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[2012] 4 R.C.F. 446

IMM-4753-10

2011 CF 462

Noel Mescallado (demandeur)

c.        

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

Répertorié : Mescallado c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Phelan—Toronto, 29 mars; Ottawa, 15 avril 2011.

Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Résidents permanents — Contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration qui a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur au titre du critère du travailleur qualifié, parce qu’il n’avait pas respecté les exigences de l’art. 16 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (obligation de répondre véridiquement) — Le demandeur avait répondu dans sa demande qu’il ne faisait l’objet d’aucune accusation criminelle — Le demandeur avait vu l’accusation dont il faisait l’objet provisoirement rejetée — Le demandeur avait par la suite obtenu le rejet définitif de l’accusation — L’agent était d’avis qu’une accusation provisoirement rejetée demeurait quand même une accusation en instance — L’agent a refusé d’accepter l’explication du demandeur selon laquelle son avocat l’avait avisé qu’il n’aurait plus à aller devant les tribunaux parce que l’accusation avait été rejetée — L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas répondu véridiquement parce qu’il avait omis de révéler l’accusation en instance contre lui — Le demandeur a soutenu que l’art. 16 (omission de répondre à une question lors d’un contrôle) ne pouvait servir de fondement à une conclusion d’interdiction de territoire, obligeant l’agent à passer à une analyse fondée sur l’art. 40 (fausses déclarations) — Il s’agissait de savoir si la conclusion de l’agent à l’égard de la véracité était raisonnable — Les arguments du demandeur étaient incorrects sur le plan factuel et tendaient à rendre l’art. 16 redondant — Il est question à l’art. 16 de véracité au sens de l’exactitude et de l’intégralité des renseignements; on n’y parle pas et on n’y impose pas le seuil d’importance que l’on trouve à l’art. 40—L’art. 40(1) de la Loi définit l’expression « fausses déclarations » comme une présentation erronée sur un fait important qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi — Dans le cas de l’art. 16, la demande peut être rejetée en vertu de l’art. 11(1) de la Loi, en raison de l’inobservation des exigences de la Loi — Dans le cas de fausses déclarations au sens de l’art. 40(1), la personne concernée sera déclarée interdite de territoire, et l’art.40(2) de la Loi étend ce statut sur une période de deux ans — Une contravention à l’art. 16 n’entraînera pas la situation prévue à l’art. 40(1) ou à l’art. 41, pas plus qu’elle ne donnera lieu à une interdiction d’une durée de deux ans en application de l’art. 40(2) — On n’a pas conclu en l’espèce que le demandeur était interdit de territoire — La demande a simplement été rejetée — Ce rejet n’empêche pas le dépôt immédiat d’une nouvelle demande — Le défendeur n’a commis aucune erreur en invoquant l’art. 16 — Cependant, l’agent n’a pas, notamment, obtenu d’avis sur la valeur juridique d’un rejet provisoire des accusations selon le droit des Philippines — Le refus de l’agent d’accepter l’explication du demandeur était sans fondement — Les conclusions de l’agent étaient déraisonnables car elles accusent un manque de transparence et une absence de fondement factuel valable — Demande accueillie.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 11(1) (mod. par L.C. 2008, ch. 28, art. 116), 16, 40, 41.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

Cao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 450.

décision citée :

Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, 329 R.N.-B. (2e) 1.

DEMANDE de contrôle judiciaire de la décision d’un agent d’immigration qui a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur au titre du critère du travailleur qualifié, parce qu’il n’avait pas respecté les exigences de l’article 16 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Demande accueillie.

ONT COMPARU

Matthew Jeffery pour le demandeur.

Martin Anderson pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Matthew Jeffery, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Phelan :

I.          INTRODUCTION

[1]        Le présent contrôle judiciaire soulève des questions concernant l’applicabilité des articles 16, 40 et 41 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [L.C. 2001, ch. 27] (la Loi) relativement à l’obligation de répondre véridiquement, à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations et au manquement à la Loi. Le demandeur aurait apparemment menti dans sa demande de résidence permanente. Néanmoins, le présent contrôle judiciaire porte, en définitive, sur la question de la raisonnabilité d’une décision de rejeter une demande de visa de résident permanent.

