne, L.O. 1993, ch. 38 (mod. par L.O. 1995, ch. 1), art. 59(2).

Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, L.O. 1997, ch. 16, ann. A, art. 112(4).

Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l’industrie de la construction, L.Q. 1998, ch. 46, art. 131.

Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement au personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d’autres matières, et modifiant d’autres lois en conséquence, L.C. 1998, ch. 9, art. 27, 33.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 52 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 17).

Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, ch. E-10, art. 36.3 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, art. 4).

Loi sur la protection de l’enfance, L.R.T.N.-O. 1988, ch. C-6.

Loi sur la Régie de l’énergie, L.R.Q. ch. R-6.01, art. 147.

Loi sur les accidents de travail, L.R.O. 1990, ch. W.11.

Loi sur les coroners, L.R.T.N.-O. 1974, ch. C-13.

Loi sur les coroners, L.T.N.-O. 1985, ch. 2.

Loi sur les cours municipales, L.R.Q. ch. C-72.01, art. 102, 117.1.

Loi sur les courtiers en hypothèques, L.R.O. 1990, ch. M.39, art. 1(1) (mod. par L.O. 1997, ch. 28, art. 173(5)).

Loi sur les entreprises de service public, L.R.T.N.-O. 1988, ch. P-20.

Loi sur les entreprises de service public, L.T.N.-O. 1989, ch. 24 (suppl.), art. 93(2).

Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.T.N.-O. 1997, ch. 13, art. 93.

Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, L.R.C. (1985), ch. N-27, art. 16 (mod. par L.C. 1993, ch. 41, art. 10).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.-É.), [1997] 3 R.C.S. 3; (1997), 204 A.R. 1; 156 Nfld. & P.E.I.R. 1; 150 D.L.R. (4th) 577; [1997] 10 W.W.R. 417; 121 Man. R. (2d) 1; 49 Admin. L.R. (2d) 1; 118 C.C.C. (3d) 193; 11 C.P.C. (4th) 1; 217 N.R. 1; Newfoundland Assn. of Provincial Court Judges v. Newfoundland (1998), 160 D.L.R. (4th) 337; 12 Admin. L.R. (3d) 224 (C.S. T.-N.); 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919; (1996), 140 D.L.R. (4th) 577; 42 Admin. L.R. (2d) 1; 205 N.R. 1; R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484; (1997), 161 N.S.R. (2d) 241; 151 D.L.R. (4th) 193; 1 Admin. L.R. (3d) 74; 118 C.C.C. (3d) 353; 10 C.R. (5th) 1; 218 N.R. 1; Assoc. canadienne des employés de téléphone c. Bell Canada, [2001] A.C.F. no 776 (C.A.) (QL); Duke c. La Reine, [1972] R.C.S. 917; (1972), 28 D.L.R. (3d) 129; 7 C.C.C. (2d) 474; 18 C.R.N.S. 302; Verreault (J.E.) & Fils Ltée c. Procureur général (Québec), [1977] 1 R.C.S. 41; (1975), 57 D.L.R. (3d) 403; 5 N.R. 271; Procureur général du Québec c. Labrecque et autres, [1980] 2 R.C.S. 1057; (1980), 81 CLLC 14,119; Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643; (1985), 24 D.L.R. (4th) 44; [1986] 1 W.W.R. 577; 69 B.C.L.R. 255; 16 Admin. L.R. 233; 23 C.C.C. (3d) 118; 49 C.R. (3d) 35; 63 N.R. 353; Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; (1992), 95 Nfld. & P.E.I.R. 271; 4 Admin. L.R. (2d) 121; 134 N.R. 241; MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856 (1985), 22 D.L.R. (4th) 119; 16 Admin. L.R. 109; 6 C.H.R.R. D/3064; 85 CLLC 17,023; 18 C.R.R. 165; 62 N.R. 117 (C.A.).

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673; (1985), 52 O.R. (2d) 779; 24 D.L.R. (4th) 161; 23 C.C.C. (3d) 193; 49 C.R. (3d) 97; 19 C.R.R. 354; 37 M.V.R. 9; 64 N.R. 1; 14 O.A.C. 79; Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (1990), 71 D.L.R. (4th) 253; 45 Admin. L.R. 1; 109 N.R. 357 (C.A.); Reference re Meaning of the word « Persons » in s. 24 of the B.N.A. Act, 1867, [1928] R.C.S. 276; [1928] 4 D.L.R. 98; New Brunswick Broadcasting Co., Limited c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1984] 2 C.F. 410 (1984), 13 D.L.R. (4th) 77; 2 C.P.R. (3d) 433; 12 C.R.R. 249; 55 N.R. 143 (C.A.); Rajpaul c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] 3 C.F. 157 (1988), 31 Admin. L.R. 161; 5 Imm. L.R. (2d) 97; 96 N.R. 32 (C.A.).

DÉCISIONS CITÉES :

Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1996] 3 C.F. 182 (1996), 112 F.T.R. 167 (1re inst.); inf. par (1997), 208 N.R. 385 (C.A.F.); autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1997] 2 R.C.S. ix; Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada (1999), 162 F.T.R. 50 (C.F. 1re inst.); Bell Canada c. Assoc. canadienne des employés de téléphone, [1998] 3 C.F. 244 (1998), 143 F.T.R. 241 (1re inst.); R. v. Simard (1995), 27 O.R. (3d) 116; 105 C.C.C. (3d) 461; 87 O.A.C. 114 (C.A.); R. v. St-Jean, [1987] N.W.T.R. 118; (1986), 2 Y.R. 116 (C.S.); Friends of Democracy v. Northwest Territories (Attorney General) (1999), 171 D.L.R. (4th) 551 (C.S. T.N.-O.); Pfeiffer and Commissioner of the Northwest Territories (Re) (1977), 75 D.L.R. (3d) 407 (C.S. T.N.-O.); Morin v. Northwest Territories (Conflict of Interest Commissioner) (1999), 29 C.P.C. (4th) 362 (C.S. T.N.-O.); Pokiak v. Steen, [1987] N.W.T.R. 272 (C.S.); Bradasch c. Warren, [1990] 3 C.F. 32 (1990), 111 N.R. 149 (C.A.); Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753; (1981), 34 Nfld. & P.E.I.R. 1; 125 D.L.R. (3d) 1; [1981] 6 W.W.R. 1; 95 A.P.R. 1; 11 Man. R. (2d) 1; 39 N.R. 1; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217; (1998), 161 D.L.R. (4th) 385; 55 C.R.R. (2d) 1; 228 N.R. 203; Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301; (1989), 57 D.L.R. (4th) 458; [1989] 3 W.W.R. 456; 93 N.R. 1; Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767; (1974), 49 D.L.R. (3d) 1; 3 N.R. 410; Affaire intéressant le Tribunal des droits de la personne et Énergie Atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (1985), 24 D.L.R. (4th) 675; 17 Admin. L.R. 1; 7 C.H.R.R. D/3232; 86 CLLC 17,012; 64 N.R. 126 (C.A.); Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; (1995), 122 D.L.R. (4th) 129; 26 Admin. L.R. (2d) 1; [1995] 2 C.N.L.R. 92; 177 N.R. 325; Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général) (1991), 83 D.L.R. (4th) 577; [1991] R.J.Q. 2534; 38 C.P.R. (3d) 293; 41 C.A.Q. 1 (C.A.); Re Section 24 of B.N.A. Act, [1930] 1 D.L.R. 98; [1930] A.C. 124 (C.P.); R. v. British Columbia, [1992] 4 W.W.R. 490; (1992), 66 B.C.L.R. (2d) 84 (C.S. C.-B.); Attorney General of Canada v. Newfield Seeds Ltd. (1989), 63 D.L.R. (4th) 644; 80 Sask. R. 134 (C.A.); Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1; R. c. Drybones, [1970] R.C.S. 282; (1969), 9 D.L.R. (3d) 473; 71 W.W.R. 161; 10 C.R.N.S. 334; Affaire intéressant le Tribunal des droits de la personne et Énergie Atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (1985), 24 D.L.R. (4th) 675; 17 Admin. L.R. 1; 7 C.H.R.R. D/3232; 86 CLLC 17,012; 64 N.R. 126 (C.A.).

DOCTRINE

Beaudoin, Gérald A. et Ed Ratushny. Charte canadienne des droits et libertés, 2e éd. Montréal : Wilson et Lafleur, 1989.

APPEL formé contre une décision de la Section de première instance ((1999), 183 D.L.R. (4th) 175), selon laquelle l’appelant n’avait pas la qualité pour prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Earl D. Johnson, c.r., Neil Finkelstein, Melanie Aitken et E. Joy Noonan pour l’appelant.

Andrew J. Raven et David Yazbeck pour l’Alliance de la fonction publique du Canada, intimée.

René Duval et Philippe Dufresne pour la Commission canadienne des droits de la personne, intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Yellowknife, Blake, Cassels & Graydon LLP, Toronto, Davies Ward Phillips & Vineberg, Toronto, Heenan Blaikie, Ottawa, pour l’appelant.

