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Référence :

Statham c. Société Radio-Canada,

2009 CF 1028, [2010] 4 R.C.F. 216

T-782-08

T-782-08

2009 CF 1028

David J. Statham (demandeur)

c.

Le président de la Société Radio-Canada et le Commissaire à l’information du Canada (défendeurs)

Répertorié : Statham c. Société Radio-Canada

Cour fédérale, juge de Montigny—Ottawa, 3 juin et 13 octobre 2009.

Accès à l’information — Demande en application de l’art. 41 de la Loi sur l’accès à l’information en vue d’obtenir une ordonnance enjoignant au président de la Société Radio-Canada (la SRC) de communiquer des documents non encore fournis dans un délai précis — Le demandeur avait présenté à la SRC quelque 400 demandes d’accès à l’information (demandes d’AAI) Le demandeur avait porté plainte devant le Commissariat à l’information du Canada (le CIC) après que la SRC n’a pas accusé réception de ces demandes dans le délai prévu dans la Loi et n’a pas demandé la prorogation du délai Le CIC a mené une enquête et a fixé une échéance pour que la SRC réponde aux demandes d’AAI en suspens À la date de l’audition de la demande, la SRC avait répondu à toutes les demandes d’AAI du demandeur — Le contrôle judiciaire était donc dénué d’objet, mais il s’agissait d’un cas où la Cour devait exercer son pouvoir discrétionnaire d’instruire la demande parce que les questions soulevées étaient susceptibles d’intéresser d’autres plaideurs éventuels et elles n’avaient jamais auparavant fait l’objet d’un examen judiciaire — Il n’était pas permis au demandeur de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour pendant que la SRC respectait le délai fixé par le Commissaire à l’information puisqu’on ne pouvait dire avant l’expiration du délai que la SRC avait refusé communication des documents en cause — La Cour n’avait donc pas compétence pour instruire la demande –– S’agissant de la demande sollicitant un jugement déclaratoire blâmant la conduite déraisonnable de la SRC, bien que les défauts systémiques qui empêchent une institution fédérale de se conformer à la Loi ne devraient pas être pris à la légère, la Cour n’intervient que dans les cas où est établi un refus de communication réel et continu — Demande rejetée.

Compétence de la Cour fédérale — Le demandeur avait présenté à la Société Radio-Canada (la SRC) quelque 400 demandes d’accès à l’information (demandes d’AAI) — Il avait porté plainte devant le Commissariat à l’information du Canada (le CIC) après que la SRC n’a pas accusé réception des demandes dans le délai prévu dans la Loi et n’a pas demandé la prorogation du délai — Le CIC a mené une enquête et a fixé une échéance pour que la SRC réponde aux demandes d’AAI en suspens — Il n’était pas permis au demandeur de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour pendant que la SRC respectait le délai fixé par le Commissaire à l’information puisqu’on ne pouvait dire avant l’expiration du délai que la SRC avait refusé communication des documents en cause — La Cour n’avait donc pas compétence pour instruire la demande.

Pratique — Caractère théorique — Le demandeur avait présenté à la Société Radio-Canada (la SRC) quelque 400 demandes d’accès à l’information (demandes d’AAI) — Il avait porté plainte devant le Commissariat à l’information du Canada (le CIC) après que la SRC n’a pas accusé réception des demandes dans le délai prévu dans la Loi et n’a pas demandé la prorogation du délai — Le CIC a mené une enquête et a fixé une échéance pour que la SRC réponde aux demandes d’AAI en suspens — À la date de l’audition de la demande, la SRC avait répondu à toutes les demandes d’AAI du demandeur — Le contrôle judiciaire était donc dénué d’objet, mais il s’agissait d’un cas où la Cour devait exercer son pouvoir discrétionnaire d’instruire la demande parce que les questions soulevées étaient susceptibles d’intéresser d’autres plaideurs éventuels et elles n’avaient jamais auparavant fait l’objet d’un examen judiciaire.

Il s’agissait d’une demande introduite en application de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information sollicitant plus particulièrement une ordonnance enjoignant au président de la Société Radio-Canada (la SRC) de communiquer au demandeur des documents non encore fournis qu’il lui a demandés dans un délai précis. Le demandeur sollicitait également une ordonnance déclarant que la SRC s’était conduite de manière déraisonnable au cours des événements qui ont conduit à la demande.

Le 1er septembre 2007, la SRC est devenue assujettie à la Loi sur l’accès à l’information (Canada). Par la suite, le demandeur a présenté à la SRC quelque 400 demandes d’accès à l’information (les demandes d’AAI). La SRC n’a pas accusé réception de ces demandes dans le délai de 30 jours que prévoit l’article 7 de la Loi, pas plus qu’elle ne s’est prévalue de la possibilité de proroger ce délai. En conséquence, la SRC s’est trouvée réputée avoir refusé la communication de tous ces documents en application du paragraphe 10(3) de la Loi. Le demandeur a ensuite porté plainte devant le Commissariat à l’information du Canada (le CIC) relativement au refus présumé de communication opposé par la SRC. À la demande de la SRC, le demandeur a précisé ses demandes d’AAI prioritaires. Le CIC a mené une enquête sur les refus présumés de la SRC de communiquer des dossiers et le 1er avril 2009 a été fixé comme échéance pour que la SRC réponde aux demandes d’AAI en suspens du demandeur. Un rapport relatif à l’enquête du CIC a été transmis au demandeur en mars 2008. Le demandeur a ensuite exercé son droit de demander le contrôle judiciaire du refus présumé de la SRC. Cette dernière a présenté une requête en radiation de l’avis de demande en raison du caractère théorique, mais cette demande a été rejetée. À la date de l’audition de la présente demande, la SRC avait répondu à toutes les demandes d’AAI du demandeur.

Les principales questions en litige étaient celles de savoir si la demande était dénuée d’objet; si la Loi permet que la fixation par le Commissaire à l’information d’un nouveau délai dans lequel répondre aux demandes remédie à un refus présumé; et si la Cour fédérale a compétence, en vertu de l’article 41, pour contrôler judiciairement une telle décision du Commissaire à l’information.

Jugement : la demande doit être rejetée.

Même si la demande de contrôle judiciaire était dénuée d’objet parce que le demandeur avait reçu communication de tous les documents demandés au moment de l’audience, il s’agissait en l’espèce d’un cas où la Cour devait exercer son pouvoir discrétionnaire d’examiner la demande au fond malgré son caractère théorique. Le demandeur a mis en litige des questions susceptibles d’intéresser d’autres plaideurs éventuels et qui n’ont jamais auparavant fait l’objet d’un examen judiciaire, plus particulièrement celles de savoir si la fixation par le Commissaire à l’information d’un nouveau délai pour l’envoi de l’avis prévu aux articles 7 et 10 peut remédier à un refus présumé, et si la Cour a compétence pour contrôler judiciairement une prorogation du délai de réponse à des demandes d’AAI que le CIC a approuvées dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Loi.