II.         LE CONTEXTE FACTUEL

[2]        Le demandeur a déposé auprès de l’ambassade du Canada aux Philippines une demande de visa de résident permanent au titre du critère du travailleur qualifié. Il n’est pas certain qu’il ait obtenu les 67 points requis, mais là n’est pas le motif pour lequel la demande a été rejetée. Ce rejet reposait sur la conclusion que le demandeur avait contrevenu à l’article 16 de la Loi en répondant qu’il ne faisait l’objet d’aucune accusation criminelle. L’article 16 de la Loi est rédigé en ces termes :

 (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

(2) S’agissant de l’étranger, les éléments de preuve pertinents visent notamment la photographie et la dactyloscopie et il est tenu de se soumettre, sur demande, à une visite médicale.

Éléments de preuve

(3) L’agent peut exiger ou obtenir du résident permanent ou de l’étranger qui fait l’objet d’une arrestation, d’une mise en détention, d’un contrôle ou d’une mesure de renvoi tous éléments, dont la photographie et la dactyloscopie, en vue d’établir son identité et vérifier s’il se conforme à la présente loi.

Établissement de l’identité

[3]        Dans le formulaire de demande de visa, on posait la question suivante :

Est-ce que vous-même, ou si vous êtes le requérant principal, l’un des membres de votre famille nommés sur la demande de résidence permanente au Canada […] avez déjà été déclaré coupable ou êtes présentement accusé(e) ou poursuivi(e), ou encore avez été complice d’un crime ou d’une infraction, ou avez fait l’objet de poursuites au criminel dans un pays?

Le demandeur a coché la case « Non ».

[4]        L’agent du défendeur (l’agent) a mené une enquête relativement à cette réponse et a déterminé que le demandeur avait été visé par une accusation de [traduction] « blessures légères », qui avait été rejetée pour défaut de comparution du plaignant. Le procureur n’avait pas d’objection au rejet de l’accusation, pourvu que ce soit [traduction] « à titre provisoire ». Il a donc été ordonné que l’accusation soit [traduction] « provisoirement rejetée ». Ce rejet a eu lieu en 2004.

[5]        En juin 2009, le demandeur a réclamé puis obtenu le rejet définitif de l’accusation.

[6]        L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas répondu véridiquement, parce qu’il avait omis de révéler un fait important et pertinent à son admissibilité au Canada en passant sous silence l’accusation en instance contre lui.

[7]        L’agent n’a pas accepté l’explication du demandeur selon laquelle son avocat lui aurait dit, en 2004, qu’il n’aurait plus à aller devant les tribunaux parce que l’affaire avait été rejetée. Il n’a pas non plus admis qu’en juin 2009, lors d’une rencontre du demandeur avec son avocat, celui-ci lui avait suggéré de demander à la cour un rejet définitif de l’accusation.

[8]        Il est ressorti du dossier du tribunal que l’accusation de voies de fait avait un certain lien avec l’action intentée par le demandeur contre un dénommé M. Chan pour encaissement d’un chèque sans provision et non-paiement d’une dette — une affaire criminelle aux Philippines. C’est M. Chan qui ne s’était pas présenté au procès pour voies de fait du demandeur.

[9]        L’agent a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur au motif qu’il n’avait pas respecté les exigences de la Loi, en ce qu’il avait contrevenu à l’obligation qu’impose l’article 16 de répondre véridiquement à toutes les questions qu’on lui avait posées.

III.        ANALYSE JURIDIQUE

A.        La norme de contrôle applicable

[10]      Le demandeur a soutenu que l’agent avait suivi une procédure inappropriée, car l’article 16 ne pouvait servir de fondement à une conclusion d’interdiction de territoire, laquelle doit être basée sur l’article 40. Voici le libellé de l’article 40 :

 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

b) être ou avoir été parrainé par un répondant dont il a été statué qu’il est interdit de territoire pour fausses déclarations;

c) l’annulation en dernier ressort de la décision ayant accueilli la demande d’asile;

d) la perte de la citoyenneté au titre de l’alinéa 10(1)a) de la Loi sur la citoyenneté dans le cas visé au paragraphe 10(2) de cette loi.

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

al’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction. [Non souligné dans l’original.]

Application

[11]      Le demandeur a également affirmé que la décision était déraisonnable, parce que l’agent n’avait pas compris l’effet de la loi relativement au fait que les accusations, bien que rejetées, puissent faire l’objet d’une requête du plaignant pour rouvrir l’affaire dans un délai indéterminé.

[12]      Le défendeur a fait valoir que la seule véritable question à trancher en l’espèce était la raisonnabilité de la décision.

