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[2012] 2 R.C.F. 3

A-384-09

2010 CAF 246

Procureur général du Canada (demandeur)

c.

Rudy Quadrini (défendeur)

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Quadrini

Cour d’appel fédérale, juge Stratas, J.C.A.—Ottawa, 27 septembre 2010.

Pratique — Parties — Intervention — Requête de la Commission des relations de travail dans la fonction publique visant à obtenir l’autorisation d’intervenir dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de son ordonnance visant un document protégé par le secret professionnel de l’avocat — La Commission affirmait que ses connaissances et sa compétence spécialisées aideraient la Cour — Le demandeur avait signalé le caractère vague des observations de la Commission — La principale question à trancher visait l’ampleur des limites à imposer aux arguments invoqués par la Commission — Les observations doivent être pertinentes et utiles et elles sont assujetties à un encadrement rigoureux qui repose sur les principes du caractère définitif et de l’impartialité — Les observations de la Commission quant à l’interprétation des pouvoirs conférés par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique étaient pertinentes et utiles et elles ne portaient pas atteinte aux principes du caractère définitif et de l’impartialité — Cependant, la Cour a interdit à la Commission de faire valoir qu’elle avait adopté le moyen le moins attentatoire pour vérifier l’existence du privilège — La Cour a aussi interdit à la Commission de modifier, de changer, de nuancer ou de compléter les motifs de sa décision — Requête accueillie.

Fonction publique — Relations du travail — Pratique — La Commission des relations de travail dans la fonction publique avait rendu une ordonnance relativement à un document protégé par le secret professionnel de l’avocat dans le cadre d’une plainte de pratique déloyale de travail déposée par le défendeur — Le demandeur avait demandé le contrôle judiciaire de cette décision et la Commission tentait d’obtenir l’autorisation d’intervenir à cet égard — La principale question à trancher visait l’ampleur des limites à imposer aux arguments invoqués par la Commission — L’art. 51 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique autorise les tribunaux administratifs à présenter des observations à l’égard de la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions de la Commission ou à l’égard de sa compétence, de ses procédures et de ses litiges — La tâche consistant à interpréter les pouvoirs conférés à la Commission par la Loi n’était pas aussi limitée que le demandeur le soutenait — Les observations de la Commission sur ces questions étaient pertinentes et utiles.

Droit administratif — Contrôle judiciaire — La Commission des relations de travail dans la fonction publique avait rendu une ordonnance dans le cadre d’une plainte de pratique déloyale de travail — Le demandeur avait demandé le contrôle judiciaire de cette décision — La Commission tentait d’obtenir l’autorisation d’intervenir à cet égard — L’art. 51 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique autorise les tribunaux administratifs à présenter des observations dans le cadre du contrôle judiciaire, sous réserve des restrictions prévues par la common law quant à leur portée — Les observations doivent être pertinentes et utiles et elles sont assujetties à un encadrement rigoureux qui repose sur les principes du caractère définitif et de l’impartialité.

Il s’agissait d’une requête de la Commission des relations de travail dans la fonction publique visant à obtenir l’autorisation d’intervenir, en vertu de la règle 109 des Règles des Cours fédérales, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission a ordonné au demandeur de soumettre un affidavit précisant le contenu d’un document et exposant les raisons pour lesquelles ce document était protégé par le secret professionnel de l’avocat. L’ordonnance avait été rendue à l’issue d’une audience relative à une plainte de pratique déloyale de travail déposée par le défendeur.

La Commission a notamment affirmé que ses connaissances et sa compétence spécialisées aideraient la Cour, qu’aucune autre partie ne présenterait son point de vue unique et qu’elle expliquerait les questions en litige devant la Cour dans la présente affaire. Le demandeur a signalé que compte tenu du caractère vague des observations de la Commission, celle-ci pourrait chercher à défendre la justesse de sa décision, à examiner le bien-fondé de sa décision et à ajouter de nouveaux motifs pour justifier une décision qu’elle a déjà rendue. En outre, le demandeur a souligné que la Commission ne devrait être autorisée à participer que pour répondre aux questions techniques concernant sa compétence et sa procédure.

La question à trancher était celle de savoir quelle était l’ampleur des limites devant être imposées aux arguments invoqués par la Commission.

Arrêt : la requête doit être accueillie.