Raven, Allen, Cameron & Ballantyne, Ottawa, pour l’Alliance de la fonction publique du Canada, intimée.

Commission canadienne des droits de la personne, Ottawa, pour la Commission canadienne des droits de la personne, intimée.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        Le juge Létourneau, J.C.A. : Le juge des requêtes a répondu à la question suivante [(1999), 183 D.L.R. (4th) 175 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 12] qui était, comme les parties en ont convenu, la question en litige dans une demande présentée par la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) pour faire déclarer que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (appelant) n’avait pas qualité pour présenter une demande de contrôle judiciaire :

Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a-t-il, en vertu de son statut constitutionnel et de l’article 66 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la qualité et/ou le pouvoir requis pour prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de l’un de ses règlements d’application créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle?

[2]        Le juge des requêtes a conclu que l’appelant n’avait pas qualité pour présenter une telle demande. Après en être arrivé à cette conclusion, il s’est toutefois abstenu d’examiner le bien-fondé des autres questions que l’appelant avait soumises au Tribunal :

a) Le caractère impératif des directives émises par la CCDP conformément au paragraphe 27(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la Loi), compromet-il l’indépendance institutionnelle et l’impartialité du Comité du Tribunal des droits de la personne, tel que constitué avant et après les modifications apportées le 30 juin 1998 à la Loi [L.C. 1998, ch. 9, art. 20];

b) La rémunération sur une base journalière des trois membres du Tribunal saisi de la plainte contre l’appelant ainsi que le fait qu’un financement spécial doive être demandé au Conseil du Trésor lorsque le Tribunal siège pendant plus de 40 jours portent-ils atteinte à l’indépendance institutionnelle et à l’impartialité du Tribunal;

c) Les trois membres du Tribunal qui a été saisi de l’affaire doivent-ils être révoqués par un bref de quo warranto, étant donné que leur mandat est expiré?

Toutes ces questions sont maintenant soulevées dans le présent appel. L’appelant soutient que nous avons compétence pour trancher toutes ces questions et que nous devrions le faire.

Les faits et la procédure

[3]        Les faits de l’espèce reflètent une longue bataille judiciaire, dont tous les aspects ne se rapportent pas aux questions en litige ici, mais qui éclaire le contexte du présent appel.

[4]        L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a déposé le 28 mars 1989 une plainte auprès de la CCDP dans laquelle elle alléguait que l’appelant pratiquait de la discrimination dans la classification et la rémunération de groupes principalement composés de femmes, en violation des articles 7, 10 et 11 de la Loi. Peu après, l’appelant et l’AFPC ont convenu d’effectuer conjointement une étude sur la parité salariale. Entre-temps, la CCDP a nommé deux enquêteurs qui ont présenté leur rapport en 1993. Plus tard cette année-là, la CCDP a informé les parties de sa décision de confier à un conciliateur les aspects de la plainte concernant les articles 7 et 11. L’appelant a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision. Cette demande était la première de quatre demandes de contrôle judiciaire qu’a présentées l’appelant.

[5]        Première demande de contrôle judiciaire. Le 25 août 1993, l’appelant soutenait, dans sa demande de contrôle judiciaire, que la CCDP n’avait pas le pouvoir d’examiner la plainte pour le motif que la Loi ne s’appliquait pas à l’appelant, ou, à titre subsidiaire, qu’il existait une crainte raisonnable de partialité de la part de la CCDP. Le juge des requêtes a statué qu’il existait une crainte raisonnable de partialité de la part d’un des enquêteurs de la CCDP qui était également membre de l’AFPC, l’intimée : Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1996] 3 C.F. 182 (1re inst.). Cette décision a été infirmée en appel : (1997), 208 N.R. 385 (C.A.F.); autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada refusée le 28 août 1997, [1997] 2 R.C.S. ix.

[6]        Deuxième demande de contrôle judiciaire. Le 27 mai 1997, la Commission a décidé de constituer un Tribunal des droits de la personne pour qu’il fasse enquête sur les aspects des plaintes liés aux articles 7 et 11. Le 17 juin 1997, avant que le Tribunal soit constitué, l’appelant a déposé une deuxième demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir l’annulation de la décision de la CCDP, alléguant que celle-ci avait excédé ses pouvoirs en demandant au Tribunal de ne faire enquête que sur un aspect de la plainte. Cette demande a été rejetée : Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada (1999), 162 F.T.R. 50 (C.F. 1re inst.), l’appelant s’est désisté de l’appel interjeté contre cette décision le 6 octobre 1999 (dossier A-79-99). Le 7 août 1997, le président du Comité du tribunal des droits de la personne a constitué un tribunal et, après la démission d’un des membres du tribunal nommé initialement, un deuxième tribunal a été constitué le 20 février 1998.

[7]        Troisième demande de contrôle judiciaire. Le 5 mai 1998, à la suite de la décision prononcée dans l’affaire Bell Canada c. Assoc. Canadienne des employés de téléphone, [1998] 3 C.F. 244 (1re inst.), selon laquelle le Tribunal ne possédait pas aux termes de la Loi l’indépendance institutionnelle et l’impartialité requises, le Tribunal a ajourné l’affaire sine die en attendant que la Loi soit modifiée. La Loi modifiée est entrée en vigueur le 30 juin 1998 : Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d’autres matières, et modifiant d’autres lois en conséquence, L.C. 1998, ch. 9.

[8]        Ces modifications n’ont pas empêché l’appelant de contester à nouveau l’indépendance institutionnelle et l’impartialité du Tribunal. Le 15 septembre 1998, il a déposé un avis de requête devant le Tribunal lui demandant de renvoyer devant la Cour fédérale la question de son indépendance institutionnelle et de son impartialité. Subsidiairement, il demandait au Tribunal de trancher lui-même la question. C’est la voie qu’a choisie le Tribunal qui a jugé, le 4 décembre 1998, qu’il possédait l’indépendance institutionnelle et l’impartialité nécessaires pour instruire la plainte.

[9]        Quatrième demande de contrôle judiciaire. L’appelant a demandé le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal devant la Section de première instance de la Cour fédérale. Le 4 décembre 1999, le juge des requêtes a rejeté la demande. Il a conclu que l’appelant faisait partie de la Couronne fédérale et que, par conséquent, selon la formulation de la question en litige, il n’avait pas la qualité et/ou le pouvoir requis « pour prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de l’un de ses règlements d’application créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle ».

[10]      Je vais maintenant examiner les questions en litige telles qu’elles ont été débattues en appel.

L’appelant a-t-il qualité pour soutenir que les dispositions de la Loi créent un régime qui est contraire aux exigences de la justice naturelle?

[11]      Il y a lieu de mentionner dès le départ que, tout au cours des audiences, il a été très difficile de discerner le véritable objet de la demande de contrôle judiciaire au sujet de laquelle l’appelant s’est vu refuser la qualité d’agir. L’appelant conteste les paragraphes 27(3) et 48.2(2) de la Loi, que je reproduis ici avec le paragraphe 27(2) :

27. […]

(2) Dans une catégorie de cas donnés, la Commission peut, sur demande ou de sa propre initiative, décider de préciser, par ordonnance, les limites et les modalités de l’application de la présente loi.

(3) Les ordonnances prises en vertu du paragraphe (2) lient, jusqu’à ce qu’elles soient abrogées ou modifiées, la Commission et le membre instructeur désigné en vertu du paragraphe 49(2) lors du règlement des plaintes déposées conformément à la partie III.

[…]

48.2 […]

(2) Le membre dont le mandat est échu peut, avec l’agrément du président, terminer les affaires dont il est saisi. Il est alors réputé être un membre à temps partiel pour l’application des articles 48.3, 48.6, 50 et 52 à 58.

Je dois ajouter qu’auparavant, le paragraphe 27(2) prévoyait l’adoption de directives applicables « [d]ans un cas ou une catégorie de cas donnés ».

[12]      La CCDP a vigoureusement soutenu devant nous que l’appelant ne pouvait contester la constitutionnalité d’une loi adoptée par la Couronne fédérale. Celle-ci fondait sa position sur le fait que l’appelant est le gouvernement d’un territoire qui fait partie de la Couronne du chef du Canada et qu’il n’a pas encore juridiquement acquis le statut constitutionnel de province. Sa Majesté la Reine du chef du Canada ne pouvant, selon cet argument, contester la validité de ses propres lois, l’appelant ne peut pas le faire non plus puisqu’il est une créature du Parlement fédéral qui fait partie de la Couronne fédérale.