Il ne fait aucun doute que le droit d’accès à l’information comprend le droit de recevoir communication des documents demandés dans les délais voulus. La législation canadienne sur l’accès à l’information prescrit explicitement aux institutions fédérales de répondre aux demandes d’AAI dans des délais déterminés, à moins qu’elles aient besoin de plus de temps pour établir leur réponse, comme la Loi le précise expressément. Dès lors qu’elle est réputée avoir refusé la communication de documents, l’institution fédérale ne peut unilatéralement réparer ce refus présumé en s’accordant une prorogation. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut être remédié au refus présumé. Le Commissaire à l’information, une fois qu’il a reçu une plainte, doit faire enquête sur la question et établir un rapport. Le Commissaire à l’information a le pouvoir de formuler des recommandations et de fixer à l’institution le délai dans lequel elle doit répondre à la demande de documents. À cette étape, les prescriptions de l’article 9 de la Loi concernant la prorogation de délais ne s’appliquent plus. C’est au Commissaire à l’information qu’il appartient d’évaluer les circonstances et de fixer une prorogation raisonnable pour la mise en œuvre de ses recommandations. En l’espèce, il n’était pas permis au demandeur de présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour pendant que la SRC respectait encore le délai fixé par le Commissaire à l’information, soit le 1er avril 2009, puisqu’on ne pouvait dire avant l’expiration de ce délai que la SRC lui avait refusé communication des documents en cause. La Cour n’avait donc pas compétence pour instruire la demande présentée par le demandeur. Même si la SRC se trouvait à l’origine en situation de refus présumé, le demandeur ne pouvait invoquer au moment de l’audience un refus de communication réel et continu.

En outre, la Cour n’avait pas compétence pour rendre un jugement déclaratoire blâmant la conduite d’une institution fédérale comme la SRC. Bien que les défauts systémiques qui empêchent une institution fédérale de se conformer à la Loi ne doivent pas être pris à la légère, étant donné que la Loi a été interprétée comme conférant aux Canadiens des droits quasi constitutionnels d’accès aux documents relevant des institutions fédérales, le rôle de la Cour consiste seulement à intervenir dans les cas où est établi un refus de communication réel et continu.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9.

Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 7, 9, 10, 11(1)b), 30(1), 37, 38, 39, 40, 41, 42(1)a).

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 1 (mod. par DORS/2004-283, art. 2), 400 (mod. par DORS/2002-417, art. 25(F)), tarif B, colonne V.

JURISPRUDENCE CITÉE

décision appliquée :

X c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1991] 1 C.F. 670 (1re inst.).

décisions examinées :

Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1999] A.C.F. no 522 (C.A.) (QL), confirmant [1996] A.C.F. no 1265 (1re inst.) (QL); Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commission d’examen des exportations de biens culturels), 2002 CAF 150; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures), [1990] 3 C.F. 514 (1re inst.); Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau-Brunswick, 2002 CSC 13, [2002] 1 R.C.S. 405, 245 R.N.-B. (2e) 299; Microsoft Corp. c. 9038-3746 Québec Inc., 2007 CF 659.

décisions citées :

X c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1990), 41 F.T.R. 16 (C.F. 1re inst.); Stamicarbon S.A.R.L. c. Urea Casale S.A., [2001] 1 C.F. 172 (1re inst.).

DOCTRINE CITÉE

Commissariat à l’information du Canada. Rapport annuel 2007–2008 : Une nouvelle direction, en ligne : <http://www.infocom.gc.ca/fra/rp-pr_ar-ra.aspx>.

DEMANDE introduite en application de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information sollicitant une ordonnance enjoignant au président de la Société Radio-Canada de communiquer au demandeur des documents non encore fournis qu’il lui avait demandés dans un délai précis. Demande rejetée.

ONT COMPARU

Sally A. Gomery, Michel Drapeau et Zorica Guzina pour le demandeur.

Christian Leblanc et Marc-André Nadon pour le défendeur le président de la Société Radio-Canada.

Laurence Kearley et Diane Therrien pour le défendeur le Commissaire à l’information du Canada.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Ogilvy Renault S.E.N.C.R.L., s.r.l., Ottawa, et Cabinet juridique Michel Drapeau, Ottawa, pour le demandeur.

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal, pour le défendeur le président de la Société Radio-Canada.

Commissariat à l’information du Canada, Ottawa, pour le défendeur le Commissaire à l’information du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

[1] Le juge de Montigny : Il s’agit d’une demande introduite en application de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A‑1 (la Loi), par laquelle le demandeur, M. Statham, demande à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant au président de la Société Radio-Canada (la SRC) de communiquer au demandeur des documents non encore fournis qu’il lui a demandés entre le 1er septembre et le 12 décembre 2007, dans un délai dont les parties conviendraient ou que la Cour estimerait convenable. Le demandeur demande également à la Cour de rendre une ordonnance déclarant que la SRC s’est conduite de manière déraisonnable au cours des événements qui ont conduit à la présente demande. Enfin, il sollicite les dépens de la présente demande, y compris ses débours professionnels et la taxe applicable sur les produits et services (la TPS).

LES FAITS

[2] Le 1er septembre 2007, la SRC est devenue assujettie à la législation canadienne sur l’accès à l’information, en même temps que quatre autres sociétés d’État (Loi fédérale sur la responsabilité, L.C. 2006, ch. 9). Dans les trois mois qui ont suivi, M. Statham, représentant du Cabinet juridique Michel Drapeau, a présenté à la SRC quelque 400 demandes d’accès à l’information (demandes d’AAI). Ces demandes portaient sur toutes sortes de sujets et représentaient la grande majorité des demandes d’AAI reçues par la SRC pendant cette période.

[3] La SRC n’a pas accusé réception de ces demandes dans le délai de 30 jours que prévoit l’article 7 de la Loi, pas plus qu’elle ne s’est prévalue de la possibilité, offerte par l’article 9 de cette même Loi, de proroger ce délai relativement à chacune des demandes d’AAI en cause. En conséquence, en application du paragraphe 10(3) de la Loi, la SRC s’est trouvée réputée avoir refusé la communication de tous ces documents.

[4] Le demandeur a donc décidé de porter plainte devant le Commissariat à l’information du Canada (le CIC). Il a déposé le 19 octobre 2007 une première plainte touchant le refus présumé de communication opposé par la SRC aux demandes d’AAI qu’il avait présentées entre le 1er et le 14 septembre 2007. Cette première lettre de plainte a été suivie d’autres lettres les 2 et 16 novembre 2007, les 4 et 28 décembre 2007, et le 15 février 2008, chacune d’elles se rapportant au refus présumé de communication opposé aux demandes qu’il avait faites dans les 30 jours précédents.

[5] Le 2 novembre 2007, Mme Angevine a écrit au nom de la SRC à M. Statham pour l’informer que, compte tenu du nombre de demandes d’AAI qu’elle avait reçues, la société d’État ne pourrait respecter le délai de communication prévu par la Loi. Elle l’invitait toutefois à préciser lesquelles de ses propres demandes étaient les plus urgentes pour que la SRC puisse s’en occuper en priorité. M. Statham a répondu à Mme Angevine dans une lettre, en date du 7 novembre 2008, où il indiquait ses demandes d’AAI prioritaires.