L’article 51 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique autorise les tribunaux administratifs à présenter des observations à l’égard de la norme de contrôle judiciaire applicable aux décisions de la Commission ou à l’égard de sa compétence, de ses procédures et de ses litiges. Ce droit est assujetti à deux restrictions prévues par la common law à la portée de ces observations. Les observations qu’un tribunal administratif peut formuler lorsqu’il intervient comme intervenant dans le cadre d’un contrôle judiciaire doivent se rapporter aux questions en litige et être utiles pour la cour. De même, elles sont assujetties à un encadrement rigoureux qui repose sur les principes du caractère définitif et de l’impartialité. Les énoncés généraux que les cours ont formulés pour assurer un encadrement rigoureux ne constituent pas des règles absolues; il s’agit plutôt de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire influencé par les circonstances de l’espèce. L’exercice du pouvoir discrétionnaire quant à la portée des observations qu’un tribunal administratif peut faire à l’occasion du contrôle judiciaire de sa propre décision devrait être fondé sur les éléments suivants : une prise en compte des questions qui seront soulevées devant la cour de révision; une appréciation de la pertinence et de l’utilité des observations que le tribunal administratif se propose de faire par rapport à la décision à rendre au sujet de ces questions; et un examen de la question de savoir si les observations que le tribunal administratif se propose de formuler contreviendraient aux principes du caractère définitif et de l’impartialité. Le détail des observations ne devrait pas aller à l’encontre des principes de pertinence, d’utilité, du caractère définitif et d’impartialité.

Nombre de facteurs, dont le fait que le défendeur se représentait lui-même, justifiaient l’intervention de la Commission à l’égard de certaines questions. Si elle restreint indûment le degré d’intervention de la Commission, la Cour risque de se priver de certaines observations pertinentes et utiles. La tâche consistant à interpréter les pouvoirs que la Loi confère à la Commission et le degré d’intervention de la Commission n’étaient pas aussi limités que le demandeur le soutenait. Les observations formulées par la Commission sur ces questions étaient pertinentes et utiles et ne susciteraient pas de préoccupations au sujet du respect des principes du caractère définitif et de l’impartialité, pour autant qu’elles aient été formulées avec circonspection et prudence. La Commission pourrait donc examiner les conséquences possibles de la décision de faire droit à la demande de contrôle judiciaire. Cependant, la Cour a interdit à la Commission de faire valoir qu’elle avait adopté le moyen le moins attentatoire pour vérifier l’existence du privilège revendiqué sans y porter atteinte, s’agissant d’une façon pour la Commission de chercher à justifier sa décision en invoquant uniquement son bien-fondé ou à compléter ses motifs écrits, contrairement aux principes du respect du caractère définitif et de l’impartialité. Enfin, la Cour a aussi interdit à la Commission de tenter de modifier, de changer, de nuancer ou de compléter les motifs de la décision qu’elle a rendue. Compte tenu de la description plutôt vague et générale offerte par la Commission au sujet de ses observations à cet égard, il y avait un risque que ses observations puissent porter atteinte aux principes du caractère définitif et de l’impartialité.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, art. 51 (mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 274).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 53, 109, 369.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

Children’s Lawyer for Ontario v. Goodis, 2005 CanLII 11786, 75 O.R. (3d) 309, 253 D.L.R. (4th) 489, 29 Admin. L.R. (4th) 86 (C.A.).

décisions examinées :

Chrétien c. Canada (Procureur général), 2005 CF 591; Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; B.C.G.E.U. v. Indust. Rel. Council, 1988 CanLII 2812, 26 B.C.L.R. (2d) 145, 32 Admin. L.R. 78 (C.A.); Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559.

décisions citées :

Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848; Mines Alerte Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 R.C.S. 6; Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 1386 c. Bransen Construction Ltd. (2002), 249 R.N.-B. (2e) 93 (C.A.); Ferguson Bus Lines Ltd. c. Syndicat uni du transport, section locale 1374, [1990] 2 C.F. 586 (C.A.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [1990] 2 R.C.S. v; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 267, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2005] 1 R.C.S. xi; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 1998 CanLII 8275 (C.A.F.); CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983; Genex Communications c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 283, [2006] 2 R.C.F. 199, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2007] 2 R.C.S. vi; Air Canada c. Canada (Office des transports du Canada), 2008 CAF 168; Canada (Procureur général) c. Canada (Tribunal des droits de la personne), [1994] A.C.F. no 300 (1re inst.) (QL); Canada (Procureur général) c. Georgian College of Applied Arts and Technology, 2003 CAF 123.

DOCTRINE CITÉE

Jacobs, Laverne A. et Thomas S. Kuttner. « Discovering What Tribunals Do: Tribunal Standing Before the Courts » (2002), 81 R. du B. can. 616.

Mullan, David J. Administrative Law. Toronto : Irwin Law, 2001.

REQUÊTE de la Commission des relations de travail dans la fonction publique visant à obtenir l’autorisation d’intervenir, en vertu de la règle 109 des Règles des Cours fédérales, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de la décision (2009 CRTFP 104) par laquelle la Commission a ordonné au demandeur de soumettre un affidavit précisant le contenu d’un document et exposant les raisons pour lesquelles ce document était protégé par le secret professionnel de l’avocat. Requête accueillie.

OBSERVATIONS ÉCRITES

Pierre Hamel pour l’intervenante proposée.

Caroline E. M. Engmann pour le demandeur.

AVOCATS INCRITS AU DOSSIER

Commission des relations de travail dans la fonction publique, Ottawa, pour l’intervenante proposée.