[13]      Cet argument a entraîné un long débat sur les questions de savoir si l’appelant avait obtenu le statut de province de fait ou possédait un statut quasi constitutionnel qui lui donnerait la qualité pour agir, si les conventions constitutionnelles pouvaient avoir pour effet d’attribuer la qualité pour agir et si elles étaient susceptibles d’être exécutées. L’appelant et la CCDP ont cité des décisions judiciaires à l’appui de leurs arguments divergents : R. v. Simard (1995), 27 O.R. (3d) 116 (C.A.), à la page 129; R. v. St-Jean, [1987] N.W.T.R. 118 (C.S.); Friends of Democracy v. Northwest Territories (Attorney General) (1999), 171 D.L.R. (4th) 551 (C.S. T.N.-O.), à la page 568; Pfeiffer and Commissioner of the Northwest Territories (Re) (1977), 75 D.L.R. (3d) 407 (C.S. T.N.-O.), aux pages 415 à 417; Morin v. Northwest Territories (Conflict of Interest Commissioner) (1999), 29 C.P.C. (4th) 362 (C.S. T.N.-O.), aux pages 375 et 378 à 381; Pokiak v. Steen, [1987] N.W.T.R. 272 (C.S.); Bradasch c. Warren, [1990] 3 C.F. 32(C.A.), à la page 36; Territoires du Nord-Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1996] 3 C.F. 182 (1re inst.), au paragraphe 43; Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, [1981] 1 R.C.S. 753, aux pages 774 à 884; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, au paragraphe 75. Il s’agit certes là de questions intéressantes et stimulantes mais qui ne se rapportent pas au présent appel. En fait, il y a une méprise et une erreur de qualification au sujet du but que recherchait l’appelant en demandant le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal. Cette erreur de qualification a amené les parties et le juge des requêtes à se méprendre sur le droit applicable à l’espèce.

[14]      En fait, l’appelant ne conteste pas du tout la validité de la Loi. Il se fonde en réalité sur la Loi elle-même, telle qu’adoptée, pour soutenir et démontrer que les paragraphes 27(3) et 48.2(2) ont pour effet de le priver de son droit reconnu par la common law d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial. Dans la demande de contrôle judiciaire dans laquelle la qualité d’agir lui a été refusée, l’appelant a tout au plus donné à ces deux paragraphes une interprétation contraire à celle que souhaitaient les deux intimées. Autrement dit, la position qu’a adoptée l’appelant au sujet des paragraphes contestés porte davantage sur l’interprétation et l’effet de la Loi que sur sa validité.

[15]      L’appelant s’est vu attribuer par une loi, la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, L.R.C. (1985), ch. N-27 (L.T.N.-O.), de vastes pouvoirs, semblables à ceux conférés aux provinces par la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1 [L.R.C. (1985), appendice II, no 5]]. Aux termes de l’article 16 [mod. par L.C. 1993, ch. 41, art. 10] de la L.T.N.-O., le Commissaire en conseil a le pouvoir de prendre des ordonnances dans l’intérêt du Territoire et de ses habitants. Ces ordonnances portent sur des questions ou des matières entrant dans des domaines comparables à ceux qui ont été attribués aux provinces par l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il est incontestable que l’appelant possède, pour ce qui est de l’exercice de ses pouvoirs législatifs, la qualité pour agir devant les tribunaux dans le but de faire reconnaître ces pouvoirs et en assurer l’exercice. J’estime qu’il est également contestable que l’appelant a qualité pour agir devant les tribunaux pour se défendre dans le cas où il serait poursuivi en cas d’excès de pouvoir ou d’exercice illégal de ses pouvoirs. C’est le cas en l’espèce. L’AFPC s’est plainte du fait que l’appelant, en qualité d’employeur, avait excédé ou mal utilisé ses pouvoirs d’administration en pratiquant la discrimination dans l’emploi. L’appelant possède la qualité pour se défendre contre cette plainte. La qualité que possède l’appelant comporte également le droit de demander, comme le prévoient les règles de la justice naturelle, à un tribunal indépendant et impartial d’appliquer et d’interpréter une loi dont l’appelant ne conteste pas la validité. J’estime que le juge des requêtes a commis une erreur lorsqu’il a refusé à l’appelant la qualité nécessaire « pour prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de l’un de ses règlements d’application créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle ».

[16]      Je tiens à souligner, à propos de cette conclusion, que je ne me prononce pas ici sur le bien-fondé du droit de l’appelant de bénéficier des règles de la justice naturelle, et donc, sur le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial. Je ne fais que déclarer que l’appelant possède la qualité pour soutenir devant les tribunaux que les règles de la justice naturelle s’appliquent aux faits de l’espèce et que, par conséquent, il peut en demander l’application.

[17]      L’avocat de la CCDP, tout comme le juge des requêtes, ont accordé une grande importance à l’article 66 [mod. par L.C. 1993, ch. 28, art. 78] de la Loi qui énonce que la Loi lie Sa Majesté du chef du Canada, à l’exception des sujets concernant les Territoires du Nord-Ouest :

66. (1) La présente loi lie Sa Majesté du chef du Canada sauf en ce qui concerne les gouvernements du territoire du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du territoire du Nunavut.

(2) L’exception prévue au paragraphe (1) entre en vigueur à l’égard du gouvernement du territoire du Yukon à la date fixée par proclamation.

(3) L’exception prévue au paragraphe (1) entre en vigueur à l’égard du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à la date fixée par proclamation.

[18]      Je dois dire sincèrement que je ne vois pas ce que cette disposition ajoute ou apporte à ce débat sur la qualité pour agir. Comme je l’ai déjà fait remarquer, l’appelant ne conteste pas qu’il est lié par cette Loi. Il soutient uniquement que les dispositions pertinentes de la Loi telles qu’elles se lisent actuellement n’ont pas le sens que la CCDP prétend qu’elles ont ou souhaiterait qu’elles aient. En d’autres termes, l’appelant reconnaît qu’en vertu de l’article 66, il est lié par cette Loi mais, à tort ou à raison, il ne souscrit pas à l’interprétation que lui donne la CCDP.

La Cour devrait-elle examiner les arguments de l’appelant qui n’ont pas été tranchés par le juge des requêtes?

[19]      Je vais maintenant examiner l’argument de l’appelant selon lequel notre Cour possède, dans le présent appel, la compétence pour examiner et trancher les questions sur lesquelles le juge des requêtes ne s’est pas prononcé en raison de l’objection préliminaire présentée au sujet de la qualité de l’appelant. L’article 52 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 17)] énumère les pouvoirs que possède la Cour d’appel dans le cas d’un appel d’une décision de la Section de première instance. Plus précisément, les sous-alinéas 52b)(i) et (iii) énoncent :

52. La Cour d’appel peut :

a) arrêter les procédures dans les causes qui ne sont pas de son ressort ou entachées de mauvaise foi;

b) dans le cas d’un appel d’une décision de la Section de première instance :

(i) soit rejeter l’appel ou rendre le jugement que la Section de première instance aurait dû rendre et prendre toutes mesures d’exécution ou autres que celle-ci aurait dû prendre,

(ii) soit, à son appréciation, ordonner un nouveau procès, si l’intérêt de la justice paraît l’exiger,

(iii) soit énoncer, dans une déclaration, les conclusions auxquelles la Section de première instance aurait dû arriver sur les points qu’elle a tranchés et lui renvoyer l’affaire pour poursuite de l’instruction, à la lumière de cette déclaration, sur les points en suspens;

[20]      Je pense que le sous-alinéa 52b)(i) autorise notre Cour à examiner les questions soumises au juge des requêtes sur lesquelles celui-ci ne s’est pas prononcé. Il autorise la Cour d’appel à rendre le jugement que la Section de première instance aurait dû rendre, ce qui veut dire que la Cour d’appel peut examiner les arguments qui ont été présentés au juge des requêtes et, en rendant le jugement qui aurait dû être rendu, exposer les motifs qui auraient dû être prononcés par le juge des requêtes. L’existence d’un tel pouvoir est une chose, la décision de l’exercer en est toutefois une autre qui dépend des circonstances de l’affaire. En l’espèce, je ne pense pas qu’il serait dans l’intérêt de la justice de laisser ces questions sans réponse ou de les renvoyer au juge des requêtes pour qu’il les tranche. L’historique de l’affaire indique clairement que ces questions vont certainement devenir un autre sujet de litige, ce qui va retarder, presque à coup sûr, l’examen du fond de la demande, et qu’elles nous seront soumises plus tard. C’est pourquoi je vais examiner les trois questions qui avaient été soulevées devant le juge des requêtes dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire.

L’émission d’un bref de quo warranto

[21]      L’appelant conteste la décision du Tribunal selon laquelle, conformément au paragraphe 33(3) de la Loi modificatrice (L.C. 1998, ch. 9), il avait le pouvoir d’examiner la plainte présentée par l’AFPC. Le raisonnement à la base de cet argument est le suivant : le mandat de deux des membres du Tribunal a expiré le 30 juin et le 5 juillet 1998. Celui du troisième membre a expiré le 31 mars 2000. La Loi telle que modifiée ne contient aucune disposition ayant pour effet de prolonger le mandat des membres qui ont continué d’examiner l’affaire après l’expiration de leur mandat. Par conséquent, ils n’ont pas le pouvoir d’entendre la plainte présentée contre l’appelant et devraient être révoqués par un bref de quo warranto puisqu’ils occupent désormais leur poste sans droit. J’estime qu’il y a lieu de reproduire intégralement ici l’article 33 de la Loi modificatrice, une disposition transitoire. Il se lit ainsi :

PARTIE 3

DISPOSITIONS TRANSITOIRES,

MODIFICATIONS CORRÉLATIVES ET

ENTRÉE EN VIGUEUR

Dispositions transitoires

33. (1) Pour l’application du présent article, « entrée en vigueur » s’entend de l’entrée en vigueur de celui-ci.