[6] Le ou vers le 17 décembre 2007, la SRC a été avisée que le CIC avait reçu de nombreuses plaintes touchant des demandes d’AAI. Après une enquête préliminaire sur les questions soulevées dans les plaintes de M. Statham, le CIC a, le 9 janvier 2008, signifié à la SRC un avis d’intention d’enquêter et un résumé de la plainte. Entre cette date et le 29 février 2008 environ, M. Scott Lohnes, qui était l’enquêteur du CIC chargé de donner suite aux plaintes de M. Statham au moment des événements qui ont donné lieu à la présente instance, a amorcé un dialogue suivi et des échanges fréquents entre, d’une part, la SRC et, d’autre part, M. Statham et son assistant, qui suivait les instructions de ce dernier. Ce dialogue avait entre autres pour buts de permettre de contrôler l’activité de la SRC en réponse à la liste des demandes prioritaires de M. Statham et de faire en sorte que celui‑ci soit régulièrement informé des progrès de la SRC à cet égard.

[7] Malgré quelques difficultés pour se mettre en rapport avec certaines personnes à la SRC, des représentants du CIC se sont réunis plusieurs fois avec des représentants de la SRC pour examiner ensemble les plaintes déposées et essayer de trouver la manière la plus efficace d’y donner suite et de répondre aux demandes d’AAI en suspens, l’accent étant mis sur les plaintes relatives aux retards. Il appert que la SRC a omis à plusieurs reprises de communiquer au CIC le [traduction] « plan d’action » établi et a souvent changé la date à laquelle elle s’engageait à répondre aux demandes. Enfin, au cours d’une réunion tenue le 28 mars 2008 entre des représentants de la SRC et du CIC, les représentants du CIC ont proposé à la société d’État de se fixer pour objectif de répondre à toutes les demandes d’AAI en suspens du demandeur au plus tard le 1er avril 2009, date qu’ils estimaient raisonnable et réaliste.

[8] Le 31 mars 2008, le CIC a envoyé à M. Statham trois lettres dont l’objet était de lui rendre compte des résultats de l’enquête sur ses plaintes. Dans l’une de ces lettres, le CIC confirmait que M. Statham avait en fait omis d’envoyer certaines des demandes d’AAI qu’il déclarait avoir présentées à la SRC. Dans une autre, le CIC avisait M. Statham qu’il considérait comme réglées les plaintes de retard concernant les demandes auxquelles la SRC avait répondu. Quant aux documents au sujet desquels M. Statham n’avait pas encore reçu de réponse, la troisième lettre portait ce qui suit :

[traduction] Le Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) de la SRC a reçu les demandes énumérées à l’annexe, ainsi que les droits y afférents, entre septembre 2007 et janvier 2008, mais n’y a pas répondu, se trouvant ainsi réputée avoir refusé communication des documents en cause en application du paragraphe 10(3) de la Loi.

Néanmoins, à la suite de notre intervention, la SRC a assuré notre service qu’elle ferait de son mieux pour répondre à toutes les demandes spécifiées à l’annexe ci‑jointe au plus tard le 1er avril 2009. Le choix de cette date se fonde sur un certain nombre de facteurs, dont les principaux sont l’abondance des demandes et l’insuffisance des ressources du Bureau de l’AIPRP. La SRC nous a également assurés qu’elle vous communiquera ses réponses au fur et à mesure qu’elle les aura au cours des prochains mois. Il est à noter que nous contrôlerons régulièrement les progrès de la SRC à cet égard. J’estime qu’il s’agit là d’un engagement raisonnable de la SRC en vue du traitement de toutes les demandes énumérées à l’annexe.

Tout en estimant vos plaintes fondées, je conclus qu’elles sont réglées du fait que la SRC s’est engagée à répondre à chacune de vos demandes au plus tard le 1er avril 2009. Vous conservez évidemment le droit, garanti par l’article 31 de la Loi, de porter plainte auprès de notre service à propos de chacune des réponses que la SRC vous communiquera dans les prochains mois.

Conformément à l’alinéa 30(1)a) et au paragraphe 37(5) de la Loi, nous vous avisons que, ayant maintenant reçu le compte rendu des résultats de notre enquête sur ces refus présumés de communication de documents sollicités en vertu de la Loi, l’article 41 de celle‑ci vous confère le droit d’exercer devant la Cour fédérale un recours en révision de la décision présumée de la Société Radio-Canada de vous refuser communication des documents que vous avez demandés. Votre demande de révision, si vous en déposez une, devrait nommer le président de la Société Radio-Canada comme défendeur et doit être déposée devant la Cour dans les 45 jours suivant la réception de la présente.

[9] Le Rapport annuel du Commissaire à l’information expose comme suit la situation en cause et la logique de l’approche adoptée [Rapport annuel 2007–2008 : Une nouvelle direction, en ligne : <http://www.infocom.gc.ca/

fra/rp-pr_ar-ra.aspx>, à la page 40] :

Ces plaintes nous ont donné l’occasion de prendre une approche différente et plus souple pour résoudre les plaintes liées aux délais que celle que nous avons utilisée par le passé. Nous avons pris en considération la situation de la SRC : elle venait d’être assujettie à la Loi lorsqu’elle a été inondée par des centaines de demandes pendant une très courte période de temps, et elle ne disposait pas des ressources adéquates pour les traiter en temps opportun. En négociant une date limite pour répondre à toutes les demandes, la SRC peut se concentrer sur la tâche consistant à y donner suite, et nous pourrons fermer les dossiers de plaintes tout en suivant les progrès de la SRC pour s’assurer que le plaignant continue de recevoir des réponses.

[10] Au 31 mars 2008, la SRC avait répondu à 122 des demandes qui faisaient l’objet des 377 plaintes de M. Statham touchant le retard de communication. Au 21 novembre 2008, il restait 80 demandes en suspens, et, comme on l’a vu plus haut, toutes les demandes de M. Statham avaient reçu réponse à la date de l’audience.

[11] La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le 18 mai 2008. Le 30 du même mois, le Commissaire à l’information a déposé une requête en autorisation de comparaître en tant que partie à la demande afin de réfuter certaines allégations du demandeur suivant lesquelles le CIC ne l’aurait pas informé des progrès de son enquête sur les plaintes, se serait montré négligent et aurait adopté une position contraire à l’esprit de la Loi, ainsi que de présenter des observations sur l’interprétation et l’application de la Loi. La protonotaire Tabib a fait droit à cette requête dans une ordonnance en date du 20 juin 2008. En outre, le demandeur s’est engagé au cours de l’audition de cette requête à modifier les pièces de sa demande de manière à y supprimer les allégations formulées contre le CIC, ce qu’il a fait les 4 juillet et 8 octobre 2008.