Le sous-procureur général du Canada pour le demandeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

[1]        Le juge Stratas, J.C.A. : La présente demande de contrôle judiciaire concerne une décision rendue par la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La Commission a saisi la Cour d’une requête visant à obtenir l’autorisation d’intervenir en vertu de la règle 109 des Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2)].

[2]        Le demandeur, le procureur général du Canada, admet avec raison que la Commission a le droit d’intervenir dans la présente demande. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 2, reconnaît à la Commission le droit légal d’intervenir [art. 51 (mod. par L.C. 2003, ch. 22, art. 274)] :

51. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances et les décisions de la Commission sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire qu’en conformité avec la Loi sur les Cours fédérales et pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4)a), b) ou e) de cette loi.

Impossibilité de révision par un tribunal

(2) La Commission a qualité pour comparaître dans les procédures visées au paragraphe (1) pour présenter ses observations à l’égard de la norme de contrôle judiciaire applicable à ses décisions ou à l’égard de sa compétence, de ses procédures et de ses lignes directrices.

Qualité de la Commission

[3]        En conséquence, la Commission se verra accorder l’autorisation d’intervenir dans la présente instance en contrôle judiciaire.

A.  La question centrale dans la présente requête : quelles limites doit-on imposer aux arguments que la Commission peut présenter?

[4]        La Commission ne réclame que le droit de déposer un mémoire des faits et du droit d’un intervenant. Mais quels arguments la Commission peut-elle présenter dans ce mémoire? La Commission reconnaît qu’elle a déjà parlé dans sa décision et qu’il y a lieu de baliser ce qu’elle peut dire à l’occasion du contrôle judiciaire de cette décision. La Commission et le procureur général du Canada ne s’entendent cependant pas sur l’ampleur des limites qui devraient être imposées.

B.  Questions en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire

[5]        Le présent contrôle judiciaire porte sur une décision rendue par la Commission à l’issue d’une audience relative à une plainte de pratique déloyale de travail (2009 CRTFP 104 [Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier]). La plainte de M. Quadrini visait l’Agence du revenu du Canada ainsi que l’un de ses sous-commissaires.

[6]        À l’audience, M. Quadrini a réclamé la communication d’un document que l’Agence du revenu du Canada et le sous-commissaire ont refusé de lui communiquer au motif que ce document était protégé par le secret professionnel de l’avocat et que la Commission n’avait ni le pouvoir de vérifier si le document était protégé par le secret professionnel de l’avocat ni celui d’en ordonner la divulgation.

[7]        La Commission a rejeté ces arguments. Elle a ordonné à l’Agence du revenu du Canada et au sous-commissaire de soumettre à la Commission un affidavit précisant la nature du contenu du document et exposant les raisons pour lesquelles il était privilégié.

[8]        Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le procureur général cherche à faire annuler l’ordonnance de la Commission en invoquant des arguments semblables à ceux que l’Agence du revenu du Canada et le sous-commissaire ont fait valoir devant la Commission. Le seul défendeur est M. Quadrini et il n’est pas représenté par un avocat pour le moment. M. Quadrini n’a pas présenté d’observations au sujet de la présente requête.

C.  Observations de la Commission sur la présente requête

[9]        La Commission demande seulement d’être autorisée à déposer des observations écrites dans le cadre de l’instance en contrôle judiciaire. Elle affirme que ses observations, éclairées par ses connaissances et sa compétence spécialisées, aideront la Cour. Elle explique également que la décision que la Cour rendra à l’issue de la présente instance en contrôle judiciaire aura une incidence directe sur la pratique et la procédure de la Commission. Elle ajoute que, pour le moment, aucune des parties à l’instance ne pourra présenter [traduction] « le point de vue unique » de la Commission.

[10]      Pour ce qui est de son « point de vue unique », la Commission est plutôt laconique et s’en tient à des généralités, ce qui nous est de peu d’utilité. Dans son avis de requête, la Commission se propose de formuler des observations dans le cadre de l’instance en contrôle judiciaire au sujet de [traduction] « la procédure appropriée à suivre pour se prononcer sur une revendication de privilège du secret professionnel de l’avocat » et sur [traduction] « l’importance que revêt pour le bon fonctionnement de la Commission l’existence de règles de procédure efficaces ». Elle n’explique pas en quoi ces observations pourraient aider la Cour à trancher la présente demande de contrôle judiciaire, contrairement au paragraphe 109(2) des Règles.