(2) Sous réserve des paragraphes (3), (4) et (5), le mandat des membres du Comité du tribunal des droits de la personne prend fin à la date d’entrée en vigueur.

(3) Les membres du tribunal des droits de la personne constitué en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne avant la date d’entrée en vigueur conservent leurs pouvoirs à l’égard de la plainte qu’ils ont été chargés d’examiner.

(4) Les membres du tribunal d’appel constitué en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne avant la date d’entrée en vigueur conservent leurs pouvoirs à l’égard de l’appel dont ils sont saisis.

(5) Les membres du tribunal constitué en vertu de l’article 28 ou 39 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi avant la date d’entrée en vigueur conservent leurs pouvoirs à l’égard de l’affaire dont ils ont été saisis en vertu de cette loi.

(6) Dans l’exercice des pouvoirs prévus aux paragraphes (3), (4) et (5), les membres agissent sous l’autorité du président du Tribunal canadien des droits de la personne.

(7) Les membres reçoivent, pour l’exercice des pouvoirs prévus aux paragraphes (3), (4) et (5), la rémunération fixée par le gouverneur en conseil, sauf s’ils sont nommés membres à temps plein du tribunal.

(8) Les membres ont droit aux frais de déplacement et de subsistance entraînés par l’accomplissement, hors du lieu de leur résidence habituelle, des fonctions qui leur sont confiées en application de la présente loi, sous réserve des montants maximaux que les instructions du Conseil du Trésor fixent en semblable matière pour les fonctionnaires du gouvernement du Canada.

J’estime que l’argument de l’appelant est mal fondé et découle d’une méprise au sujet de l’intention du législateur et des dispositions qu’il a adoptées.

[22]      Il n’est pas inhabituel qu’un organe législatif fusionne ou remplace une commission ou un organisme existant par un autre dans le but de mieux répondre aux besoins de la société. Bien souvent, les membres de l’ancienne commission deviennent membres de la nouvelle commission et les dossiers ou les plaintes lui sont transférés. On cherche ainsi, bien entendu, à faciliter la transition en assurant une certaine continuité et en préservant l’expertise des membres de la nouvelle commission.

[23]      Il y a toutefois des cas où les membres de la commission qui est abolie ne sont pas nommés membres de la nouvelle commission. Cela peut arriver pour diverses raisons valides, tant administratives que personnelles, qui vont d’un manque d’expertise ou de formation juridique pour exercer les pouvoirs de la nouvelle commission au simple désir de ne pas faire partie de la nouvelle commission. Il n’est pas inhabituel que le législateur adopte, dans ce cas, une disposition transitoire, dans l’intérêt de la justice, qui dispose que les membres de la commission qui ne sont pas membres de la nouvelle sont expressément autorisés à terminer les travaux qu’ils ont entamés ou qui étaient en cours au moment de l’abolition de leur commission. C’est, comme je vais l’expliquer, exactement ce qu’a fait le législateur en l’espèce lorsqu’il a adopté l’article 33 de la Loi modificatrice.

[24]      En vertu de l’article 27 de la Loi modificatrice, le législateur a créé le Tribunal canadien des droits de la personne qui a remplacé le Comité du tribunal des droits de la personne dont étaient membres les trois personnes contre qui l’on demande un bref de quo warranto :

27. L’intertitre précédant l’article 48.1 et les articles 48.1 à 53 de la même loi sont remplacés par ce qui suit :

Tribunal canadien des droits de la personne

48.1 (1) Est constitué le Tribunal canadien des droits de la personne composé, sous réserve du paragraphe (6), d’au plus quinze membres, dont le président et le vice-président, nommés par le gouverneur en conseil.

(2) Les membres doivent avoir une expérience et des compétences dans le domaine des droits de la personne, y être sensibilisés et avoir un intérêt marqué pour ce domaine.

(3) Outre le président et le vice-président, qui doivent l’être depuis au moins dix ans, au moins deux autres membres du Tribunal doivent être membres en règle du barreau d’une province ou de la Chambre des notaires du Québec.

[25]      Aux termes des paragraphes 33(1) et (2), le mandat des membres de l’ancien Comité du tribunal des droits de la personne a expiré le 30 juin 1998, date d’entrée en vigueur des modifications. À partir de cette date, la date réelle de l’expiration du mandat des membres du Comité (le 30 juin 1998, le 5 juillet 1998 et le 31 mars 2000 pour les membres en cause ici) n’était plus pertinente puisque le mandat de toutes ces personnes a pris fin le 30 juin 1998. L’argument de l’appelant selon lequel le mandat d’au moins deux des membres s’est prolongé au-delà du 30 juin 1998 pour expirer par la suite à la date fixée au moment de leur nomination va à l’encontre des termes clairs du paragraphe 33(2).

[26]      Il n’est pas contesté que les trois membres dont les pouvoirs sont contestés dans le présent appel n’ont pas été nommés membres du nouveau Tribunal. Par conséquent, leur statut ainsi que le sort des plaintes qu’ils examinaient à cette époque sont régis par le paragraphe 33(3). Sur ce point, l’appelant soutient à tort que le mandat des trois membres doit être prolongé et que cette prolongation doit être approuvée par le président du Tribunal canadien des droits de la personne conformément au paragraphe 48.2(2) de la Loi modifiée. Dans leur décision du 4 décembre 1998, à la page 24, les membres du Comité du tribunal des droits de la personne ont à juste titre conclu que le paragraphe 48.2(2) ne leur était pas applicable puisqu’ils ne sont pas des membres du Tribunal canadien des droits de la personne à qui ce paragraphe doit manifestement s’appliquer. Il n’est pas nécessaire qu’ils demandent la prolongation d’un mandat qui est expiré et qui concerne un poste qu’ils n’occupent plus. Les paragraphes 33(4) et (5) montrent également que le législateur avait l’intention de préserver de façon comparable les pouvoirs des membres du tribunal d’appel et du tribunal d’équité en matière d’emploi. Aux termes du paragraphe 33(6), toutes ces personnes, y compris les membres de l’ancien Comité du tribunal des droits de la personne, doivent achever leurs travaux sous l’autorité du président du Tribunal canadien des droits de la personne. D’après les paragraphes 33(7) et (8), ces membres reçoivent la rémunération fixée par le gouverneur en conseil et ont droit aux frais de déplacement et de subsistance exposés dans l’exercice de leurs fonctions temporaires.

[27]      J’ai déjà mentionné qu’il n’est pas inhabituel qu’un législateur adopte une disposition transitoire pour veiller à ce que l’examen des dossiers en cours soit achevé par les anciens membres d’une commission qui n’ont pas été nommés membres de la nouvelle commission. L’Assemblée législative du Québec a adopté en 1996 une disposition pratiquement identique à celle des paragraphes 33(2) et (7) lorsqu’elle a remplacé la « Régie du gaz naturel » par la « Régie de l’énergie ». L’article 147 de la Loi sur la Régie de l’énergie, L.R.Q. ch. R-6.01 se lit ainsi :

147. Le mandat des régisseurs de la Régie du gaz naturel prend fin le 2 juin 1997. Celui du commissaire nommé en vertu de la Loi concernant l’examen des plaintes des clients des distributeurs d’électricité (chapitre E-17.1) prend fin le 11 février 1998.

Toutefois, les régisseurs peuvent continuer l’étude d’une demande dont ils ont été saisis et en décider malgré l’expiration de leur mandat. Ils seront alors rémunérés sur la base d’un taux horaire calculé en fonction de leur salaire annuel.

[28]      Dans la même veine, dans le contexte de la restructuration des cours municipales du Québec, l’Assemblée législative du Québec a prévu dans la Loi sur les cours municipales, L.R.Q. ch. C-72.01 que, lorsque la compétence d’une cour municipale est suspendue ou abolie, le juge de cette cour demeure compétent pour entendre les causes inscrites sur les rôles d’audience de la cour avant l’entrée en vigueur du décret suspendant ou abolissant la compétence de la cour :

102. Le juge de la cour demeure compétent pour entendre les causes inscrites sur l’un des rôles d’audience de la cour avant la prise d’effet du décret suspendant la compétence de la cour; il siège, à cette fin, à l’endroit indiqué dans le décret.

[…]

117.1 Le juge de la cour demeure compétent, malgré, le cas échéant, l’article 39, pour entendre et disposer des causes inscrites sur l’un des rôles d’audience de la cour avant la prise d’effet de l’abolition de la cour municipale ou du retrait du territoire d’une municipalité de la compétence d’une cour municipale; il siège à cette fin, à l’endroit indiqué par le décret.