[13]      La norme de contrôle applicable dans la présente affaire varie selon la question examinée. Sur la question de savoir si l’agent a mal appliqué ou mal interprété l’article 16, je fais mien le raisonnement adopté par le juge Mainville (tel était alors son titre) dans l’affaire Cao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 450, aux paragraphes 25 à 27, où il avait discuté de la même question en lien avec l’article 40 :

Cependant, la demanderesse principale conteste également la décision au motif que l’agente principale a mal appliqué ou interprété l’alinéa 40(1)a) de la Loi. L’interprétation de cette disposition est une question de droit. Par ailleurs, la Cour suprême a décrété dans l’arrêt Dunsmuir (au paragraphe 54) que la norme de la raisonnabilité peut également s’appliquer dans les cas où un tribunal interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie. Mais ce n’est pas toujours le cas. Ici, un examen de divers facteurs m’amène à conclure qu’il y a lieu de contrôler la décision de l’agente principale selon la norme de la décision correcte si l’interprétation de l’alinéa 40(1)a) de la Loi est en litige.

Cette conclusion repose sur un certain nombre de facteurs; en particulier, l’agente principale n’est pas un tribunal administratif mais plutôt une fonctionnaire de l’État investie d’une fonction non juridictionnelle; la décision de l’agente principale n’est pas visée par une clause privative; l’agente principale n’a pas une expertise spéciale en matière d’interprétation de la Loi et, au vu de l’économie générale de l’alinéa 40(1)a), il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence à l’égard de l’agente principale pour ce qui est des questions de droit évoquées dans une conclusion de fausse déclaration.

En outre, l’approche décrite ci-dessus concorde avec la jurisprudence de la Cour qui date d’avant l’arrêt Dunsmuir. Dans Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, [2008] A.C.F. 648 (QL) (au paragraphe 22) il a été conclu que les questions d’interprétation législative se rapportant à l’alinéa 40(1)a) de la Loi sont assujetties à la norme de la décision correcte. En outre, les conclusions de fausse déclaration visées par cette décision commandent une certaine déférence au sein des procédures de contrôle judiciaire car elles sont de nature factuelle : Baseer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1005, [2004] A.C.F. 1239 (QL), au paragraphe 3, et Bellido c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452, [2005] A.C.F. 572 (QL), au paragraphe 27.

[14]      Par conséquent, en ce qui a trait à l’application ou à l’interprétation de l’article 16, la norme de contrôle qui convient est la décision correcte. Quant à la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas répondu véridiquement, la norme applicable est la décision raisonnable, car il s’agit surtout d’un examen factuel (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

B.        L’interprétation et l’application de l’article 16

[15]      Non seulement les arguments du demandeur sont-ils incorrects sur le plan factuel, mais ils tendent à rendre l’article 16 redondant. Selon la position du demandeur, lorsqu’on omet de répondre à une question lors d’un contrôle (ce qui comprend les interrogatoires sous forme orale et écrite), l’agent doit passer à une analyse fondée sur l’article 40 relativement au critère de l’importance, puis rendre une décision quant à l’interdiction de territoire.

[16]      Bien que les articles 16 et 40 aient tous les deux pour objet de garantir la véracité, ils traitent de la question de manière bien différente et emportent des conséquences tout aussi distinctes.

[17]      À l’article 16, il est question de véracité au sens de l’exactitude et de l’intégralité des renseignements. On n’y parle pas et on n’y impose pas de seuil d’importance, bien que la pertinence soit toujours requise.

[18]      Le paragraphe 40(1), en revanche, définit en termes précis l’expression « fausses déclarations », qui s’entend, selon l’alinéa a), d’une présentation erronée des faits qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. D’autres dispositions associent les fausses déclarations à un état, comme l’alinéa d),où la perte de la citoyenneté est assimilable à de fausses déclarations. Par conséquent, les critères en jeu dans l’article 16 et le paragraphe 40(1) ne sont pas les mêmes.

[19]      Il existe également des différences considérables entre les conséquences découlant d’une violation de ces dispositions. Dans le cas de l’article 16, la demande peut être rejetée en vertu du paragraphe 11(1) [mod. par L.C. 2008, ch. 28, art. 116] en raison de l’inobservation des exigences de la Loi :

 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

Dans le cas de fausses déclarations au sens du paragraphe 40(1), la personne concernée sera déclarée interdite de territoire, et le paragraphe 40(2) étend ce statut sur une période de deux ans :

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

a) l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

b) l’alinéa (1)b) ne s’applique que si le ministre est convaincu que les faits en cause justifient l’interdiction.