[11]      Dans les observations écrites qu’elle a soumises à l’appui de sa requête, la Commission affirme qu’elle expliquera [traduction] « la nature exacte de la question en litige devant la Cour dans la présente affaire », mais elle ne fournit aucune indication au sujet de la nature exacte des éclaircissements nécessaires. Elle déclare qu’elle ne souscrit pas à tous les moyens de droit avancés par le procureur général du Canada, mais elle demeure muette sur les points de désaccord. Voici les déclarations les plus précises qu’offre la Commission au sujet des observations proposées :

a) Il faut tenir compte de facteurs d’ordre procédural pour décider quelle suite un tribunal quasi judiciaire devrait donner à une revendication de privilège du secret professionnel de l’avocat;

b) Il est dans l’intérêt du public que les questions soumises à la Commission soient tranchées rapidement;

c) Pour éviter des frais et des délais, les instances qui se déroulent devant la Commission ne devraient pas être interrompues pendant que des questions de privilèges sont examinées ailleurs;

d) Dans son ordonnance, la Commission a adopté le moyen le moins attentatoire pour vérifier l’existence du privilège revendiqué sans y porter atteinte;

e) La façon dont la Commission traite des questions ayant trait au secret professionnel de l’avocat aura un impact direct sur le fonctionnement et sur la procédure de la Commission.

[12]      La Commission n’a pas demandé de pouvoir répondre aux arguments juridiques formulés par le procureur général du Canada au sujet du contrôle judiciaire ou à la question de savoir si la décision de la Commission devrait être annulée sur le fondement de cette norme de contrôle. De plus, faisant abstraction des questions susmentionnées, la Commission n’a pas demandé de pouvoir aborder de façon générale la question juridique de savoir si elle avait expressément ou implicitement le pouvoir d’agir comme elle l’a fait.

D.  Réponse du procureur général du Canada

[13]      Signalant le caractère vague des observations que la Commission se propose de formuler, le procureur général du Canada explique qu’il craint que la Commission ne cherche, dans le cadre du présent contrôle judiciaire, à défendre la justesse de sa décision, à examiner en profondeur le bien-fondé de sa décision et à ajouter de nouveaux motifs pour justifier une décision qu’elle a déjà rendue. Il ajoute que la seule question en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire est une question d’interprétation des lois, laissant entendre que bon nombre des observations proposées par la Commission ne sont ni pertinentes ni utiles. Il affirme que les principes juridiques qui régissent le degré d’intervention des tribunaux administratifs exigent que la participation de la Commission au présent contrôle judiciaire soit considérablement limitée. Suivant son interprétation des principes juridiques applicables, la Commission ne devrait selon lui être autorisée à participer à l’audience que pour répondre aux questions techniques posées par la Cour au sujet de la compétence et de la procédure de la Commission.

E.  Principes juridiques qui régissent le degré d’intervention des tribunaux administratifs

1)   Paragraphe 51(2) de la Loi

[14]      Le paragraphe 51(2) précité de la Loi permet au tribunal administratif de présenter ses observations à l’égard de la « norme de contrôle judiciaire applicable à ses décisions ou à l’égard de sa compétence, de ses procédures et de ses lignes directrices ». Parallèlement au paragraphe 51(2) de la Loi, la common law prévoit deux restrictions à la portée des observations qu’un tribunal administratif peut faire dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire. Le libellé du paragraphe 51(2) n’a pas pour effet d’écarter ces deux restrictions prévues par la common law.

2)   Limites imposées par la common law à la portée des observations qu’un tribunal administratif peut présenter dans le cadre d’un contrôle judiciaire

[15]      La première restriction est commune à toutes les parties dans le cas d’une demande de contrôle judiciaire : les observations doivent se rapporter aux questions en litige dans le contrôle judiciaire et être utiles pour la Cour. Par utile, on veut dire notamment que l’intervenant ne peut se contenter de reformuler ce que les autres parties feront valoir, mais qu’il doit « aider la Cour en apportant à l’instance une perspective additionnelle ou différente » (Chrétien c. Canada (Procureur général), 2005 CF 591, au paragraphe 19, la protonotaire Aronovitch). Notre Cour peut veiller au respect des normes de pertinence et d’utilité sur le fondement de son pouvoir de contrôler sa propre procédure et de la règle 109.

[16]      La seconde restriction porte sur l’encadrement rigoureux dont font l’objet les tribunaux administratifs lorsqu’ils interviennent comme parties ou comme intervenants dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Cet encadrement rigoureux repose sur deux principes fondamentaux de common law :

a) Le principe du caractère définitif. Dès lors qu’il a tranché les questions dont il était saisi et qu’il a motivé sa décision, le tribunal administratif s’est prononcé de façon définitive sur la question et son travail est terminé, à moins qu’il ne soit investi du pouvoir de modifier sa décision ou d’entendre à nouveau l’affaire (Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848). Le tribunal administratif ne peut profiter d’une instance en contrôle judiciaire pour modifier, changer, nuancer ou compléter ses motifs. En conséquence, les tentatives d’un tribunal administratif en vue de prendre de nouveau la parole en formulant des observations dans le cadre d’un contrôle judiciaire doivent être rigoureusement encadrées.