[29]      Enfin, je devrais peut-être ajouter au sujet du législateur québécois que, dans la Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l’industrie de la construction, L.Q. 1998, ch. 46, l’Assemblée législative du Québec a édicté, de façon un peu plus explicite cette fois, que les affaires en cours peuvent être terminées, et a fixé les conditions de travail des membres qui s’occupent de ces affaires; elle n’a toutefois pas précisé ce qui se passerait si l’étude d’une affaire se prolongeait au-delà de six mois. Je reproduis l’article 131 de cette Loi :

131. Le mandat du commissaire et du commissaire adjoint de la construction prend fin le 8 septembre 1998.

Lorsque les parties y consentent, le commissaire et le commissaire adjoint de la construction peuvent, malgré la fin de leur mandat, terminer les affaires qu’ils ont commencé à entendre et sur lesquelles ils n’ont pas encore statué. À cette fin, ils bénéficient, pendant une période maximale de six mois, des conditions de travail qui leur sont applicables le 7 septembre 1998.

[30]      On retrouve des dispositions transitoires comparables dans les lois de l’Ontario. Par exemple, dans la Loi de 1993 sur la négociation collective des employés de la Couronne, L.O. 1993, ch. 38, modifiée par L.O. 1995, ch. 1 qui remplaçait la Loi de 1990 sur la négociation collective des employés de la Couronne, L.R.O. 1990, ch. C.50, le paragraphe 59(2) énonce : « [l]e Tribunal est maintenu afin de statuer sur les questions à l’égard desquelles une requête lui a été présentée avant l’abrogation de l’ancienne loi » : on trouvera, au même effet, le paragraphe 1(1) (mod. par L.O. 1997, ch. 28, art. 173(5)) de la Loi sur les courtiers en hypothèques, L.R.O. 1990, ch. M. 39; voir également les dispositions transitoires complexes, en particulier le paragraphe 112(4), de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, L.O. 1997, ch. 16, annexe A, qui a remplacé la Loi sur les accidents du travail, L.R.O. 1990, ch. W-11.

[31]      Le fait que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ait procédé de la même façon lorsqu’il a remplacé, en 1997, la Loi sur la protection de l’enfance, L.R.T.N.-O. 1988, ch. C-6 par la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.T.N.-O. 1997, ch. 13 est particulièrement intéressant. L’article 93, une disposition transitoire, se lit ainsi :

93. Malgré l’abrogation de l’ancienne loi, à l’entrée en vigueur du présent article :

[…]

e)   si des personnes sont nommées en vertu de l’article 44 de l’ancienne loi pour enquêter et présenter un rapport sur la gestion et l’exploitation d’un établissement et que l’enquête ou le rapport ne sont pas terminés, l’article 44 de l’ancienne loi continue de s’appliquer à l’enquête et au rapport;

On trouvera d’autres exemples au paragraphe 66(3) de la Loi sur les coroners, L.R.T.N.-O. 1985, ch. 2 qui abroge l’ancienne loi, L.R.T.N.-O. 1974, ch. C-13 et au paragraphe 93(2) de la Loi sur les entreprises de service public, L.T.N.-O. 1989, ch. 24 (suppl.) qui abrogeait l’ancienne loi, L.R.T.N.-O. 1988, ch. P-20.

[32]      L’appelant tire argument du fait que, d’après lui, les membres de l’ancien Comité du tribunal des droits de la personne peuvent continuer à siéger indéfiniment en vertu de la disposition transitoire. Il prétend également qu’ils ne sont plus assujettis aux mesures disciplinaires prévues par l’ancienne loi et que celles de la Loi modifiée ne leur sont pas applicables parce qu’ils ne sont pas membres du Tribunal canadien des droits de la personne. D’après lui, le législateur n’a pu avoir l’intention d’obtenir un tel résultat lorsqu’il a adopté les dispositions transitoires du paragraphe 33(3).

[33]      Je ne pense pas que l’on puisse dire que les anciens membres du Comité du tribunal des droits de la personne ont le droit de siéger indéfiniment. Tout d’abord, comme l’énonce clairement le paragraphe 33(2), leur mandat est expiré. Ils ont simplement le pouvoir d’achever leur enquête sur les plaintes dont ils sont saisis. Les modalités de cette attribution en limitent nécessairement la durée. Le fait qu’en l’espèce, compte tenu de la nature de la plainte, l’enquête risque de durer plus longtemps que ce n’est le cas habituellement ne modifie pas le statut de ces trois membres et ne fait pas d’eux des détenteurs d’un poste qu’ils n’occupent plus. Quant au fait qu’ils risquent de n’être assujettis à aucune mesure de discipline, je ne suis pas convaincu que cela soit nécessairement le cas et ce n’est pas une question qu’il nous appartient de trancher dans la présente instance. Quoi qu’il en soit, ils restent soumis au droit dans l’exercice de leurs fonctions. En outre, en supposant qu’il existe une lacune à ce sujet, on ne peut en déduire que le Parlement n’avait pas l’intention de leur attribuer, en adoptant le paragraphe 33(3), le pouvoir de terminer leur enquête. Tout comme il n’est pas inhabituel que le législateur ait recours à des dispositions transitoires, il n’est pas non plus inhabituel que le législateur ignore certaines des conséquences que peut entraîner l’adoption d’une nouvelle loi. La rédaction de dispositions transitoires constitue peut-être l’exercice de réduction législative le plus complexe et le plus périlleux puisqu’il est très difficile de déterminer au départ, et encore moins d’envisager pleinement, tous les effets, les ramifications et les conséquences que peut avoir un important changement de structure. Un oubli du genre dont parle l’appelant, en supposant qu’il y en ait effectivement eu un, n’a pas pour effet de rendre ambiguë une disposition aussi claire que le paragraphe 33(2) de la Loi modifiée.

La rémunération à la journée et la nécessité d’obtenir des fonds auprès du Conseil du Trésor après quarante jours de séance compromettent-elles l’indépendance institutionnelle et l’impartialité des trois membres investis du pouvoir d’entendre la plainte?

[34]      L’appelant fait objection à ce que les trois membres du Tribunal soient rémunérés à la journée par le gouverneur en conseil et voit dans ce mode de rémunération un manque de sécurité financière qui compromet leur indépendance institutionnelle et leur impartialité. Il conforte son argument en affirmant que les membres du Tribunal sont régis par les dispositions des articles 48.1 à 48.8 de la Loi modifiée et ont, par conséquent, besoin de l’approbation du président du Tribunal canadien des droits de la personne pour terminer les affaires qui leur ont été soumises avant que leur mandat de membre du Comité du tribunal des droits de la personne n’ait pris fin : voir paragraphes 71 et 72 de son mémoire des faits et du droit.

[35]      J’ai déjà conclu, avec explications à l’appui, que les trois membres n’ont pas besoin de l’approbation du président pour terminer l’examen de la plainte déposée contre l’appelant parce qu’ils ont le pouvoir légal de le faire conformément au paragraphe 33(3) de la disposition transitoire. Quant au fait que la rémunération est établie par le gouverneur en conseil, l’arrêt Valente c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 673, aux pages 706 et 707, a énoncé le principe que l’indépendance judiciaire n’est pas compromise par le fait que les salaires des juges sont fixés par décret. Comme le juge en chef Lamer l’a fait remarquer dans l’affaire du Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale (Î.-P.É.), [1997] 3 R.C.S. 3, aux paragraphes 121 et 122, la Cour n’a traité dans Valente que de la dimension individuelle de la sécurité financière. Il conclut que cet aspect comportait également une dimension collective ou institutionnelle qui exige, comme il le déclare au paragraphe 131, que du point de vue constitutionnel, il faut, autant que possible, que les rapports entre le judiciaire et les autres pouvoirs de l’État soient dépolitisés. Pour reprendre ses termes, l’impératif constitutionnel « commande que la magistrature soit protégée contre l’ingérence politique des autres pouvoirs par le biais de la manipulation financière, qu’elle soit perçue comme telle et qu’elle ne devienne pas empêtrée dans les débats politiques sur la rémunération des personnes payées sur les fonds publics ».

[36]      Aux termes des paragraphes 33(7) et (8) de la disposition transitoire, la rémunération des trois membres est fixée par le gouverneur en conseil et le montant maximum de leurs frais de déplacement et de subsistance est, tout comme ceux du nouveau Tribunal canadien des droits de la personne, déterminé de façon objective par référence aux instructions ou aux règlements du Conseil du Trésor applicables aux fonctionnaires du gouvernement : voir le témoignage de M. Glynn, greffier du Comité du tribunal des droits de la personne, dossier d’appel, vol. III, à la page 655. Leur rémunération était fixée avant qu’ils ne soient nommés à un poste rémunéré selon le système des indemnités journalières. Je suis d’accord avec le juge Roberts lorsqu’il déclare dans l’arrêt Newfoundland Assn. of Provincial Court Judges v. Newfoundland (1998), 160 D.L.R. (4th) 337 (C.S. T.-N.), à la page 369, que le fait que le gouvernement fixe la rémunération des juges avant qu’ils ne soient nommés est un facteur qui joue un rôle important dans l’appréciation de l’indépendance d’un tribunal. Le problème qui existait avec l’ancienne loi était que ce montant était fixé par la CCDP elle-même, ce qui aurait pu susciter une crainte raisonnable de partialité : voir le témoignage de M. Glynn, dossier d’appel, vol. I, à la page 79. En raison des modifications apportées à la Loi, les pouvoirs relatifs à l’indemnité journalière sont maintenant attribués au gouverneur en conseil. Les montants accordés à ces membres sont identiques à ceux auxquels ils avaient droit lorsqu’ils étaient membres de l’ancien Comité du tribunal des droits de la personne : voir le témoignage de M. Glynn, dossier d’appel, vol. III, à la page 651.