[12] La défenderesse la SRC a par la suite présenté une requête en radiation de l’avis de demande au motif que la Cour n’avait pas compétence pour entendre l’affaire étant donné qu’il n’y avait pas eu un refus réel ou explicite de communication au sens de l’article 41 de la Loi. La protonotaire a rejeté cette requête et conclu que la principale question en litige dans la demande — soit le point de savoir si une institution peut remédier à un refus présumé de communication en avisant qui de droit, après l’expiration du délai que la Loi prévoit à cette fin, qu’elle a besoin de plus de temps pour répondre à la demande de communication — n’était pas clairement et manifestement dénuée de fondement. Elle a cependant bien précisé que la Cour ne serait appelée à établir le bien‑fondé d’aucun refus explicite de communication de la part de la SRC.

[13] À l’audition de la requête du défendeur en rejet de la demande de contrôle judiciaire, le demandeur a reconnu que sa demande ne visait que les demandes d’AAI en suspens. La protonotaire Tabib a pris acte de cette admission et a formulé les observations suivantes dans son ordonnance :

[traduction] En l’espèce, le demandeur a en fin de compte bien précisé que les questions soulevées relativement aux demandes d’accès à l’information ne concernent que la prorogation, tardivement décidée par la SRC et supposément abusive, du délai nécessaire pour y répondre; en outre, ces questions ne se posent que par rapport aux demandes de communication auxquelles il n’a pas été donné réponse ou n’en sera pas donné avant l’audition au fond de la demande. Le demandeur a bien précisé aussi qu’il entend par « réponse » à une demande de renseignements, soit la communication du renseignement demandé, soit un refus de communication, soit une demande de droits additionnels. Bref, le demandeur reconnaît que, relativement à chaque demande de communication à l’égard de laquelle il a reçu, ou recevra avant le début de l’audience, une réponse quelle qu’elle soit, sa demande de contrôle judiciaire est ou sera sans objet, et il s’engage à la retirer en conséquence. Cela étant, la Cour ne sera appelée à se prononcer sur le bien-fondé d’aucun refus explicite de la part de la SRC, tâche qu’il aurait été impossible de remplir en une seule instance à propos de demandes de communication si nombreuses et si diverses.

LE CADRE LÉGISLATIF

[14] L’institution fédérale qui reçoit une demande écrite de communication est tenue, dans les 30 jours suivant sa réception, d’aviser par écrit l’auteur de la demande : i) soit de ce que les documents demandés seront communiqués; ii) soit de ce qu’ils ne seront pas communiqués; iii) soit de ce qu’elle exige des droits additionnels pour traiter la demande. Dans le cas où elle donne communication totale ou partielle des documents demandés, l’institution est tenue de le faire dans le même délai de 30 jours :

7. Le responsable de l’institution fédérale à qui est faite une demande de communication de document est tenu, dans les trente jours suivant sa réception, sous réserve des articles 8, 9 et 11 :

Notification

a) d’aviser par écrit la personne qui a fait la demande de ce qu’il sera donné ou non communication totale ou partielle du document;

b) le cas échéant, de donner communication totale ou partielle du document.

[…]

11. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, il peut être exigé que la personne qui fait la demande acquitte les droits suivants :

Frais de communication

[…]

b) un versement prévu par règlement et exigible avant la préparation de copies, correspondant aux frais de reproduction.

[15] L’article 9 de la Loi permet à l’institution de proroger le délai dont elle dispose pour répondre à la demande de communication, mais seulement dans certains cas et dans la mesure où le justifient les circonstances, et à condition d’aviser la personne qui a fait la demande de cette prorogation dans les 30 jours suivant la réception de ladite demande :

9. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut proroger le délai mentionné à l’article 7 ou au paragraphe 8(1) d’une période que justifient les circonstances dans les cas où :

Prorogation du délai

a) l’observation du délai entraverait de façon sérieuse le fonctionnement de l’institution en raison soit du grand nombre de documents demandés, soit de l’ampleur des recherches à effectuer pour donner suite à la demande;

b) les consultations nécessaires pour donner suite à la demande rendraient pratiquement impossible l’observation du délai;

c) avis de la demande a été donné en vertu du paragraphe 27(1).

Dans l’un ou l’autre des cas prévus aux alinéas a), b) et c), le responsable de l’institution fédérale envoie à la personne qui a fait la demande, dans les trente jours suivant sa réception, un avis de prorogation de délai, en lui faisant part de son droit de déposer une plainte à ce propos auprès du Commissaire à l’information; dans les cas prévus aux alinéas a) et b), il lui fait aussi part du nouveau délai.

(2) Dans les cas où la prorogation de délai visée au paragraphe (1) dépasse trente jours, le responsable de l’institution fédérale en avise en même temps le Commissaire à l’information et la personne qui a fait la demande.

Avis au Commissaire à l’information

[16] L’institution qui ne répond pas à la demande de communication dans les 30 jours, sauf envoi de l’avis de prorogation que prévoit l’article 9, est réputée avoir refusé de communiquer les documents demandés :

10. (1) […]

(3) Le défaut de communication totale ou partielle d’un document dans les délais prévus par la présente loi vaut décision de refus de communication.

Présomption de refus

[17] La personne qui a fait une demande de communication qui se voit opposer un refus peut déposer une plainte devant le CIC. Celui‑ci peut enquêter sur cette plainte et faire à l’institution concernée des recommandations non contraignantes :

30. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le Commissaire à l’information reçoit les plaintes et fait enquête sur les plaintes :

a) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la communication totale ou partielle d’un document qu’elles ont demandé en vertu de la présente loi;

Réception des plaintes et enquêtes

b) déposées par des personnes qui considèrent comme excessif le montant réclamé en vertu de l’article 11;

c) déposées par des personnes qui ont demandé des documents dont les délais de communication ont été prorogés en vertu de l’article 9 et qui considèrent la prorogation comme abusive;

[…]

f) portant sur toute autre question relative à la demande ou à l’obtention de documents en vertu de la présente loi.

[18] La Cour d’appel fédérale a qualifié les pouvoirs d’enquête du Commissaire de « pierre angulaire » du régime d’accès à l’information; voir le paragraphe 27 de l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1999] A.C.F. no 522 (C.A.) (QL). L’exercice de tels pouvoirs est en effet une condition préalable au dépôt d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour. À la suite d’une plainte, le CIC a le pouvoir de présenter les recommandations que le Commissaire estime indiquées en vue du règlement de cette plainte. Ce pouvoir comprend le droit de fixer le délai dans lequel l’institution devra répondre à la demande de communication de documents :

37. (1) Dans les cas où il conclut au bien-fondé d’une plainte portant sur un document, le Commissaire à l’information adresse au responsable de l’institution fédérale de qui relève le document un rapport où :

Conclusions et recommandations du Commissaire à l’information

a) il présente les conclusions de son enquête ainsi que les recommandations qu’il juge indiquées;

b) il demande, s’il le juge à propos, au responsable de lui donner avis, dans un délai déterminé, soit des mesures prises ou envisagées pour la mise en œuvre de ses recommandations, soit des motifs invoqués pour ne pas y donner suite.