b) Le principe de l’impartialité. Lorsqu’elle fait droit à une demande de contrôle judiciaire, une juridiction dispose d’une grande latitude en ce qui concerne le choix et la conception des réparations (MiningWatch Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 R.C.S. 6). Une des réparations les plus courantes consiste à renvoyer l’affaire au tribunal administratif pour qu’il rende une nouvelle décision. En pareil cas, le tribunal administratif doit examiner de nouveau l’affaire et être perçu comme l’examinant de nouveau avec impartialité et un esprit ouvert. Les observations que le tribunal administratif présente dans une instance en contrôle judiciaire et qui plongent trop loin, trop intensément ou trop énergiquement dans le bien-fondé de l’affaire soumise au tribunal administratif risquent d’empêcher celui-ci de procéder par la suite à un réexamen impartial du bien-fondé de l’affaire. De plus, de telles observations du tribunal administratif sont susceptibles de miner sa réputation d’impartialité et d’entamer la confiance du public envers l’équité de notre système de justice administrative. Pour reprendre la formule classique employée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, à la page 709 :

Une participation aussi active ne peut que jeter le discrédit sur l’impartialité d’un tribunal administratif lorsque l’affaire lui est renvoyée ou lorsqu’il est saisi d’autres procédures concernant des intérêts et des questions semblables ou impliquant les mêmes parties. La Commission a tout le loisir de s’expliquer dans ses motifs de jugement et elle a enfreint de façon inacceptable la réserve dont elle aurait dû faire preuve lorsqu’elle a participé aux procédures comme partie à part entière, en opposition directe à une partie au litige dont elle avait eu à connaître en première instance.

[17]      Pour assurer un encadrement rigoureux qui respecte le principe du caractère définitif et celui de l’impartialité, les cours ont formulé un certain nombre d’énoncés généraux. Par exemple, les tribunaux administratifs ne devraient pas formuler devant la juridiction de révision des observations qui ont en fait pour effet de modifier, de changer, de nuancer ou de compléter les motifs de la décision du tribunal administratif (Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d’Amérique, section locale 1386 c. Bransen Construction Ltd. (2002), 249 R.N.-B. (2e) 93 (C.A.), aux paragraphes 26 et 33). Les cours ne devraient pas permettre aux tribunaux administratifs de participer à des instances en contrôle judiciaire lorsqu’ils ne possèdent aucune expertise particulière sur la question, lorsque leur compétence et leurs pouvoirs ne sont pas en cause et lorsqu’ils ont eu amplement l’occasion de s’exprimer dans les motifs de leur décision (Ferguson Bus Lines Ltd. c. Syndicat uni du transport, section locale 1374, [1990] 2 C.F. 586 (C.A.), aux pages 589 à 591 et 597, autorisation d’appel à la C.S.C. refusée, [1990] 2 R.C.S. v). Un tribunal administratif ne devrait pas se prononcer sur le fond de l’affaire ou présenter des arguments qui vont au cœur du litige découlant de la décision qu’il a rendue (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 267, au paragraphe 5, autorisation d’appel à la C.S.C. refusée, [2005] 1 R.C.S. xi; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 1998 CanLII 8275 (C.A.F.)). Les tribunaux administratifs peuvent toutefois formuler des observations dans le cadre d’une instance en contrôle judiciaire sur la question de savoir s’ils étaient compétents pour rendre leur décision et sur la question de la norme de contrôle judiciaire appropriée (CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983; Northwestern Utilities, précité, à la page 709). De plus, les tribunaux administratifs peuvent formuler des observations pour expliquer la preuve ou la procédure qu’ils ont suivie (Paccar, précité; Northwestern Utilities, précité, à la page 709; Genex Communications c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 283, [2006] 2 R.C.F. 199, au paragraphe 65, autorisation d’appel à la C.S.C. refusée, [2007] 2 R.C.S. vi). Enfin, certaines cours ont reconnu que, lorsque les observations du tribunal administratif sont nécessaires et utiles et qu’il n’y a pas d’autres réserves au sujet de sa participation, le tribunal administratif peut être autorisé à passer en revue la preuve versée au dossier en vue de démontrer que sa décision devrait être confirmée parce qu’elle est raisonnable (Children’s Lawyer for Ontario v. Goodis (2005), 75 O.R. (3d) 309 (C.A.), aux paragraphes 21 à 24; Paccar, précité, à la page 1016). Souvent, le tribunal administratif [traduction] « est le mieux placé pour attirer l’attention de la cour sur les considérations, enracinées dans la compétence ou les connaissances spécialisées du tribunal, qui peuvent rendre raisonnable ce qui autrement paraîtrait déraisonnable à quelqu’un qui n’est pas versé dans les complexités de ce domaine spécialisé » (B.C.G.E.U. v. Indust. Rel. Council (1988), 26 B.C.L.R. (2d) 145 (C.A.) [à la page 153], cité et approuvé dans l’arrêt Paccar, précité, à la page 1016).