[37]      Il est reconnu aujourd’hui que les règles constitutionnelles ou de la common law en matière d’indépendance et d’impartialité applicables aux cours ne s’appliquent pas avec la même rigueur aux tribunaux administratifs. Il est vrai qu’en l’espèce, les trois membres de ce Tribunal exercent pour l’essentiel des fonctions d’adjudication et que le Tribunal ressemble donc beaucoup à une cour de justice. Ce n’est toutefois pas une cour de justice. Comme le juge Gonthier l’a écrit dans 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, au paragraphe 45, au sujet de l’analyse de la structure d’un tribunal administratif : « l’appréciation que porte une personne bien renseignée sera toujours fonction des circonstances. Il est entendu que la nature du litige à trancher, les tâches remplies par ailleurs par l’organisme administratif, et l’ensemble du contexte opérationnel influeront sur l’évaluation. Dans le cadre d’un procès pénal, le moindre détail pouvant mettre en doute l’impartialité du juge alarmera, alors qu’à l’endroit des tribunaux administratifs, il y a lieu de faire preuve d’une plus grande souplesse ». Au paragraphe 62, il ajoute dans la section intitulée « L’indépendance » des tribunaux administratifs que « [c]omme en matière d’impartialité, une certaine dose de flexibilité est de mise à l’endroit des organismes administratifs » : voir également la déclaration du juge en chef Lamer au même effet dans Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 83. Il conclut enfin au paragraphe 63 en disant :

Il ne fait en effet pas de doute que les tribunaux administratifs n’auront pas nécessairement à présenter les mêmes garanties objectives relatives à l’indépendance que les cours supérieures.

Je ne pense pas qu’une personne raisonnable informée du fait que les trois membres sont rémunérés à la journée pour leur travail conformément à un barème fixé par le gouverneur en conseil avant leur nomination et qui examine la question de façon réaliste et concrète, conclurait que ces membres ne constituent pas un tribunal indépendant et impartial au plan institutionnel. C’est également la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour d’appel du Québec au sujet de la sécurité financière des membres du Tribunal de la concurrence dont les membres non juristes sont rémunérés à un taux fixé par le gouverneur en conseil : voir Alex Couture Inc. c. Canada (Procureur général) (1991), 83 D.L.R. (4th) 577, aux pages 666 à 668.

[38]      L’appelant soutient, dans ce que je ne peux que qualifier d’effort désespéré ou de coup d’épée dans l’eau, qu’il existe une crainte raisonnable de partialité découlant du fait que les trois membres étant rémunérés sur une base journalière pourraient choisir de temporiser et de prolonger l’audition de la plainte dans le but de soutirer davantage d’argent au gouvernement. Je crois qu’il y a lieu de souligner ici que la position de l’appelant diffère sensiblement du comportement qu’il a adopté en l’instance, comportement qui reflète une absence de volonté et un manque d’empressement à voir la plainte examinée au fond avec célérité. Est-il nécessaire de répéter que la plainte a été déposée initialement en mars 1989 et que, douze ans plus tard et après quatre demandes de contrôle judiciaire (toutes présentées par l’appelant), l’affaire n’a toujours pas été examinée sur le fond. De toute façon, je suis d’accord avec les avocats des intimées lorsqu’ils déclarent que cet argument se fonde sur l’idée que les membres du Tribunal sont de mauvaise foi. Là encore, une personne raisonnable informée de tous les faits et circonstances de l’instance et des allégations présentées par l’appelant ne pourrait conclure que les membres feraient preuve, pour ce motif, d’une partialité institutionnelle ou personnelle dans la conduite des audiences.

[39]      Enfin, pour ce qui est de l’argument de l’appelant selon lequel l’indépendance et l’impartialité des membres pourraient être compromises par le fait qu’il faut demander des crédits supplémentaires au Conseil du Trésor lorsque les audiences durent plus de 40 jours, il suffira de dire que cet argument n’est aucunement fondé. De toute façon, l’appelant disposerait de recours si le Conseil du Trésor intervenait de façon préjudiciable ou si les membres du Tribunal faisaient vraiment preuve de partialité en raison de la position du Conseil du Trésor et si cela pouvait être établi. Il n’est toutefois pas possible de déduire de la simple possibilité qu’une des parties au litige puisse poser des gestes irréguliers qu’une crainte raisonnable de partialité de la part des trois membres chargés d’entendre la plainte existe. Une supposition fantaisiste ne suffit pas à créer dans l’esprit d’une personne raisonnable et bien informée une crainte raisonnable de partialité. Dans R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, au paragraphe 112, le juge Cory a parlé de la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente, et du fait qu’un simple soupçon ne suffit pas : il faut que soit démontrée une réelle probabilité de partialité.

Le caractère impératif des directives émises en vertu du paragraphe 27(3) de la Loi compromet-il l’indépendance institutionnelle et l’impartialité des trois membres?

[40]      Avant les modifications de 1998, les anciens paragraphes 27(2) et (3) de la Loi autorisaient la CCDP à émettre des directives qui liaient les tribunaux des droits de la personne non seulement à l’égard d’une catégorie de cas donnés mais également à l’égard d’un cas en particulier. Ces dispositions étaient en vigueur au moment où l’AFPC a déposé sa plainte contre l’appelant. Je m’empresse d’ajouter que la CCDP n’a en fait émis aucune directive impérative dans la cause de l’appelant. Toutefois, cette possibilité existait et du point de vue de l’indépendance et de l’impartialité des tribunaux des droits de la personne, le juge McGillis s’est déclaré préoccupé par l’effet que pouvait avoir cette disposition telle qu’elle se lisait : voir Bell Canada c. Assoc. Canadienne des employés de téléphone, [1998] 3 C.F. 244 (1re inst.), au paragraphe 154. Les modifications de 1998 ont supprimé cette possibilité mais préservé le pouvoir de la CCDP d’émettre des lignes directrices impératives applicables à une catégorie de cas donnés.

[41]      L’appelant soutient que la disposition modifiée porte encore atteinte à l’indépendance et à l’impartialité du Comité du tribunal des droits de la personne chargé d’entendre la plainte déposée contre lui. L’appelant a tenu pour acquis, à juste titre d’après moi, que le paragraphe 27(3) a, sous sa forme actuelle, une portée réduite en raison de la modification du paragraphe 27(2) et s’applique à l’examen de la plainte déposée contre lui. Je tiens à dissiper les doutes qu’il pourrait y avoir à ce sujet parce que le paragraphe 27(3) actuel fait référence aux membres du Tribunal canadien des droits de la personne dont les membres sont nommés en vertu du paragraphe 49(2) [mod., idem] de la Loi. Cependant, les trois membres du Comité du tribunal des droits de la personne dont il s’agit en l’espèce ne sont pas membres du Tribunal canadien des droits de la personne et n’ont pas été nommés en vertu du paragraphe 49(2) mais plutôt aux termes de l’ancien paragraphe 49(1) maintenant remplacé. Comme je l’ai déjà mentionné, les trois membres du Comité du tribunal des droits de la personne possèdent le pouvoir de terminer leur enquête conformément à la disposition transitoire (le paragraphe 33(3) de la loi modificatrice). Il est raisonnable dans ces circonstances d’en déduire que le législateur avait l’intention que les nouveaux paragraphes 27(2) et (3) dont la portée a été restreinte continuent de s’appliquer aux enquêtes relatives à une catégorie de cas, comme celui qui nous occupe, qui ont été commencées avant la modification et poursuivies par la suite, d’autant plus que la modification de 1998 avait un objet réparateur et visait à éviter toute atteinte aux règles de la justice naturelle. L’effet combiné de la loi modificatrice et de la disposition transitoire a été, d’une part, de restreindre le pouvoir de la CCDP d’émettre des directives impératives à des catégories de cas donnés et, d’autre part, de faire en sorte que les directives déjà émises à l’égard d’une catégorie de cas donnés lient les trois membres du Comité du tribunal des droits de la personne qui achèvent l’enquête dont il s’agit ici.