(2) Le Commissaire à l’information rend compte des conclusions de son enquête au plaignant et aux tiers qui pouvaient, en vertu du paragraphe 35(2), lui présenter des observations et qui les ont présentées; toutefois, dans les cas prévus à l’alinéa (1)b), le Commissaire à l’information ne peut faire son compte rendu qu’après l’expiration du délai imparti au responsable de l’institution fédérale.

Compte rendu au plaignant

(3) Le Commissaire à l’information mentionne également dans son compte rendu au plaignant, s’il y a lieu, le fait que, dans les cas prévus à l’alinéa (1)b), il n’a pas reçu d’avis dans le délai imparti ou que les mesures indiquées dans l’avis sont, selon lui, insuffisantes, inadaptées ou non susceptibles d’être prises en temps utile. Il peut en outre y inclure tous commentaires qu’il estime utiles.

Éléments à inclure dans le compte rendu

(4) Dans les cas où il fait suite à la demande formulée par le Commissaire à l’information en vertu de l’alinéa (1)b) en avisant le Commissaire qu’il donnera communication totale ou partielle d’un document, le responsable d’une institution fédérale est tenu de donner cette communication au plaignant :

Communication accordée

a) immédiatement, dans les cas où il n’y a pas de tiers à qui donner l’avis prévu à l’alinéa 29(1)b);

b) dès l’expiration des vingt jours suivant l’avis prévu à l’alinéa 29(1)b), dans les autres cas, sauf si un recours en révision a été exercé en vertu de l’article 44.

(5) Dans les cas où, l’enquête terminée, le responsable de l’institution fédérale concernée n’avise pas le Commissaire à l’information que communication du document ou de la partie en cause sera donnée au plaignant, le Commissaire à l’information informe celui-ci de l’existence d’un droit de recours en révision devant la Cour.

Recours en révision

[19] En fait, la lecture de la Loi révèle que le CIC dispose d’un ensemble impressionnant de pouvoirs administratifs, quasi judiciaires et exceptionnels aux fins de ses enquêtes, pouvoirs qui vont de celui de faire des recommandations aux responsables des institutions fédérales concernées jusqu’à celui de présenter un rapport au Parlement. C’est la juge Desjardins qui propose la récapitulation la plus utile de ces pouvoirs que la Loi confère au CIC, au paragraphe 20 de l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), précité :

Le Commissaire peut alors porter plainte lui-même selon l’article 30 de la Loi. Il avise le responsable de l’institution (article 32). Il mène l’enquête au cours de laquelle l’institution a la possibilité de présenter ses observations (paragraphe 35(2)) et pour les fins de laquelle le Commissaire dispose de pouvoirs exceptionnels (article 36), notamment celui d’assigner et de contraindre les témoins de la même façon et dans la même mesure qu’une cour d’archives (alinéa 36(1)a)), de pénétrer dans les locaux occupés par l’institution fédérale (alinéa 36(1)d)) et d’avoir accès à tout document, aucun ne pouvant lui être refusé, pour quelque motif que ce soit (paragraphe 36(2)). Il présente au responsable de l’institution un rapport contenant ses conclusions et ses recommandations (alinéa 37(1)a)). Il peut donner au responsable un délai pour permettre à l’institution de l’aviser des mesures prises ou envisagées pour mettre en œuvre les recommandations ou pour lui donner les motifs invoqués pour ne pas y donner suite (alinéa 37(1)b)); et rend compte au plaignant des conclusions de son enquête (paragraphe 37(2)), étant entendu que ce compte rendu, dans le cas de l’alinéa 37(1)b), ne peut être fait qu’une fois l’expiration du délai imparti.

[20] Le CIC est également investi, par les articles 38, 39 et 40 de la Loi, du pouvoir de dénoncer les actes ou les comportements des institutions assujetties à la Loi qui font preuve de mauvaise volonté, au moyen de rapports (annuels ou spéciaux) qu’il présente au Parlement et à des comités désignés de l’une ou l’autre des Chambres.

[21] Enfin, l’article 41 de la Loi permet à la personne qui a fait une demande de communication à qui l’on a opposé un refus et qui a porté plainte à cet égard devant le CIC, d’exercer un recours en révision de ce refus devant la Cour :

41. La personne qui s’est vu refuser communication totale ou partielle d’un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l’information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

Révision par la Cour fédérale

LES QUESTIONS EN LITIGE

[22] Il y a essentiellement trois questions à examiner dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

a) La présente demande est-elle dénuée d’objet, étant donné que la SRC avait répondu à toutes les demandes d’AAI au moment de l’audience?

b) Dans la négative, la Loi permet-elle que la fixation par le Commissaire à l’information d’un nouveau délai pour l’avis prévu aux articles 7 et 10 remédie à un refus présumé? Et la Cour a‑t‑elle compétence, en vertu de l’article 41 de la Loi, pour contrôler judiciairement une prorogation du délai de réponse à des demandes d’AAI que le CIC a approuvée dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Loi?

c) La conduite de l’une ou l’autre des parties dans le cadre de la présente instance justifie‑t‑elle l’adjudication de dépens avocat-client au motif qu’elle serait abusive, outrageante, vexatoire et répréhensible?

ANALYSE

a) La question du caractère théorique

[23] La défenderesse la SRC s’appuie dans une grande mesure sur l’ordonnance de la protonotaire Tabib pour affirmer que la présente instance est sans objet étant donné qu’elle a maintenant répondu à toutes les demandes d’AAI. Il apparaît en effet clairement à la lecture de cette ordonnance, en particulier du passage cité au paragraphe 13 des présents motifs, que l’évolution de la présente instance vers l’absence d’objet a joué un rôle primordial dans la décision d’en autoriser la poursuite. Non seulement la protonotaire mentionne la condition du [traduction] « caractère théorique » deux fois à la page 5 de son ordonnance, mais elle écrit aussi : [traduction] « Nous avons par conséquent affaire ici à une demande mouvante reconnue comme telle, mais mouvante seulement en ce que son objet est susceptible de diminuer. »

[24] Non seulement le demandeur a reconnu lui-même que sa demande de contrôle judiciaire devient sans objet à l’égard de chaque demande d’AAI qui reçoit une réponse, mais cette position semble concorder avec la jurisprudence relative à la question. Le juge Strayer, par exemple, écrivant au nom de la Cour dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commission d’examen des exportations de biens culturels), 2002 CAF 150, a conclu que la demande de contrôle judiciaire est sans objet dans le cas où les documents ont déjà été communiqués au moment de l’audience.