[18]      Cependant, ces énoncés généraux ne doivent pas être considérés — et sont de moins en moins considérés — comme des règles absolues, mais plutôt comme l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire influencé par les circonstances de l’espèce. Voici deux exemples qui l’illustrent bien :

a) Comme nous venons de le voir au paragraphe 17, précité, certaines juridictions ont jugé que le tribunal administratif qui défend sa décision dans le cadre du contrôle du caractère raisonnable de sa décision peut en aborder le bien-fondé en discutant de la preuve et des conclusions que la preuve lui permettait raisonnablement de tirer. Il ressort toutefois de la jurisprudence ultérieure qu’il ne s’agit pas là d’une règle absolue. À l’occasion, les cours ont conclu que les tribunaux administratifs s’étaient trop avancés dans leur tentative de défendre le bien-fondé du dossier administratif, contrevenant ainsi aux principes du caractère définitif et de l’impartialité (voir, par exemple, les réserves exprimées par mon collègue le juge Pelletier, dans l’arrêt Air Canada c. Canada (Office des transports du Canada), 2008 CAF 168, au paragraphe 11, et voir également l’arrêt Fraternité unie, précité, au paragraphe 31).

b) Le fait que le tribunal administratif défend sa décision dans le cadre du contrôle du caractère raisonnable de sa décision crée un autre problème. La Cour suprême nous enseigne qu’il est possible de confirmer une décision en se fondant, non pas exclusivement sur les motifs eux-mêmes, mais aussi sur les « motifs […] qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 48). En présentant des observations au sujet des motifs qu’il aurait pu offrir, le tribunal administratif s’approche dangereusement de ce que nous avons déjà évoqué, à savoir modifier, changer, nuancer ou compléter les motifs de sa décision, contrevenant ainsi au principe du caractère définitif des décisions. Exerçant leur pouvoir discrétionnaire, les cours doivent imposer des limites pour savoir jusqu’où un tribunal administratif peut aller avec ce genre d’argument, en supposant même qu’il puisse le faire.

[19]      Je relève que, dans l’arrêt Children’s Lawyer for Ontario, précité, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que les énoncés généraux que l’on trouve dans la jurisprudence ne constituent pas des règles absolues et qu’il s’agit d’un domaine qui relève du pouvoir judiciaire discrétionnaire. La Cour d’appel de l’Ontario considérait la jurisprudence antérieure [traduction] « comme une source dont on peut s’inspirer pour y puiser les considérations fondamentales dont la Cour devrait tenir compte lorsqu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire dans le contexte d’une affaire déterminée », et non [traduction] « comme une série de règles immuables » (Children’s Lawyer for Ontario, précité, aux paragraphes 35 et 43; Canada (Procureur général) c. Canada (Tribunal des droits de la personne), [1994] A.C.F. no 300 (QL) (1re inst.), au paragraphe 49; David J. Mullan, Administrative Law (Toronto : Irwin Law, 2001), à la page 459).

[20]      Je souscris à cette approche. À mon avis, l’exercice du pouvoir discrétionnaire quant à la portée des observations qu’un tribunal administratif peut faire à l’occasion du contrôle judiciaire de sa propre décision devrait être fondé sur les éléments suivants :

a) une prise en compte des questions qui seront soulevées devant la cour de révision;

b) une appréciation de la pertinence et de l’utilité des observations que le tribunal administratif se propose de faire par rapport à la décision à rendre au sujet de ces questions;

c) un examen de la question de savoir si, et dans quelle mesure, les observations que le tribunal administratif se propose de formuler contreviendraient aux principes du caractère définitif et de l’impartialité.

Pour exercer son pouvoir discrétionnaire, la Cour s’inspirera également de la jurisprudence résumée au paragraphe 17, précité, ainsi que sur d’autres décisions antérieures. La jurisprudence sert d’exemple d’encadrement prudent fondé sur les circonstances de chaque espèce, le tout sur le fondement des principes de pertinence, d’utilité, de respect du caractère définitif et d’impartialité.

[21]     Il n’est ni nécessaire ni souhaitable à ce moment-ci d’énumérer tous les facteurs qui pourraient être pertinents pour procéder à cette appréciation discrétionnaire ni de préciser dans quels cas il conviendrait d’accorder une grande importance à certains de ces facteurs. Les décisions qui seront rendues permettront peu à peu de dégager ces facteurs à la lumière des circonstances de chaque espèce. Toutefois, à l’instar de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Children’s Lawyer for Ontario, précité, je trouve éclairante l’analyse des divers facteurs que proposent Mullan, précité, aux pages 452 à 460, et Laverne A. Jacobs et Thomas S. Kuttner, dans leur article « Discovering What Tribunals Do: Tribunal Standing Before the Courts », publié à (2002), 81 R. du B. can. 616.