[42]      Notre Cour a jugé dans l’affaire Assoc. Canadienne des employés de téléphone c. Bell Canada, [2001] A.C.F. no 776 (C.A.) (QL), entendue en même temps que le présent appel et par la même formation, que le paragraphe 27(3) de la Loi, tel qu’il s’applique aujourd’hui, ne compromet pas l’indépendance et l’impartialité des membres du tribunal qui entendent des plaintes relatives aux droits de la personne déposées sous le régime de la Loi. La conclusion à laquelle nous sommes arrivés dans cette affaire s’applique en l’espèce et est déterminante pour ce qui est de l’argument de l’appelant.

À titre subsidiaire, en tenant pour acquis que le paragraphe 27(3) de la Loi compromet l’indépendance et l’impartialité des trois membres, l’appelant peut-il invoquer les règles de la justice naturelle?

[43]      Il est bien établi que les organismes administratifs sont parfois tenus, en vertu du droit commun, de se conformer aux principes de justice naturelle et que ces principes visent à assurer l’impartialité et l’indépendance du décideur : voir les commentaires du juge Gonthier dans 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, au paragraphe 39. Il est également établi que le contenu précis des règles de justice naturelle applicables dépend de l’ensemble des circonstances et notamment, des termes de la loi en vertu de laquelle l’organisme agit : ibidem. Le texte de la disposition applicable peut avoir pour effet, lorsque sa constitutionnalité n’est pas contestée, de modifier l’application normale des règles de la justice naturelle : voir Brosseau c. Alberta Securities Commission, [1989] 1 R.C.S. 301, à la page 309; Law Society of Upper Canada c. French, [1975] 2 R.C.S. 767, aux pages 783 et 784; Affaire intéressant le Tribunal des droits de la personne et Énergie Atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.), aux pages 115 et 116; 2747-3174 Québec Inc. v. Québec (Régie des permis d’alcool), [1996] 3 R.C.S. 919, au paragraphe 47.

[44]      Si l’on tient pour acquis que le paragraphe 27(3) de la Loi, qui autorise l’adoption de lignes directrices liant les membres d’une formation chargée d’entendre une plainte, reflète bien l’intention du législateur de modifier sensiblement l’application des règles de la justice naturelle en matière d’indépendance et d’impartialité, l’appelant peut-il alors invoquer utilement les exigences relatives à une audition équitable garantie par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits [L.R.C. (1985), appendice III]?

[45]      L’appelant soutient que l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, lui garantit le droit à une audition équitable conformément aux principes de la justice fondamentale :

2. Toute loi du Canada, à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer comme

[…]

e) privant une personne du droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la définition de ses droits et obligations;

[46]      Inutile de dire que l’avocat de la CCDP s’oppose à cet argument de l’appelant. Il soutient que l’appelant ne peut invoquer la protection de la Déclaration canadienne des droits pour deux raisons : l’appelant n’est pas une personne au sens de l’alinéa 2e) et la protection qu’offre la Déclaration canadienne des droits vise uniquement à protéger les particuliers contre l’État. Ici, d’après la CCDP, l’appelant tente, contrairement à l’objectif recherché par la Déclaration canadienne des droits, d’utiliser cette loi pour se protéger contre des particuliers puisqu’il invoque la Déclaration canadienne des droits pour se défendre contre une plainte de discrimination déposée contre lui par des particuliers. Avant d’examiner les arguments présentés par la CCDP, je vais dire quelques mots au sujet du contenu de l’alinéa 2e).

a)         le sens de l’« audition impartiale » de l’alinéa 2e)

[47]      Dès 1972, le juge en chef Fauteux avait proposé, dans l’arrêt Duke c. La Reine, [1972] R.C.S. 917, une définition générale et non limitative de l’expression « audition équitable » qui figure à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. À la page 923, il a décrit le contenu de cette expression de la façon suivante :

En vertu de l’art. 2e) de la Déclaration des droits, aucune loi du Canada ne doit s’interpréter ni s’appliquer de manière à le [l’appelant] priver d’une « audition impartiale de sa cause selon les principes de justice fondamentale ». Sans entreprendre de formuler une définition finale de ces mots, je les interprète comme signifiant, dans l’ensemble, que le tribunal appelé à se prononcer sur ses droits doit agir équitablement, de bonne foi, sans préjugé et avec sérénité, et qu’il doit donner à l’accusé l’occasion d’exposer adéquatement sa cause.

[48]      Dans Canada (Procureur général) c. Central Cartage Co., [1990] 2 C.F. 641 (C.A.), à la page 663, le juge en chef Iacobucci (tel était alors son titre) a souligné le caractère évolutif de la notion d’audition équitable garantie par l’alinéa 2e). Il a jugé que « [l]orsqu’elle doit interpréter ce concept, la cour doit tenir compte de l’origine et de l’évolution de celui-ci et du contexte précis dans lequel il est soulevé ». Dans cette affaire, les intimées avaient soutenu en vain que l’article 36.3 de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, ch. E-10, subséquemment modifié [édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 111, art. 4], qui protège contre la divulgation les renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada, était incompatible avec l’alinéa 2e) parce que cet article les empêchait de présenter leur cause de façon adéquate. Cette décision ne remet toutefois aucunement en question le droit fondamental à un tribunal indépendant et impartial consacré par cet alinéa.

[49]      Je suis convaincu que l’appelant a le droit de demander que ses droits et obligations soient déterminés par un tribunal indépendant et impartial s’il démontre qu’il bénéficie de la protection qu’accorde l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

b)         l’appelant invoque-t-il la Déclaration canadienne des droits pour se protéger contre des particuliers?

[50]      Je ne pense pas qu’il soit juste de dire que l’appelant invoque l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits pour essayer de se protéger contre des particuliers. L’appelant a fait l’objet d’une plainte et il demande simplement que cette plainte soit examinée au fond par un tribunal indépendant et impartial. Il n’invoque pas la Déclaration canadienne des droits à titre de moyen de défense pour ce qui est de l’examen au fond de la plainte. Il souhaite qu’un tribunal se prononce équitablement sur le fond de l’affaire pour que soit renforcée la crédibilité des conclusions auxquelles arrivera le tribunal. Il ne faut pas oublier que l’appelant est poursuivi à titre d’employeur et qu’il agit également pour le compte de toutes les personnes qu’il représente à titre d’employeur. Étant donné que l’alinéa 2e) a pour objet de garantir une audition impartiale au plaideur qui cherche à faire déterminer ses droits et ses obligations, l’appelant recherche, pour le compte de toutes les personnes qu’il a pour mission de servir, à faire déterminer de façon équitable ce qui représente en fait leurs droits et leurs obligations. En vérité, l’appelant négligerait les devoirs qu’il a envers ses administrés s’il renonçait à leurs droits à l’équité procédurale.

c)         l’appelant est-il une personne au sens de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits?

[51]      Le mot « personne » a fait l’objet de nombreuses interprétations judiciaires. Dans une décision, qui a été par la suite infirmée par le Comité judiciaire du Conseil privé, dans laquelle il avait jugé que le mot « personne » dans l’expression « personnes ayant les qualités requises » aux termes de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 ne visait par les femmes, le juge Mignault a écrit :

[traduction] Le mot « personnes » est bien évidemment un mot quelque peu imprécis. Il comprend parfois les personnes morales ainsi que les personnes physiques; parfois il se limite à ces dernières et parfois encore, il ne vise que certaines personnes physiques en fonction de leur sexe ou d’un autre élément.

Voir Reference re Meaning of the word « Persons » in s. 24 of the B.N.A. Act, 1867, [1928] R.C.S. 276, à la page 303, infirmé par Re Section 24 of B.N.A. Act, [1930] 1 D.L.R. 98 (P.C.).

[52]      Notre Cour a jugé dans l’arrêt New Brunswick Broadcasting Co., Limited. c. Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, [1984] 2 C.F. 410 (C.A.), à la page 428 que le mot « personne » utilisé à l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits visait les personnes morales aussi bien que les personnes physiques. La Cour a considéré qu’il n’existait aucune raison d’accorder à ce mot un sens étroit et restrictif dans le contexte de cette loi. Le juge en chef Thurlow a écrit ce qui suit au nom de la Cour :

Dans cet article, le mot « personne » est utilisé dans des contextes qui laissent supposer qu’il vise des personnes physiques, mais il n’existe pas que je sache de raison impérieuse pour laquelle on ne devrait pas conclure que ce mot vise aussi des sociétés, chaque fois que l’objet de la disposition dans laquelle il se trouve peut s’appliquer à des sociétés. À mon avis, l’alinéa 2e) constitue une disposition de ce genre.

[53]      Selon la common law, Sa Majesté la Reine du chef du Canada est sur le plan juridique une personne physique. Dans Verreault (J.E.) & Fils Ltée c. Procureur général (Québec), [1977] 1 R.C.S. 41, à la page 47, le juge Pigeon, parlant au nom de la Cour, a déclaré :

Sa Majesté est évidemment une personne physique, et je cherche en vain le principe d’après lequel les règles générales du mandat, y compris celles du mandat apparent, ne lui seraient pas applicables.