[25] L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), précité, ressemble aussi dans une certaine mesure à la présente espèce. Le ministre de la Défense nationale avait omis avec persistance d’informer le demandeur s’il lui communiquerait ou non le rapport demandé. Le demandeur avait porté plainte devant le Commissaire à l’information, qui avait ouvert une enquête, étant donné que le ministre dépassait l’un après l’autre les délais qu’il s’était fixés. Le Commissaire aurait pu ouvrir son enquête comme s’il y avait eu refus explicite de communication, mais il a plutôt opté pour une autre approche. Il espérait convaincre le ministre de donner volontairement l’avis que prévoient les articles 7 et 10 et a pour ainsi dire essayé de transformer ce qui était jusqu’alors un refus présumé en un refus explicite. En pratique, le Commissaire a scindé son enquête en deux, essayant d’abord d’obtenir une réponse du ministre, quelle qu’elle fût, de manière à pouvoir ensuite en évaluer le bien‑fondé.

[26] Pendant qu’il travaillait encore à la première partie de son enquête, le Commissaire a perdu patience et a sommé le ministre de donner son avis de refus dans les 15 jours, faute de quoi il porterait l’affaire devant la Cour fédérale. Il n’a à aucun moment été question d’examiner le bien‑fondé du refus : la recommandation du Commissaire portait sur la réponse à donner et aucunement sur la communication du document demandé. Après que le ministre eut répondu dans le délai que lui avait fixé le Commissaire en donnant communication partielle des documents demandés, le Commissaire a exercé un recours en révision devant la Cour fédérale en application de l’alinéa 42(1)a) de la Loi. Il sollicitait une ordonnance enjoignant au ministre non seulement d’aviser par écrit le demandeur de ce qu’il lui serait ou non donné communication de chacun des documents demandés, mais aussi de mettre à sa disposition chacun des documents dont il était réputé avoir refusé la communication, dans le cas où la Cour conclurait qu’il n’aurait pas établi le bien-fondé de son refus de communication de ces documents.

[27] La Cour d’appel fédérale a confirmé la conclusion du juge de première instance [[1996] A.C.F. no 1265 (1re inst.) (QL)] selon laquelle il était prématuré de statuer sur la seconde étape de l’enquête. La communication hors délai n’annulait pas nécessairement le droit de l’institution fédérale de se prévaloir des dérogations et exceptions que prévoit la Loi, tout comme il restait loisible au Commissaire d’examiner le bien‑fondé de l’application de ces dérogations et exceptions et de demander à l’institution fédérale de lui soumettre ses observations à ce sujet. La Cour a donc conclu qu’il n’était pas permis au Commissaire de faire comme s’il avait examiné au fond ce qui jusque-là restait un refus présumé, alors qu’il n’avait pas encore effectué cet examen.

[28] Dans la présente affaire, le Commissaire a opté pour une approche semblable. Il a décidé d’amener l’institution à prendre position à propos de chacune des demandes d’AAI pour que la personne qui a fait la demande de communication puisse ensuite examiner le bien-fondé de la réponse qu’il recevrait, quelle qu’elle fût, ainsi que les documents ou parties de documents dont il lui aurait été donné communication et les dispositions particulières de la Loi qu’on aurait invoquées, le cas échéant, pour justifier un refus. Il n’a jamais été question pour le Commissaire d’examiner le bien-fondé d’un refus explicite de communication en fonction d’une disposition déterminée de la Loi qu’on aurait invoquée pour le justifier. Les recommandations du Commissaire et les engagements de la SRC avaient pour but la fourniture d’une réponse complète à l’auteur de la demande de communication. Il était ensuite loisible à ce dernier de porter plainte quant au bien‑fondé des refus, le cas échéant. Le demandeur a reconnu tout cela devant la protonotaire.

[29] Les motifs de la juge Desjardins ne répondent pas très clairement à la question de savoir si la Cour fédérale a compétence pour accorder la réparation consistant à ordonner à l’institution fédérale de répondre à une demande d’AAI dans un délai déterminé, question que j’examinerai ci‑dessous de manière plus approfondie. Par contre, il ressort clairement de ses motifs que la première réparation sollicitée, soit obliger l’institution à donner l’avis prescrit, était devenue sans objet parce que celle‑ci s’était conformée aux instructions du Commissaire à la date de l’audience de première instance (voir le paragraphe 25 des motifs de la juge Desjardins).

[30] Pour tous ces motifs, j’estime que la présente demande est maintenant sans objet puisque le demandeur avait reçu communication de tous les documents demandés au moment de l’audience. Cela dit, je pense aussi que nous avons ici affaire à un cas où la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’examiner la demande au fond malgré son caractère théorique. Le demandeur met en litige des questions susceptibles d’intéresser d’autres plaideurs éventuels et qui n’ont jamais auparavant fait l’objet d’un examen judiciaire, soit celles de savoir si la fixation par le Commissaire à l’information d’un nouveau délai pour l’envoi de l’avis prévu aux articles 7 et 10 peut remédier à un refus présumé, et si la Cour a compétence pour contrôler judiciairement une prorogation du délai de réponse à des demandes d’AAI que le CIC a approuvée dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Loi.

b) La compétence de la Cour

[31] Il n’est pas contesté que la SRC était réputée avoir refusé la communication de tous les documents demandés par le demandeur, étant donné qu’elle n’avait pas répondu aux demandes d’AAI dans les 30 jours suivant leur réception et qu’elle ne s’était pas prévalue de la possibilité de proroger ce délai que lui offrait l’article 9 de la Loi. Le demandeur soutient que la SRC ne pouvait remédier à ces refus présumés en s’engageant, sept mois après les premières demandes de communication et sur l’ordre du CIC, à donner ses réponses au plus tard le 1er avril 2009.

[32] Il ne fait aucun doute que le droit d’accès à l’information comprend le droit de recevoir communication des documents demandés dans les délais voulus. L’examen du dispositif de la Loi montre que la législation canadienne sur l’accès à l’information prescrit explicitement aux institutions fédérales de répondre aux demandes d’AAI dans des délais déterminés. La Loi prévoit explicitement aussi un mécanisme à usage limité permettant à l’institution de demander plus de temps pour établir sa réponse, dans la mesure où elle en a besoin.

[33] Les dispositions régissant les réponses aux demandes d’AAI énoncent des prescriptions claires. L’institution fédérale dispose de délais nettement définis pour répondre aux demandes écrites de communication. Notamment, l’article 9 prévoit un mécanisme par lequel l’institution qui se voit incapable de répondre à des demandes de communication dans le délai prescrit de 30 jours peut proroger celui‑ci. Cet article n’est cependant applicable que dans des circonstances déterminées et seulement si l’institution avise valablement la personne qui a fait la demande dans les 30 jours suivant la réception de sa demande de communication.

[34] Le paragraphe 10(3) dispose que l’institution qui ne respecte pas les délais prescrits par la Loi est réputée avoir refusé la communication des documents demandés, de telle façon que cette institution, le plaignant et le CIC se trouvent ainsi placés dans la même position que s’il y avait eu refus explicite prévu à l’article 7 de la Loi. En incorporant ce paragraphe dans le régime de l’accès à l’information, le législateur a fait en sorte que les institutions fédérales ne puissent se dérober à leurs obligations de communication en différant leur réponse ou en ne répondant pas, et a établi un mécanisme permettant aux personnes ayant fait une demande de porter plainte et, au besoin, d’exercer un recours en révision devant la Cour.