[22]      Le tribunal administratif qui cherche à intervenir doit aider la Cour dans son appréciation discrétionnaire. La Cour doit pouvoir compter sur un aperçu assez détaillé des observations que le tribunal administratif se propose de soumettre et de la façon dont elles l’aideront à trancher les questions de fait ou de droit soulevées dans le cadre du contrôle judiciaire. Le paragraphe 109(2) [des Règles] exige que l’intervenant fournisse ces précisions dans son avis de requête en intervention. Des descriptions vagues ou générales par le tribunal administratif des observations qu’il entend soumettre peuvent faire craindre qu’il aille trop loin et inciter la Cour à imposer des restrictions. Dans certains cas, les descriptions des observations proposées peuvent être à ce point inadéquates que la Cour n’a d’autre choix que de refuser d’accorder l’intervention (Canada (Procureur général) c. Georgian College of Applied Arts and Technology, 2003 CAF 123, aux paragraphes 5 à 7).

[23]      La Cour aura besoin de l’aide du tribunal administratif à d’autres égards. Lorsqu’elle tente de définir avant l’ouverture de l’audience l’ampleur de la participation du tribunal administratif, la Cour ne peut offrir que de grandes orientations. Elle ne peut pas vraiment entrer dans les détails. Par conséquent, l’avocat du tribunal administratif, qui est chargé de concevoir en détail les observations du tribunal administratif, devrait non seulement respecter les limites générales fixées par la Cour, mais s’assurer aussi que le détail de ces observations ne va pas à l’encontre de la raison d’être de ces limites, à savoir les principes de pertinence, d’utilité, du caractère définitif et d’impartialité, ce qui l’oblige à faire preuve de circonspection et de prudence.

[24]      Enfin, il va sans dire que la formation de la Cour qui est présente à l’audience de la demande de contrôle judiciaire est maître de sa propre procédure et qu’elle peut exercer son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la régularité des observations du tribunal administratif à la lumière des circonstances qui se présentent à l’audience.

F.   Application des principes juridiques à la présente affaire

[25]      D’entrée de jeu, la Cour rappelle que le paragraphe 51(2) de la Loi donne à la Commission le droit d’intervenir pour présenter ses observations « à l’égard de la norme de contrôle judiciaire applicable à ses décisions ou à l’égard de sa compétence, de ses procédures et de ses lignes directrices ». Ainsi qu’il ressort des paragraphes 10 et 11 des présents motifs, la Commission a proposé un degré de participation un peu moins élevé que celui que permet le paragraphe 51(2). La Cour relève par ailleurs que la seule partie qui s’oppose présentement au procureur général du Canada dans la présente instance en contrôle judiciaire est le défendeur, M. Quadrini, et que ce dernier n’est pas représenté par un avocat. Si elle restreint indûment le degré d’intervention de la Commission en l’espèce, la Cour risque de se priver de l’avantage que comporte la présence d’un avocat qui formulerait des observations juridiques en réponse à la position en droit du procureur général du Canada. Si la Commission n’est pas présente devant la Cour, certaines observations pertinentes et utiles ne seront peut-être pas formulées. Enfin, l’intérêt et le point de vue de la Commission sur les questions en litige dans le présent contrôle judiciaire sont fort différents de ceux du procureur général du Canada. Tous ces facteurs militent en faveur d’une réponse relativement favorable à la requête de la Commission. La Cour permettra donc à la Commission de formuler des observations dans le présent contrôle judiciaire au sujet d’un certain nombre de questions.

[26]      Dans la présente instance, la Cour se penchera sur la décision dans laquelle la Commission affirme qu’elle a le pouvoir de se prononcer sur l’existence du privilège du secret professionnel de l’avocat et qu’elle a le pouvoir d’ordonner au besoin la communication de documents. Faisant abstraction de toute question de contrôle judiciaire, je suis d’accord avec le procureur général pour dire qu’il s’agit principalement d’une question d’interprétation législative. Le procureur général semble également laisser entendre que la tâche consistant à interpréter les pouvoirs que la loi confère à la Commission est relativement restreinte et qu’elle n’implique qu’un examen du libellé de la loi. En conséquence, soutient le procureur général, le degré d’intervention de la Commission devrait lui aussi être limité.

[27]      Je ne partage pas cet avis. Lorsqu’elle interprète des dispositions législatives, notre Cour examine aussi les termes de la loi [traduction] « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 26). Il arrive souvent que, lorsqu’elles formulent des observations sur ces questions, les parties examinent les conséquences possibles de telle ou telle interprétation et qu’elles se demandent si ces conséquences respectent l’esprit et l’objet de la loi ainsi que l’intention du législateur. À mon avis, il serait pertinent et utile de prendre connaissance des observations de la Commission à ce sujet. De plus, compte tenu des circonstances de la présente affaire, de telles observations de la Commission ne susciteraient pas de préoccupations au sujet du respect des principes du caractère définitif et de l’impartialité, pour autant que la Commission les fasse valoir avec circonspection et prudence.