Cette décision a été suivie dans Procureur général du Québec c. Labrecque et autres, [1980] 2 R.C.S. 1057, à la page 1082, dans laquelle le juge Beetz, après avoir déclaré que l’État n’était pas un être abstrait et que la Couronne personnifiait l’État, a réaffirmé le principe selon lequel « [l]a Couronne c’est également le Monarque, une personne physique qui, en plus de la prérogative, jouit d’une capacité générale de contracter selon les règles du droit commun. » Voir également R. v. British Columbia, [1992] 4 W.W.R. 490 (C.S. C.-B.); Attorney General of Canada v. Newfield Seeds Ltd. (1989), 63 D.L.R. (4th) 644 (C.A. Sask.), aux pages 660 et 661.

[54]      Je suis d’accord avec le professeur Hogg lorsqu’il affirme, compte tenu de la portée limitée de l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]], que la Déclaration canadienne des droits peut jouer un rôle supplétif important lorsqu’il s’agit de la détermination de droits et d’obligations par un tribunal administratif ou civil. Voir P. Hogg, « Comparaison entre la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits », dans G. A. Beaudoin et E. Ratushny, Charte canadienne des droits et libertés, 2e éd., Montréal : Wilson & Lafleur, 1989, page 1. Il écrit à la page 18 :

Un procès civil devant un tribunal judiciaire ou administratif n’est pas soumis à l’exigence d’une « audition impartiale » ou au respect de la « justice fondamentale ». Il s’agit d’une lacune de la Charte et donc d’un domaine où la Déclaration continuera à jouer un rôle important : toute instance qui, en vertu du droit fédéral, a le pouvoir de déterminer les droits et les obligations d’une personne continuera d’être soumise à l’exigence d’offrir « une audition impartiale … selon les principes de la justice fondamentale ».

En fait, notre Cour a reconnu, dans l’arrêt Rajpaul c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] 3 C.F. 157 (C.A.), à la page 159 qu’en vertu de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, l’appel interjeté par un répondant dans une affaire d’immigration devait être entendu conformément aux règles de la justice naturelle.

[55]      Compte tenu de l’important rôle supplétif que joue la Déclaration canadienne des droits et de l’importance pour un plaideur de voir ses droits et ses obligations déterminés au cours d’une audition impartiale, je ne vois aucune raison impérieuse pour laquelle le mot « personne » figurant à l’alinéa 2e) ne viserait pas Sa Majesté la Reine ou la Couronne. Je ne vois pas pourquoi ces personnes, et les citoyens qu’elles représentent, n’auraient pas droit à une audition équitable lorsqu’elles sont parties à une instance administrative ou civile. Ce serait parodier la justice que de ne pas leur reconnaître, sur le plan des principes, en particulier, lorsqu’elles sont défenderesses dans une instance, le droit à une audition équitable que leur garantit l’alinéa 2e).

[56]      Un certain nombre de décisions de la Cour suprême du Canada et l’obligation d’agir de façon équitable qu’impose la common law viennent conforter ce point de vue. Dans Cardinal et autre c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, aux pages 653 et 654, le juge Le Dain, parlant au nom de la Cour, a écrit ce qui suit :

Cette Cour a confirmé que, à titre de principe général de common law, une obligation de respecter l’équité dans la procédure incombe à tout organisme public qui rend des décisions administratives qui ne sont pas de nature législative et qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne […]

Évidemment, il s’agit de déterminer ce que l’obligation de respecter l’équité dans la procédure peut raisonnablement exiger des autorités en tant que droits précis en matière de procédure dans un contexte législatif et administratif donné et ce qui devrait être considéré comme une violation de l’équité dans des circonstances particulières. [Mes soulignés.]

Il a ajouté à la page 661 :

Il faut considérer le droit à une audition équitable comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit. Il n’appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d’hypothèses sur ce qu’aurait pu être le résultat de l’audition. [Mes soulignés.]

[57]      Ces principes ont été réaffirmés par le juge Cory, parlant au nom de la Cour, dans Newfoundland Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, à la page 645 :

Quiconque comparaît devant une commission administrative a droit à un autrement équitable […] L’équité procédurale est un élément essentiel de toute audience tenue devant un tribunal. [Mes soulignés.]

[58]      Enfin, dans 2747-3174 Québec Inc. c. Québec (Régis des permis d’alcool), déjà cité, au paragraphe 45, le juge Gonthier souligne une fois de plus l’importance, dans l’intérêt de la justice, d’accorder à chaque plaideur une audition équitable. Il écrit :

Qu’un justiciable se présente devant un tribunal administratif ou une cour de justice, il peut en effet légitimement s’attendre à ce qu’un arbitre impartial dispose de ses prétentions.

La perception d’impartialité reste essentielle au maintien de la confiance du public dans le système de justice. [Mes soulignés.]

[59]      Il serait plutôt étrange que, lorsque le législateur a accordé le droit à une audition impartiale en vertu de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, il ait voulu exclure systématiquement de la portée de cette disposition Sa Majesté la Reine, la Couronne ou le gouvernement qui sont fréquemment parties, dans l’intérêt public, à des instances administratives ou civiles. Cela voudrait dire que l’adversaire de la Couronne ou du gouvernement aurait droit à un tribunal impartial et à un tribunal partial. Il n’est pas possible que le législateur ait eu cette intention. J’en suis arrivé sans hésitation à la conclusion que l’appelant a le droit à une audition équitable aux termes de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits. Compte tenu de cette conclusion et en tenant pour acquis, aux fins de l’argument, que le paragraphe 27(3) de la Loi compromet l’indépendance et l’impartialité des membres de la formation chargée d’entendre la plainte, quelle est alors la sanction ou la réparation appropriée?

La sanction ou la réparation découlant de la Déclaration canadienne des droits

[60]      Il est bien établi que, lorsqu’il y a incompatibilité entre une disposition législative fédérale et l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits, un jugement déclarant inopérante la disposition en cause constitue la sanction ou la réparation appropriée : voir Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 178, aux pages 238 et 239; R. c. Drybones, [1970] R.C.S. 282; MacBain c. Lederman, [1985] 1 C.F. 856 (C.A.); Affaire intéressant le Tribunal des droits de la personne et Énergie Atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.), aux pages 116 à 119. En outre, comme l’a déclaré le juge Heald dans l’arrêt McBain, à la page 882, citant le juge Ritchie dans Drybones, précité : « une autre caractéristique du redressement accordé en vertu de la Déclaration est qu’il faut particulariser, dans une certaine mesure, une conclusion décrétant que des dispositions législatives sont inopérantes ». Cela veut dire que le jugement déclarant ces dispositions inopérantes n’a d’effet que pour l’espèce dont il s’agit et pour ses circonstances particulières.

[61]      Si l’argument de l’appelant selon lequel le paragraphe 27(3) de la Loi viole l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits devait être retenu, je serais d’avis de déclarer que ce paragraphe est inopérant en l’espèce. Par conséquent, l’instance relative à la plainte déposée contre l’appelant pourrait reprendre mais les directives ne lieraient pas les trois membres du comité chargé d’entendre cette plainte.

Dispositif proposé

[62]      Pour ces motifs, j’accueille l’appel avec dépens, j’annule la décision du juge des requêtes, je déclare que l’appelant avait qualité pour présenter une demande de contrôle judiciaire et prétendre que les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de l’un de ses règlements d’application créent un régime non conforme aux exigences de la justice naturelle et je rejette avec dépens la requête de la CCDP. Dans le dossier T-2411-98, je rejette la demande de contrôle judiciaire de l’appelant et j’accorde les dépens à l’AFPC.

Le juge Stone, J.C.A. : Je suis d’accord.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[63]      Le juge Rothstein, J.C.A. (motifs concordants) : Je souscris aux paragraphes 1 à 42 et au dispositif du jugement prononcé par le juge Létourneau, J.C.A. Je me sens toutefois obligé de rédiger des motifs concordants à l’égard des paragraphes 43 à 59 de ses motifs. Dans ces paragraphes, le juge Létourneau tient pour acquis que l’impartialité et l’indépendance du comité sont compromises lorsqu’il répond aux questions suivantes :

1. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest peut-il avancer des arguments fondés sur la justice naturelle?

2. Le sens d’audition équitable garantie par l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits.

3. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest peut-il invoquer la Déclaration canadienne des droits pour se protéger contre des particuliers?

4. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est-il une personne au sens de l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits?

[64]      Compte tenu de la conclusion à laquelle le juge Létourneau est arrivé antérieurement selon laquelle l’indépendance et l’impartialité du Comité du tribunal des droits de la personne ne sont pas compromises, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ces questions. En outre, la question de savoir si le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est une personne n’a été mentionnée que de façon incidente dans le mémoire de la Commission canadienne des droits de la personne, elle a été très brièvement débattue devant nous et aucune jurisprudence n’a été citée par les parties sur ce point. La question de savoir si le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ou d’une façon plus large, la Couronne, est une personne a des répercussions très vastes qui dépassent le cadre de la présente espèce. Pour ces motifs, je préfère m’abstenir de formuler une opinion sur ces questions.

[65]      Par conséquent, je crois inutile de souscrire aux paragraphes 43 à 59.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.