[20]      Une contravention à l’article 16 n’entraînera pas, ainsi que l’a affirmé le demandeur, la situation prévue au paragraphe 40(1) ou à l’article 41, pas plus qu’elle ne donnera lieu à une interdiction d’une durée de deux ans en application du paragraphe 40(2) :

 S’agissant de l’étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s’agissant du résident permanent, le manquement à l’obligation de résidence et aux conditions imposées.

[21]      L’article 16 prévoit des critères et conséquences qui lui sont propres. En l’espèce, on n’a pas conclu que le demandeur était interdit de territoire. La demande a simplement été rejetée. Ce rejet n’empêche pas le dépôt immédiat d’une nouvelle demande.

[22]      En conséquence, le défendeur n’a commis aucune erreur en invoquant l’article 16, et non le paragraphe 40(1). L’article 16 est une disposition discrétionnaire, et il reste à trancher la question de savoir si la décision était suffisamment raisonnable pour justifier le rejet d’une demande de visa de résident permanent.

C.        Le caractère raisonnable de la décision

[23]      La présente affaire repose, en dernière analyse, sur la question de savoir si la conclusion de l’agent à l’égard de la véracité était raisonnable, indépendamment de ce que l’affaire ait été examinée du point de vue de l’article 16 ou de l’article 40.

[24]      L’agent a décidé qu’une accusation provisoirement rejetée demeurait quand même une accusation en instance. En droit canadien, il n’existe pas vraiment de disposition équivalente où les accusations portées contre quelqu’un sont rejetées sous réserve d’une requête pour les rétablir. Il n’est pas clair si cette requête est présentée par le procureur ou par le plaignant.

[25]      L’agent n’a pas obtenu d’avis ni ne s’est, en réalité, enquis de la valeur juridique d’un rejet provisoire des accusations selon le droit des Philippines. Il n’a pas tenu compte des circonstances de ce rejet, qui était fondé sur le défaut de comparution du plaignant au procès, ce qui pouvait constituer un facteur pertinent par rapport à une requête en réouverture. La réponse du demandeur est fausse ou inexacte uniquement si un rejet provisoire n’équivaut pas à un rejet.

[26]      Dans ces circonstances, l’agent avait l’obligation de se renseigner davantage sur la question du rejet provisoire. Néanmoins, le dossier du tribunal montre qu’en l’absence de ce qui pourrait ressembler à une requête en réouverture, le demandeur n’était assujetti à aucune entrave d’ordre juridique et ne faisait l’objet d’aucune procédure judiciaire en instance.

[27]      Le refus de l’agent d’accepter l’explication du demandeur selon laquelle son avocat l’avait avisé, en 2004, que l’accusation avait été rejetée, et qu’il n’aurait plus à aller devant les tribunaux, était sans fondement. Aucun motif n’a été invoqué à l’appui de cette conclusion relative à la crédibilité, pas plus qu’il n’y avait de preuve susceptible de réfuter cette explication.

[28]      De même, aucune preuve ni aucun fondement ne permettaient de juger non crédible l’explication du demandeur quant à sa rencontre quelques années plus tard avec son avocat, qui lui avait alors recommandé, essentiellement, de régler la question du rejet provisoire en obtenant un rejet définitif.

[29]      La Cour est d’avis que les conclusions de l’agent étaient déraisonnables, car elles accusent un manque de transparence et une absence de fondement factuel valable.

[30]      Le pouvoir discrétionnaire exercé par l’agent lorsqu’il a rejeté la demande sans aviser le demandeur des préoccupations relatives à la valeur juridique d’un rejet provisoire était injuste et constituait une réponse disproportionnée par rapport à la question.

IV.       CONCLUSION

[31]      Le demandeur s’est désisté de sa demande de dépens, une position qui est appropriée. Néanmoins, le demandeur est préoccupé par le fait qu’une éventuelle issue favorable au présent contrôle judiciaire serait vide de sens, car un réexamen le placerait à la fin de la liste des demandeurs de visa de résident permanent — il lui avait fallu cinq ans pour se rendre jusque-là.

[32]      La Cour hésite à rendre une ordonnance accessoire qui imposerait des délais relativement à ce processus. Toutefois, la Cour formulera une ordonnance enjoignant au défendeur de placer le dossier du demandeur en tête des listes d’attente et exigeant un réexamen rapide. La Cour s’attend au respect intégral de la lettre et de l’esprit d’une telle ordonnance.

[33]      Les parties ont demandé qu’on leur permette, après le prononcé des présents motifs, mais avant la délivrance de l’ordonnance définitive, de faire des observations concernant une question à certifier. Par conséquent, les parties disposeront de sept jours à compter du prononcé des présents motifs pour signifier et déposer de telles observations.

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