[28]      La Commission peut donc examiner les conséquences possibles de la décision de la Cour de faire droit à la demande de contrôle judiciaire et d’accepter la thèse défendue par le procureur général dans son mémoire des faits et du droit. Toutefois, dans son examen de ces conséquences, la Commission doit s’en tenir à sa capacité de faire examiner ces questions de façon équitable et ordonnée et en temps utile ainsi qu’aux conséquences que la décision de faire droit à la demande de contrôle judiciaire pourrait avoir sur le fonctionnement et la procédure de la Commission. Aucune autre incidence n’a été évoquée avec suffisamment de précision.

[29]      Ainsi qu’il a été mentionné au paragraphe 11, précité, la Commission souhaite également faire valoir qu’elle a adopté le moyen le moins attentatoire pour vérifier l’existence du privilège revendiqué sans y porter atteinte. Ainsi formulée, cette observation laisse croire que la Commission cherche à justifier sa décision en invoquant uniquement son bien-fondé ou encore à compléter les motifs écrits qu’elle a déjà exposés, contrairement aux principes du respect du caractère définitif et de l’impartialité. La Commission n’a pas laissé entendre que cette observation s’inscrit dans le cadre d’un argument plus général suivant lequel sa décision devrait être confirmée à la lumière de la norme de contrôle applicable. Par conséquent, la Commission n’est pas autorisée à soumettre cet argument.

[30]      Les autres questions proposées par la Commission, comme [traduction] « expliquer la nature exacte de la question en litige devant la Cour dans la présente affaire », sont formulées en des termes trop vagues et trop généraux pour être considérées comme pertinentes ou utiles pour la demande.

[31]      Dans l’ensemble, la Cour est préoccupée par les descriptions plutôt vagues et générales offertes par la Commission au sujet des observations qu’elle se propose de formuler. La Commission risque de faire des observations qui portent atteinte aux principes du caractère définitif et de l’impartialité. En conséquence, la Cour interdira à la Commission de tenter en fait de modifier, de changer, de nuancer ou de compléter les motifs de la décision qu’elle a rendue. Elle interdira également à la Commission de se pencher sur le bien-fondé de sa propre décision d’une manière qui permettrait de s’interroger sur sa capacité de procéder de façon impartiale à un nouvel examen pour le cas où l’affaire lui serait renvoyée.

G.  Conditions supplémentaires

[32]      La Commission a proposé d’assortir de certaines conditions supplémentaires l’ordonnance par laquelle la Cour lui permettrait d’intervenir. Elle se propose de ne présenter aucun nouvel élément de preuve, de ne participer à aucun contre-interrogatoire sur des affidavits, à n’interjeter appel d’aucune décision et de ne participer à aucune question interlocutoire à l’exception de celles qui ont trait à sa participation comme intervenante. Elle a également convenu de ne pas réclamer de dépens et de ne pas s’en faire adjuger et de ne pas être condamnée à des dépens. Enfin, elle demande de déposer ses observations écrites et de les signifier aux parties dans les 30 jours de la date de la présente ordonnance.

[33]      Le procureur général du Canada ne s’oppose à aucune de ces conditions. Le défendeur n’a présenté dans le cadre de la présente requête aucune observation qui s’oppose à ces conditions. La Cour a le pouvoir d’imposer de telles conditions en vertu des articles 53 et 109 des Règles et elle considère qu’elles sont appropriées et équitables. La Cour assortira donc son ordonnance de ces conditions.

[34]      La Commission n’a pas réclamé le droit de présenter des observations oralement. Il serait toutefois utile que la Commission soit présente à l’instruction de la demande pour se rendre disponible pour répondre aux questions que la Cour pourrait vouloir lui poser. La Commission peut donc se présenter à l’audience à cette fin si elle le souhaite.

[35]      Le procureur général du Canada affirme que, si la Commission est autorisée à déposer des observations écrites, il devrait se voir accorder le droit de déposer une réponse. On ne sait pas pour l’instant s’il est nécessaire de déposer un mémoire en réponse. Après que la Commission aura déposé son mémoire, le procureur général pourra présenter une requête en vertu de la règle 369 pour demander un droit de réponse.

[36]      Compte tenu de la portée relativement étroite des questions sur lesquelles la Commission doit se prononcer, le mémoire des faits et du droit de la Commission ne devra pas compter plus de 15 pages, à l’exclusion des annexes.

[37]      Si le demandeur ou le défendeur estime que le mémoire des faits et du droit de la Commission renferme des observations inadmissibles, les parties (y compris la Commission) peuvent signifier et déposer des observations d’au plus deux pages sur la question. La formation collégiale chargée d’entendre la demande de contrôle judiciaire peut trancher la question.

[38]      Rien dans l’ordonnance ou dans les présents motifs ne doit être interprété comme une ingérence dans le pouvoir discrétionnaire que possède la formation collégiale chargée d’entendre la demande de contrôle judiciaire de se prononcer sur la régularité de toute observation du tribunal administratif ou d’inviter le tribunal administratif à soumettre d’autres observations. Il est loisible à la formation collégiale d’encadrer la participation du tribunal administratif comme elle le juge à propos en fonction des circonstances qui se présenteront.

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