[35] Une fois qu’elle est réputée avoir refusé la communication de documents, l’institution fédérale ne peut unilatéralement réparer ce refus présumé ni en supprimer les effets en s’accordant simplement une prorogation. Contrairement aux Règles des Cours fédérales [DORS/98-106, règle 1 (mod. par DORS/2004-283,
art. 2)], la Loi sur l’accès à l’information ne prévoit pas de mécanisme permettant la prorogation dans le cas où une institution omettrait de la demander dans le délai prescrit. Cela ne veut cependant pas dire qu’il ne peut être remédié au refus présumé. Il appartient au Commissaire à l’information, une fois qu’il a reçu une plainte de la personne à qui l’on a refusé communication de documents, de faire enquête sur la question et d’établir un rapport.

[36] Le paragraphe 37(1) confère au CIC le pouvoir d’adresser à l’institution qui fait l’objet d’une plainte les recommandations qu’il juge indiquées pour la régler. Ce pouvoir comprend le droit de fixer à l’institution le délai dans lequel elle devra répondre à la demande de documents et d’exiger d’elle qu’elle l’informe des mesures prises ou envisagées pour respecter ce délai. À cette étape, les prescriptions de l’article 9 de la Loi ne s’appliquent plus, contrairement aux prétentions du demandeur. C’est au Commissaire qu’il appartient dès lors d’évaluer les circonstances et de fixer une prorogation raisonnable pour la mise en œuvre de ses recommandations.

[37] Était‑il permis au demandeur d’exercer devant notre Cour, dans un délai de 45 jours suivant la lettre du Commissaire lui rendant compte des résultats de l’enquête sur ses plaintes, le recours en révision que prévoit l’article 41 de la Loi? Comme je le disais plus haut, le demandeur sollicitait deux réparations : premièrement, que la SRC lui communique les documents non encore fournis à la date de sa demande modifiée; deuxièmement, une déclaration portant que la SRC s’est conduite de manière abusive en omettant de répondre à ses demandes d’AAI conformément aux dispositions de la Loi.

[38] Comme on l’a également vu, la première réparation a été devancée par les événements. Au moment de l’audience, le demandeur avait reçu réponse à toutes ses demandes de communication. Malgré l’ambiguïté de sa demande de contrôle judiciaire, c’est clairement ce qu’il cherchait à obtenir; il a en effet bien précisé devant la protonotaire qu’il entendait par réponse soit la communication des documents demandés, soit un refus explicite (total ou partiel) de cette communication. Par conséquent, non seulement cette question est maintenant sans objet, mais la Cour n’a pas compétence pour instruire la présente demande puisque la SRC n’a pas refusé au demandeur ce qu’il voulait obtenir d’elle.

[39] J’irais même plus loin. Il me semble qu’il n’était pas permis au demandeur de présenter une demande devant la Cour pendant que la SRC respectait encore le délai fixé par le Commissaire. Ce dernier aurait pu décider d’ouvrir son enquête, à la suite de la plainte du demandeur, comme s’il y avait eu refus explicite. Cependant, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), précité, il a plutôt décidé de scinder son enquête et d’essayer d’obtenir une réponse de l’institution, remettant à une seconde étape l’examen du bien-fondé de la réponse, quelle qu’elle soit, qui serait donnée. Par conséquent, il n’était pas permis au demandeur d’exercer un recours devant la Cour avant le 1er avril 2009 puisqu’on ne pouvait dire avant cette date, qui marquait l’expiration du délai accordé par le Commissaire, que la SRC lui avait refusé communication des documents en cause.

[40] L’article 41 de la Loi dispose que la personne qui s’est vu refuser communication d’un document et qui a déposé une plainte à ce sujet devant le Commissaire peut exercer un recours en révision de ce refus devant la Cour. Il ressort clairement de l’ensemble de la Loi et du libellé de cet article que la Cour a compétence sur les cas où la communication partielle ou totale a été refusée. Cette interprétation est compatible avec l’article 37 de la Loi, qui est axé sur la teneur de la réponse donnée par l’institution fédérale et sa conformité avec la Loi.

[41] Évidemment, le Commissaire aurait pu ouvrir son enquête en faisant comme s’il y avait eu refus explicite, sans proroger le délai de réponse de la SRC. Dans cette hypothèse, le demandeur aurait pu exercer un recours en révision devant la Cour si la SRC ne s’était pas conformée aux conclusions et recommandations du Commissaire. Mais ce n’est pas la démarche qu’a choisie le Commissaire. En conséquence, il était prématuré de s’adresser à la Cour avant le 1er avril 2009. Autrement dit, je ne pense pas que la Cour soit compétente pour contrôler judiciairement une prorogation du délai de réponse à des demandes d’AAI que le CIC a approuvée dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Loi.

[42] Je n’ai pu trouver aucun précédent portant précisément sur cette question, mais il est arrivé à quelques reprises qu’un demandeur ait déposé une demande de contrôle judiciaire devant la Cour après qu’une institution fédérale eut laissé expirer sans réponse la prorogation qu’elle avait pourtant demandée. Dans la première décision, la Cour a conclu qu’elle avait compétence pour instruire une demande de contrôle judiciaire même si la réponse avait été donnée avant l’audience : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministère des Affaires extérieures), [1990] 3 C.F. 514 (1re inst.). Cette interprétation a cependant été rejetée dans deux décisions ultérieures, soit X c. Canada (Ministre de la Défense nationale) (1990), 41 F.T.R 16 (C.F. 1re inst.), et X c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [1991] 1 C.F. 670 (1re inst.). Dans cette dernière décision, le juge Strayer [à la page 680], souscrivant explicitement au point de vue adopté par le juge Dubé dans la décision précédente, a conclu que, « à moins que le refus de communication ne soit réel et continu et qu’il ne soit, par conséquent, possible de rendre une ordonnance de communication ou une ordonnance en ce sens, la Cour ne peut accorder de redressement ».

[43] Je me trouve donc ainsi conforté dans mon opinion que la Cour n’a pas compétence pour instruire la demande présentée par le demandeur. Même si la SRC se trouvait à l’origine en situation de refus présumé, le demandeur ne pouvait invoquer au moment de l’audience un refus de communication réel et continu. En outre, il semble en découler naturellement que le demandeur ne pouvait non plus invoquer un tel refus pendant la prorogation accordée à la SRC pour répondre à ses demandes d’AAI.

[44] J’estime également que la Cour n’a pas compétence pour rendre un jugement déclaratoire blâmant la conduite d’une institution fédérale. À ce propos, je reprends à mon compte les observations suivantes formulées par le juge Strayer à la page 678 de la décision X c. Canada (Ministre de la Défense), [1991] 1 C.F. 670 (1re inst.) :

En l’espèce, le requérant ne peut invoquer l’article 41, le seul article pertinent dans la présente situation et sur lequel il se fonde parce qu’il n’y a pas eu refus de communication : il y a eu prorogation du délai de communication, mais il a obtenu le dossier depuis longtemps et avant l’expiration du délai permis par la Loi. Dans les circonstances, il n’existe pas de recours en vertu des articles 49 et 50, les articles qui permettent à la Cour de rendre les ordonnances qu’elle estime indiquées, puisque ces recours ne peuvent s’exercer que lorsque la Cour conclut à un refus de communication d’un document. Je suis convaincu que lorsque ces articles permettent à la Cour de rendre « une autre ordonnance si elle l’estime indiqué », cette ordonnance doit porter directement sur la communication à donner, ou sur une mesure équivalente, lorsqu’il y a eu d’abord constatation du refus de communication. Ce refus est une condition préalable à une requête déposée en vertu de ces articles et c’est la seule situation à laquelle la Cour peut remédier lorsqu’elle conclut en faveur du requérant. La mention d’une « autre ordonnance » ne permet, à mon avis, à la Cour que de modifier la forme de redressement pour en arriver à la communication ou peut-être à prononcer que la communication aurait dû être faite lorsque le document n’existe plus.

[45] Il peut fort bien arriver qu’une institution fédérale prête le flanc à la critique pour sa conduite à l’égard d’une demande d’AAI déterminée ou par suite de défauts systémiques qui l’empêchent de se conformer à la Loi. Ces défauts et omissions ne doivent pas être pris à la légère, étant donné que la Loi est interprétée comme conférant aux Canadiens des droits quasi constitutionnels d’accès aux documents relevant des institutions fédérales, leur permettant ainsi de participer véritablement à la vie démocratique tout en faisant en sorte qu’élus et fonctionnaires restent responsables de leurs actes devant les citoyens. Mais le rôle de la Cour consiste seulement à intervenir dans les cas où est établi un refus de communication réel et continu. Il reste toujours possible de prendre des mesures politiques et administratives pour régler les questions de retard et sanctionner la conduite répréhensible des institutions.

c) Les dépens

[46] Le demandeur sollicite l’adjudication des dépens sur une base avocat-client au motif que la SRC [traduction] « a adopté une attitude défensive et d’affrontement » à chaque étape du processus et a soulevé des questions de compétence et d’irrégularités de procédure au lieu de fournir les réponses demandées. La SRC, bien sûr, conteste vigoureusement ces affirmations.

[47] L’adjudication des dépens entre parties est régie par la règle 400 [mod. par DORS/2002-417, art. 25(F)] des Règles des Cours fédérales, qui confère à la Cour un pouvoir discrétionnaire complet en cette matière. L’alinéa 400(6)c) porte que, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire général touchant les dépens, « la Cour peut [...] adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client ».

[48] Il est clair que les dépens avocat-client ne sont adjugés que dans des cas exceptionnels (Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances); Rice c. Nouveau-Brunswick, [2002] 1 R.C.S. 405, au paragraphe 86) :

La règle générale en la matière veut que des dépens entre avocat et client ne soient accordés qu’en de rares occasions, par exemple lorsqu’une partie a fait preuve d’une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante […] Des raisons d’intérêt public peuvent également fonder une telle ordonnance […]

[49] La jurisprudence définit comme suit la « conduite répréhensible, scandaleuse ou outragean-te » (Microsoft Corp. c. 9038-3746 Québec Inc., 2007 CF 659, au paragraphe 16) :

Constitue une conduite « répréhensible » celle qui mérite une réprimande, un blâme. Le mot « scandaleux » est dérivé de scandale, un terme pouvant désigner une personne, un objet, un événement ou une situation qui suscite la colère ou l’indignation publique. Le mot « outrageant » décrit notamment une conduite profondément choquante, inacceptable, immorale et injurieuse […]

[50] La jurisprudence porte que, dans l’adjudication des dépens, les tribunaux doivent prendre en considération la question de savoir si l’une des parties a causé à une autre des difficultés ou des dépenses considérables et inutiles dans la poursuite ou la contestation de l’action, ou l’a obligée à s’engager dans des formalités judiciaires inutiles : voir le paragraphe 24 de la décision Stamicarbon B.V. c. Urea Casale S.A., [2001] 1 C.F. 172 (1re inst.).

[51] À ce propos, il appert des affidavits et des transcriptions de contre-interrogatoires versés au dossier que c’est la conduite du demandeur qui a été loin d’être exemplaire. Premièrement, la protonotaire a vivement critiqué la manière dont le demandeur s’était comporté à l’égard des Règles de la Cour et elle a adjugé les dépens à la SRC malgré le fait qu’elle a rejeté la requête du défendeur en radiation de la demande du demandeur.

[52] Deuxièmement, M. Statham a continué à manifester son manque de respect des Règles en omettant de modifier correctement son affidavit et sa demande modifiée. En effet, il a notamment essayé d’ajouter à son exposé des faits et du droit une conclusion qui ne figurait pas dans sa demande modifiée, et il a omis de modifier son affidavit dans les règles en y laissant un paragraphe dénué de pertinence qui contient des allégations relatives à des demandes d’AAI non visées par la présente instance.

[53] Troisièmement, M. Statham a formulé un certain nombre d’allégations gratuites contre le CIC et, dans une moindre mesure, contre la SRC. En fait, c’est en partie afin de pouvoir réfuter certaines d’entre elles que le CIC a demandé et reçu l’autorisation d’intervenir dans la présente espèce. M. Statham a en fin de compte retiré ces allégations.

[54] Tout bien considéré, je ne suis toutefois pas disposé à conclure que les écarts de conduite de M. Statham dans la présente instance aient atteint la gravité nécessaire justifiant l’adjudication des dépens sur une base avocat-client. Il se peut qu’il se soit montré négligent dans l’application des Règles de la Cour et qu’il soit allé trop loin en prétendant que la SRC et le CIC s’étaient conduits de manière abusive et diamétralement opposée à leurs obligations respectives en vertu de la Loi, mais je ne pense pas qu’on puisse voir là une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante.

[55] Il n’en reste pas moins que ces facteurs me paraissent justifier l’adjudication des dépens selon la colonne V du tableau du tarif B. Je suis parvenu à cette conclusion après avoir pris en considération les divers facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles, plus particulièrement ceux de ses alinéas c), g), i) et k). Il est vrai que la présente espèce soulevait des questions complexes, mais elles auraient pu être délimitées plus étroitement si le demandeur avait suivi les Règles et s’était conformé à l’ordonnance de la protonotaire. Par suite de l’incertitude touchant la nature exacte de la réparation sollicitée par le demandeur, la présente instance a duré beaucoup plus de temps qu’elle n’aurait dû et s’est trouvée alourdie de nombreux actes de procédure et formalités inutiles. En fait, on comptait 143 inscriptions à l’index de la Cour au moment de l’audience. Eu égard à ces circonstances, la présente demande justifie la taxation des dépens au milieu de la fourchette prévue à la colonne V du tableau du tarif B.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée et que les dépens, à taxer au milieu de la fourchette prévue à la colonne V du tableau du tarif B, sont adjugés aux deux défendeurs.

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